Un âge irresponsable - Lavinia Greenlaw
Il y a des romans que vous regrettez de ne pouvoir entrer dedans, la faute au temps, au soleil, à la saison (aux enfants, dans la rue, qui jouent en s'époumonnant), aux vacances qui pointent etc. C'est un constat flippant et ahurissant : je n'ai pas su aimer ce livre et ça me mine ! Pourtant, Lavinia Greenlaw a le gabarit des auteurs anglophones qui me bottent, me séduisent et me font craquer. Et l'allusion en quatrième de couverture d'une forte influence par la vie et l'oeuvre de Virginia Woolf ne pouvait que me conquérir d'avance... Ah mais oui, le problème (encore un), c'est que j'apprécie plus volontiers les journaux de Virginia Woolf, et moyennement ses romans. D'ailleurs, ce n'est pas quelconque si Lavinia Greenlaw adresse un clin d'oeil à La chambre de Jacob, en choisissant de débuter son histoire par le même incipit : "Alors, bien sûr, il n'y avait plus qu'à partir."
Etait-ce prémonitoire ? J'avais pourtant toutes les clés en main, mais j'ai foncé. Têtue, obstinée, fonceuse et butée... je suis. L'histoire introduit Juliet Clough, issue d'une famille nombreuse et dont les membres ne se supportent pas. Entre eux les scènes de la vie ordinaire, les réunions de famille tournent souvent à l'aigre lors d'échanges verbaux tantôt cruels tantôt sarcastiques. Bref, Juliet prépare une thèse et travaille à mi-temps dans une galerie, laquelle est séparée par une cloison assez fine, à travers laquelle elle perçoit toutes les conversations du voisin. Ce type l'obsède et va très vite la fasciner. Il s'appelle Jacob, il est professeur et écrivain, accuse la quarantaine, il est marié mais en passe de se séparer. La relation n'est pas claire, Barbara est une femme de poids (et de poigne), limite déséquilibrée, et Jacob lui-même est une sorte d'anguille, insaisissable créature qui se glisse dans la vie des gens pour en sortir aussitôt. Très frustrant, donc. Qu'à cela ne tienne ! Juliet et Jacob couchent ensemble, ont une liaison d'attachement et de détachement. C'est très arrangeant, surtout pour nos deux protagonistes, mais déconcertant pour le spectateur (lecteur) extérieur !
Dans la vie de la famille Clough, un drame va survenir avec la mort du frère, Tobias, dans un accident (attentat à la bombe). Cet élément va rejaillir sur l'ensemble de la fratrie mais chacun poursuivra son bonhomme de chemin avec la même candeur et insouciance. Sauf pour Juliet, électron libre, qui va ressentir un malaise profond, être atteinte d'un mal qu'elle ne parvient pas à nommer et décider de partir en Amérique. Je ne peux pas en dire davantage, car j'ai abandonné ma lecture !!! C'est ma très grande faute, j'avoue. J'étais totalement déconcentrée.
Car il y a un potentiel énorme dans ce livre, bourré de charme, de fraîcheur et d'exubérance. Les gestes et les mots des protagonistes sont empreints de cette douce extravagance. Ils ont tous bien du charme. Ils déroutent, captivent, attisent la curiosité. C'est insolite et tendre, comique et dérisoire. Cela ressemble un peu à un incroyable fourre-tout, du genre comédie britannique déjantée, avec la panoplie des personnages loufoques, complètement barrés, qui luttent avec leurs vies. Qu'on s'y trompe pas : ce roman est pointu, guidé de l'oeil avisé et de la plume acérée de Lavinia Greenlaw, révélateurs d'une extrême sensibilité.
Editions Joelle Losfeld, avril 2008 - 305 pages - 21,50€
traduit de l'anglais par Florence Lévy-Paolini.