Une journée exceptionnelle, de Kaira Rouda
Paul et Mia Strom partent en weekend dans leur maison secondaire en bordure de lac. Les enfants sont confiés aux bons soins d'une babysitter. Le couple peut prendre la route en toute quiétude. Pour Paul, la journée s'annonce exceptionnelle.
Mais voilà... Une tension perceptible flotte dans l'habitacle. La sensation diffuse d'un malaise. D'une contrariété. Et ce bruit sourd est en train de gronder, enfler... prêt à exploser.
Toutefois, Paul est confiant. Il trace son chemin, les mains sur le volant, les yeux fixés sur le bitume, et ressasse les années heureuses de leur mariage - son coup de foudre pour la jolie Mia - et leur amour face aux obstacles. Paul est un homme sûr de lui, de son charme, de son pouvoir. Il a gravi les échelons dans son agence de publicité. Il a fondé une famille exemplaire. Il aime séduire et courtiser pour se rassurer.
Oui, vraiment, Paul Strom est un homme comblé.
Et pourtant, en jetant des regards en coin, il ne peut ignorer la position crispée de son épouse, ses allusions piquantes, ses questions insistantes. Aussitôt le doute s'installe. Mia est différente. Ses pensées vagabondent et semblent l'éloigner de lui.
L'époux cherche alors une explication. Il fouille dans sa mémoire, cherche des indices et pioche au hasard. Ce détail l'agace, car il se vante d'avoir tout sous contrôle et ce grain de sable peut entacher son weekend parfait. Impossible. Paul juge cela intolérable.
Il est vrai que Mia n'est pas en grande forme, ces derniers temps. Elle a perdu beaucoup de poids et les médecins ne trouvent aucune explication à ses symptômes. Paul a saisi l'occasion - sa femme a besoin de repos. Il balaie ainsi d'un geste de la main l'idée qu'elle reprenne le travail. La place d'une épouse est à la maison, auprès des enfants. Point.
Ceci plus cela font que le portrait de Paul Strom ne laisse aucune hésitation sur sa véritable personnalité - c'est un pervers narcissique, au comportement infect, qui fait valoir sa supériorité de mâle et qui tire plaisir à écraser les autres. Ouch.
Toute la complexité du roman est finalement d'avoir su marcher sur cette corde raide. On passe une bonne dizaine d'heures à écouter ses palabres, la mâchoire raide, les nerfs en pelote. On se glisse dans la tête de ce type odieux et on mesure l'ampleur de son raisonnement. L'effet est glaçant... par contre, quelle prouesse ! L'auteur a réussi un suspense psychologique de haute volée avec une histoire, certes, un peu trop lisse et banale mais au sein de laquelle le profil du psychopathe s'épanouit tranquillement, à la barbe du lecteur honteux de sa fascination.
J'ai bien aimé le tour de passe-passe. J'ai surtout été étonnamment surprise par l'interprétation de François Montagut qui a su me faire rire à plusieurs reprises (je l'ai pourtant souvent épinglé pour ses mimiques insupportables à caricaturer les voix féminines) ! Là, j'ai été scotchée.
Un bon roman où priment l'action lente et la manipulation mentale à dézinguer famille, mariage etc. Épouvantable ! ☺
©2018 Leduc.s Traduit par Amélie de Maupeou (éditions Charleston, 384 pages)
(P)2018 Audible Studios. Texte lu par François Montagut (durée : 11h env.)