Les Amours d'un fantôme en temps de guerre, de Nicolas de Crécy
Un jeune fantôme nous raconte son enfance, après la disparition brutale de ses parents, partis en vacances en Écosse, lui dit-on. Son éducation est confiée à la jeune Lilli, à peine plus âgée que lui, qui vit dans une ferme où son rôle consiste à hanter les habitants sans susciter de gros frissons non plus.
La vie est alors douce et légère. Notre ami s'attache rapidement au chien de la maisonnée, Boulette, une boule de poils espiègle et adorable. Et tombe amoureux de Lilli, même si celle-ci se moque un peu quand il lui ouvre son cœur. Certes, nos deux compères s'ennuient mais ne réalisent pas encore qu'ils vivent ensemble leurs derniers instants de tranquillité.
Car la guerre gronde : des Fantômes Acides sèment la terreur. Ce sont des spectres malfaisants, idéologues et criminels. Notre jeune candide va alors découvrir trop tôt, trop vite des vérités pas jolies et qui vont le faire basculer dans une réalité sans concession : combats acharnés, résistance, espionnage, trahison, vengeance... La lutte est longue, la vigilance toujours en éveil.
Cette lecture offre ainsi une parabole intéressante sur le devoir de mémoire à travers son histoire de fantômes. Oui, des fantômes... qui ne sont pas de simples spectres errant sur une lande déserte, mais bel et bien des personnages intuitifs mis en scène pour évoquer la condition humaine avec une certaine distance.
Un parti pris peu anodin pour l'auteur qui souhaitait un roman lisible par tous (adultes et adolescents). Et c'est vrai que c'est assez tentant et curieux de découvrir les pensées d'un jeune fantôme, de pénétrer dans son monde à la fois lyrique et inquiétant. On plonge ensuite dans une histoire sombre et poignante, au cœur de splendides illustrations, mais dans une ambiance particulièrement mélancolique.
Cela fait froid dans le dos. C'est sépulcral et cryptique, ça reste néanmoins un texte intelligent et nécessaire dans notre monde actuel (où les délires dictatoriaux fleurissent à outrance en séduisant dangereusement les foules). En vrai, la lecture est remarquable, même si elle demande du temps, de la patience, de la sagesse... mais c'est à lire, absolument.
Pour les jeunes lecteurs comme pour les adultes (à partir de 13 ans)
Albin Michel (2018) - lauréat de la seconde édition du Prix Vendredi
Deux mentions spéciales ont été attribuées à Nastasia Rugani pour Milly Vodović (Editions MeMo), et Vincent Mondiot pour Nightwork (Editions Actes Sud Junior).
ACTUELLEMENT : Exposition à la Galerie Barbier Mathon du 8 novembre au 5 janvier
Pour l'occasion, la galerie édite le tirage limité du roman écrit et illustré par Nicolas de Crécy : Les amours d’un fantôme en temps de guerre (Albin Michel, 2018) en grand format avec couverture originale, pages de croquis et un ex-libris inédit en digigraphie numéroté et signé.