Fils de tonnelier, Luern sait que son destin n'est pas de combattre auprès des guerriers celtes du village, mais de suivre la voie de son père. Pourtant, le garçon se sent différent, concerné par la tache violette qu'il porte dans le cou. D'une enfance heureuse et insouciante, Luern va brutalement connaître l'exil et les dangers d'une traque par suite d'un acte qu'il croyait anodin. Un jour, il croise le fils du chef qui manque se noyer avec sa monture dans un lac gelé. Luern le sauve, mais, blessé dans son orgueil, Cintos va chercher à se venger en tendant un piège au garçon.
Prétextant le remercier, il lui fait cadeau d'un bracelet en bronze. Dans le même temps, la troupe des guerriers s'échauffe pour la nouvelle bataille qui s'annonce. Une cérémonie rituelle est organisée, durant laquelle la devineresse Brenna (qui est aussi la soeur de Luern) doit bénir la victoire de Cintos et ses compagnons. Or, cette dernière réclame un sacrifice humain... en la personne du garçon au bracelet en bronze (sait-elle qu'elle vient de condamner son frère?). Obligé de fuir, Luern va chercher à retrouver son autre soeur, Eponina, qui est devenue prophétesse et vit en réclusion dans la forêt.
Jolie épopée se déroulant lors de l'époque de la Gaule et des Celtes, ce roman de Jean-Côme Noguès est bien renseigné, écrit avec style et fort riche dans son intrigue. Cette lecture s'appuie beaucoup sur les légendes et mythes celtes (les druides, les prophètes, les devins, etc.), les scènes de guerre ne manquent pas de verve non plus, et ajoutez à cela les descriptions pleines de poésie sur la forêt, les rites sacrés et la finesse des personnages. Luern est un garçon attachant, assez droit dans ses souliers, qui connaîtra la cruelle loi des trahisons et des secrets de famille. Bien mené jusqu'au dernier chapitre, ce roman gagne à être lu... et conseillé aux jeunes lecteurs dès 13 ans.
Par une nuit de pleine lune, une silhouette se faufile de sous une plaque d'égout et s'envole aussitôt vers les toits des maisons. Avec son bonnet-casque et ses ailes mécaniques, jamais on ne soupçonnerait qu'il s'agit d'un petit garçon. On le connaît sous le prénom d'Arthur, il vit seul avec son Bon-Papa dans le monde de l'En-dessous. Il profite souvent du soir tombant pour aller à la cueillette, autrement dit chercher quelques victuailles dans les jardins du Dessus.
Mais cette mission va prendre un tour particulier, Arthur sera témoin d'une chasse aux Fromages sauvages, qui est pourtant devenue une activité prohibée. Poussé par sa curiosité et guidé par la prudence, le garçon suit de loin ce remue-ménage mais est surpris par Grapnard et sa clique. La bande lui confisque ses ailes et fonce sur lui pour le mettre sous les verroux, mais l'enfant parvient à s'échapper et trouve refuge chez Willbury Chipott, avocat de la couronne, en retraite. Ce dernier vit entouré de bricoliaux, de choutrognes et autres fifrelins.
Peut-être faut-il ouvrir une parenthèse pour présenter cette étrange cité qu'est Pont-aux-Rats... Un monde imaginaire, peuplé de créatures aussi loufoques que des vaches aquatiques, des blaireaux courvites, des lapinelles et des rats qui oeuvrent à bord de la Laverie Automatique Ratipontaine. Il existe aussi un monde souterrain où se cachent Arthur et Bon-Papa, mais où s'organisent des travaux d'entretien sur les canalisations et autres tâches maraîchères...
Depuis le Grand Krach Fromager, la chasse aux fromages sauvages est donc formellement proscrite, entraînant la dissolution de la Guilde Fromagère Ratipontaine. Tout cela est bien obscur et il semblerait que Grapnard combine quelques vilains tours pour contourner les règles établies. Arthur et son nouvel ami Mr Chipott découvrent avec horreur que toutes les plaques d'égout ont été condamnées avec de la forte glu. Il se passe vraiment de drôles de choses à Pont-aux-Rats, avec notamment des disparitions, des enlèvements et des mascarades à la barbe du peuple nigaud (Madame Froufrou et sa mode de Parii). Cela devient plus qu'inquiétant quand Mr Chipott constate avec tristesse que ses fidèles compagnons sont tous portés disparus, avec une maison mise à sac.
Ce sont 540 pages du même registre que nous offre Alan Snow, auteur totalement déjanté - si l'on se base sur le contenu de cette brique jaune ! Auteur, mais illustrateur de renom, car Alan Snow fournit son texte d'une centaine d'illustrations qui allège l'impression de lecture. Le jeune lecteur sera happé par l'ambiance et aura maille à quitter cet univers farfelu. La folle du logis a sorti ses plus belles parures pour s'étaler de long en large et en travers dans ce premier tome. On ne se lasse pas de tourner les pages, impatient de découvrir ce que nous réserve le chapitre suivant. Et c'est hallucinant la somme d'imagination que nous sert l'auteur, ce n'est jamais redondant ou gavant, il n'y a pas de surenchère non plus, et c'est encore moins débile. C'est un joyeux fourre-tout, avec un côté rétro qui pourrait laisser penser que l'histoire se passe au 19ème siècle... mais un autre détail nous rattrape et nous fait revoir nos calculs élémentaires.
Finalement, il faut se laisser porter par ce livre, aussi beau et chouette à l'intérieur qu'à l'extérieur, original par son contenu (et pas seulement), bien écrit et traduit, étourdissant par sa fantaisie et son lot d'aventures. On ne s'ennuie pas, on rigole beaucoup et on devient forcément curieux de ce que l'auteur peut nous réserver à l'avenir !
Les Chroniques de Pont-aux-Rats, tome 1 : Au Bonheur des Monstres - Alan Snow
Editions Nathan, (mars) 2008 pour la traduction - 540 pages. 19,50€
Une famille de sept garçons, forcément, c'est pas triste. Mais quand on est le benjamin, c'est pas toujours drôle. Bien sûr, on peut se glisser plus facilement dans les cachettes, on a le droit d'aller dans les cabines des filles à la plage, on est toujours le plus mignon et le plus dorloté des enfants. Mais on est aussi celui qui se fait mener en bateau, celui qu'on envoie en éclaireur pour les bêtises et qu'on laisse de côté pour les aventures. On est trop petit pour ceci, pas assez grand pour cela, on ne court jamais assez vite et on ne connaît pas encore assez de choses. Mais on fait partie d'une bande de frères, et ça, c'est pas rien, surtout si on veut être à la hauteur.
Lorsqu'on est soi-même issue d'une famille de sept enfants, on s'attache inexplicablement aux livres qui parle des fratries, j'ai en tête les livres de Jean-Philippe Arrou-Vignod (L'omelette au sucre, Le camembert volant & La soupe aux poissons rouges) et celui de Dominique-Louise Pélegrin (Le crocodile rouillé).
Frères ne fait pas exception à la règle, on trouve ici 42 courtes nouvelles (ou chapitres) d'inspiration autobiographique (l'auteur ne s'en cache pas, il est le dernier-né d'une famille de sept garçons). Il s'est souvenu de son enfance pour écrire ce roman plein d'humour, fait de tendresse et d'affection. C'est un clin d'oeil aux bons moments vécus au sein d'une couvée, sous le regard bienveillant de papa-à-nous et de maman-à-nous (cette dernière est une coquine, toujours prête à prendre au piège ses bambins qui dévorent à table et ne se rappellent plus du tout ce qu'ils ont ingurgité !).
Il n'y a pas d'intrigue, concrètement. Mais je pense qu'en ouvrant ce livre, ce n'est pas ce qu'on recherche, tant la lecture est reposante et renvoie une image sympathique et qui donne le sourire. De plus, la plume élégante de Bart Moeyaert a été pour moi une belle découverte.
Editions du Rouergue, mars 2008 pour la traduction française - Coll. doAdo - 223 pages, 10€
Jehan a rencontré son destin dans le métro, du moins c'est ce qu'il s'imagine. Il faut dire aussi que la suite des événements peut prêter à confusion et laisser croire qu'il a bel et bien raison !.. Un jour, donc, il croise le regard d'un type, très grand, habillé en noir, qui le fixe en retour. Un drôle de picotement gagne le garçon qui ne lâche pas des yeux cet individu, c'est comme si un fil invisible les reliait, pense-t-il. Suite à cela, Jehan est convaincu de détenir un étrange pouvoir : celui de convaincre les autres, de prendre le contrôle de leur subconscient et de les faire agir suivant ses désirs. Il décide de faire un essai sur cet homme un peu louche en lui ordonnant, mentalement, d'ouvrir la bouche.
Et alors, l'autre lui obéit ! Paniqué, Jehan se sauve du métro. Il n'a pas réussi à annuler son ordre et regarde avec effroi le pauvre malheureux avec la gueule cassée. Peu de temps après, le cauchemar le rattrape dans une chambre d'hôpital. A la suite d'un malaise à l'école, Jehan est envoyé pour des examens de routine au centre hospitalier. Groggy, il pique un petit somme et, à l'heure de son réveil, il croise son voisin de chambre qui n'est autre que... Bouche Ouverte ! Cri d'horreur, panique, tentative de s'échapper, bref notre adolescent vire de toutes les couleurs.
Mais qui est cet inconnu ? Il se présente comme étant le grand Parrain des Magiciens et vient annoncer une bonne nouvelle à Jehan. Un peu sonné, celui-ci l'écoute vaguement mais se force à adhérer à sa démonstration lorsque tous deux s'adonnent à un travail pratique en direct. Ainsi, Jean a des pouvoirs exceptionnels, il peut hypnotiser son entourage ! Il en profite sans vergogne et ses premières victimes sont ses professeurs, ses camarades de lycée et même une jolie demoiselle qu'il aimerait beaucoup embrasser. Soit, parfois ce don n'a pas l'air au point et provoque des catastrophes en série. Est-ce une raison suffisante pour s'en priver ? Non. Mais jusqu'où notre Powerboy va exercer son ascendant ? Et possède-t-il vraiment des pouvoirs particuliers ?
Avec humour Jean Cavé démontre qu'au moment de l'adolescence, quand on doute un peu de soi, on devient la proie de ses propres superstitions. Plonge-t-on franchement dans le paranormal ? Ce roman paraît en détenir les ingrédients mais la recette n'est pas miraculeuse et l'explication à la fin pourra grandement décevoir les allumés du pouvoirs de l'Impérium (Harry Potter, à jamais dans nos coeurs !!!). En somme cette lecture sympathique délivre davantage un message de confiance en soi, sous couvert d'effets extraordinaires et de coincidences étranges. Cela se lit, mais le lecteur est en droit d'en réclamer plus ! Je ne suis pas convaincue, mais simplement parce que je ne corresponds pas à la cible visée. Par contre, dès 11-12 ans c'est sans souci !
Zacharie reçoit par erreur un colis dont le nom du destinataire a disparu. Il l'ouvre et découvre à l’intérieur de ce paquet un objet mystérieux en forme d’œuf sur lequel est inscrit une courte phrase en langue arabe. Il fait appel à son meilleur ami Farouk qui le conduit chez sa grand-mère, Latifa. Cette dernière a une attitude de stupeur et prétend ne pouvoir les aider. Qu'à cela ne tienne ! A force de roueries, Zacharie va réussir à déchiffrer les incriptions gravées sur l'oeuf. Il s'agit d'un avertissement. Mais nos deux compères font la sourde oreille et bravent l'interdiction : alors, leur apparaît un certain M. Jean, un maridin à l'aspect inoffensif et très sympathique, qui leur promet, tel le génie de la lampe d'Aladdin, monts et merveilles.
Dans le dos de son meilleur ami, Farouk va être bercé (et céder) aux chants des sirènes de la tentation. Or, l'esprit du l'oeuf va le prendre au piège. Pour s'échapper de cette emprise, Farouk se plonge dans les rites magiques berbères et doit confesser sa terrible erreur à sa grand-mère et Zacharie.
Au début, celui-ci est choqué d'avoir été trahi par son pote et puis l'enchaînement des événements, plus la pression du maridin, forcent les uns et les autres à trouver une solution au plus vite ! (Le final est d'ailleurs inattendu !)
Première impression d'entrée de jeu, c'est une lecture simple et entraînante, qui s'adresse aux plus jeunes (dès dix ans). Il y a beaucoup d'humour, des répliques qui feront mouche et le lecteur pourra facilement se retrouver dans les personnages (Zacharie et Farouk). Cette histoire rappelle inévitablement la lampe magique d'Aladdin, sauf que le génie ici est plus tordu et machiavélique. On s'éloigne également des clichés : pas d'apparition dans un nuage de fumée, aucun dandysme. Notre Démon porte bien son nom ! Il salue son arrivée dans un fracas de table et de chaise renversées, il est le champion des fourberies, fait tourner en bourrique ses victimes (Farouk est affublé d'une tenue sortie des Mille et Une Nuits en pleine école !). C'est un esprit redoutable.
Par ailleurs, on découvre le don du sacrifice, le sens de la loyauté et le prix d'une amitié forte grâce à Zacharie, Farouk et la grand-mère Latifa. Ce sont trois personnages ordinaires, qui ont des qualités et des défauts. On ne nous vend pas un énième ouvrage fantastique, avec des héros aux supers pouvoirs. Eric Boisset concocte une vraie intrigue réussie, pleine d'imagination et très drôle. Je suis tout à fait persuadée que ce livre saura séduire les jeunes lecteurs, dès 10 ans.
Méthilde a quatorze ans. C'est une adolescente qui se sait belle, intouchable et redoutable aux yeux de ses camarades d'école. Elle a une logique implacable, surtout en mathématiques. Elle écrit des tonnes de fiches, surtout pour ses cours et pour mieux gérer les nouvelles choses qu'elle rencontre (comment embrasser la première fois, par exemple). Car en fait, sa vie n'est pas toute jolie ni toute rose. Le problème concerne sa maman, étrangement absente, et cela pèse sur sa conscience et ses humeurs. Méthilde a donc choisi d'affûter ses paroles - assassines - pour être crainte des autres. Sa façon à elle de se protéger est de paraître toujours forte et inébranlable.
Ce matin-là, Méthilde choisit de mettre un joli pull rouge qui lui va comme un gant. Et ce vêtement a sur elle un effet électrique : elle a envie d'être gentille et serviable. Pour la première fois, elle va se rendre chez Sarah pour l'aider à réviser les maths. Elle se rappelle avoir été odieuse avec cette fille, cinq ans plus tôt, en la traitant de pouilleuse. Aujourd'hui, Méthilde a toujours la réplique sèche et méchante au bord des lèvres mais une voix intérieure la force à se retenir. Bizarrement, elle se montre compréhensive et douce avec Léopoldine, son ennemie jurée, qui est également la meilleure amie de Sarah. Toutes les trois se font des confidences, quand soudain une tempête est annoncée et Méthilde doit rentrer chez elle. Avant de partir, la mère de Sarah lui confie un panier de victuailles à remettre à une amie de la famille, qui habite sur le chemin qui passe par la forêt.
Notre petit chaperon rouge, très contemporain, va braver le vent, la pluie et l'obscurité naissante. Méthilde a peur, elle se sent seule et perdue. En route, elle croise son Sauveur mais ce dernier a la dente dure contre la jeune fille, car il ne lui a jamais pardonné d'avoir insulté sa famille. La nuit promet d'être longue, pénible pour Méthilde. Pour la première fois, elle fait face à ses erreurs, doit expliquer pourquoi elle a ce comportement et ce qui la pousse à ne pas se faire aimer des autres.
Un très, très joli roman sur l'amitié et l'amour naissant ! La petite capuche rouge est un conte revisité, écrit avec une fraîcheur et une pertinence qui font plaisir à découvrir (Orianne Charpentier a déjà signé un premier roman, Madame Gargouille). L'héroïne peut paraître antipathique au début, et pourtant on l'apprécie énormément. Son esprit mordant est une qualité, à mes yeux, car on devine que sa méchanceté est une carapace. Le fait qu'elle change et comprenne ce qui cloche chez elle ajoute aussi à la rendre plus attachante. A conseiller, à partir de 11 ans.
Au coeur d'une forêt noire, dans une propriété envahie d'herbes mortes, se dressait un manoir georgien à cinq étages. Imposant et inoccupé, la plupart de ses vitres brisées, il semblait s'accrocher aux nuages lourds qui tourbillonnaient dans le ciel de plus en plus sombre. En équilibre sur les colonnes, une corniche triangulaire portait à sa base des lettres à demi effacées : Orphelinat Lockwood, un nom tombé dans l'oubli, inutile, puisque le bâtiment, à l'image de ses anciens pensionnaires, paraissait désormais abandonné.
Quand la nuit et la pluie tombaient de concert, quand le vent et le tonnerre faisaient trembler les murs, les ténèbres qui régnaient dans les chambres éventrées prenaient une dimension merveilleuse, grandiose. Plus profondes que l'orage, plus profondes que la nuit qui s'avançait, elles enveloppaient absolument tout : les meubles couverts de moisissures, les jouets pourris et les livres d'école, le passé, la déchéance, et jusqu'aux rares plantes qui, au fil des ans, s'étaient infiltrées en ces lieux.
Mais les ténèbres ne sont jamais parfaites. Un petit cercle de lumière jaune se découpait dans l'énorme escalier du hall principal, telle une tache d'encre sur une feuille blanche. Le cercle lumineux descendait les marches une par une, d'abord lentement, puis de plus en plus vite, comme si, une fois sûr d'être seul, il sentait le besoin d'accélérer...
Quatre silhouettes se retrouvent la nuit pour échanger des histoires, après le lancement de précieux osselets. Ce soir, c'est le tour d'Anne. De sa bouche, va sortir le conte terrifiant de l'âme perdue de Mandy.
Lycéenne sans histoire, Mandy a tout ce dont une adolescente de dix-sept ans peut rêver : l'amitié, l'amour, l'ambition, le monde à ses pieds... Toutefois, le meurtre sauvage d'une camarade de son école, Nicolette Bennington, vient semer la panique dans la petite ville d'Elmwood. Mandy et ses amies sont terrorisées. La police n'a aucune piste, tente de mener son enquête efficacement, tandis que l'hystérie collective enfle.
Mandy cherche à revoir son mode de vie en réfléchissant au sort de cette pauvre Nicki, dont le corps a été atrocement mutilé par ce type qu'on surnomme très vite le Sorcier. Dans le même temps, elle commence à recevoir des SMS anonymes, des emails menaçants, puis elle rencontre un jeune lycéen, Kyle, sur internet et correspond avec lui sur de nombreux tchats. Le climat de suspicion à Elmwood entraîne deux phénomènes : une méfiance excessive et/ou un besoin de décompresser en se lançant vers l'inconnu. Mandy opte pour un mélange des deux. La photo reçue sur le champ, à sa demande, rassure la lycéenne : Kevin a l'air tout à fait normal.
Quelle atmosphère ! Le prologue, déjà bien mystérieux, fait doucement pénétrer le lecteur dans un univers hors du temps avec ces quatre petites filles, Anne, Mary, Daphné et Shirley, qui errent dans un orphelinat désaffecté. Ambiance très 19ème siècle, un peu gothique, avec esprit fantôme et soirée au coin du feu à se raconter des histoires qui font peur. Et effectivement, ce premier conte des âmes perdues est absolument flippant.
Du moins, il ne nous surprend pas non plus car on devine très vite une part de l'intrigue. C'est simplement dans l'orchestration et la mise en scène de cette histoire qu'on retient notre souffle. On suit une lycéenne ordinaire, scotchée à ses machines modernes (ordinateur, portable, internet) qui la relient au monde extérieur (tchater avec ses amis), et c'est par le recours de ce portail ouvert sur le monde, à travers ces outils de conversation et ces sources d'amusement que le mal va s'immiscer.
Cette utilisation du banal pour distiller le doute puis l'horreur est une idée peu révolutionnaire mais efficace pour installer un climat inconfortable, nimbé de malaise et d'angoisse. Les dernières pages, par exemple, sont saisissantes. Avec une économie du détail, les auteurs ont su toucher en plein coeur de la cible. Et ce qui nous attend dépasse de très loin nos plus folles imaginations !
Editions du Masque, 2008. Coll. Msk, destinée aux 12 ans et plus. 210 pages. 10€
Traduit de l'anglais (américain) par Alexandre Boldrini. Titre vo : Lurker.
Bande-annonce trouvée sur le site officiel : http//wickeddead.com
Alex, un adolescent de dix-sept ans, a tenté de mettre fin à ses jours. En 19 chapitres, assez courts, le roman va nous expliquer pourquoi. Quel est le secret d'Alex ? Elles sont nombreuses, les filles, à l'avoir connu, croisé, embrassé. Mais aucune n'a su percer la couche et deviner le drame qui se jouait chez lui. Alex, ce garçon qu'on trouve trop grand, trop maigre, trop blond, trop pâle, trop mal fringué, trop largué, trop mignon quand même. « Alex, c'est le type même du gars qu'on ne voit pas. Il ne s'imprime pas sur la rétine. C'est qu'il est trop transparent, trop invisible, trop minuscule même s'il est trop grand. » Ses copines de lycée, sa jeune voisine de palier amoureuse de lui, une enseignante, un médecin, sa mère dépressive ou sa grand-mère qui dévoile le secret familial vont toutes intervenir à travers des témoignages sans fard. Le roman n'est pas tendre, pas très gai non plus, parfois assez cru, surtout quand les jeunes filles évoquent le sexe et un peu l'amour. Car, au bout du compte, on en revient toujours là : au goût des baisers, au besoin d'aimer et d'être aimé(e) ; en somme ce livre sonne comme un appel (de détresse?) d'un ado en manque de tendresse. Un gros besoin d'amour filtre derrière ce désespoir et sauve toute morosité ambiante.
Ce sont les vacances d'hiver et le départ pour une semaine de ski au Val d'Isère. Patrice et son père s'impatientent tandis que Julie, l'adolescente de 16 ans, traîne les pieds devant le lycée, où elle adresse ses adieux à sa bande d'amis. Au moment de les rejoindre, c'est le drame : Julie est renversée par un bus. La foudre s'abat sur la tête de Patrice, sa soeur est plongée dans un profond coma, ses jours sont en danger. Toutefois, le garçon est supposé "deviner", car il est tenu à l'écart par ses parents, dévastés par le chagrin. L'annonce du décès vient secouer la famille déjà désunie et Patrice se sent de plus en plus incompris et négligé. Seul, il ne sait pas à qui expliquer le poids de sa culpabilité, expliquer pourquoi il n'arrive plus à retenir la nourriture dans son corps, par exemple. Ses parents semblent totalement indifférents à son sort. Patrice ne s'entendait pas beaucoup avec Julie, du moins il pensait ne pas l'aimer mais son absence lui prouve le contraire. Il s'en veut désormais de n'avoir jamais pris le temps de lui dire combien il l'aimait, à sa manière.
Un texte délicat et sensible, sur le sujet de la mort et du deuil. Un travail simple et concis pour mieux aider à passer le cap, à continuer de vivre après la perte d'une personne qu'on aime. A conseiller aux plus jeunes, dès 10 ans.
Un matin, Granny ne s'est pas réveillée. Et puis voilà. La maison de Nina s'est mise alors à flotter sur une mer agitée et remplie de larmes. Le temps passe et la maman de Nina continue de pleurer. Sa meilleure amie Jojo est venue à la rescousse, s'installe auprès d'elles et prend les rênes du foyer. Nina est remplie d'espoir, car Jojo, avec son accordéon, son chat Foufou et son fiancé Paolo, apporte un semblant de gaité et de bonne humeur. Toutefois, la maman de Nina ne va pas mieux, il a fallu vider l'appartement de Granny et la douleur est toujours aussi vive. Jojo s'inquiète et choisit d'emmener son amie en vacances... sans Nina. La fillette part rejoindre son père à la campagne, où il vit avec sa nouvelle femme et leur enfant de deux ans, Lola. Au début, Nina n'est pas à l'aise, puis elle s'attache à sa petite soeur et apprécie les efforts de son père. Bientôt elle retrouve sa maman, qui n'a plus les joues creuses, plus le nez dans les mouchoirs, n'est plus en boule sous la couette. Au contraire : avec Jojo, elle s'active pour la préparation du mariage de celle-ci.
Désolée de n'être pas très *gaie* dans mes choix de lecture, mais ce petit livre pourra vous étonner car il est plus souriant et plus guilleret qu'on ne pouvait le supposer. Le chagrin d'une maman est décrit à travers les yeux d'une petite fille de 8 ans et c'est plein d'amour, plein d'espoir. Peut-être la recette idéale n'existe pas, mais on tire de ce livre la leçon suivante : la préciosité de l'amitié, le goût des crêpes et de la pizza, l'amour des siens, surtout ceux qu'on pensait vivre en "pays étranger" (or, rien ne change l'amour d'un papa, même s'il a refait sa vie !). Il y a un peu de passages très sensibles, mais ce n'est pas qui ce frappe ni ce qui ressort : non, c'est essentiellement la vitalité ! Les illustrations reflètent également cette tonicité mêlée de sensibilité. Un joli texte à la portée des plus jeunes.
Mes yeux menthe à l'eau, Agnès de Lestrade - illustrations de Violaine Leroy
Editions du Rouergue, 2008. Coll. ZigZag, 107 pages. 6,50 €
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Et si on imaginait ce qu'il se passe après ? si on supposait qu'il existait un entre-deux vers l'au-delà ? ... Cela donnerait une histoire de fantôme, comme dans ce roman de Marie-Hélène Delval. Anaïs est amoureuse d'Adrien. Elle l'appelle de tous ses vœux, lui crie son amour, mais il ne peut entendre sa voix, car elle et lui ne font plus partie du même monde... De là où elle est, elle suit, impuissante, la nouvelle idylle de son amoureux. Adrien l'a-t-il déjà oubliée, remplacée ?
Je me demandais si j'allais revivre le même déluge qu'avait inspiré la lecture du livre de Lisa Schroeder, car le sujet est très proche. Finalement, non. Ce court roman est accessible pour les plus jeunes (dès 10-11 ans) et aborde l'amour et la mort. C'est très émouvant mais juste un tantinet trop propre et retenu pour moi. Ou alors je suis trop "vieille" pour tomber dans le panneau. Cette lecture reste agréable, sensible et réserve de beaux chapitres sur la douleur du deuil, l'impuissance de tourner la page et l'acceptation de passer le flambeau à une autre personne. On tire une formidable leçon d'espoir en bout de course !
Willa Havisham dévore les classiques littéraires et les chocolats à la cerise ! À chaque anniversaire, elle formule le voeu que sa mère, Stella, organisatrice de mariages, trouve elle-même un mari. Mais, jusqu'à présent, ce souhait ne s'est pas réalisé. Dès que Stella a une aventure un peu sérieuse, elle déménage... En douze ans, elles ont habité dans différentes villes de la côte Est. Aujourd'hui, elles vivent à Cape Cod, et Willa s'y sent vraiment bien : elle voudrait y rester éternellement. Surtout que, ô miracle, sa mère apprécie particulièrement Sam, leur voisin, poète à ses heures, et accessoirement craquant... Cette fois-ci, Willa parviendra-t-elle à convaincre sa mère de se marier ? Auront-elles enfin une vie un peu calme et rangée ?
Voilà un livre à recommander pour les pré-ados, et les lecteurs dès 9-10 ans ! C'est trèèès léger, assez drôle, délicieusement saupoudré de références à la littérature, à la poésie (cf. le tiercé gagnant de Willa, en dernière page). Le scénario est cousu de fil blanc, et ça raconte le défi que se lance une gamine de 13 ans qui n'a jamais connu son père (mort le lendemain de ses noces) et qui fait le voeu, à chaque anniversaire, de trouver chaussure au pied de sa mère. En fait, l'histoire va davantage s'intéresser à la relation particulière et tendue qui existe entre Willa et Stella, pourquoi cette dernière se transforme en statut de pierre dès que les choses prennent un tour sérieux et pourquoi Willa se lève par nuit (et en cachette) pour ajouter le treizième ingrédient, si nécessaire à la bonne tenue des mariages organisés par sa mère. Confiez ce livre à vos filles, elles en seront ravies !
Comment j'ai marié ma mère, par Coleen Murtagh Paratore