La Part des flammes, de Gaëlle Nohant
C'est toute honte bue que j'ai enfin plongé dans le deuxième roman de Gaëlle Nohant, dix-huit mois après sa parution aux éditions Héloïse d'Ormesson. Comme il figurait parmi les nouveautés du mois, en exclusivité sur Audible, j'ai ainsi pu rattraper mon retard à écouter Françoise Cadol pour Audible Studios. Et quelle prouesse !
L'histoire nous installe dans le Paris de la fin du 19e siècle. Trois femmes ignorent encore que leur destinée va être liée par la tragédie du Bazar de la Charité. En attendant, elles se croisent autour du comptoir n°4 où La duchesse d'Alençon tient un stand en compagnie de Violaine de Raezal, une jolie veuve qui souffre de sa réputation, et Constance d'Estingel, une jeune fille fragile qui vient de rompre ses fiançailles sans la moindre explication. Ses parents sont fous de rage.
Et puis, c'est le drame. Un incendie ravage les locaux du Bazar en faisant de nombreuses victimes. La duchesse est portée disparue, Violaine panse ses blessures tandis que Constance est grièvement meurtrie, tenue à l'abri des regards indiscrets. Son fiancé Lazlo de Nerac se fait alors connaître pour signer des articles assassins dans la presse. D'un esprit sans complaisance, il pointe du doigt les bassesses de l'espèce humaine et fustige la bonne société du Tout-Paris pour son égoïsme et son paraître. Ses propos font vibrer la corde sensible du peuple, fortement affligé par la tragédie, en même temps que fleurissent des portraits élogieux des anonymes ayant accompli des actes héroïques, parfois au péril de leur vie.
La description de la catastrophe est remarquable : force, émotion, réalisme, peur, exaltation, suspense... On ressent avec une telle âpreté chaque seconde de cet événement qu'il en devient la pierre angulaire du roman. Tant de destins se jouent et vont se jouer autour qu'on peine à décrocher du rythme. La mise en scène est saisissante, elle propulse les personnages dans un chaos flamboyant et poignant. Car la vie de Violaine ou de Constance est jusqu'au bout chahutée, compressée, broyée pour en tirer des bribes éparses.
J'ai beaucoup, beaucoup aimé la construction du roman. C'est propre, lisse, impeccable. Cela rappelle aussi les feuilletons de l'époque, qui ont consacré Dumas ou Balzac, en proposant une flopée d'aventures et autres rebondissements (amour, liaison, duel, enlèvement...). L'ensemble est foisonnant et se pose comme une lecture passionnante, en complet décalage avec notre réalité. L'illusion est parfaite, le tableau du 19e siècle est dépeint avec élégance et authenticité. Il y a un vrai travail de recherches qui ne prend pas non plus le pas sur le sens du romanesque. Ce n'est pas qu'un roman historique, inspiré d'après un fait réel, mais bel et bien une fiction enrobée de bon goût et de délicatesse, une œuvre romanesque vibrante de sensations.
La lecture audio dure approximativement 12 heures, mais ne laisse jamais l'impression de temps qui s'écoule lentement. C'est au contraire captivant du début à la fin, savoureux et délicieusement guindé. Après être tombée amoureuse de L'Ancre des rêves, je retrouve la plume de G. Nohant avec grand plaisir. L'auteur a gagné en évocation, en puissance et en majesté dans un genre très différent. Bravo !
Texte lu par Françoise Cadol pour Audible Studios (version intégrale, durée : 12h 25)
>> Uniquement disponible en téléchargement.
©2016 Héloïse d'Ormesson (P)2016 Audible FR