Une enfance qui porte un nom : Enid Blyton
Quand on m'évoque le nom de François Rivière, je pense aussitôt au spécialiste de la littérature anglaise (auteur de biographies d'Agatha Christie ou Patricia Highsmith) et au lecteur passionné, désormais ému de reconnaissance, pour la grande prêtresse de la littérature jeunesse qui a marqué notre enfance. J'ai nommé Enid Blyton. Enfant, ne vous est-il jamais arrivé de décortiquer ce nom ? Je me rappelle également que l'auteur signait tout d'abord E. Blyton, ce qui exacerbait les plus folles spéculations. Et pendant longtemps, je pesais le prénom d'Enid, une nouveauté pour moi (je n'étais pas bien vieille !), à tel point que je me faisais des films insensés sur la personne qui se cachait derrière !
Un vrai délice de remémorer de tels instants... François Rivière m'offre dans son livre "enid blyton & le club des cinq" le reflet d'un miroir. En chemin pour le domaine de Green Hedges, il nous fait remonter le temps, nous ramène à des étés énervés par l'iode et l'éclat du soleil. La première rencontre avec Enid Blyton a bien souvent le goût des vacances, des jeux de plage ou des flâneries à la campagne. Ce sont les témoins d'un temps révolu, d'une douce nostalgie qu'on peut aujourd'hui considérer mièvre et cucul la praline. Qu'importe.
Présentation de l'éditeur
L'œuvre d'Enid Blyton, dont la partie la plus connue est la série du Club des cinq, passionne et enthousiasme les enfants, alors que le plus souvent elle indiffère les adultes. Il faut croire que François Rivière échappe à la règle puisque les livres, mais aussi le personnage d'Enid Blyton ont irradié son enfance et n'ont jamais quitté sa mémoire. Ses "affinités électives" avec cette littérature enfantine, François Rivière les raconte ici avec tendresse et humour tout en enquêtant sur la romancière. Peu à peu l'auteur découvre l'univers mystérieux et fascinant d'Enid Blyton, son écriture médiumnique, et les aléas de sa vie privée. Brillant, rapide, passionnel, ce livre n'est pas destiné aux jeunes lecteurs de la Bibliothèque Rose, mais à leurs aînés partis à la recherche de leur enfance perdue.
Pour moi, Enid Blyton restera à jamais la maîtresse absolue de l'imaginaire et l'instigatrice de toutes les activités ludiques de notre esprit d'enfant. Les goûts de nos têtes brunes et blondes ont aujourd'hui changé et sont tournés vers d'autres démiurges (dans le genre, JK Rowling n'est pas mal du tout !) mais le jeune lecteur en nous se laissera facilement conquérir par cette madeleine de Proust ! ;o)
Enid Blyton & le Club des cinq, par François Rivière - Les Quatre chemins, 2004.
Ce livre est l'édition revue et augmentée d'un texte paru en 1982 aux éditions Ramsay sous le titre de : Souvenir d'Enid Blyton.
Naturellement, je me tourne ensuite vers le superbe album intelligemment pensé par le même François Rivière : Les héros de notre enfance.
Car avant de savoir lire, de nous plonger vers les petits romans signés E. Blyton, nous avons généralement pris goût à feuilleter des histoires où nous rencontrions (ou retrouvions, car ensuite c'est facile de s'accrocher à une série ! damned) des personnages comme Babar, Tintin, Mickey, Caroline, les Schtroumpfs, Sylvain et Sylvette... Impossible d'en louper un !
Babar, Winnie l'Ourson, Mowgli, Mickey, Oui-Oui... Avant même de savoir lire, chaque enfant connaît le nom et les aventures de plusieurs héros. La plupart ont traversé les générations : Peter Pan, Tintin, Astérix, l'Alice de Lewis Caroll ou la Sophie de la Comtesse de Ségur. D'autres ont bercé l'enfance ou la jeunesse de nos grands-parents ou de nos parents comme Bibi Fricotin, Bécassine, Zig et Puce... Ils nous ont fait découvrir le plaisir de lire, de s'identifier à un personnage, de rire des mésaventures d'un cow-boy nommé Lucky Luke, de frissonner sur les traces d'une détective-lycéenne ou d'une bande de cinq adolescents intrépides... Tous ont imprimé dans nos imaginations des souvenirs indélébiles. Ce livre magnifiquement illustré propose de retrouver une trentaine de ces héros et surtout, de découvrir leur véritable histoire. Scénariste de bande dessinée, critique, essayiste et biographe, François Rivière est aussi l'auteur de plusieurs romans.
C'est un livre magnifique, enrichi d'illustrations qui proviennent parfois de la collection personnelle de F. Rivière ! Il est de plus truffé d'un texte fort pertinent, simple et aéré, qui ne nous accable pas. Généralement ce genre de lecture penche souvent vers la démonstration érudite et pompeuse, mais ici François Rivière fait tomber le costume. Il préfère la passion, la dévotion à l'étalage d'une culture sans bornes.
Chaque page accueillera un de vos soupirs d'exclamation, un mot ou une pensée. Les souvenirs reviennent au galop, Winnie l'Ourson par exemple. Il est au coeur d'un livre bourré d'humour de l'anglais AA Milne avant d'être éclipsé par la formule des productions Disney... Mais pour moi, il me rappelle les samedis soirs avec Jean Rochefort, trente minutes avant l'arrivée de Zorro, un autre héros !
Notre amie Enid Blyton n'est bien sûr pas absente de cet ouvrage, avec des personnages comme Oui-Oui. Je reconnais maintenant que c'est une lecture atrocement niaise, mais j'ai tout de même passé de sacrées heures au Pays des Jouets avec la famille Bouboule, Mademoiselle Ouistiti, Mirou, Zoum ou les lutins voleurs... Il est bon aussi de rappeler que les illustrations de la française Jeanne Hives ont très vite conquis l'illustre écrivain, dépassant même la renommée des originales signées par Harmsen Van der Beek !
Longtemps l'illustration des livres pour enfants a constitué un sacerdoce réservé aux artistes anglo-saxons, mais Pierre Probst a su chambouler ce monde bien ordonné. De son coup de pinceau, a surgi la silhouette d'une blondinette baptisée Caroline. Deuxième révolution en la matière, car les auteurs français ne mettaient en scène que des garçons ! Bref, Caroline, accompagnée de ses inséparables amis - l'ourson Bloum, la panthère Pitou et le lionceau Kid - va entraîner le jeune lecteur dans des aventures incroyables (on part en Inde ou à la mer, on retape une maison ou fait de l'auto-stop). Oui, j'étais plutôt fan...
Quelques pages plus loin, vous tombez sur des planches des Schtroumpfs ! et là paf ! le sourire vous revient. J'en ai lu des albums de Peyo, appris à orthographier le nom des petits bonhommes bleus à mon instituteur de CE1 et me suis inventée un autre langage très schtroumpfissime ! J'avais même acheté le disque chanté par Dorothée. Gargamel, son chat Azraël, la salsepareille et les schtroumpfs noirs qui croquaient le bout de queue tout rond et transformaient le village entier en une communauté de petits monstres qui faisaient des bonds en bougonnant gnak gnak...
Je vous mets au défi de lire ce livre et de voir défiler le flot de vos souvenirs avec toutes les anecdotes s'y rapportant !
Les héros de notre enfance, par François Rivière - Editions du Chêne / Hachette, 2007.