Passé imparfait, de Julian Fellowes
Quarante ans après leur dispute, le narrateur retrouve son vieil ami Damian Baxter rencontré à l'université de Cambridge. Ce jeune et beau roturier a depuis gravi les marches du succès en devenant un riche homme d'affaires. Mais c'est un homme seul et malade que le narrateur retrouve - condamné par la maladie, il aimerait retrouver son héritier pour lui léguer sa fortune et demande à son camarade de recontacter ses anciennes conquêtes.
Retour donc sur leur folle jeunesse, sur leur cercle d'amis privilégiés, sur les soirées mondaines et sur les codes de la gentry qu'on ne pouvait jamais effriter. Damian était un jeune homme courtisé, au charme ravageur, qui faisait trembler les têtes couronnées avec sa nonchalante insolence à se faufiler dans leur cercle. En renouant avec son passé, le narrateur aussi replonge dans une histoire de passions interdites et de grand amour secret - la fascinante Serena Gresham a bouleversé son cœur à jamais. Désormais écrivain en perte de vitesse, notre quinquagénaire fixe son horizon sentimental d'un calme plat en soupirant amèrement sur les nombreux actes manqués de son insouciante jeunesse.
Le roman offre ainsi un aperçu du changement sociétal de l'Angleterre des années 60 à nos jours, des mœurs et des modes des jeunes gens de la haute société, mais aussi des relations au sein des familles, des valeurs éculées, des rendez-vous loupés, des ambitions dévorantes et des traditions qui se fossilisent. Le constat est doux-amer, chacun ayant un peu amorcé les lendemains de fête avec la gueule de bois, et cela se ressent à la lecture, parfois longue et édifiante. Le narrateur aussi se pose en donneur de leçons mais n'inspire guère la sympathie... j'étais loin d'applaudir ses exploits. Tout ce joli monde apparaît finalement mesquin et narcissique. Mais je me moquais bien de leurs déboires, par contre j'étais curieuse de connaître leurs histoires, de comprendre les événements survenus lors des vacances au Portugal, d'expliquer la brouille entre les deux hommes, de deviner qui est la mère de l'enfant etc.
Bref. C'est un gros roman pompeux, pétri d'un charme suranné, avec des mystères qui exhalent un parfum de scandale et au leitmotiv farouchement aguicheur. Cela a suffi pour m'intriguer et j'ai signé pour 650 pages / 16 heures d'écoute auprès d'un Philippe Résimont qui incarne le narrateur accablé et dépassé par la situation avec beaucoup de flegme. Son interprétation est agréable (mais n'excelle guère en voix féminines). C'est d'ailleurs devenu le Test Ultime auquel les candidats se cassent les dents... Fatalité, quand tu nous tiens.
©2014 Sonatine pour la traduction française. Traduit par Jean Szlamowicz (P)2019 Lizzie
- Lu par : Philippe Résimont
- Durée : 16 h 55
Un voyage vers le passé plein de fantômes et de stupéfiantes révélations... Avec une verve élégante, le créateur de la série Downton Abbey signe un portrait au vitriol de l'aristocratie anglaise bousculée par les sixties.
10-18 édition collector 2017
Êtes-vous passés à côté de... En poche ! #16
Snobs, de Julian Fellowes ?
Ce livre raconte les hauts et bas d'une ravissante roturière sans vergogne, dont le vrai crime n'est pas d'avoir épousé un homme sans l'aimer, mais de l'avoir quitté par amour pour un autre.
Edith Lavery, standardiste dans une agence immobilière de Chelsea, fait connaissance de Charles Broughton lors d'une visite au château et parvient à le séduire pour mieux se faire épouser. Las ! son entrée dans la gentry britannique est accueillie par des bouches pincées, à la manière de Lady Uckfield, sa belle-mère qu'on surnomme Googie. Edith est une jolie fille, blonde aux grands yeux, avec de bonnes manières, pourtant son arrivisme ne trompe personne, mis à part Charles. Le mariage est conclu, mais très vite Edith s'ennuie et s'amourache d'un acteur, Simon Russel.
Ce 1er roman de Julian Fellowes, scénariste de Gosford Park, est acide, drôle, tendre et grincheux. Il décrit une société décalée, plantée dans notre époque, mais aux coutumes encore tournées vers le passé. Les mentalités n'ont pas changé, on ne supporte pas cette petite dinde arriviste qu'est Edith Lavery, sorte d'Emma Bovary perdue chez les rosbifs. Elle a cherché à s'affranchir, elle a dérangé les codes rigides de la gentry, tenté de jouer de son charme entre salons de thé et rendez-vous à Ascot. Elle a joué, elle a perdu. S'en mordant les doigts, elle fait profil bas mais peine à regrimper au sommet de l'échelle. Sous d'épaisses couches d'hypocrisie, bien meringuée, se révèle ainsi une délicieuse satire que n'auraient pas renié ses prédécesseurs (Evelyn Waugh ou Jane Austen).
Livre de poche, 2008 - 407 pages - 6,95€
traduit de l'anglais par Dominique Edouard