Pêle-mêle : L'anorak rouge - Les enfants qui volent - Émile a la grosse patate - La princesse Caméléon - Un chien formidable
Depuis que Lucien a enfilé son petit anorak rouge, il se sent investi d'une mission. Écrire une histoire de zombis ! Ses premiers essais ne rencontrent pas le succès espéré mais qu'à cela ne tienne ! Lucien détient le scénario de sa vie en racontant le périple d'une feuille sauvage devenue mutante zombie et qu'une fillette rousse à lunettes va dompter avec ses super pouvoirs. En fait, il s'agit de Francette. Elle adore la poésie ET écrire des histoires. Ça tombe bien, entre Lucien et elle, c'est une belle aventure qui commence. Certes, la demoiselle a une préférence pour les poneys magiques et n'entend rien aux zombis. Lui, Lucien, ne veut pas la blesser et fait croire que... En vrai, une bourrasque a avalé le manuscrit de mille pages (mais chut !).
C'est une lecture super drôle. Une véritable ode à l'imagination et à la fantaisie. Avis aux adeptes du ton décalé et cocasse ! J'adore aussi ce format court et percutant, construit comme une bande dessinée, avec très peu de texte mais des illustrations qui font mouche. Les anecdotes filent à toute allure et donnent franchement le sourire. Jean-Luc Englebert a réussi là un coup de maître : c'est canon ! Encore.
L'anoral rouge : Le vaste monde (tome 1) & Le petit poney magique (tome 2) par Jean-Luc Englebert
Gallimard Jeunesse Giboulées, 2019
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Dans une ville trop calme, où vivent des enfants beaucoup trop calmes, le ciel soudain est obscuri par des enfants qui volent ! Oui, qui volent. Je ne vous raconte pas la pagaille : ça crie, ça rit, ça pleure (de rire). À tel point que des flaques se forment, des flaques dans lesquelles on peut sauter et salir ses vêtements. Il y a aussi du vent qui vient décoiffer les têtes et arracher les nattes. Et il y a des parents qui poussent des Oh ! et des Ah ! d'incompréhension. Dans le ciel, les enfants continuent de voler et de rendre ce monde un peu plus fou !
C'est tellement bien écrit, merci Vincent Cuvellier, avec cette histoire c'est aussi un acte pour la désobéissance et l'extravagance. Faire un rototo, c'est bête mais c'est rigolo. Après cette volée d'oiseaux - pardon, d'enfants qui volent - les bambins de cette ville insipide auront plaisir à tirer la langue et sautiller de bon cœur dans le dos des adultes. Et toc ! Ça fait du bien de lire un album aussi farfelu. Les illustrations d'Aurore Callias sont du même tonneau : en toute liberté ! Une chouette lecture débordante de folie douce. J'aime beaucoup.
Les enfants qui volent, de Vincent Cuvellier & Aurore Callias
Gallimard Jeunesse Giboulées, 2018
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Non, Émile n'a pas mangé de lion. Il a juste la grosse patate. Enfin, ça c'est la version officielle. Car OUI Émile a bien mangé du lion ET du dentiste. Ça lui apprendra, à sa maman, de prendre rendez-vous les jours où il a la grosse patate. Voilà voilà.
Vous ne connaissez pas Émile ? Filez donc. Filez vite. Achetez tout le rayon en librairie. On en reparle après.
Émile a la grosse patate, par Vincent Cuvellier & Ronan Badel
Gallimard Jeunesse Giboulées, 2018
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Cœur sur toi, Princesse Camélia, héroïne de cet album formidable et tellement drôle ! ♥
Tout commence par une rencontre : un roi tombe fou amoureux d'une bergère. Il l'épouse. Elle grossit mais rouspète. Pour la consoler, son mari l'entraîne sur l'île de Madagascar où la faune locale lui redonne le sourire. Sans doute, trop. Car quelques mois après, la dame accouche d'un bébé à la peau verte et à la langue fine comme un caméléon. C'est tout vu. La cour est estomaquée. La reine est éplorée. Le roi condamne tout le monde à se taire. Et l'enfant est caché dans les tourelles. La princesse Camélia doit également apprendre à tenir sa langue et à se plier à ses devoirs royaux. Lors de son bal de débutante, tous les prétendants sont fascinés par sa beauté et son intelligence. On s'amuse follement à se lancer des défis, comme toucher son coude avec sa langue. Essayez pour voir... vous m'en direz des nouvelles !
Hélas, Camélia a grillé sa couverture et file de honte se planquer dans la forêt. Son amoureux transi tombe en dépression. Sa famille boude. Le temps passe. Et les tourments broient toujours les pauvres âmes en détresse. Pourtant, « l'amour est une chose qui paraît très compliquée et qui est très simple, en vérité ». Et tout le charme d'une histoire se cache dans les détails. Vrai de vrai. Je ne vous dis pas la finesse de ce conte moitié romantique, moitié comique. C'est franchement différent de ce qu'on peut lire habituellement, différent de ce qu'on attendre. Et c'est tellement bon. Marianne Renoir écrit très bien : sa plume jubile à partir dans des délires. Ne lâchez rien ! J'ai trouvé ça extra et tellement drôle. C'était génial.
La princesse Caméléon, par Marianne Renoir & Karine Bernadou
Gallimard Jeunesse Giboulées, 2019
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Un père et son fiston font le tour de la galerie ornée des tableaux de leur illustre famille. Le papa s'enorgueillit d'un tel patrimoine et s'extasie sur leur destinée époustouflante : policier, pompier, peintre, astronaute... L'enfant trépigne. Lui aussi voudrait accomplir quelque chose de grand et de fort. Qui suscite l'admiration. Le père n'en doute pas, persuadé qu'il deviendra lui aussi un chien formidable et magnifique.
Ceci dit, il ne faut pas se fier aux apparences. Les plus grandes histoires ont aussi un calque, un voile, un dessous caché. Car il y a une double lecture dans cet album. Un côté pile et face. Et certaines révélations sont surprenantes ! En tout cas, cela ne manque pas de tendresse. C'est un album adorable, à manipuler avec précaution en raison des pages qui se plient et se déplient en toute anarchie, mais l'effet kiss cool est fabuleux. Très sympa.
Un chien formidable, par Davide Cali & Miguel Tanco
Gallimard Jeunesse Giboulées, 2019
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Le murmure des sorcières, de Marianne Renoir
Entre la couverture illustrée par Camille Jourdy et le titre, mon cœur a fait boum, impatient de découvrir un peu plus ce que le roman dissimulait entre ses pages.
Autant dire qu'il ne fait pas dans la dentelle. En nous envolant vers l'île aux Sorcières, on découvre une chouette communauté de 19683 âmes. Des sorcières, rien que des sorcières. Toutes portant un prénom à trois lettres, prénom à usage unique forcément, le compte est bon. Même le taux de naissance et de mortalité est étroitement lié. Sachant que la population est exclusivement féminine, on se demande comment... et là aussi, l'auteur nous explique tout bien. Pas de souci. Cela peut sembler trop didactique comme entrée en matière. Mais l'approche est nécessaire pour que le roman nous transporte dans son imaginaire. On apprend ainsi des tas de choses pertinentes, par exemple les sorcières sont des descendantes du Dragon de Komodo. Elles n'en sont malheureusement pas très fières et préfèrent brouiller les pistes en racontant toutes sortes de fables. Elles mettent aussi en avant que ce sont de grandes globe-trotteuses, parcourant le monde pour apprendre de nouvelles langues et d'autres cultures. Toutefois, rien ne vaut la vie sur leur île qu'elles retrouvent toujours avec grand plaisir. Ceci dit, et contrairement au président américain, nos sorcières n'ignorent rien du réchauffement climatique ni de la menace qui pointe à l'horizon.
Par un jour de tempête, alors que les vagues fouettent sauvagement leur petit rocher perdu, nos pauvres sorcières comprennent qu'elles doivent prendre leurs cliques et leurs claques pour chercher bonheur ailleurs. Elles débarquent à Paris, sur l'île de la Cité et l'île Saint-Louis. Or, leur arrivée n'est pas du goût des habitants qui s'insurgent contre l'occupation intrusive et malodorantes de ces étrangères. Les journaux en font leurs gros titres et Paris a peur. Au milieu de tout ça, une petite sorcière rencontre une petite parisienne. Les fillettes se ressemblent comme deux gouttes d'eau, ce détail les amuse et leur donne aussi une idée. Elles décident en effet d'échanger leur place : Kaï devient Marie-Astrid, rebaptisée Mad. L'une et l'autre vont ainsi découvrir une nouvelle vie, non sans heurt, car la maman de Marie-Astrid est assez déjantée dans son genre, même si cela suscite des situations rigolotes et exagérées.
Au final, ce petit roman est inattendu à vouloir s'affranchir de certaines expectatives. Parce qu'en choisissant le thème des sorcières, on s'attend plus ou moins à du fantastique. Nous en sommes vraiment loin. Le texte est assez fourre-tout, tantôt original, tantôt culotté, tantôt loufoque. Ma foi, c'est tout aussi pétillant mais parfois déconcertant. Après, le lecteur pourra y voir des messages de tolérance et d'ouverture aux autres. Et pourquoi pas recouper avec des images vues dans les journaux. Mais j'avoue que la logique m'échappe et que cette lecture n'a cessé de me surprendre. Le verdict est clément, même s'il peut susciter quelques interrogations. Après, je ne suis pas contre les histoires qui ne prennent pas les lecteurs pour des nouilles... en voici une parfaite démonstration. Je préviens simplement que l'emballage ne reflète pas vraiment le contenu. En tout cas, bonne route à nos nouvelles copines & longue vie aux sorcières.
L'école des loisirs, 2019