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Chez Clarabel
summer beach reads challenge
27 juin 2009

Miel et vin ~ Myriam Chirousse

Empoignant son édredon, Judith le serra si fort dans ses bras qu'il lui sembla que Charles était encore là, dans la tiédeur des draps, contre sa peau, au bout de ses ongles... Emergeant du sommeil comme un noyé refait surface, elle sentit croître en elle une douleur diffuse, comme si sa peau lui faisait mal, comme si ses yeux lui faisaient mal, comme si respirer  et sentir son coeur battre lui faisaient mal aussi. C'était une douleur indéfinissable tapie avec elle dans les limbes de la nuit, une vieille souffrance endormie depuis longtemps, un manque atroce, un arrachement, le mal des amputés qui n'ont plus que la moitié d'eux-mêmes pour aller par le monde et ressentent jour et nuit le néant de la part manquante... Elle se recroquevilla. Dans la confusion du réveil, elle le pressentit dès cet instant : plus rien ne serait comme avant.

miel_et_vin

Premier roman, certes... mais quel talent ! Nous sommes dans le Périgord, en 1773, lorsque Guillaume de Salerac, génial inventeur loufoque, découvre une petite fille dans les bois. Elle sera recueillie par sa soeur, Louison, et adoptée sous le nom de Judith de Monterlant. Ignorant tout de son passé, la demoiselle reçoit une éducation de jeune fille appliquée mais son caractère impétueux et frondeur la distingue de son rang. Judith a le goût de l'espace, de la liberté. S'échappant de la vigilance des adultes, elle s'envole à bord de l'aérostat de son oncle alors qu'elle n'est qu'une gamine et rencontre chez un voisin celui qui lui fera battre son coeur et perdre tout bon sens dans les années à venir. Charles de l'Eperai, héritier en titre, est également connu pour être un enfant maudit et un bâtard. Il a le coeur dur, le regard froid et le diable dans le ventre. Lorsque le couple se croise à nouveau, lors du mariage de la soeur de Judith, l'attirance est évidente, la passion palpable. Et pourtant, il faudra attendre la fin de l'été pour assouvir cette soif et cette faim qui les poussent l'un vers l'autre.

C'est effectivement un grand roman sentimental et historique. Nous sommes en 1788, le peuple français est mécontent, les états généraux sont réunis. Judith a rejoint Paris avec son mari, mais son histoire avec Charles n'est bien évidemment pas terminée. Car c'est de cette passion que se nourrit l'intrigue et qui rend le lecteur dépendant, au point d'absorber sa lecture en ingurgitant page après page, sans hoqueter. Il en fallait bien - de l'amour, de la flamboyance, des éclats - pour attacher le lecteur à 544 pages, sans susciter de l'ennui. C'est un pari réussi, un roman passionnant, acquis dès les premiers chapitres. Impossible de s'en séparer. Et puis, le soleil aidant, les beaux jours et les vacances s'installant, il devient une prescription incontournable pour tuer le temps. S'il ne fallait en lire qu'un, dans vos bagages, glissez Miel et Vin. Parce que c'est un roman doux et sucré et piquant, gourmand et langoureux, avec des personnages aux destins inextricablement liés, par le secret de leurs origines et par cet amour fou qui les enchaîne. Ce n'est pas un roman mièvre ou trop long, avec des détails inutiles. Le romanesque est présent, très important, et l'amour a un pouvoir magique, troublant, envoûtant. Ce n'est pas du harlequin déguisé, c'est un bon gros roman captivant, qui ne vous lâche plus une fois la première page ouverte. A dévorer !

Buchet Chastel, 2009 - 544 pages - 24,50€

Feuilleter les premières pages

Invitation à un pique-nique littéraire, en compagnie de Myriam Chirousse, le dimanche 28 juin 2009, dans le bois de Vincennes : confirmer ou non sa participation sur Facebook

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17 juin 2009

Villa des Oliviers ~ Anne Vantal

villa_des_oliviersCet été-là, Manon, quinze ans, n'a pas le goût de le passer comme les autres années, à la Villa des Oliviers, la résidence de ses grands-parents, chez lesquels toute la famille aime se réunir durant trois semaines, en juillet. L'envie n'y est plus. Ce n'est pas seulement la soudaine défection de son amie Célia, à la dernière minute, de n'avoir pu se joindre à la troupe. C'est plus globalement un état d'esprit.

Manon a quinze ans, elle se sent trop vieille pour frayer avec ses cousines de douze ans et trop jeune pour être prise au sérieux par les adultes, eux-mêmes bien empêtrés dans leur histoire de couple ou de travail. Alors Manon boude, elle participe aux activités familiales sans réelle motivation. Son cousin Vincent, encore un bébé, parvient à lui tirer des sourires. Et puis Nicolas, le fils du jardinier, n'est pas mal dans son genre. Le coeur de Manon palpite plus fort dès qu'elle le voit. C'est sûr, cet été de ses quinze ans ne sera pas comme les autres !

L'histoire est racontée des années après la date des événements, produisant des effets de style pour alimenter l'intrigue et capturer l'intérêt. La narratrice prévient, la narratrice ménage la surprise, la narratrice est chef d'orchestre. Plutôt habile. Sur 140 pages, l'histoire roule sa bosse sur un ton doux-amer qui n'est pas pour déplaire. Cela raconte une chronique familiale, le temps d'un été, avec au centre les turpitudes d'une adolescente en crise, au corps devenu trop grand et trop maigre. La jeune fille se cherche, elle guette une image encore trop floue, et son tempérament illustre ce flottement entre l'enfance et l'âge adulte. Qu'est-ce que c'est agaçant, lorsqu'on a passé l'âge !

C'est toutefois finement esquissé, et cela nous montre combien l'adolescence est une période vécue en dents de scie, où toutes les émotions sont exacerbées et amplifiées. Manon en est le parfait exemple : elle se sent trahie, seule au monde, incomprise, abandonnée. Pour compenser, elle passera son temps à observer les siens et découvrira, bien tardivement, que le monde des adultes n'est pas toujours rose non plus. C'est donc un roman qui évoque la difficulté de quitter l'enfance, en douceur, en tâtonnant, en souffrant aussi. Et la complexité de grandir, évidemment.
J'ai bien aimé !

Seuil, coll. Karactère(s), 2009 - 144 pages - 8,50€

17 juin 2009

En poche ! #26 : La pelouse de camomille ~ Mary Wesley

un roman déjà lu et relu, de nouveau disponible en format poche (avec une couverture différente)  la_pelouse_de_camomille

Comme chaque été, les cinq neveux de Richard et d'Helena se retrouvent en Cornouailles. C'est le temps des jeux, de l'insouciance, le goût de toutes les audaces, au bord de la falaise ou sur la pelouse de camomille, sans autre souci que les tourments de l'amour qui vous rongent une jeunesse.
La petite Sophy donnerait sa vie pour Oliver qui, lui, est fou de Calypso, si belle et si lointaine. Elle a toujours juré d'épouser un homme riche sans amour, elle jettera son dévolu sur Hector, politicien ayant le double de son âge. Car pour mieux pimenter cette belle saga familiale, il faut d'office préciser que l'action se passe durant l'été 1939. La guerre va être déclarée et amène un couple de réfugiés juifs, Max et Monika, chez le pasteur du coin. C'est un éminent pianiste, un brin cavaleur et beau parleur. Il va faire chavirer le coeur d'Helena, pourtant mariée mais ennuyée par sa vie recluse auprès de Richard, son second mari unijambiste. Elle partira à Londres, sans crainte des bombardements, vivre une passion tumultueuse auprès de son musicien juif.

C'est bien ce qui est également très surprenant dans ce roman où la trame ne chôme pas, sans cesse rebondissante et étonnante. Ce n'est pas parce que c'est la guerre que nos personnages vont s'endormir sur leurs lauriers, bien au contraire ! "Nous avons tous vécu intensément. Nous avons fait des choses que nous n'aurions jamais faites autrement. Ce fut une période très heureuse. (...) Tout était exacerbé, surtout l'amour."
Effectivement les passions sont ravageuses !

Ce roman n'est pas une bluette sentimentale. Il fourmille plutôt de vivacité, d'esprit, de dialogues mordants, de personnages flamboyants et uniques en leur genre. Mais ils sont à contre-courant de l'image idyllique des êtres parfaits, car ils sont tous fragiles, odieux, égoïstes et héroïques à leurs heures. Et ce, en dépit des circonstances ! Qu'importe les liens du mariage, l'âge, l'enfant à naître, les bombardements ou la guerre, tout simplement !

L'anglaise Mary Wesley nous offre ainsi une lecture passionnante, qui s'inscrit idéalement pour vos vacances (et pas forcément !). En presque 400 pages, jamais la cadence ne s'essouffle. On ne stagne pas durant l'été 1939, le scénario évolue, voyage dans le temps et nous conduit même sans nous y attendre cinquante ans plus tard ! Je crois aussi que le succès de ce livre repose sur le style fringant et truffé de badinage que nous propose l'auteur. J'ai passé des heures de lecture absolument délicieuses ! Je vous conseille vivement de vous y plonger également !

J'ai Lu, 2009 - 382 pages - 6,70€

(roman relu en juillet 2008)

26 mai 2009

Demain la lune ~ Cécile Roumiguière

demain_la_luneCette année 1969 va être un grand tournant dans la vie de Michel, onze ans. Ses parents se séparent, son père a quitté la Bretagne pour vivre dans le Sud. L'été approchant, Michel et sa soeur Liliane, seize ans, le rejoignent pour passer des vacances au camping. Mauvaise surprise dès l'arrivée : leur père s'affiche avec une nouvelle femme, les enfants sont déçus et jurent de leur faire payer cette déconvenue.
C'est donc l'été, il fait chaud, le 14 juillet fête son feu d'artifices avec son bal annuel, Michel rencontre une fille de son âge, Corinne, qui lui parle en long en large et en travers de la lune et du prochain voyage dans l'espace. Peu à peu, Michel adopte les luneries de Corinne et comprend qu'un monde nouveau est en train de naître. C'est beau, c'est mystérieux, cela donne des frissons partout.

Cécile Roumiguière nous raconte cet été 1969 avec une affection manifeste, tout semble comme pour de vrai, c'est chaleureux, tendre et touchant, avec des clins d'oeil pour ceux qui connaissent et une attention particulière pour les plus jeunes afin qu'ils ne se sentent pas écartés. Elle s'est entourée de personnages attachants, comme Liliane, cette rouquine coiffée à la Sylvie Vartan, qui écoute La Californie de Julien Clerc sur son mini-cassette, ou Corinne, avec ses couettes brunes, son nez cramoisi et son savoir tel un puits sans fond pour tout ce qui touche la technologie, la conquête spatiale et les étoiles.

Sa fascination pour les premiers pas de l'homme sur la lune illustre bien la page nouvelle qui est en train de s'écrire, tout comme l'histoire de ce roman nous parle d'amitié et d'espoir en général, mais aussi d'amour qui dure une vie entière, d'amour qui s'estompe, d'amour qui recommence avec d'autres personnes. C'est aussi un livre sur les illusions qui se perdent et se brisent, et pourtant ce n'est pas un livre triste. Il porte l'espoir en lui, il prend aussi le lecteur à bras le corps, il donne le sourire. La nostalgie qu'on y trouve n'est pas mélancolique, elle est revigorante, on sent que ce n'est plus la même époque, mais on aime aussi ce passé nécessaire pour l'avenir. J'ai été séduite, totalement bercée par cette belle nostalgie, ce monde d'hier qui croyait très fort s'offrir le monde de demain.

A noter que 2009 est l'année du 40ème anniversaire des premiers pas de l'homme sur la lune. Je ne sais pas comment l'exprimer, mais pour moi qui n'appartiens pas à cette génération - pas plus que les jeunes qui liront ce livre - j'ai ressenti une grosse bouffée d'espérance en lisant ce roman, j'ai partagé les rêves et j'ai perdu mes illusions comme Michel et Liliane, j'ai été éblouie par cette nuit dans l'épicerie pour guetter la diffusion par l'ortf des images bouleversantes des américains qui marchent sur la lune, j'ai chanté, j'ai rêvé, j'ai mangé des spaghetti aux fruits de mer, j'ai traîné sur la plage, j'ai pêché des anguilles, je me suis sentie dans le bain... Totalement. 

A signaler aussi que la Lune reste au coeur de nombreuses expressions : décrocher la lune, être dans la lune, demander la lune, promettre la lune... C'est dire son importance !

Seuil jeunesse, coll. Chapitre, 2009 - 105 pages - 8 euros.
illustration de couverture : Olivier Tallec

Le site de l'auteur : http://www.cecileroumiguiere.com/

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18 décembre 2008

Petites bulles de bonheur

J'aime quand tout se remet en place dans ma vie, en douceur et avec efficacité. Peut-être l'année 2008 va enfin m'accorder un peu de répit pour les quelques jours qui restent ? Qui sait. Je l'espère de tout coeur. Mes soucis matériels se règlent, mes bleus à l'âme ont trouvé leur pansement et mes pannes de lecture sont maintenant écartées. Ou bien je vais franchement mieux, ou bien je ne tombe que sur des livres qui sont divins et me rendent un grand service !

I feel light, c'est sûr !!!

 

 

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31kJVPvI2qL__SS500_Milana, 14 ans, s'est longtemps considérée heureuse et fière d'être indépendante et de pouvoir se débrouiller seule comme une grande. Toutefois, une semaine de vacances va tout bousculer car elle s'aperçoit soudain du bonheur procuré d'être cajolée, dorlottée, couvée... comme un poussin. Alors elle se questionne, non sa mère n'est pas une mère poule, elle a pour discours qu'il faut être prêt pour la guerre de la vie, drôle d'idée quand on a 14 ans et pas le sentiment d'avoir connu de galère, juste faire son lit, vider le lave-vaisselle, prendre ses rendez-vous chez le médecin. Être blindée pour le reste à venir n'est finalement pas si confortable, et Milana choisit d'entrer en grève et de retourner en enfance. Mais sa meilleure amie lui rappelle qu'elle fait fausse route : être poussin ne signifie pas régresser et virer paresseuse. C'est compliqué de grandir !

Milana invente alors un terme tout nouveau tout beau, et qui correspond à sa démarche : elle plonge directement dans l'adultance. En numéro 1 de sa liste, elle inscrit de partir visiter les soixante-seize châteaux au Luxembourg.  C'est plus qu'une initiation qui l'attend, c'est la rencontre avec elle-même, et d'autres surprises au tournant ! Toutefois, Milana pourra l'affirmer tout de go : « je comprends alors que je serai toujours là pour moi », c'est une certitude. Ce roman sur la quête d'identité peut être lu comme la remise en question d'une adolescente en pleine crise, mais c'est terriblement plus drôle, facétieux et intelligent. On oublie d'être agacée, on s'amuse davantage et on goûte avec bonheur au style virevoltant d'Audren. C'est farci de petites phrases qui font mouche, on s'en gave sans hésiter. Un régal. 

« Ma mère ne me protège pas. Elle m'élève. Elle m'aide à bien grandir. C'est le propre des mères, n'est-ce pas ? »

Puisque nous sommes toi, Audren
Ecole des loisirs, coll. Medium - 164 pages - 9€

l'avis de Gaëlle

 

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« Allongé dans le pré encore tout vibrant au soleil du jeune printemps, Paul regarde la cime du peuplier et les nuages, édredons frangés d'or, qui traversent un ciel d'un bleu à croire en ses rêves. »

51JTIuBP7SL__SS500_Apprendre à grandir, apprendre à accepter de laisser partir ce qu'on aime, apprendre tout court, toujours... L'amour en cage est ce petit roman qui vous dit tout, avec justesse, poésie, délicatesse et tendresse. Paul a onze ans, c'est un garçon de la terre, il vit à la ferme et il est fier de la tradition familiale. Au collège, pourtant, il comprend qu'être paysan passe pour une insulte. Il se renferme, puis se lie d'amitié avec Aïssatou qui arrive de Guinée. Elle est différente des autres, sa voix, son sourire, sa peau et ses baisers au goût de gingembre... C'est doux et velouté, comme un duvet d'oiseau.

Un jour, dans les champs, il trouve une petite pie qu'il décide d'apprivoiser. Mais plus le temps passe et plus Faranah manifeste le désir de voler toujours plus loin. Est-ce une preuve d'amour de retenir ce à quoi on tient, parce qu'on a peur, parce qu'on ne veut pas souffrir, parce qu'on prétend aimer, donc protéger ? Mais empêcher, ça n'est pas de l'amour. « Tu la perdras encore plus si tu l'empêches d'être libre... » C'est un avertissement, un signal qu'il ne faut pas mélanger l'amour et la liberté. Aimer, c'est aider. C'est pousser. C'est faire quitter le nid. C'est donner des ailes. L'amour ne se met pas en cage.

Voici l'exemple concret qu'un roman peut simplement, en 90 pages, raconter une histoire capable de déclencher un grand impact émotionnel. Absolument magnifique.   

« Dès ta naissance, je savais que tu partirais, toutes les mères le savent. Elles l'acceptent, elles s'y préparent, c'est dans l'ordre des choses que les enfants ouvrent leurs ailes... »

L'amour en cage, Maryvonne Rippert
Seuil jeunesse, coll. Chapitre - 90 pages - 7,50€
A partir de 10 ans.

Illustration couverture : Olivier Tallec

 

 

l'avis de gaëlle !

 

Lend me yours wings and teach me how to fly.
Show me when it rains, the place you go to hide.
And the curtains draw again and bow - another day ends.
The leaves applaud the wind.

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11 août 2008

Les déferlantes - Claudie Gallay

C'est l'histoire d'une femme venue se réfugier à La Hague, après la perte de son amant. On ne sait pas grand-chose d'elle, elle a quarante ans, son travail consiste à compter les oiseaux migrateurs et elle occupe une maison avec un frère et une soeur à la Griffue, un lieu-dit à la pointe du port.

Un jour de tempête, elle rencontre Lambert. Cet étranger n'en est pas un, il est de retour au pays pour vendre sa maison et régler des comptes. Il y a quarante ans, toute sa famille a péri noyée. Il en veut à Théo, l'ancien gardien du phare, qui vit aujourd'hui seul avec ses chats. Son épouse et sa fille s'occupent du bistrot, et elles aussi refusent de parler du passé. On laisse les morts en paix et seule la mer a le droit de prendre et rendre ce qu'elle souhaite.

La narratrice ressent chez Lambert cette même solitude, un chagrin immense et le vide qu'il laisse. Petit à petit, ils se parlent. Inconsciemment elle cherche à lui venir en aide et percer les mystères qui encerclent toutes ses familles. Car derrière tous ces mensonges, ou ces silences, il y a immensément de douleur et de frustration, des espoirs déçus et des amours perdues. Et pourtant, ce n'est jamais sinistre ni morose ! 

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Car ce roman est tout bonnement magnifique ! L'écriture elliptique de Claudie Gallay y est déjà pour quelque chose, l'ambiance est ensuite envoûtante. Nous sommes dans le Cotentin, au coeur des éléments, il y la mer, le vent, la pluie. Une force incroyable se déchaîne, pas seulement les jours d'intempéries. On se balade sur la berge, dans les landes ou au bord des falaises. Et puis c'est une région hantée par les légendes, les fantômes et les revenants, les créatures aussi étranges que les goubelins.

La population, pas très nombreuse, s'avère aussi très attachante : Raphaël le sculpteur, sa soeur Morgane, terriblement belle et insolente, Théo, la Vieille et Lilli, enfermés dans leurs secrets, Nan, qu'on dit folle et sorcière, Max, le benêt amoureux fou de Morgane, Monsieur Anselme, toujours dans son habit du dimanche, passionné par Prévert...

C'est difficile de mettre des mots sur le sentiment ressenti avec une telle lecture, mais ne passez pas à côté de ce livre ! Claudie Gallay confirme son énorme talent de romancière, à créer des ambiances serrées, mais pas étouffantes, et des personnages à vif, non pas déprimants. C'est une histoire qui nous absorbe et nous recrache, quelques 500 pages plus loin... Même pas mal, par contre j'ai été profondément sonnée. Sincèrement émue et fébrile après un tel roman - c'est vous dire son enchantement. Les déferlantes, ce sont le nom des vagues par jour de tempête. C'est aussi un titre qui porte le roman, annonçant bien fort la couleur !

Editions du Rouergue, mars 2008 - 530 pages - 21,50€

A été aimé par Gawou , Marie , Gambadou , Cathulu ...

 

7 avril 2008

Le coeur à la renverse - Robert Bigot

coeur_a_la_renverseDans le petit bourg de Taverny, au nord-ouest de Paris, Colin Clarisse, seize ans, grandit dans le milieu paysan, au coeur des vignes, dans la pure tradition familiale. Le garçon a le béguin pour sa jeune voisine, son amie d'enfance Toinette. Il espère en faire sa mie un jour, quand sans comprendre il est tourneboulé par l'arrivée de la demoiselle Delbos, Fleur de son prénom, jolie comme un coeur, et appartenant au milieu  bourgeois. C'est-y pas possible qu'une fille comme elle lui fasse les yeux doux, pense-t-il. Et pourtant, Fleur est hardie et entreprenante, au grand dam de Toinette qui souffre de jalousie, au point de commettre un acte désespéré, le soir du bal de la Saint-Jean.

Les choses vont changer entre nos amis, Colin a le coeur à la renverse, écrit-il. Il aime d'amour profond sa Toinette, bouleversé par le drame qui la frappe, mais il est attiré par Fleur, si différente de son milieu. Dans le même temps, nous sommes en 1787 et le milieu paysan crève de plus en plus de faim, étranglé par les taxes et la somme de privilèges que s'octroie le Prince de Conti, et d'autres notables. L'heure des doléances va sonner, les assemblées brouillonnes se réunissent pour clamer leur colère, mais la honte aussi les frappe (à cause de l'illettrisme, par exemple).

Ainsi, sur fond de premiers troubles révolutionnaires, l'histoire d'amour tendre et tragique se dessine, contée en grande partie par Colin lui-même, avec ses manières de langague, précise-t-il. C'est un roman sensible, tantôt émouvant, aussi drôle, mais bouleversant dans son ensemble, avec le contexte historique en filigrane. Il est planté dans le milieu paysan, qui tire la langue car les temps sont durs, la rogne est de plus en plus puissante. Nous ne sommes pas loin de Paris non plus, on y aperçoit même le long panache d'une fumée grise en fin de roman. Et la relation noueuse et conflictuelle entre Colin, Toinette et Fleur apporte sa touche émotionnelle, avec son soupçon d'intrigues, de roublardise et de trahison. Cela se lit très vite, et qu'on ne me dise plus littérature jeunesse, littérature mineure ou mais pourquoi tu lis de la littérature POUR la jeunesse, parce que ce roman-là n'est pas QUE pour la jeunesse ! C'est fort, captivant, avec quelques rebondissements, bref on se passionne pour cette communauté de Taverny, pour Colin et ses élans du coeur. Vraiment très, très bien !

Le coeur à la renverse, Robert Bigot

Seuil Jeunesse, coll. Karactère(s). 198 pages, 9€

Editions du Seuil, 2008

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