Perspectives de paradis - Bénédicte Martin
Trois ans après son sulfureux "Warm Up", Bénédicte Martin revient sur la scène littéraire avec des "Perspectives de paradis" beaucoup plus raisonnables, remisant au placard l'érotisme débridé du précédent recueil. Dommage ? Oui, un peu. J'ai personnellement trouvé qu'il manquait un peu de cette fraîcheur et légèreté, si caractéristique au ton de miss Martin, bien loin de labourer son champ dans le lexique porno-chic refoulé, non c'était écrit avec la saveur et la gourmandise d'une amoureuse des mots et de la langue onctueuse, oui c'est vrai, qui rappelle le style de Colette.
Bref, dans "Perspectives de paradis", livret bien maigrichon de 135 pages, on y découvre avec stupeur et tremblements qu'il y a tout de même 25 nouvelles au compteur ! Alors, quoi ? Elles ne sont pas bien consistantes, à peine deux ou quatre pages (au plus), elles s'enfilent comme des perles pour en faire un collier, l'écrin n'est pas de velours, mais pourrait-on reprocher à Bénédicte Martin de varier son registre ? Non, reconnaissons-le.
Cette fois-ci, Eros se porte pâle, à peine quelques (rares) fois est-il sonné pour pondre quelques éclats de lecture, du style : "on lui a parlé de crème anglaise qui perlerait sur le bout du sexe des hommes" ou "il commence à la lécher comme le beurre d'une tartine". Rien de folichon, j'en conviens. La coquette n'est-elle donc plus frivole ? Elle a rangé au placard ses talons aiguille et ses mini-jupes sexy, elle est décidément plus sombre et sobre (elle évoque la folie, la mort, le meurtre), elle ose aussi l'humour, le cocasse et la roublardise ("j'en ai marre de tes caresses en spirales et de ta tête d'obsédé. Tu t'éparpilles sous les oreillers et sur moi. Ras-le-bol. Chaque fois, c'est pareil, sous la blancheur du drap, une stalagmite apparaît et tu rêves que je la suce. Pour ton plaisir, je fais des oh et des ah, mais qu'est-ce que tu m'agaces").
Il y a de la mutinerie dans l'air ! Les héroïnes de Bénédicte Martin ne sont désormais plus (que) des dévergondées, elles sont modérées, avides, exigeantes, parfois impudiques. Il y a un panel beaucoup plus large, on s'expatrie à leurs côtés, on passe de Shangai, du Palais Royal, de Londres, de Baden-Baden, de Hongrie, du Bosphore, de Dunkerque et de Paris 44 en moins de deux.
Mais il reste cette grâce dans l'écriture, ronde et douce, poétique en diable. Bénédicte Martin n'a pas changé d'un gramme, elle n'est pas qu'un minois ravissant qui griffonne des contes coquins en montrant sa culotte, c'est (ainsi le prouve ce deuxième livre) une jeune femme toujours charmante et qui se dévoile autrement... A suivre !
Flammarion
- A lire : Warm Up (Flammarion)