Snobs - Julian Fellowes
Edith Lavery, standardiste dans une agence immobilière de Chelsea, fait connaissance du fils Charles Broughton, lors d'une visite au château Broughton Hall. Le jeune homme est séduit et entreprend de la revoir. Une idylle va naître, qui n'est pas aux goûts de l'entourage de cette "gentry" britannique.
Très vite, Edith la roturière fait son entrée fracassante dans ce milieu huppé du Grand Monde. Elle n'appartient pas aux us et coutumes de cette classe sociale. Lady Uckfield, sa belle-mère qu'on surnomme Googie, a le sourire pincé de celles à qui on met sous le nez un plat peu ragoûtant mais que la bienséance vous oblige à décréter "onctueux".
Edith est une jolie fille, blonde aux grands yeux et aux bonnes manières, pourtant son arrivisme ne trompe personne, mis à part Charles. Le mariage est conclu, mais très vite Edith s'ennuie sous ce faste artificiel. Il devient vite apparent qu'elle n'a pas épousé Charles Broughton par amour, qu'elle commence à le déprécier et afficher son mépris en public !
Comble de tout, Edith provoque un scandale en s'exhibant aux côtés d'un acteur, Simon Russel.
Hauts et bas d'une roturière sans vergogne, dont le vrai crime n'était pas d'avoir épousé Charles sans l'aimer, mais de l'avoir quitté par amour pour un autre. "Sa folie : avoir renoncé aux fausses valeurs qu'elle avait adoptées en épousant Charles pour retourner aux valeurs éternelles. Ce n'était pas une attitude mondaine, conforme aux règles de l'aristocratie britannique."
Ce 1er roman de Julian Fellowes, scénariste de "Gosford Park" (à voir absolument !), est la peinture actuelle d'une pièce montée décrite avec humour, tendresse et acrimonie. L'histoire ressemble à celle d'hier, mais elle est plantée de nos jours. Elle suit les pas d'une Edith Lavery nourrie par sa mère de rêves à la Barbara Cartland et qui s'écroule sous la réalité de la condition de Milady. On l'aime et on la déteste. Mais à travers elle, c'est une façon de rappeler des codes rigides où l'on se défend d'être snobs dans cette bonne vieille aristocratie anglaise, qui dénigre sans retenue la bourgeoisie londonienne, parvenue et sans cachet. Il ne faut pas mélanger les torchons et les serviettes, en gros.
On partage les petites combines pour corrompre les retrouvailles, pour évincer définitivement cette petite dinde qui jette l'opprobre sur leur milieu très fermé. On assiste à l'opportunisme, aux élans d'amour, aux actes inconsidérés, aux tentatives de réconciliations, et cela se passe sous le couvert délicieux des parties de thé, des rendez-vous à Ascot, dans des salons où l'on reçoit une invitation au nom de Madame. Tous ces codes sont rapportés avec élégance, sans honte de dénoncer les couches d'hypocrisie, telle une délicieuse satire digne de Jane Austen, acidulée d'un soupçon d'Evelyn Waugh.
A déguster, avec thé et scones au raisin. Quelques scènes valent leur pesant d'or, cf. la nuit de noces !
JC Lattès - 375 pages