Geisha ou Le jeu du shamisen, de Christian Perrissin & Christian Durieux
Japon, 1912. La famille de Setsuko Tsuda quitte leur village de campagne pour s'installer en ville dans l'espoir d'une vie meilleure. Ancien samouraï, l'homme est fier mais accepte les petits boulots, jusqu'au jour où, suite à un accident de tramway, il devient éclopé. La misère ronge leur foyer, le père s'oublie dans l'alcool, puis prend la décision de vendre sa fille à l'okiya Tsushima. Coup dur pour la fillette de dix ans. La patronne lui réserve un accueil froid et implacable - elle juge son physique ingrat et son visage peu harmonieux. Elle change aussi son nom pour Kitsune, “la renarde”. L'enfant suit néanmoins une éducation de qualité et fait l'apprentissage des arts (chant, danse, prestance, musique, thé). Elle assiste également ses grandes sœurs, les geisha, mais subit les foudres de Komayo, la favorite. S'exerçant en secret au shamisen, une guitare à trois cordes, Kitsune révèle un véritable don qui lui assure une porte de secours, contrairement à sa camarade Kingyo, une jolie fille sans réel talent, qui n'échappera pas à sa destinée de servante ou prostituée. Quelle lecture captivante ! C'est avec un intérêt grandissant que j'ai suivi le parcours romanesque de la jeune Setsuko, devenue Kitsune, plongée dans les coulisses d'une vénérable maison de geisha. On y découvre un monde secret, à la hiérarchie pointilleuse et dont le respect pour la tradition est éminemment appliqué. Le tout baigne dans un esthétisme soigné, en noir et blanc, idéal pour accentuer le raffinement et la nostalgie d'une époque. Il s'agit cependant de la première partie d'un diptyque - je l'ignorais - d'où ma frustration au moment de tourner la dernière page car j'en voulais encore ! En attendant, je suis sous le charme, ravie de cette bande dessinée qui incarne magnifiquement la fascination qu'exercent les geisha, et qui rend hommage aux femmes cultivées qu'elles étaient, sans sombrer dans une panoplie de clichés ou fantasmes graveleux. Une lecture passionnante, à la fois délicate et mélancolique. Très, très bon ! ♥
Futuropolis, 2017