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Chez Clarabel
jc lattes
24 juin 2013

“Ma mère mourut le même jour que Marilyn Monroe, le 4 août 1962...” (Promesse de pluie)

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Eté 1962. Ethie, onze ans, apprend par son père la disparition tragique de sa mère. Ses frères et elle sont anéantis, livrés à eux-mêmes, car leur père, Howard, préfère se consoler dans l'alcool. Il a toujours vécu replié sur lui-même et sur son passé (il a fait partie des troupes canadiennes qui ont été envoyées à Hong Kong pendant la guerre contre le Japon) mais n'a jamais été fichu de confesser ce qui lui pesait sur la conscience.

Pour les sauver de cette situation, qui menace d'être explosive, Ethie va fouiller dans les vieilles histoires de famille et tenter de comprendre pourquoi sa mère a quitté la maison précipitamment pour rejoindre une copine avant de trouver la mort, pourquoi une jeune fille asiatique ne cesse de rôder autour de chez eux et pourquoi son père refuse d'évoquer son passé de soldat.

On se laisse guider par le rythme placide de l'histoire, qui dresse un portrait de famille attachant, tout en alternant avec les années de guerre, teintées de perte et d'horreur. L'auteur nous fait partager un mélange d'émotions, entre tristesse, rire, dégoût et espoir. C'est en somme un bon roman, agréable à lire, qu'on ouvre par curiosité et qu'on se surprend de finir quelques heures après. Donna Milner fait montre d'un style élégant, auquel on accroche facilement. Une jolie découverte !

Promesse de pluie, par Donna Milner
JC Lattès, 2013 - traduit par Laurence Kiefé

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22 mai 2013

La première chose qu'on regarde (Audiolib)

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Le roman s'ouvre sur une phrase étonnante : « Arthur Dreyfuss aimait les gros seins. »
Quelques lignes plus loin, le chapitre se conclut sur cette autre révélation : « Devant lui se tenait Scarlett Johansson. »

C'est donc l'histoire d'un mécanicien au physique de Ryan Gosling, en mieux, qui trouve sur le pas de sa porte la star hollywoodienne. Le gars en tombe des nues. Puis, s'invite à la fête Jeanine Foucamprez, animatrice de supermarchés et autres salons de mariage. Avec son physique de rêve, une beauté à couper le souffle, un petit air de Scarlett, la nymphette fait tourner les têtes. Mais les gens se méprennent sur son compte et Jeanine est lasse de jouer un rôle qui l'étouffe. Elle souhaiterait maintenant être aimée pour elle-même.

Quelle aventure, mais quelle aventure ! Si l'histoire semble promettre un détour saugrenu et particulièrement cocasse, le fond n'en est pas moins sordide. Car très vite, il apparaît que nos deux protagonistes sont deux êtres torturés, par la faute d'une enfance malheureuse. Aujourd'hui ils sont à la recherche d'un idéal qui leur fait défaut. Qu'importe, ils se lancent dans leur aventure amoureuse avec une spontanéité désarmante.

Tour à tour, le roman s'avoue drôle, cocasse, frais, charmant, un vrai vaudeville. Sauf que, derrière le burlesque, se cache une comédie dramatique,  où l'on parle d'amour, certes, et plus particulièrement de nos attentes et du fait de renvoyer une certaine image, sur laquelle les regards se posent, souvent sans jamais chercher à percer la façade. C'est le drame de notre siècle, se nourrir d'une apparence. Oui c'est triste, car « ... on n'est jamais aimé pour soi mais pour ce qu'on comble chez l'autre. On est ce qui manque aux autres. ».

C'est foncièrement un roman désabusé et poignant, par contre l'auteur se perd dans des considérations sur le star-system, détaille la filmographie des acteurs, fait de nombreux apartés géographiques aussi... Je ne sais pas pourquoi, mais c'est un peu bizarre. L'histoire en elle-même m'a plu, mais ce qu'il y a autour m'a parfois semblé superficiel. Cela me laisse perplexe, quoi...

La première chose qu'on regarde, par Grégoire Delacourt
Audiolib / JC Lattès (2013)
Texte intégral lu par Marc Weiss (durée : 4h48)

18 avril 2013

"Oui, je pense que tout ce qui vient du passé n'est pas dépassé."

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J'avais suivi de loin l'engouement des lecteurs et des libraires pour ce roman, dont j'ignorais absolument tout de l'histoire. J'avais supposé qu'il s'agissait d'une lecture tendre et délicate, aux doux pouvoirs apaisants. Eh bien, j'avais raison, un peu, mais j'avais tort aussi. En fait, cette histoire est beaucoup plus bouleversante que je ne l'aurais cru !

Nous découvrons une femme de 47 ans, Jocelyne, surnommée Jo, mercière à Arras, mariée à Jocelyn (!) depuis une vingtaine d'années et mère de deux enfants (sa troisième fille est morte à la naissance). C'est une femme heureuse et comblée, même si les épreuves, elle connaît aussi. Comme beaucoup de monde, elle avait rêvé d'une autre vie, mais les aléas du destin ont fait que ... Ce n'est pas de l'amertume qui accompagne ses mots, aujourd'hui. Après un rapide tour d'horizon, Jocelyne s'estime chanceuse.

Et puis, elle gagne au Loto une somme faramineuse. Elle conserve le chèque dans sa poche, n'en parle à personne. Parce que, "la convoitise brûle tout". Alors, Jo continue de mener son petit train de vie, avec ses copines, les jumelles coiffeuses, toujours fofolles, mais extrêmement perspicaces. Elle ne dit rien à son mari non plus, elle attend, elle part en weekend, elle est plus amoureuse que jamais, enfin détendue, après des années de hauts et de bas. Dans son coin, elle dresse des listes, de ses envies, de ses besoins, de ses rêves. Elle tient aussi un blog de tricot, qui connaît un succès fulgurant. Non, vraiment, Jocelyne a tout pour être heureuse. Alors, ces 18 millions et des pépettes pèsent de plus en plus dans la poche...

L'histoire, finalement, va nous surprendre, nous mettre k-o, nous choquer et nous bouleverser. Nous sommes plus près que jamais de Jocelyne, nous ressentons sa détresse, ses peurs, sa rancune, son désarroi. Sa belle histoire devient tragique. Elle qui se pâmait à la lecture de Belle du Seigneur prend conscience du gouffre qui l'attend lorsqu'on a longtemps cru à l'amour absolu. Qu'est-ce que c'est poignant ! D'un seul coup, ce roman qui m'apparaissait léger, attendrissant et drôle s'est revêtu d'un voile d'amertume, d'où l'on sort plus déboussolé que jamais. Enfin, c'est bon aussi ! C'est un roman généreux et honnête, qui nous porte à apprécier les petits plaisirs simples de la vie ordinaire. Sans mièvrerie, sans cynisme. Et quelle prouesse de la part de l'auteur, d'avoir su se glisser dans la peau d'une femme, avec les mots justes, les émotions à fleur de peau. C'est ce qui touche aussi.

Odile Cohen, également la voix d'Amy dans Les apparences, parfait à apporter à la musique des mots du roman un ton juste, tendre et profond. Encore un beau moment de lecture que nous offre Audiolib ! (Comptez seulement 3h30 de lecture, avec en bonus un entretien avec l'auteur.)

La liste de mes envies, par Grégoire Delacourt
Audiolib / JC Lattès, 2012 - Texte intégral lu par Odile Cohen

13 mars 2013

“You wanted hearts and flowers,” he murmurs.

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Nous avions abandonné une Anastasia en pleine reprise de ses moyens, choisissant de fuir sa relation malsaine avec Christian, et j'avais grandement applaudi ce choix. Clap clap clap. Hélas, la résistance de la demoiselle aura duré ... 20 pages. Quelle désolation ! Ana a donc commencé son boulot, elle est assistante auprès d'un éditeur indépendant, lequel semble lui porter une attention bien pressante. Hmm, c'est alors que Christian réapparaît avec ses cadeaux, ses virées en hélicoptère et ses tons graves et impétueux, tout ça parce qu'il n'est pas content de la mine de déterrée de sa petite copine, qui a aussi perdu quelques kilos, le comble du comble, car ... à quand date son dernier repas ?! (pff)

Eh oui, c'est toujours, toujours la même rengaine. Christian se pose en mâle dominateur, mais c'est ridicule, Ana est naïve et ne cesse de minauder. Au secours. Dès lors qu'il lui propose de revoir les bases de leur relation (encore un contrat ?), elle frétille d'excitation. Enfin une relation avec des fleurs et du chocolat ? Naaan... Je sature.  Autant j'avais pu rigoler avec les débuts de cette série olé-olé, autant cette fois je m'escrime et je jure que la plaisanterie a assez duré.

Et cette farce dure trois tomes, pitié STOP. C'est chiant et y'en a marre de ces fadaises et autres niaiseries. Le pire, c'est qu'il y a maintenant des tonnes de bouquins qui ont pris le relais et qu'on ne trouve plus que ça (de la médiocrité et du porno vulgaire). Que passe cette mode au plus vite et qu'on retrouve des histoires plus croustillantes, drôles et écrites avec une vraie plume.

Rien à redire sur l'interprétation de Séverine Cayron, juste et stoïque quand on songe aux singeries qu'elle doit débiter, c'est le seul bon point à sauver de ce livre à écouter.

Cinquante nuances plus sombres, par E.L. James
JC Lattès / Audiolib, 2013 - traduit par Aurélie Tronchet
Texte intégral lu par Séverine Cayron, avec la participation de Julien Bocher

11 février 2013

"Je sais à ce moment-là que je ferais n'importe quoi pour cet homme. Je lui appartiens."

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Ana est étudiante, en dernière année. C'est une jeune femme amoureuse de littérature romantique, qui n'a jamais connu le grand frisson et qui entend se préserver pour LE candidat idéal. Et elle le rencontre au cours d'une interview pour le journal de la fac, il s'agit de Christian Grey, multimillionnaire, attirant et célibataire. Aussitôt son cœur fait boum.

Le problème d'Anastasia, c'est qu'elle se dévalorise constamment : physique ordinaire, maladresse légendaire, d'une naïveté et d'une innocence déconcertantes... Et la gourde confie son destin amoureux à un type qui lui propose tout le contraire, du sexe, sous contrat et avec des clauses particulières. Toute autre jeune fille (in)expérimentée prendrait ses jambes à son cou, mais pas notre mademoiselle Steele !

Alors, je dois avouer m'être beaucoup amusée à l'écoute des premiers chapitres, avec la conscience aigüe que ce n'était peut-être pas normal, sauf qu'il faut reconnaître que l'héroïne, dont la première entrée en scène se solde par une chute à quatre pattes sur le seuil du bureau de Christian Grey (oui franchement j'ai ricané comme une bécasse), est pathétique à souhait.

Pendant longtemps j'ai trouvé que c'était comique et divertissant, avec des défauts à la pelle (diantre, ce niveau d'écriture). Je reste, cependant, intimement convaincue que cette version Audiolib a pu jouer en faveur de mon appréciation générale (S. Cayron est troublante, ironique, coquine et sans complexe). Bon, dès le moment où on entre dans le vif du sujet, avec l'étalage graveleux de scènes sexuelles pas du tout sensuelles, j'ai commencé à faire la fine bouche.

Voilà, c'est de la lecture de distraction, qui comporte une lourdeur de style, des personnages têtes à claques, une histoire quelque peu grivoise, avec des descriptions sans charme, d'un érotisme plat, mais j'ai tenu jusqu'au bout, 16 heures d'écoute tout de même, car l'interprétation du livre audio est agréable et pertinente. 

Cinquante nuances de Grey, par E.L. James
JC Lattès / Audiolib, 2012 - traduit par Denyse Beaulieu
Texte intégral lu par Séverine Cayron

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17 septembre 2012

Ce sont ces petites choses, égrenées au fil des jours, qui ont sur la suite de la vie, l'effet d'un rideau cachant le soleil.

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Ce roman est remarquable, même si le ton est froid et cinglant, il sert à mieux dresser le portrait de Marie, une vieille femme sournoise, aigrie par les années durant lesquelles elle a multiplié les exigences et les caprices. Mariée à André, instituteur à la retraite, elle n'a cessé de le houspiller, le rabaisser, le faire tourner en bourrique. Et lui, bonne pâte, s'est plié à ses tortures...

A présenter ainsi, c'est clair que le livre ne fait pas très envie. Ce serait cependant une erreur de ne pas s'y intéresser, car le talent narratif d'Hervé Bel consiste à nous présenter cette femme, indigne et détestable, sans jamais forcer le trait ou sombrer dans le ridicule. Au contraire, on peut être surpris par les pointes d'humour, souvent malgré elle, de Marie, qui pense petit et vit tout aussi petitement, en plus des aspects dérisoires de sa vie et sa façon de penser.

Le film de sa vie est déroulé sous nos yeux, on la découvre jeune fille, belle et insouciante, déjà pimbêche, choyée par un père qui cédait face à son bon vouloir, puis amoureuse, sottement romantique, jouant presque un jeu, elle s'étourdit de belles paroles, souhaite qu'on flatte son ego, semble accorder une grande faveur en épousant l'homme de son choix... Dès le départ, on la sent naïve et calculatrice, car lorsqu'elle aura cessé de vouloir paraître, elle se laissera submerger par son amertume.

Avare, égoïste, abusive, despotique et ingrate, Marie est une héroïne rare et incroyable. Au début de la lecture, on est en droit de penser que ça ressemble à la vie de nos parents, ou nos grand-parents, un couple au crépuscule de sa vie, quoi. Et puis cette façon d'entrer dans l'intimité de Marie, de pénétrer sa logique et sa mauvaise foi, vraiment à plus d'un titre, le résultat est bluffant, saisissant et accrocheur. Je ne pensais pas m'attacher autant à cette histoire, c'est comme une fascination dérangeante pour cette femme au caractère impossible, qui défend sa cause avec véhémence et tromperie. C'est redoutable, jusqu'au bout !

Les Choix Secrets, par Hervé Bel
JC Lattès, 2012

Elle a toujours vécu dans cette illusion que le monde était un parterre, et qu'elle était sur la scène, aimée de son public, et elle la vedette, tantôt indifférente, tantôt gentille, tantôt méchante, mais toujours pardonnée. Qu'il suffisait d'un geste de sa part pour recueillir des preuves d'amour.

22 février 2012

Loin de moi le monde. Loin de moi mon monde.

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Noah, adulte, se retrouve dans son atelier d'artiste, complètement vide, mise au pied du mur. Sa vie est sinistre, son couple bat de l'aile, son travail ne la motive plus, la flamme s'est éteinte. Surgit alors Noah, enfant, avec son short de foot trop grand, sa coupe à la garçonne, son espièglerie, son effronterie...
Noah et son enfance flamboyante à Dakar et sur l'île de Gorée, avec Dieu, son père, ethnologue et professeur à l'université, et sa mère, fuyante et insaisissable, qui partait à Paris pour écrire son livre, et qui revenait écouter ses disques de Leonard Cohen et Paco Ibañez...
Noah, heureuse et insouciante, habile et redoutable, avide et insatiable, débrouillarde et farouche...
Un jour, il a fallu partir, oublier et se consacrer à une nouvelle vie. Une dizaine d'années après, c'est le retour du boomerang, avec l'amertume au bord des lèvres, la certitude d'avoir vécu quelque chose de trop fort et de ne plus l'assumer.
Parce que, "ses souvenirs d'enfance et d'adolescence refusaient de s'accorder à sa vie de femme."
Parce que, "une enfance flamboyante, cela peut aussi empoisonner ton existence d'adulte et réduire les chances du bonheur".
C'est de façon remarquable que Marine Bramly fait la lumière sur le parcours de Noah, toutes les parties consacrées à l'Afrique sont splendides, dépaysantes et fascinantes, et lorsque le malaise trouve enfin sa source, la révélation est d'autant plus forte et poignante.
Un très beau roman, admirablement écrit et construit.

Mon petit bunker, par Marine Bramly (JC Lattès, 2011)

21 février 2012

Can't Stand Me Now

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Paloma a quatorze ans et se prépare à fêter son réveillon de fin d'année chez son ami Pierre. Ils se connaissent depuis toujours, leurs familles ont passé toutes leurs vacances sur l'île de Bréhat, ils ont formé une petite bande, avec Maxime, Antoine et Martin. Et puis un an vient de se passer en faisant voler en éclats la cohésion du groupe. C'est en fille forte, aiguisant son sens de l'humour teinté d'ironie, son envie d'en découdre, son besoin de foncer, de croire en quelque chose, de provoquer l'autre, bref Paloma se pointe chez Pierre, la bouche en coeur, la bave aux lèvres. Car la demoiselle a la rage !
Et c'est en chieuse qu'elle se comporte. Insupportable, intenable, volage, allumeuse, provoquante, déraisonnable, paumée. Pierre prend sur lui, il est fou d'elle, il voudrait qu'elle le comprenne, mais les barrières érigées sont résistantes. Et les heures s'écoulent, le malaise s'installe, d'autres figurants passent pour pimenter la soirée, notre jeune couple patauge dans la semoule.
C'est u-sant !
Est-ce lié au fossé générationnel ? Faut-il être une adolescente pour comprendre ce qu'une autre adolescente cherche à partager ? Paloma est une jeune fille de son époque, elle est entière, désabusée et romantique, lisant beaucoup, aimant passionnément la musique, chantant à tue-tête les paroles des autres pour mieux exprimer ce qu'elle ressent.
Au coeur du roman, sa relation avec Pierre, tumultueuse et exigeante, laisse planer le doute. Paloma a pour mission de ne pas se donner, de se préserver, d'entretenir le mystère, d'attiser le désir... oui, c'est ça, exactement ça, ne plus être une petite fille, mais bientôt une femme, en attendant il y a cet entre-deux et c'est tiré par les cheveux !
Le roman est à l'image de son auteur (jeune) : il est maladroit, et tellement ancré dans l'absolu. L'héroïne n'est pas très sympathique et m'a plus d'une fois tapé sur les nerfs. La seule partie qui m'a fait sourire, c'est lorsque Paloma avoue son béguin pour Peter Doherty et ses fantasmes débridés lorsque celui-ci louait l'appartement de sa tante à Paris.
C'est indéniablement le roman d'une adolescente qui s'adresse à d'autres adolescents.

Pastel Fauve, par Carmen Bramly (JC Lattès, 2010)
à signaler : l'auteur a publié un deuxième roman, Superfragilibus, avec pour héroïne Doodoowa, une amie de Pierre. 

11 février 2011

Ils diront d'elle

- C'est à cause de ton père n'est-ce pas ? avait demandé sa mère quand elle avait deviné, quelques années plus tard, à quoi pouvait ressembler sa "vie avec une copine" dans un bled maritime, quartier abandonné pendant dix mois de l'année, vent qui souffle, grosses marées, mais personne pour juger quand on veut s'embrasser.

L'avantage des questions fermées c'est qu'elles parlent à la place du sujet concerné. Estelle avait l'habitude, elle avait toujours entendu sa mère répondre pour elle. Depuis l'âge des jambes croisées qui se balancent sous la chaise, jusqu'à celui des pieds qu'on lui laissera enfin ne pas avoir "sur terre", sa mère commençait ses phrases par "ma fille" et Estelle attendait de connaître la suite en même temps que la directrice du collège ou que l'enseignant qui les avait convoquées. Elle apprenait qu'elle était comme ci ou comme ça, qu'elle avait envie de faire ceci ou cela, elle était quelqu'un qu'on lui décrivait.  Alors oui, si elle le disait, si c'était la réponse que sa mère proposait, parce que ça l'arrangeait, parce que ça l'épargnait, elle, qu'est-ce qu'elle aurait raté ?

De la faute de son père, c'est bien restons-en là, avait pensé Estelle. Elles n'avaient jamais eu de véritable discussion. Elle s'était contentée d'apprécier que sa mère ait deviné sans paraître mortifiée, qu'elle ait mis le pied dans le plat sans même se déchausser. Plus tard, Estelle doutera de l'avoir correctement interprété.

IMG_2461A l'occasion des retrouvailles en famille pour les fêtes de fin d'année, Estelle a choisi de discuter des parents avec ses frères et soeurs. Elle a grandi sous le poids des secrets, elle s'est sentie étouffée et empoisonnée, cela continue de la hanter, aujourd'hui il est temps de s'en libérer. C'était la petite dernière, beaucoup d'écart la sépare de ses aînés, a-t-on cherché à la protéger, à la tenir à l'écart car elle était trop jeune ? Ou est-ce de sa faute aussi d'avoir noirci le tableau ? Entre la disparition du père, cavaleur et faible, qui aurait cédé à la facilité, et entre le silence martyr de la mère, Estelle en a vu de toutes les couleurs et a longtemps tu ses frustrations. En choisissant donc de briser le tabou, elle s'expose. Elle entend bousculer ses frères et soeurs, mais la réalité la déconcertera davantage.
Ce roman conserve une empreinte de tristesse et de désolation qui ne parvient pas à s'enlever, je m'y suis enlisée, je ne sais pas pourquoi, j'ai trouvé que les problèmes d'Estelle étaient pesants et m'ennuyaient un peu. Fatalement ses histoires de famille empiètent sur sa vie personnelle, sur son manque d'ambition, sa vie sentimentale qui m'apparaît subie. Oui, elle est heureuse auprès de Vanessa, qui est une jeune femme à la personnalité flamboyante. Tout est terriblement lié - le manque de repère et de confort a fragilisé Estelle, qui se rassure et se sustente dans sa fascination. C'est compliqué, j'exagère ou je raccourcis, mais il me restera de cette lecture une impression mitigée. J'avais nettement préféré les précédents romans de Fanny Brucker, Far Ouest et J'aimerais tant te retrouver
.
Celui-ci m'échappe un peu...

Merci, merci, F.B. !

Ils diront d'elle, roman de Fanny Brucker
JC Lattès (2011) - 267 pages - 17€

 

8 décembre 2010

Crèmes & Châtiments

Amateurs de recettes délicieuses et criminelles, voici pour vous les crèmes et châtiments d'Agatha Christie :

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Agatha Christie était une gourmande, qui savait apprécier les bonnes choses autant que la vie. Elle avait un bon coup de fourchette, appréciait les plats lourds et copieux, et avait pour péché mignon la double crème du Devon (un mélange de crème épaisse et de lait cru) qu'elle affectionnait tellement qu'elle en mettait à toutes les sauces ! Ce qui ne sera pas sans conséquences sur la silhouette de la Duchesse de la mort...

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Agatha Christie avait un point commun avec Alfred Hitchcock : elle truffait son oeuvre délectable d'une foule de références culinaires. Les recettes proposées ici ne sont donc pas forcément originales, plutôt traditionnelles, ancrées dans la culture britannique (le célèbre breakfast ou le tea time qui semble souffrir d'une désaffection de plus en plus prononcée chez la jeune génération, les auteurs reconnaissent donc à Agatha Christie le soin de la tradition : sandwiches, canapés et pâtisseries accompagnent religieusement le thé de cinq heures).
Voici donc un assortiment culinaire composé du christmas pudding (la légende veut que l'on doive le conserver six semaines dans un endroit frais), de la Mort exquise (chocolat noir, beurre, sucre, raisins secs et Cointreau), du Yorkshire pudding (qui accompagne le boeuf rôti) et des scones (servis tièdes, accompagnés de crème Chantilly, de gelée de groseilles ou de crème du Devon). Le tout, forcément, est mis en scène de façon délicieusement kitsch ... 

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Ce n'est pas tant le livre de recettes qui m'intéresse, mais plutôt l'objet en lui-même, la joyeuse combinaison entre la gastronomie et la littérature (des extraits des romans d'Agatha Christie parsèment cet ouvrage, de quoi donner envie de replonger dans un ou plusieurs titres !), les petites informations sur la vie de l'auteur, l'importance de la cuisine dans sa vie et donc dans son oeuvre. Dans les livres d'Agatha Christie, on succombait souvent par la faute d'un empoisonnement, ce qui rendait le meurtre plus propre et réfléchi, selon elle. Il fallait flairer pour trouver le coupable, et donc prendre son temps. C'est ce que j'aime le plus dans ce type de romans à suspense, en plus de l'ambiance et du charme britannique. Celles (ou ceux) qui savent et comprennent auront ainsi la même curiosité envers cet ouvrage de François Rivière et Anne Martinetti (également les auteurs de La sauce était presque parfaite, 80 recettes d'après Alfred Hitchcock).

Crèmes & Châtiments  - Recettes délicieuses et criminelles d'Agatha Christie
par Anne Martinetti et François Rivière

Photographies de Philippe Asset
Editions JC Lattès / Le Masque (2010 pour la présente édition) - 168 pages - 19,90€

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