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Chez Clarabel
16 février 2009

Mille soleils splendides - Khaled Hosseini

« Mariam n'ayant jamais porté de burqa, Rachid dut l'aider à enfiler la sienne. La partie rembourrée au sommet, lourde et un peu étroite, lui enserrait le crâne comme un étau, et le fait de voir à travers le grillage lui parut très étrange. Elle s'entraîna à marcher avec dans sa chambre mais, comme elle était déstabilisée par la perte de sa vision périphérique et que l'étoffe se collait contre sa bouche, l'empêchant de respirer, elle ne cessait de trébucher, se prenant les pieds dans l'ourlet de la robe. »

51jN9vLghDL__SS500_Dans l'Afghanistan des années 70 à nos jours, deux femmes nous font partager leurs destinées en un mélange de passion, d'émotion et de désarroi. Mariam vit seule avec sa mère, répudiée par sa famille pour avoir été la maîtresse de son employé, le grand et riche Jalil. La petite fille idolâtre son papa, qui lui rend visite une fois par semaine, et refuse de donner foi aux propos acrimonieux de sa mère, rendue jalouse et haineuse par le temps. Pour son quinzième anniversaire, Mariam émet une demande : se rendre au cinéma, dans la ville de son père. Mais le rendez-vous tourne au cauchemar et aura des conséquences désastreuses sur la vie de la jeune fille.

Laila a grandi à Kaboul dans un foyer aimant et stable, son père est un intellectuel, il enseigne la poésie, et sa mère a un caractère difficile mais supportable. Elle a surtout peur pour ses fils, partis au combat (nous sommes dans les années 80) et va d'ailleurs perdre la raison en apprenant leur mort. Laila a heureusement son meilleur ami Tariq pour l'aider à surmonter le quotidien morose à la maison, jusqu'au jour où celui-ci annonce qu'il doit quitter le pays avec ses parents. Un monde s'écroule, noyé sous les bombardements.

Mariam et Laila vont se croiser, se rencontrer, vivre ensemble. Elles vont partager le toit du même homme, Rachid, qui est un monstre de violence et de misogynie. Le roman raconte leur quotidien, semblable à celui de milliers de femmes afghanes, dans un pays ravagé par les conflits. La place des femmes, elle, n'a fait que dégringoler dans l'estime des hommes, c'est parfois très révoltant à lire à travers des yeux d'occidentale. Roman prenant et poignant, il est écrit pour être lu d'une traite et pour accrocher le lecteur sensible à ces deux destinées de femmes fortes et remarquables. Jusqu'au bout on a le coeur un peu lourd, peut-être la faute à un sentimentalisme trop poussé. En tout cas, le but est atteint : roman dévoré et fort apprécié !

10/18 - 410 pages - 8,60€
traduit de l'américain par Valérie Bourgeois

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15 février 2009

Le Livre de Rachel - Esther David

51YS8IXVRfL__SS500_Seule dans sa maison à Danda, en bord de mer, Rachel espère finir ses vieux jours sur la terre où est enterré son regretté Aaron. Ses enfants sont partis en Israel et la poussent à venir les rejoindre, mais elle refuse. Pour prétexte, elle utilise aussi son attachement pour la synagogue qui jouxte sa maison. Le lieu sacré est abandonné, n'accueille plus aucune cérémonie religieuse, Rachel est désormais la seule à détenir les clefs pour faire le ménage. Un jour, un ancien ami d'enfance d'Aaron arrive chez elle en suggérant de vendre les terres autour de la synagogue pour un riche exploitant. L'homme serait aussi intéressé par la maison de Rachel, il propose un très bon prix pour l'ensemble. La vieille femme voit rouge, elle met Mordecaï à la porte en jurant que jamais elle ne le laissera faire une chose pareille. Grâce à l'aide d'un jeune avocat, Judah, ancien camarade de son fils, Rachel va tout mettre en oeuvre pour protéger la synagogue.

Ce roman exhale les parfums de l'Inde d'aujourd'hui, dans une ambiance chaleureuse, épicée et confortable (pas de misère ni de crève-la-faim, ça change!). Il s'agit donc du portrait d'une femme qui préserve, au fil des repas, mémoire et culture. Chaque chapitre s'ouvre sur une recette traditionnelle. J'avoue avoir regretté une chose : qu'on ne puisse pas inventer un livre qui sent ! Cela semble terriblement harmonieux, et odorant (la persuasion de l'imagination !). On en mangerait. Très vite on se laisse porter par la petite musique du livre. Rachel est un personnage attachant, d'une grande sensibilité. Et son combat pour sauver la synagogue voisine traduit aussi son respect pour la foi et la tradition. Elle se sent seule, loin de ses enfants, mais elle refuse de tout quitter pour les rejoindre, parce qu'elle a cette fidélité en elle, tout à fait en accord avec le personnage.

Reine des épices, Rachel est également une femme qui vieillit et se rappelle avec nostalgie sa vie de couple. Attention au sourire coquin, cela pimente les souvenirs ! Lorsqu'elle paresse dans son fauteuil, sur la véranda de sa maison, elle n'oublie pas que le chemin le plus rapide pour atteindre le coeur d'Aaron passait bien par son estomac ! Cela n'est pas si étonnant de remarquer que la magie se répète, à travers les générations. Une histoire d'amour va naître, en deuxième partie de roman. Je ne pense pas qu'elle était foncièrement obligatoire, mais ce n'est pas bien grave. Légèrement sensuel, ce roman s'inscrit davantage dans l'émotion et la sensation. J'ai bien aimé !

Héloïse d'Ormesson, 2009 - 300 pages - 21€
traduit de l'anglais (Inde) par Sonja Terangle
 

l'avis de Naina 

 

Musique d'ambiance : Le Tone - Lake of Udaipur

 

http://www.deezer.com/track/2601241

14 février 2009

L'amour comme par hasard, d'Eva Rice - En poche ! #20

L'amour comme par hasard, Eva Rice

303109_0Angleterre, 1954. Un après-midi à Londres, Penelope Wallace rencontre Charlotte Ferris à l'arrêt de bus. C'est une vraie tornade, affublée d'un manteau vert. Ni une ni deux, Charlotte convie Penelope à prendre un taxi avec elle pour se rendre chez sa tante Clare avaler thé et scones moelleux, nappés de confiture. Penelope la suit, sans réfléchir. Elle va rencontrer Harry, le fils de la fameuse tante Clare. Le jeune homme est mélancolique, il se morfond d'avoir perdu son amoureuse, une riche américaine du nom de Marina Hamilton, qui vient d'annoncer ses fiançailles avec un prétendant beaucoup plus aisé que le pauvre Harry (qui aspire à devenir magicien). Il n'a pas dit son dernier mot et élabore un plan de prestidigitation pour duper son ancienne petite amie en affichant la candide Penelope à son bras, lors de la réception des fiançailles de la Miss Hamilton ! 

Penelope Wallace, 18 ans, est une rêveuse et une romantique, elle est mordue du chanteur Johnnie Ray, et aime feuilletter les magazines féminins. Elle vit avec sa mère veuve depuis la fin de la guerre et Inigo, son frère passionné de musique pop américaine, dans la grande demeure familiale, Milton Magna, une somptueuse maison qui tombe en ruines car les Wallace sont endettés.   

Grand best-seller dans son pays, le roman de l'anglaise Eva Rice est un monument de lecture romanesque, mais écrit avec beaucoup d'esprit et d'humour. C'est plus enlevé que de la chick-lit, mais je pense que l'histoire de "L'amour comme par hasard" puise dans le même registre : des personnages attachants, une ambiance délicieusement kitsch et des histoires d'amour qui s'amorcent, se brisent avant de se redonner une chance. En somme, c'est très plaisant.
Un petit bonheur de lecture sans prétention, et qui fait plaisir ! 

(roman lu en juin 2007)

Flammarion, 2007 / Livre de Poche, 2009 - 6,95€
traduit de l'anglais par Martine Leroy-Battistelli

13 février 2009

L'histoire d'un mariage - Andrew Sean Greer

« Nous croyons connaître ceux que nous aimons.
Nos maris, nos femmes. (...) Nous croyons les connaître. Nous croyons les aimer. Mais ce que nous aimons se révèle n'être qu'une traduction approximative, notre propre traduction d'une langue mal connue. Nous tentons d'y percevoir l'original, le mari ou la femme véritables, mais nous n'y parvenons jamais. Nous avons tout vu. Mais qu'avons-nous vraiment compris ?
Un matin, nous nous réveillons. Près de nous dans le lit, ce corps familier, endormi : un inconnu d'un nouveau genre. Moi il m'est apparu en 1953. Un jour où, debout chez moi, j'ai découvert quelqu'un qui avait emprunté par pure sorcellerie les traits de mon mari.
»

51H4gSOw8UL__SS500_Cette histoire s'annonce bien mystérieuse.
Et elle aura un impact encore plus fort si vous prenez le pari d'y aller à l'aveuglette. De toute façon, cette histoire vous donnera le tournis. Cela commence par un amour d'enfance, entre Pearlie et Holland,  qui se consolidera par un mariage. Une vie paisible se trace devant eux : une maison confortable, en bord de mer, dans un quartier résidentiel, en Californie. Un fils, Sonny, vient saupoudrer de gazouillis ce bonheur naissant.
Pearlie n'est que dévotion pour son mari, qui souffre du coeur. Tous les jours, elle épluche le journal et supprime toutes les mauvaises nouvelles pour épargner à son époux un choc trop violent.
Même le chien Lyle ne sait pas aboyer.
Nous sommes en 1953. Une guerre s'est terminée, d'autres s'annoncent. On parle du procès du couple des Rosenberg, on prépare la population à l'exercice d'alerte aérienne.
Tout le climat est tendu, tourné vers l'attente.
Un soir, se présente à la porte du foyer de Pearlie et Holland un homme du nom de Charles Drumer. On devine que sa présence va tout secouer dans cette belle petite histoire d'un mariage, et c'est alors qu'on n'en revient pas ! Ce qu'on s'attend à lire, d'abord, n'arrive pas. C'est autre chose et cela nous laisse sans voix.
Et c'est de cette façon que s'écrit tout le roman. C'est très difficile d'en parler car il faut rester dans le flou. Car moins on en sait, mieux c'est ! Ce qu'il faut savoir, c'est qu'aucune certitude n'est jamais acquise.
De plus, parce que c'est Pearlie qui nous raconte son histoire, on s'imagine à sa place et on vit, on ressent, la situation inextricable dans laquelle son histoire est embringuée. On comprend aussi que tout a un rapport avec le grand amour, le poids des convenances et le sens des sacrifices. Tous les personnages sont d'ailleurs très attachants. Ils participent à rendre l'histoire touchante, gênante, agaçante. Avec une seule question : que sait-on des gens que nous aimons ?
Le roman se veut également le cliché d'une décennie, en montrant combien la société était minée par les peurs et les préjugés. Je n'en dis pas davantage...
Sachez juste que c'est loin d'être une petite histoire convenue, c'est plus fort, c'est stupéfiant.

Editions de l'Olivier, 2009 - 273 pages - 21€
traduit de l'anglais (USA) par Suzanne V. Mayoux
 

 

 

# On my own - Thecocknbullkid

http://www.deezer.com/track/2694018

12 février 2009

Le koala tueur et autres histoires du bush - Kenneth Cook

En postface, la traductrice Mireille Vignol déclare : « la brousse australienne se prête à souhait aux aventures invraisemblables : paysages insolites, animaux bizarres, faune humaine excentrique, villes perdues repaires d'indésirables cherchant à se faire oublier, scientifiques de tout poil absorbés dans des études de terrain et une population aborigène subtile régnant en maître sur son environnement. »

41Z_d_hmS_L__SS500_C'est avec un humour décapant que Kenneth Cook nous raconte ses étonnantes expériences, au coeur du bush australien. « L'un des mythes répandus sur l'Australie, c'est qu'elle n'abrite aucune créature dangereuse, hormis les crocodiles, les serpents et les araignées. C'est faux. » On découvre très vite, avec stupeur, le chameau à l'haleine de chacal, le koala tueur, le chat qui se croyait un chien de garde, le cochon furibond et j'en passe, devenus les acteurs bien malgré eux de situations sordides mais comiques. Parfois les rencontres animales vous glacent le sang, comme lorsque le narrateur se trouve nez à nez avec un énorme crocodile, un mâle reproducteur en pleine période des amours. Une autre histoire de crocodile prouve qu'il faut se méfier de ses bêtes, protégées sans doute, mais leur cuir est convoité par des chasseurs sans état d'âme ! Gare à la chasse (dans tous les sens!). Autre situation inconfortable : être au centre d'un vivarium et tenter de sortir votre ami, assommé par deux bouteilles de whisky. Il n'est pas bon non plus de croiser la paire chameau-aborigène, c'est un cocktail mortel. L'un vous kidnappe et vous paume en plein désert, tandis que le suivant vous propose son secours contre une forte somme d'argent.

Et ce sont ainsi quinze histoires désopilantes, parfois un peu teintées d'humour noir, qui composent ce recueil. Le résultat est surprenant, la lecture agréable. Kenneth Cook parvient, grâce à son esprit gaillard, à mêler l'autodérision, la loufoquerie et la tension dramatique dans le même panier. Il n'hésite pas à se mettre en scène, tel un journaliste naïf et trouillard, un écrivain sédentaire qui souffre d'un léger embonpoint, dans ces récits qu'il prétend être basés sur des faits réels. Son exploration du bush australien est une suite d'aventures saugrenues, tantôt palpitantes ou au contraire mortifiantes, mais Cook, dans l'ensemble, ne se départ pas de sa bonne humeur et prouve ainsi que le ridicule ne tue pas ! Tant mieux. En plus d'être dépaysante, cette lecture distraie et donne le sourire. A tester.

Autrement, 2009 - 155 pages - 15€
traduit de l'anglais (Australie) par Mireille Vignol

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11 février 2009

^ La dame des livres ^ ~ Heather Henson & David Small

La dame des livres - Heather Henson & David Small

 

9782748507843

Ce magnifique album met à l'honneur des femmes au destin incroyable, dont personnellement j'ignorais tout à fait l'histoire. Il s'agit des Pack Horse Librarians, autrement dit « les dames des livres ». C'étaient des bibliothécaires itinérantes qui parcouraient à cheval les monts Appalaches du Kentucky. Cela se passait dans les années 1930, sous la présidence Roosevelt, pour lutter contre les effets de la Grande Dépression et soutenir la population pauvre, qui habitait des régions reculées, où les écoles étaient rares et les bibliothèques, inexistantes. Tous les quinze jours, qu'il pleuve ou qu'il vente, les « dames des livres » empruntaient les mêmes sentiers escarpés, munies d'un chargement de livres. Les missions étaient le plus souvent remplies par des femmes, à une époque où nombreux étaient ceux qui pensaient que la place de la femme était à la maison. Certes, peu payées, les « dames des livres » n'en étaient pas moins fières d'apporter le monde extérieur à ces familles rurales.

L'histoire ici raconte la vie d'un jeune garçon, Cal. Il est le rejeton d'une famille pauvre, qui vit dans une ferme isolée, au coeur d'un paysage montagnard. Un jour, apparaît une dame sur un cheval, une dame qui porte des pantalons en public ! Elle tend un livre, refuse qu'on la rétribue en baies car, explique-t-elle, c'est gratuit. Elle reviendra bientôt pour faire l'échange et donner un nouveau livre. Cal s'en moque, il n'aime pas lire. C'est une perte de temps. Aussi, il ne comprend pas pourquoi sa soeur reste le nez collé dans ce « griffouillis de poules ».

Un soir de tempête de neige, Cal est épaté par la dame des livres qui a bravé les intempéries pour accomplir sa mission. « Y a pas que le cheval qui soit courageux, mais sa cavalière aussi, si vous voulez mon avis. Tout à coup, y m'faut savoir ce qui pousse la dame à risquer d'attraper froid ou pire. Je choisis un livre avec des mots et des images aussi, et je l'apporte à ma soeur.  - Apprends-moi ce qu'il dit ! ».

Fort instructive, cette histoire est admirablement mise en valeur par les illustrations de David Small. Les décors sont beaux, les traits des personnages, en tête Cal, sont expressifs et la pauvreté suggérée, avec habileté. La narration emprunte un dialecte de montagnard, tout à fait crédible pour raconter cette vie, cette rencontre et l'aubaine de la lecture pour quelqu'un qui ne savait pas lire.

« Du griffouillis de poules, voilà ce que je pensais. Maintenant je sais ce qui s'y cache, alors je lis à haute voix. »

Une histoire juste, presque nécessaire.   

Syros, 2009 - 13,95€
traduit de l'anglais (USA) par Fenn Troller
   

11 février 2009

Tu pars en voyage, Je pars très longtemps...

Coup de coeur d'une grande fille de 8 ans 1/2, et pas n'importe laquelle, puisqu'il s'agit de la mienne... ;o)

Tulane_290x344Le Miraculeux Voyage d'Edouard Tulane  nous raconte une histoire bouleversante, un conte initiatique sur la recherche de l'amour. Edouard Tulane est un lapin de porcelaine, vêtu d'habits précieux et élégants. C'est le jouet d'une petite fille de neuf ans, Abilène, qui habite une grande demeure bourgeoise. L'histoire nous permet de comprendre les pensées du lapin, qui est une petite créature égoïste et sans coeur. D'ailleurs, la grand-mère Pellegrina voit clair en lui car elle lui sussure un soir, dans son lit, qu'elle est très déçue par lui.

Peu après, la famille Tulane s'embarque sur le Queen Mary pour une croisière vers l'Europe. A bord du navire, Edouard est traité comme un prince, quand un drame arrive et le lapin tombe par-dessus bord. Il coule au fond de l'océan, il est plongé dans le noir, il ne voit plus les étoiles et il est seul. Le temps passe et le lapin est miraculeusement secouru par un filet de pêche. Commence alors une formidable épopée pour Edouard, qui va durer dans le temps, lui faire voir du pays mais surtout, lui donner de rencontrer des personnes étonnantes et aimantes.

Ce chemin de croix va permettre à Edouard Tulane d'ouvrir son coeur, et le nôtre aussi ! Impossible de rester de marbre en lisant cette histoire, incroyablement touchante, généreuse et poignante. Il y a des passages bouleversants, des rencontres fortes et inoubliables... Cette lecture a été notre fil rouge durant trois soirées, ma fille en réclamait encore. La dernière page tournée a même accueilli un grand cri de protestation, c'était tellement bon, pas envie de quitter tout ce petit monde... bref ce livre fait maintenant office des prochaines relectures !
Verdit : Un vrai petit bijou littéraire.

Le miraculeux voyage d'Edouard Tulane

hearn2_190de Kate DiCamillo
traduit par Sidonie Van Den Dries

Illustré par Bagram Ibatoulline

Tourbillon, coll. Histoires Universelles, 2007
204 pages /
12,95€

Un coup de coeur, aussi, pour Lili Oregane

... Tu vas m'oublier, c'est sûr, c'est certain

10 février 2009

La grand-mère de Jade - Frédérique Deghelt

« Ceux qui écrivent ont une façon si particulière de porter leurs yeux sur ce que nous ne saurions voir. Je suis une lectrice. Je ne serai jamais capable d'écrire le moindre texte, mais quand je lis le roman d'un écrivain, je suis toujours frappée de ce regard singulier : cette façon de saisir la banalité et d'en rendre compte sous un angle insolite, cet art de tisser un lien entre des choses qui n'ont pas l'air d'en avoir. (...) Et si je n'écris pas de roman, mon imagination récrit ceux que j'ai aimés avec un amour respectueux. La part de rêve que m'offre la lecture me révèle une réalité, la mienne. Je ne sais pas ce que trouve l'auteur en écrivant, mais je devine dans ce qu'il tait une réserve où puiser mes plus belles rencontres avec ce que j'ignore de moi-même. »

41XL_OyBZqL__SS500_A la demande de son père, qui vit à l'autre bout du monde, Jade accepte de prendre sous son aile sa grand-mère Jeanne, victime d'un malaise du haut de ses quatre-vingt ans et rétive à entrer en maison médicalisée. La cohabitation dans l'appartement parisien entre cette jeune journaliste indépendante et cette petite paysanne échappée de son village montagnard donne lieu à une véritable osmose. L'une et l'autre se découvrent un goût commun : les mots. Jade a écrit un roman, qui est refusé par tous les éditeurs, et Jeanne a été une grande lectrice, loin du regard de son entourage. Entre elles, s'engage une discussion passionnante, sur des parcours dissemblables, tel un voyage à travers le temps. Deux femmes s'écoutent et se comprennent. Mamoune va jusqu'à proposer de jeter un oeil au manuscrit de sa petite-fille, en glissant « je pourrai bien t'aider moi » dans un souffle, comme une petite souris qui ne voudrait pas paraître trop envahissante, la prétention d'une donneuse de leçons rangée au placard.

Ce texte est tout le contraire d'un étalage de vanité, ce serait plutôt du genre à chuchoter, à marcher sur la pointe des pieds. C'est un livre désarmant de tendresse ! La connivence entre les deux femmes est bouleversante, s'épanouissant sur un épilogue qui laisse pantois. Mais c'est extrêmement émouvant.

Il y a à travers chaque ligne de ce livre un hommage interminable sur le goût des mots, le pouvoir du livre, la magie de la séduction, et l'éblouissement de la première fois, lorsqu'on découvre une histoire, l'envie d'y être encore et toujours. Ce roman de Frédérique Deghelt est subtil, c'est un vrai tour de passe-passe (surtout concernant la fin). Une fois commencé, ce livre ne vous lâche plus. Il est ensorcelant ! Et tendre aussi, car les personnages sont magnifiques. Tout est beau dans ce roman. Lisez-le ! 

 

« Je me souviens d'avoir été fascinée par le miracle des bons livres qui arrivaient au bon moment de la vie. Ceux qui parfois tombent des étagères pour venir répondre à des questions que me posait l'existence. (...) J'ai tout vécu, j'ai mille ans et je le dois aux livres. »

Actes Sud, 2009 - 391 pages - 21€

la reconnaissance du jour : « Vous aimez l'accident d'un rêve enseveli dans un roman. Vous aimez que l'écriture accroche la douleur aux ténèbres pour en faire de la lumière. Je le sais, je le sens. »

 

les avis de Cuné et de Marie

9 février 2009

Festin de miettes - En poche ! #19

Festin de miettes, Marine Bramly

festinmiettesC'est une histoire entre deux amies d'enfance, qui se sont perdues de vue et se retrouvent près de dix ans après. On en a déjà lu, des histoires à cette sauce. Alors pourquoi se laisser tenter par cette énième copie, après tout ? Tout simplement parce que « Festin de miettes » donne l'impression que l'écriture coule de source, qu'une histoire peut s'écrire et se raconter de façon claire et limpide, que cela vous emporte et ne vous lâche plus avant la dernière page. 

C'est la quête d'une mère qui pousse Sophie et Deya, fraîchement réconciliées, à se lancer vers une piste qui les conduit tout droit au Sénégal. Mais pour toutes les deux, le parcours réveille des anciennes bouffées d'envie et d'aigreur. Le voyage n'est pas gratuit, il va les mener vers des vérités dérangeantes.
Avant cela, le décor était planté dans un « petit pavillon enfoui sous une perruque de glycine, dont la façade était en grande partie ouverte aux regards, comme dans une maison de poupée », une maison nichée au fond du jardin d'un hôtel particulier que possède la famille Rausboerling. Et ce théâtre de la rue des Grands Augustins semble coupé du reste du monde, plus rien n'existe autour. On entre chez les Rausboerling comme dans une autre dimension, dans une demeure splendide d'un autre temps, où l'on croise des figures flamboyantes et décaties.
Le vertige qui saisit Sophie est là pour lui rappeler les années de frustration, de rage et d'amertume. Sa propre vie est devenue si médiocre le jour où elle a quitté ce foyer d'adoption, poussée par la colère de Deya. Et pourtant, aujourd'hui, la jeune fille la réclame. Comme au bon vieux temps. 

L'histoire est étourdissante, passionnante et brillante !
Marine Bramly paraît aussi à l'aise en pleine brousse africaine ou dans un hôtel particulier d'une famille de vieux bourgeois, baladant personnages et lecteur au gré d'une aventure captivante. J'ai été soufflée, emportée, enjouée et séduite par ce récit. Peut-être la quatrième partie est un peu plus faible, plus esquintante... même si finalement j'ai trouvé que le point final était osé. 
C'est superbement envoûtant, d'un romanesque époustouflant, parfois déconcertant, mais quel brio ! Vous ne lâcherez pas ce livre avant la fin !

(roman lu en janvier 2008)

JC Lattès, 2008 / Livre de Poche, 2009 - 6,50€

9 février 2009

Un peu de respect, j'suis ta mère ! - Hernàn Casciari

« Ce livre recueille une à une les confessions de Mirta Bertotti, mère de famille de cinquante-deux ans qui habite avec son mari, ses trois enfants et son beau-père dans la ville argentine de Mercedes. Mirta écrit sur sa famille et sur sa vie, elle évoque également sa peur de vieillir et son ennui conjugal. Ne s'agissant pas d'une oeuvre majeure, il n'y a pas grand-chose à en dire, en réalité. L'ouvrage est composé d'environ deux cents chapitres qu'elle a publiés sur un blog entre septembre 2003 et juillet 2004. Elle les a rédigés elle-même avec l'assistance technique de Nacho, son fils aîné, et les a postés jour après jour, sans autre objectif que de lutter contre la dépression, persuadée que nul n'aurait envie de lire les scribouillages d'une « grosse dame » de province. »

51441OQPs5L__SS500_Attention, trop sérieux s'abstenir ! Ce roman est complètement idiot (dans le sens burlesque), mais pas mauvais. Il met en scène une famille barrée dans une comédie déjantée, comme si les Simpsons et South Park s'étaient mélangés entre eux. Imaginez le désastre !

Mirta Bertotti, mère de famille de cinquante-deux ans, nous raconte sans pudeur ni miel trop sucré les aventures rocambolesques des siens : son fils aîné, la prunelle de ses yeux, aime les garçons, le deuxième fils est un crétin fini, la fille en sait plus que sa mère sur les choses du sexe... Son mari traîne devant la télé, il a la main légère et des humeurs d'ours, en plus le beau-père, vieux cochon, fume des pétards et trafique du hasch. Bienvenue chez les Bertotti ! La famille ne roule pas sur l'or, elle joint les deux bouts avec les moyens du bord, lorsque Nacho, le fils prodigue, propose d'ouvrir une pizzeria.

« Parfois j'aimerais avoir une famille comme celle de La Petite Maison dans la prairie. La question la plus impertinente que Laura ait jamais posée à sa mère portait sur la manière d'enfourner les petits pains. Mais il est clair que je n'ai jamais eu de chance, dans la vie ! »

Je me suis régalée en lisant ce livre, ne me retenant pas de rire aux éclats en découvrant le portrait de cette famille, en plus de leurs facéties. Le ton est parfois osé, les noms d'oiseaux volent. La mère est cash, elle écrit comme elle pense, c'est spontané, frais et délirant. J'avoue avoir zappé quelques passages, parce qu'il ne faut pas abuser des bonnes choses. Mais globalement j'ai picoré avec délice cette comédie farfelue d'une desperate housewife qui échappe à la crise grâce à l'écriture de son blog !
N'en attendez pas trop, juste un bon antidote contre la déprime ! Succès garanti.

********** 

Cette histoire publiée quotidiennement sur internet a connu un succès public sans précédent. Mais en fait, Mirta Bertotti n'est qu'un personnage fictif tout droit sorti de l'imagination d'un journaliste argentin, Hernàn Casciari, qui admet s'être librement inspiré d'un personnage réel : sa mère. Reste que jusqu'à cet aveu, Mirta reçut beaucoup de courrier, des messages d'encouragement et même des cadeaux. Hernàn Casciari est devenu le fondateur d'un nouveau genre littéraire : la blogonovella (le blog-roman).

à lire : extrait

Calmann-lévy, 2009 - 345 pages - 18€
traduit de l'espagnol (Argentine) par Alexandra Carrasco

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