Le temps de la vengeance - R.N. Morris
10/18 Grands Détectives, 2010 - 440 pages - 8,90€
traduit de l'anglais par Bernard Cucchi
Ce deuxième titre de la série des Mystères de Saint-Pétersbourg confirme tout le bien que j'avais pensé du premier, L'âme détournée. Nous retrouvons le magistrat Porphiri Pétrovich, assisté pour la première fois de Pavel Pavlovich Virginsky, un personnage déjà croisé dans le précédent volume dans des circonstances plus ou moins houleuses. Tandis que la ville étouffe sous une chaleur insoutenable, le canal empeste et les mouches envahissent les bureaux, le magistrat est appelé sur une horrible affaire de double homicide. Une mère et son fils ont été empoisonnés avec des chocolats, la scène est particulièrement dégoûtante et la douleur infligée aux victimes ne nous est d'ailleurs pas épargnée. Le mari est logiquement suspecté, il s'agit d'un docteur Martin Meyer, un éminent expert en toxicologie. Inutile de s'emballer car l'affaire n'est pas encore pesée, le fait qu'un colonel ait été assassiné dans son appartemment puis un alcoolique tombe raide dans la rue vient relancer cette étrange affaire, qui baigne dans les scènes de carnage et qui révèle les pires vicissitudes de l'âme humaine.
Nous étions déjà vaccinés avec L'âme détournée, mais nous renouvellons l'expérience avec ce Temps de la vengeance. C'est sombre et poisseux, particulièrement peu amène pour décrire l'humanité dans ce qu'il y a de plus sordide et abject. Et pourtant l'histoire n'est jamais totalement glauque ou répugnante, en dépit de la description très poussée des crimes et des morts violentes. L'ambiance de cette série policière est tout simplement captivante, servie par des personnages aux particularités bien définies - Porphiri est un détective débonnaire, qui prend le temps de réfléchir au lieu d'agir, son nouvel assistant Virginsky s'enflamme avec ses grandes théories révolutionnaires, vite calmées par son supérieur, lequel rappelle le devoir de réserve et de service au tsar. Le duo fonctionne plutôt bien, révélant certaines facettes d'humour et de légèreté chez Porphiri, ce qui n'est pas pour déplaire au lecteur, car cela soulage la tension ressentie tout au long de la lecture. La plongée dans cette Russie du 19° siècle est âpre, le contraste entre les classes est vivement traité, les prémices de la révolution commencent donc à apparaître, mais ceci ne relègue jamais au second plan la trame principale, qui est bien évidemment l'intrigue policière, car tout est bien ficelé, inquiétant et seulement mis à jour dans les dernières pages !
En bref, cela reste une folie vengeresse parfaitement bluffante et brillante à découvrir.