Angora
Encore une tournée de petites lectures, pour le plaisir de vivre des rêves qui pincent le coeur et nous font comme des papillons dans le ventre. Ceux qui nous feraient courir à l'autre bout de la Terre même sous la pluie, même sous la neige ou le soleil brûlant. Marika ne rêve pas d'aller à la mer (voyage offert par le Secours Populaire) mais elle rêve de galoper sur un pur-sang arabe. C'est un rêve inaccessible parce que cela représente beaucoup trop d'argent, et ses parents, comme tous ceux de la cité des Muguets, ne roulent pas sur l'or. Alors, ce sera une journée à la plage en compagnie de sa meilleure amie Sofia. Et quelle journée ! Les filles vont s'amuser, barboter dans l'eau, faire des batailles de sable, découvrir le talent caché de Christian... Voilà une lecture qui donne du baume au coeur, et du rose aux joues. Et des étoiles dans les yeux ! C'est important d'avoir des rêves et de s'y attacher très fort (on ne sait jamais). Très beau texte d'Agnès de Lestrade, avec des illustrations au poil de Nathalie Choux.
Après le temps des rêves, le temps de rire. Janin s'interroge sur son identité, à savoir s'il est bien le fils de son père. C'est suite à la réflexion de l'épicier italien qu'il s'est mis à douter, en se regardant dans le miroir. Autant il est blond comme les blés, autant son père est brun, très brun, avec une fossette au menton, la marque de fabrique, comme il dit, même le petit frère en a hérité et pas lui ! Janin est un garçon à l'imagination débordante, il va d'abord croire que ses parents ont été le choisir dans un supermarché de nourrissons, au prix de cinquante-cinq euros le kilo. Cela va lui coller une fièvre phénoménale et le droit de rester à la maison le lendemain. L'occasion de se rendre au Monoprix, d'acheter une coloration pour cheveux, de rentrer ni vu ni connu chez lui, et le soir dans la salle de bains, il passe à l'action. Alors, là, c'est vraiment le moment le plus drôle du roman. J'ai ri, mais qu'est-ce que j'ai ri ! C'est un petit livre très attachant, qui fait dire aux enfants qu'on doit ressembler goutte pour goutte à ses parents, sinon c'est inquiétant. Cette introspection est vécue avec tout le charme et la folie de l'imagination débordante du jeune héros. Les illustrations de Gabriel Gay sont très expressives et ont su plus d'une fois m'enchanter.
Ce n'est pas nouveau de lire des romans où les enfants s'interrogent sur qui ils sont, où ils vont, à quoi ils ressemblent, etc. Raphaëlle, neuf ans et des pépettes, est confrontée à un corps qu'elle ne comprend plus. Tout fout le camp : des poils par ci, des seins par là... mais à quoi elle ressemble ? A une créature monstrueuse, pense-t-elle. A moitié fille, à moitié garçon ? Ne supportant plus son image, Raphaëlle se camoufle sous des piles de vêtements, qu'on lui fiche la paix ! Perdue dans la galaxie entre deux planètes inconnues, elle est à la recherche de ses semblables et, allez savoir pourquoi, son vaisseau ne répond plus... Tellement vrai et juste, ce texte de Charlotte Moudlic fait dans la simplicité et parle de la préadolescence avec tendresse. Et tant mieux, j'ai envie de souligner, c'est un passage qu'on oublie trop souvent de raconter ou de mettre en mots, pourtant ça aiderait les petites demoiselles !
On termine sur une note d'émotion avec le très, très beau texte de Thierry Lenain : l'histoire d'une rencontre entre une jeune fille, très proche de son père, et d'un bébé abandonné à l'autre bout du monde. Marion prend très à coeur sa mission à l'orphelinat, aussi elle se sent insultée lorsqu'une infirmière lui reproche de trop s'attacher au bébé, en lui donnant goût au bonheur, aux petites attentions... C'est une remise en question, où l'on se demande si l'on peut faire du mal en croyant faire du bien, et on découvre aussi que c'est un formidable apprentissage pour Marion, qui vient de son pays doré, qui aime et est aimée en retour et qui réalise ainsi que c'est un luxe. Qu'est-ce que j'ai aimé cette façon de tout raconter à travers le regard du papa ! Très beau, très touchant. Qui fait réfléchir, pleurer et sourire aussi.
Toutes les références :
- Tout le monde veut voir la mer, par Agnès de Lestrade (illustrations de Nathalie Choux) - Rouergue, coll. Zig Zag, 2011
- Ma tête à moi, par Xavier-Laurent Petit (illustrations de Gabriel Gay) - Mouche de l'Ecole des Loisirs, 2011
- Presque ado, par Charlotte Moundlic - Ed. Thierry Magnier, coll. Petite poche, 2011
- Lali l'Orpheline, par Thierry Lenain (illustré par Olivier Balez) - Oskar éditeur, coll. Trimestre, 2011