Le Journal de Mr Darcy, d'Amanda Grange
« Mes pensées vagabondèrent. Allais-je trouver Elizabeth changée, depuis l'automne ? Serait-elle surprise de me voir ? Non. Elle était informée de ma présence. Serait-elle heureuse ou contrariée ? Heureuse, bien sûr. Renouer connaissance avec un homme de ma position doit être désirable à ses yeux. »
Pour les besoins du Mois Anglais, j'ai choisi de relire ce roman, non par conviction, mais parce que c'était le seul disponible en livre audio, le format qui m'accommodait le mieux. Mais dès les premières notes lues par Richard Andrieux, j'ai bien failli regretter mon choix. Ce que j'entendais était affreusement guindé, solennel et plat, car le narrateur opte pour une articulation qui frise le ridicule, prétendant sans doute coller au personnage de Darcy, mais c'est beaucoup trop affecté et peu agréable à l'écoute. J'ai fini par m'y habituer, sans être follement conquise. Et c'est bien pour me fondre dans le décor de cette délicieuse Angleterre georgienne que je n'en ai fait qu'une bouchée.
L'histoire se veut la libre interprétation du roman de Jane Austen (Orgueil & Préjugés) en octroyant au personnage de Darcy des pensées intimes et coupables qu'il déverse dans son journal. Lui, dont on raffolait le mystère, le charme ténébreux, la stature imposante et vénérable, nous apparaît cette fois hautain et arrogant, encombré de préoccupations de second ordre, dont des atermoiements sentimentaux qui le relèguent à sa position de simple humain... Oh non. Darcy est un fantasme. Darcy est une énigme. Darcy ne peut descendre de son piédestal. Darcy a évidemment une haute opinion de sa personne et se compromet en ressentant cette inclination pour Elizabeth Bennet, de condition sociale inférieure, en plus d'être affiliée à une famille stupide et vulgaire. Ses sentiments lui coûtent et il se sent honteux de les avoir, sa première déclaration est donc un déchirement du cœur. ^-^ L'histoire, ainsi, n'est guère surprenante. Tout a déjà été écrit et on ne peut en attendre davantage. Au lieu de ça, on rembobine la pellicule et on repasse le même disque avec la lettre d'excuse, la visite de Pemberley, la fuite de Lydia, la mission de sauvetage et les émotions florissantes... Ouhlala. C'est nettement moins excitant de découvrir un Darcy qui tombe le masque. Cela le rend soudainement moins attirant, trop accessible. Quelle désillusion.
Il faut donc se munir d'une bonne dose de cynisme, avec un goût prononcé pour le second degré, pour se lancer dans cette lecture, qui n'a pas su gagner mes faveurs. J'ai en effet l'impression d'une supercherie, avec des personnages méconnaissables, limite méprisables, et une intrigue peu fouillée, trop réchauffée, sans compter certaines incongruités comme les balbutiements ou les rougeurs à répétion... Que diable !? On se croirait dans le film de Joe Wright ! Il est sans nul doute appréciable de succomber au plaisir coupable d'une douce illusion, c'est le propre de chaque austenerie, en adoptant la philosophie du lâcher prise pour éviter de s'offusquer à chaque détournement sordide. ;-)
Texte lu par Richard Andrieux pour Hardigan, janvier 2016 (durée : 8h 02)
©2012 Milady. Traduit de l'anglais par Claire Allouch (P)2016 e-Dantès
>> Le livre audio est disponible en exclusivité sur Audible, uniquement en téléchargement.
# Mois Anglais 2016 : Autour de Jane Austen
« La seule chose qui me hante alors que j'écris est le regard que je surpris de la part de Miss Elizabeth Bennet lorsque je fis remarquer qu'elle n'était pas assez belle pour me donner envie de danser. Si je ne savais pas que c'est impossible, je dirais qu'il était ironique. »