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Chez Clarabel
31 mars 2017

Il faut sauver John Lennon, de Mo Daviau

il faut sauver johnPropriétaire d'un bar underground à Chicago, Karl Bender a précieusement gardé son âme de rocker, tout en assumant de mener une vie tranquille et ordinaire. C'était vrai jusqu'à sa rencontre avec Wayne DeMint, la découverte d'un portail temporel dans un placard de son appartement et l'arrivée fracassante de Lena Geduldig, pour clairement certifier que son quotidien ne serait plus le même. « Un bar n'est pas une clinique psy mais, comme je n'avais jamais eu de chien à qui me confier quand j'étais petit, j'écoutais parler Wayne DeMint, ce gars du Midwest à l'allure saine, ingénieur en informatique, au sourire bienveillant et aux pourboires ô combien généreux. » En vrai, toute cette histoire de voyage dans le temps a débuté par hasard. Un dimanche, alors qu'il fouillait sa penderie à la recherche de ses rangers fétiches, Karl bascule les pieds en avant dans un trou, le ramenant trois mois plus tôt. Il capte rapidement qu'il détient là un précieux sésame dont il va tirer profit dans un but précis - revivre les concerts les plus mythiques, revoir des artistes disparus, s'inspirer du revival pour lancer un petit business, selon des conditions très strictes. Tout dérape quand Wayne choisit la date du 8 décembre 1980, à destination de Central Park, pour sauver John Lennon. En tapant les données, Karl se trompe et l'expédie en 980 ! Voilà son pote bloqué en plein no-man's land, sans moyen de retourner au présent. Sur ces entrefaites, débarque Lena Geduldig, une astrophysicienne potelée, teigneuse et futée, avec une moue à la Courtney Love, un tshirt des Melvins et des lunettes à la Buddy Holly. Séduit, Karl propose à cette petite nana de faire équipe pour extirper Wayne de son étrange destinée à laquelle il semble de plus en plus prendre goût. C'est donc riche de cette promesse d'une aventure insolite, en compagnie de personnages hautement barrés, que l'on parcourt ce roman aussi original que saugrenu. Le ton y est mordant, l'humour revêche, le propos éparpillé et improbable, faisant crânement l'impasse sur la moindre pertinence scientifique. De toute façon, on prend vite son parti de vivre une expérience qui échappe à tout contrôle, qui ne respecte aucune règle et qui bouscule nos attentes. En fait, le bouquin retrace davantage des parcours de vie, avec ses choix, ses regrets, ses loupés. Guérir son présent en soignant son passé, et blablabla. Je trouvais l'idée sympa, en plus d'avoir une énergie vivifiante, des références musicales aux petits oignons et une touche de nostalgie stimulante. Au final, le roman s'essouffle à mi-parcours et s'enlise dans un méli-mélo spatio-temporel (le schmilblick qui tue) qui rend la fin abstraite. Ne nous reste qu'une grande confusion et l'illusion d'un rendez-vous surprenant mais déroutant. 

Presses de la Cité, 2017 - Trad. Laurent Philibert-Caillat [Every Anxious Wave]

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27 juillet 2016

La Position, de Meg Wolitzer

La position

Je ne cache pas avoir eu quelques doutes avant de commencer ma lecture, redoutant un contenu inutilement graveleux ou racoleur, pour être au final agréablement surprise par l'histoire s'y rapportant. Paul et Roz Mellow, couple marié et fusionnel, ont immortalisé leur passion en posant pour un ouvrage érotique traitant de la passion sexuelle sous toutes ses formes. Le livre fait un tabac durant les années post soixante-huitardes mais traîne aussi un parfum de scandale.

Quelques années plus tard, leurs quatre enfants découvrent l'ouvrage planqué dans la bibliothèque familiale et le feuillettent avec stupeur. Holly et Michael sont deux jeunes adolescents impressionnables, tandis que les cadets, Dashiell et Claudia, ignorent encore toute la portée de leur lecture. Trente ans passent, le livre fait à nouveau parler de lui à l'occasion d'une édition anniversaire qui réveille tous les vieux démons.

En effet, l'idylle parfaite n'a pas fait long feu. Roz a quitté Paul pour un autre homme, Holly a sombré dans la drogue et pris le large pour vivre une nouvelle vie en Californie, Michael se gave d'antidépresseurs, Dashiell soupçonne ses parents d'être homophobes et Claudia souffre de son physique ingrat et peine à trouver un sens à sa vie. Chargé de convaincre son père d'accepter la réédition du Plaisir, Michael s'envole donc pour la Floride.

Entre-temps, la nouvelle de la maladie de Dashiell vient ébranler toute la tribu. Deux ans de combat, de chimio, de greffe, d'espoir et d'illusions brisées. Deux ans pour faire table rase du passé et analyser les hauts et bas de leur famille dysfonctionnelle. C'est donc ce que propose le roman, une topographie de la famille à travers ses rapports (amoureux, sexuels et filiaux) basés sur des non-dits et pulvérisés par la publication d'un livre sulfureux.

Sans doute la trajectoire des Mellow aurait connu la même déculottée sans ce dernier détail, mais le roman n'aurait pas eu la même accroche ! C'est à double tranchant, entre ceux qui s'imaginent un bouquin entier sur la plénitude sexuelle et l'influence d'un ersatz du Kâma-Sûtra de génération en génération, mais qui tombent de haut, car l'histoire révèle des lacunes, des frustrations, des mensonges et des omissions qui ont pénalisé tout ce joli monde durant des décennies. 

L'écriture également est pleine de finesse, d'élégance et de subtilité à décrypter les sentiments de cette famille attachante, qui n'échappe pas aux aléas de la vie et qui tente d'en surmonter les coups au terme de longs compromis et autres cheminements personnels. L'histoire est finalement plus sensible et poignante qu'en apparence, elle met à jour les drames intimes - sujet tabou des familles - et s'en sort clopin-clopant, sans solution miracle. Une lecture qui s'agrippe à vous et vous touche en plein cœur.

Traduit par Madeleine Nasalik pour les éditions Sonatine / Repris chez 10x18, en mars 2015

 

12 juillet 2016

L'Homme de la montagne, de Joyce Maynard

L'homme de la montagne

Rachel et sa sœur Patty adorent vagabonder sur les chemins de randonnée qui jouxtent leur maison, située au  pied de la montagne. Mais durant l'été 1979, une série de meurtres vient semer la panique dans cette contrée paisible et campagnarde. Le père des filles, le séduisant inspecteur Torricelli, est sur toutes les chaînes, toutes les radios, répétant qu'il n'aura de cesse de traquer cet individu.
Au départ la population est en confiance, les copines d'école sont excitées et font les yeux doux à Rachel, qui gagne en popularité et se met à sortir avec des nanas branchées, délaissant de plus en plus sa petite sœur. Patty, fantasque et exubérante, lui reproche de perdre son temps mais Rachel s'en moque.
Elle a treize ans, elle entre en adolescence, se pose des questions sur son corps et sur les garçons, elle est curieuse de plaire et ne veut pas décevoir les attentes. Elle a aussi besoin de se changer les idées et d'échapper à son quotidien en le pimentant autrement (son père a quitté le foyer et fréquente une autre femme, sa mère a piqué une grosse colère et professé des menaces, les filles ont champ libre pour occuper leurs heures perdues).
L'enquête va néanmoins éclabousser leur famille de bien des façons. Les mois vont passer, les meurtres se multiplier, la psychose monter d'un cran. L'hystérie collective va prendre une nouvelle forme et entacher nos jeunes héroïnes. Déterminées à sauver leur père du marasme, les filles veulent démasquer l'Étrangleur du Crépuscule mais vont précipiter malgré elles la chute de l'inspecteur chef. 
Cet été dramatique a marqué à vif les esprits d'une même communauté. 
Obsession maladive, fantasme délirant, sentiment d'échec, exaltation vaine, sexualité débridée... Le constat est sidérant. Cette histoire, à mi-chemin entre le roman d'apprentissage et le polar psychologique, se lit donc comme un conte cruel haletant. L'ambiance nous happe, les personnages nous touchent, la tension nous saisit à la gorge. Une lecture résolument âpre, où persiste le charme de l'enfance et ses attraits vénéneux pour l'interdit. Troublant, captivant, poignant. Très bon ! 

Traduit par Françoise Adelstain (After Her) pour les éditions Philippe Rey / Repris chez 10-18, en sept. 2015

10 juin 2016

Le Secret de la Manufacture de chaussettes inusables, d'Annie Barrows

LE SECRET DE LA MANUFACTURE DE CHAUSSETTES INUSABLE

Fâchée avec son sénateur de père, qui souhaitait la fiancer contre son gré, Layla Beck accepte le premier job venu - écrire l'histoire de Macedonia, une petite ville de Virginie-Occidentale, pour le compte d’une agence gouvernementale. Contre toute attente, cette expérience va s'avérer grisante et pleine de surprises ! Layla s'installe chez les Romeyn, dans la moiteur d'un été caniculaire, et découvre chez cette famille un passé cerné d'ombres et de fantômes. À force de fouiller dans les archives de la ville et les anecdotes des habitants, la jeune femme va se connecter avec un secret familial, doublé d'un drame sentimental, qui a plongé Jottie, son frère Félix et leurs proches dans un silence pesant et expliquerait leur mode de vie engourdie.

Ce roman, très attendu depuis que j'avais été enchantée par Le Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates, co-écrit par Annie Barrows et sa tante Mary Ann Shaffer, ne lui arrive sans doute pas à la cheville, mais offre malgré tout un instant de lecture absolument réjouissant. L'histoire nous balade gentiment à travers les rues de Macedonia, en compagnie d'une brochette de personnages attachants, qui se plaisent à colporter toutes sortes de fables et dressent ainsi un tableau de la ville particulièrement cocasse. On se sent vite comme un coq en pâte, pas mécontent de notre visite. À côté de ça, le secret de la famille Romeyn nous taraude. Et c'est grâce à la curiosité insatiable de la jeune Willa, douze ans, que certains mystères du passé vont se lever. Pourquoi Jottie se refuse d'aimer à nouveau ? que fabrique Félix dès lors qu'il s'échappe de la maison pour revenir les poches pleines d'argent ? quels mensonges Vause Hamilton a-t-il emportés dans sa tombe ? qu'est-ce qui a pu briser leur amitié avec Sol McKubin ?

Même si le rythme est lent et le roman copieux, la lecture n'inspire aucun ennui. Au contraire, j'ai été charmée par l'ambiance, captivée du début à la fin. J'avais l'impression de décrocher avec la réalité qui m'entourait pour voyager dans un décor dépaysant mais chaleureux. Cela m'a beaucoup plu. Les histoires de famille et les petites villes américaines n'ont pas fini d'exercer leur attrait sur moi ! ♥☼

Traduit par Claire Allain et Dominique Haas pour Nil éditions (The Truth According To Us) - Repris chez 10x18, juin 2016

6 juin 2016

Les Rêves sont faits pour ça, de Cynthia Swanson

Les rêves sont faits pour ça

Un matin, Kitty se réveille dans une chambre inconnue, auprès d’un homme inconnu et dans une vie inconnue (mariage, enfants, maison d'architecte). Serait-ce un gag ? Car Kitty se souvient être une célibataire de trente-huit ans, qui tient une librairie avec sa meilleure amie Frieda et vit dans un duplex coquet avec pour seul compagnon son chat Aslan, où elle mène une existence ordinaire, en attendant le retour de ses parents en vacances à Honolulu. Sitôt qu'elle ferme les yeux, qu'elle tombe de sommeil, elle se retrouve dans cette autre vie, auprès d'un homme séduisant qu'elle aurait sauvé d'une attaque cardiaque, huit ans plus tôt, après leur rencontre par petite annonce dans le journal. Son autre vie lui apprend qu'il serait mort et qu'elle n'en aurait rien su - qu'est-ce que cela veut dire ? Kitty / Katharyn jongle ainsi entre deux visions de sa vie, ne sachant plus déterminer les frontières du rêve et de la réalité, réalisant peu à peu qu'aucune des deux perspectives n'est exempte de défauts, de contraintes et de désillusions, que le bonheur est ici, là et ailleurs. Cette valse tourbillonnante entraîne aussi le lecteur dans un maelström de sensations et d'émotions. Tout est confus, insaisissable et troublant. Kitty perd pied entre ses rêves et sa réalité, Kitty veut s'accrocher à ses espoirs en piochant entre les deux pour s'arranger une vie de rêve, car “les rêves sont faits pour ça”. Mais ce n'est tout... du moins, c'est une histoire surprenante sur toute la ligne. Et la lecture est aussi étonnante, captivante, fascinante... et terriblement poignante.

Au fil des pages, on accompagne l'héroïne dans un cheminement long et difficile vers la vérité. Entre l'excitation du début et les révélations déstabilisantes en cours de route, l'histoire se distingue par la subtile mascarade qu'elle met en place et son extrême habileté à manipuler son monde. Le trouble est volontairement semé, il faut ensuite accepter de respecter les règles de ce jeu de dupes, tout en nuances et en zones d'ombre. J'ai été également séduite par le cadre de l'histoire, qui se déroule dans les années 60, avec Jackie Kennedy en véritable icône de la mode, un contexte économique en pleine évolution, impactant aussi le style de vie des américains avec les grands centres commerciaux en plein essor, les chaînes de librairie en expansion (au détriment des commerces de quartier) et les lotissements qui fleurissent en marge des centres-villes. Cette photographie d'une époque donne à la lecture un charme vintage. Un bonus appréciable et une belle rencontre littéraire... pour qui aime les énigmes et les ambiances brumeuses. 

Traduit par Marilyne Beury (The Bookseller) pour les éditions Mosaïc, mai 2016

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31 mars 2016

Va et poste une sentinelle, de Harper Lee

VA ET POSTE UNE SENTINELLE

Vingt ans ont passé, Jean Louise Finch, alias Scout, vit désormais à New York, a fait des études et développé un sens critique aiguisé sur la société. Elle est de retour à Maycomb en Alabama pour revoir son vieux père Atticus et son ami de toujours Henry Clinton, qui veut l'épouser. Leurs retrouvailles réveillent les doux souvenirs de l'enfance, des jeux insouciants, de son frère Jem décédé et d'une éducation privilégiée au cœur d'une petite communauté du Sud attachée à ses coutumes rétrogrades. Mais le pays est également secoué par les questions raciales, autour desquelles sa région natale se déchire, prenant fait et acte contre la constitution et les principes qu'on leur impose, contre leurs idéaux. Face à cette réalité, Jean Louise ne se sent plus chez elle, parmi les siens, et reconsidère sa certitude d'avoir grandi auprès d'un père formidable, qui forçait l'admiration.

Ce roman est autrement plus sombre et poignant dans son évocation du temps qui passe mais qui reste figé dans le comté sudiste, où les mœurs n'évoluent pas à l'heure new-yorkaise, ce qui heurte la sensibilité politique de notre héroïne libérale. Mais Jean Louise est également décevante dans ses jugements à l'emporte-pièce et dans son désir de calquer un modèle qui ne sied pas à la petite ville. Certaines révolutions se font dans la douceur et nécessitent des concessions difficiles à entendre, sans toutefois les targuer de lâches et intolérables. C'est là une digne Finch aux idées excentriques et obtuses ! J'ai donc souvent alterné entre la tendresse et l'agacement, entre la nostalgie enthousiasmante et la désillusion fatale à la lecture de ce roman - impeccablement interprété par Cachou Kirsch, qu'on ne présente plus et qui fait des merveilles dès qu'elle s'empare d'une histoire, sa voix nous transporte, nous touche et nous berce. C'est très appréciable ! 

“Va et poste une sentinelle” ne possède sans doute pas le même souffle romanesque ni cette délicieuse subtilité de rendre un récit d'apparence candide si profond et attachant, comme cela a été le cas pour “Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur”, mais sa lecture n'en demeure pas moins plaisante sans être inoubliable. 

« CHACUN A SON ÎLE, JEAN LOUISE, CHACUN A SA SENTINELLE : SA PROPRE CONSCIENCE. » 

Traduit par Pierre Demarty (Go Set a Watchman) pour les éditions Grasset & Fasquelle, 2015

Lu par Cachou Kirsch - durée : 8h 25 - pour Audiolib / Février 2016

7 janvier 2016

Goat Mountain, de David Vann

Goat Mountain

Automne 1978, dans le nord de la Californie. Quatre hommes, dont l'un à peine sorti de l'enfance (le narrateur), se rendent sur les terres de Goat Mountain pour l’ouverture de la chasse. Pour ce môme de onze ans, c'est un baptême attendu avec impatience, lui qui a grandi avec les armes et dans la culture de la chasse, initié par son père, son grand-père ou Tom, l'ami de la famille. Pour la première fois, il va pouvoir abattre son propre gibier. Alors qu'ils parcourent les centaines d'hectares du ranch, les quatre hommes tombent sur un braconnier qu'ils observent depuis la lunette de leur fusil. Un excès de confiance. Un soupçon de complicité. Un semblant d'initiation. Et là, la maladresse, le tressaillement, le drame... Nos chasseurs émérites s'effondrent, de dépit, de stupeur, d'effroi. La partie de chasse vire au chaos. C'est le règlement de comptes. Le pétage de plomb. L'enfant qu'on accuse et qu'on accule. La famille qui se dresse. Cela vire au cauchemar. Et très franchement, David Vann y prend plaisir. Petits meurtres en famille. Ou comment vous désillusionner sur les liens du sang, sur l'éducation, sur le dialogue et le partage. Le vide sidéral. La lecture nous plonge alors dans un profond désarroi, auquel je n'arrive décidément pas à m'habituer (cf. Sukkwan Island qui m'a également déplu). Ceci ne remet pas en cause les qualités du roman, « sa prose poétique, précise et obsédante », simplement je reste hermétique à cet univers, trop rude, trop opaque, trop rudimentaire. La description des paysages, de la nature belle et sauvage, côtoie une violence latente dans ce qui s'apparente être un parcours initiatique conditionné aux instincts primitifs. L'histoire n'est pas très longue, racontée par un Eric Herson Macarel éloquent et efficace. Seulement, la perspective que donne l'auteur de l'humanité n'est clairement pas glorieuse et me laisse de plus en plus déconfite. 

Sixtrid,  juin 2015 ♦ Interprété par Eric Herson Macarel (Durée : 7h 42) ♦ Traduit par Laura Derajinski pour les éditions Gallmeister

15 décembre 2015

Toute la lumière que nous ne pouvons voir, d'Anthony Doerr

Toute la lumière que nous ne pouvons voir

Avant même de commencer ce livre - et bien loin de prendre note de toute l'agitation autour, vu son prix Pulitzer & la vive recommandation du président Obama himself - j'avais très envie de le lire et d'en tomber amoureuse. Pleine d'indulgence pour ce qu'elle me réserverait, je me suis donc lancée dans l'aventure, sans savoir à quelle sauce elle me mangerait !

J'ai donc été pleinement séduite de débarquer entre les murs de St-Malo. L'histoire s'ouvre en 1944, sous les bombardements. Une jeune fille aveugle, Marie-Laure Leblanc, attend seule le retour de son père, tandis que non loin de là, Werner, un garçon allemand, s'échine à décoder la transmission radio pour mettre à mal la résistance. On s'imagine alors que le destin des deux personnages va entrer en collision, mais c'est sans se douter du tournant de l'intrigue ! Car il faudra faire preuve de patience, remonter le fil du temps, suivre deux parcours distincts, croiser des figures plus ou moins aimables, partir en quête d'un diamant rare et attendre son heure pour le rendez-vous au 4 rue Vauborel. Le procédé est subtil, mais nous engage aussi sur une voie beaucoup trop longue à mon goût. Le roman n'en est pas moins ingénieux, habilement construit, ne négligeant aucun détail, plaçant chaque pièce du puzzle avec une minutie toute calculée... Mais du fait de son ambition, le roman sert une histoire qui a tendance à s'essouffler, à force de longueurs. J'ai ainsi passé un bon moment, sans avoir été transcendée non plus. C'est poignant juste comme il faut, plein de tact et de sensibilité. C'est aussi une façon originale d'aborder la guerre et ses ravages sans tomber dans les travers du genre.

Audiolib / Octobre 2015 ♦ Texte lu par Denis Laustriat (durée : 16h 13) ♦ Traduit par Valérie Malfoy pour les éditions Albin Michel (All the Light We Cannot See)

13 novembre 2015

Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, de Harper Lee

Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur

Quel roman extraordinaire ! L'histoire est racontée par une fillette de neuf ans, Scout Finch, qui grandit avec son frère Jem et leur père Atticus dans une petite ville d'Alabama, frappée par la récession économique et engluée dans la ségrégation raciale (nous sommes dans les années 30). Scout est une enfant vive et curieuse, qui a perdu sa mère très jeune et qui voue à son père un culte sans borne. Atticus Finch est avocat, commis d'office dans une affaire de viol, un noir contre une blanche. Le comté est en plein émoi, mais Atticus va inculquer à ses enfants la valeur essentielle du respect de l'autre et du droit pour tous.

Même si cette affaire est l'équivalent de la lumière du phare en pleine mer, elle n'occupe pas non plus toute la place et s'éclipse pour laisser libre court aux divagations de la fillette qui nous raconte aussi sa vie de tous les jours - l'école, l'institutrice aux nouvelles méthodes pédagogiques, les vacances avec Dill, le voisin Boo Radley qui vit reclus chez lui et qui ne cesse d'alimenter de folles rumeurs et l'imagination des enfants. C'est fondamentalement un roman sur l'enfance et l'innocence, sur le regard naïf mais non moins acéré que porte Scout sur le monde qui l'entoure et qui ne tourne pas toujours rond.

Loin d'être simpliste, la lecture est surprenante par sa trame subtile et ficelée avec brio. Scout, par sa jeunesse et son idéalisme radical, s'exprime tout de go et rend, à son corps défendant , son récit drôle et caustique. C'est très, très bon. Et la voix de Cachou Kirsch est toujours aussi agréable à écouter. Elle nous transporte dans cette ambiance du sud si caractéristique, et pourtant si ensorcelante et captivante. J'ai été sous le charme, conquise durant les 11 h 35 du livre audio, époustouflée par ce fabuleux canevas œuvré avec intelligence et doigté.

Ce grand classique de la littérature américaine, couronné par le prix Pulitzer en 1961, est également devenu un livre culte dans la lutte pour les droits civiques des Noirs aux États-Unis mais doit aussi son succès pour son incomparable justesse et pour sa tendresse dans les événements qu'il rapporte. Je recommande fortement. ♥ 

Audiolib / Octobre 2015 ♦ Texte lu par Cachou Kirsch (durée : 11h 35) ♦ Traduit par Isabelle Stoïanov pour les éditions de Fallois (2005) relue et actualisée par Isabelle Hausser pour les éditions Grasset & Fasquelle  

À paraître en FÉVRIER 2016 (Audiolib)  « Va et poste une sentinelle » la suite des aventures de Scout.

29 septembre 2015

Le Secret de la manufacture de chaussettes inusables, d'Annie Barrows

LE SECRET DE LA MANUFACTURE

Fâchée avec son sénateur de père, qui souhaitait la fiancer contre son gré, Layla Beck accepte le premier job venu - écrire l'histoire de Macedonia, une petite ville de Virginie-Occidentale, pour le compte d’une agence gouvernementale. Contre toute attente, cette expérience va s'avérer grisante et pleine de surprises ! Layla s'installe chez les Romeyn, dans la moiteur d'un été caniculaire, et découvre chez cette famille un passé cerné d'ombres et de fantômes. À force de fouiller dans les archives de la ville et les anecdotes des habitants, la jeune femme va se connecter avec un secret familial, doublé d'un drame sentimental, qui a plongé Jottie, son frère Félix et leurs proches dans un silence pesant et expliquerait leur mode de vie engourdie.

Ce roman, très attendu depuis que j'avais été enchantée par Le Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates, co-écrit par Annie Barrows et sa tante Mary Ann Shaffer, ne lui arrive sans doute pas à la cheville, mais offre malgré tout un instant de lecture absolument réjouissant. L'histoire nous balade gentiment, au cours des 600 pages pour 18 heures d'écoute, à travers les rues de Macedonia et en compagnie d'une brochette de personnages attachants, qui se plaisent à colporter toutes sortes de fables et dressent ainsi un tableau de la ville particulièrement cocasse.

On se sent vite comme un coq en pâte, pas mécontent de notre visite. À côté de ça, le secret de la famille Romeyn nous taraude. Et c'est grâce à la curiosité insatiable de la jeune Willa, douze ans, que certains mystères du passé vont se lever. Pourquoi Jottie se refuse d'aimer à nouveau ? que fabrique Félix dès lors qu'il s'échappe de la maison pour revenir les poches pleines d'argent ? quels mensonges Vause Hamilton a-t-il emportés dans sa tombe ? qu'est-ce qui a pu briser leur amitié avec Sol McKubin ?

Même si le rythme est lent et le roman copieux, la lecture ne m'a inspiré aucun ennui. J'ai été charmée par l'ambiance, captivée du début à la fin. J'avais l'impression de décrocher avec la réalité qui m'entourait pour voyager dans un décor dépaysant mais chaleureux. Cela m'a beaucoup plu. Les histoires de famille et les petites villes américaines n'ont pas fini d'exercer leur attrait sur moi ! Claire Tefnin (Audiolib) prolonge cette sensation de bien-être grâce à une voix agréable et apaisante. 

Audiolib / Septembre 2015 ♦ Texte lu par Claire Tefnin (18h 26) ♦ Traduit par Claire Allain et Dominique Haas pour Nil éditions (The Truth According To Us)

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