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Chez Clarabel
editions de l'olivier
28 août 2008

Petit déjeuner avec Mick Jagger - Nathalie Kuperman

Une adolescente de 13 ans, seule dans son appartement, prépare tous les matins le café et attend Mick Jagger. Ce qui relève du délire est en fait une manifestation d'un rêve de groupie, du moins c'est ce qu'on suppose au début. (Car après tout, le leader des Stones est-il oui ou non venu prendre le petit déjeuner ?) Ce fantasme colmate d'autres brèches, car Nathalie, la narratrice, est une adolescente traumatisée, angoissée et enfermée dans un cercle vicieux. Un soir après l'école, alors qu'elle n'avait que 8 ans, Nathalie a été victime d'une agression sexuelle.

C'est donc en gamine fragile qu'elle se pose. De plus, elle n'a aucune porte de secours, sa mère effectue de fréquents séjours en maison de repos pour dormir et son père a refait sa vie à Berlin. Seul Mick Jagger représente la vie et l'envie d'avenir.

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120 pages au compteur et une puissance foudroyante : voilà ce que m'inspire ce livre ! Est-ce un roman, un récit ou un exercice de style ? Nathalie Kuperman ne livre aucune piste, elle mêle le réel et la fiction avec une habileté déconcertante. Le personnage central se nomme... Nathalie Kuperman. Faut-il aussitôt conclure à un texte autobiographique ? Il apparaîtrait que non (après quelques recherches sur le net). L'auteur s'est amusée, purement et simplement. Elle nous livre une farce en dressant ce portrait de famille grinçant et pathétique.

Nathalie (l'adolescente) est un drôle de zèbre, tant par son obnubilation pour Mick Jagger que par son dégoût du sexe (pourtant elle se focalise sur le mot "pipe" qu'elle emploie à toutes les sauces, au point de lui valoir un renvoi de son école et un rendez-vous avec un psy). Tous les matins, penchée sur la cafetière à scruter le décompte du café, Nathalie est épatante, folle mais fascinante d'obstination. Son petit manège pour accueillir son idole ne nous semble plus désolant, mais cocasse.

Oui, voilà... Aussi grotesque que puisse paraître cette histoire si vulgairement résumée, jamais l'idée d'abandonner ne nous effleure, car dans le fond, on saisit très vite le côté doux-dingue du personnage. Et puis le style de Nathalie Kuperman est la petite cerise sur le gâteau : léger, fantasque, hystérique, désespéré. C'est le ton qu'on retrouve dans ses romans publiés pour la jeunesse, le côté "politically correct" en moins.

Petit déjeuner avec Mick Jagger

Editions de l'Olivier, coll. Figures libres - 120 pages - 14€

 

Nathalie Kuperman a notamment publié Tu me trouves comment ? et J'ai renvoyé Marta (aux éditions Gallimard), et plusieurs ouvrages pour la jeunesse (à l'école des loisirs).

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20 août 2008

Les accommodements raisonnables - Jean Paul Dubois


Découvrez Andrew Bird's Bowl of Fire!

 

L'histoire s'ouvre sur un enterrement : Charles Stern, l'oncle voyou et riche comme Crésus, vient de rendre l'âme au volant d'une voiture de sports qu'il s'apprêtait à acheter. Son frère, Alexandre, n'est pas du tout affligé par cette perte, fâché depuis toujours avec ce personnage qui ne lui ressemblait en rien et qui avait eu l'outrecuidance de l'envoyer paître alors que les affaires familiales étaient au plus mal.

Bref, ça commence sur une cérémonie burlesque de crémation qui tombe en panne, un cercueil bloqué entre les flammes de l'enfer et les derniers paradis terrestres. Paul, le narrateur, raconte cette anecdote avec une pointe d'ironie et de constat navrant. Mais ce n'est pas un chapitre sur lequel on peut discuter avec le père, Alexandre a déjà repris le cours de sa petite vie toulousaine... Cependant, quelque chose cloche chez lui car les mois passant font de ce frère endeuillé un homme neuf et différent. Lui qui pestait contre les millions amassés sans vergogne par Charles ne fait pas la fine bouche en empochant l'héritage. Veuf, livré à lui-même, il tombe dans les bras de l'ancienne petite copine du mort, une dénommée John-Johnny, qu'il compte épouser au cours de l'été.

Paul tombe des nues. Exilé à Hollywood pour son job de scénariste, il suit de loin les péripéties paternelles avec un oeil circonspect. De même, il se fait du souci pour sa femme, Anna. Tombée en grave dépression, elle n'a plus goût à rien et a choisi d'entrer dans une maison de repos. Cette séparation ébranle son entourage, d'autant plus que le médecin préconise une coupure nette avec l'extérieur.

Dans sa maison qui empeste la volaille, Paul renâcle sur son scénario bidon et participe à des soirées mondaines où il croise la jet-set décatie (Nick Nolte ou Nicholson). L'homme est las de son boulot, il sent qu'il piétine et que le film ne se fera peut-être pas. Dans les studios de la Paramount, une rencontre inattendue va - l'espère-t-il - lui redonner le zeste de légèreté qui lui manque de plus en plus. Une certaine Selma Chantz lui apparaît comme le double de son épouse Anna, avant ses trente ans. Perdu dans l'illusion de cette rencontre, Paul ne sait pas ce qu'il veut mais il sent que cette fille l'attire et peut lui donner ce qu'il cherche.

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Dans la famille Stern, on parle des accommodements raisonnables comme on parle des compromis, des faux-semblants, du cache-misère pour petites et grandes désolations. Une année s'écoule, assez singulière et harassante, durant laquelle les uns après les autres vont fuir, "pareils à des animaux qui détalent devant un incendie".

"Mon père avait basculé le premier, Anna ensuite, et moi enfin. Nous étions partis chacun dans des directions lointaines ou opposées, aveuglés par diverses formes de nos vies. L'origine de cette étrange épidémie rôdait quelque part en nous-mêmes. Les accommodements raisonnables que nous avions tacitement conclus nous mettaient pour un temps à l'abri d'un nouveau séisme, mais le mal était toujours là, tapi en chacun de nous, derrière chaque porte, prêt à resurgir."

Dubois s'entoure de ses ingrédients familiers pour nous servir un plat goûteux, légèrement pimenté et relevé en sauce. En gros, c'est un roman plein d'humour grinçant, qui dénonce les travers de nos sociétés (française et américaine), la grosse machine hollywoodienne qui n'éblouit plus personne et ne nourrit pas forcément son homme. C'est aussi une saga familiale désopilante, des anti-héros par excellence qui se torturent et se tapent la tête contre le mur, presque par plaisir. On y trouve aussi les flèches cassantes et les piques qui visent la politique actuelle. Et surtout, l'amateur des écrits de Dubois savouera de cocher les thèmes récurrents, évoqués en clin d'oeil (les tondeuses, les voitures de collection, la pêche, le vélo, l'avion...).

C'est du bon Dubois, celui des jours placides, qui remplit les grandes lignes de son contrat. Cela se lit avec aisance, c'est dérisoire et pathétique à souhait, ce sont 260 pages d'un souffle romanesque qu'on n'aime lire que chez lui, et pas chez un autre ! (Parce que, dans le fond, c'est un tantinet déprimant...)   

 

Les accommodements raisonnables

Editions de l'Olivier, août 2008 - 260 pages - 21€

Ce que j'ai aimé (et pas aimé) chez Jean-Paul Dubois

14 mars 2008

Soleil de minuit - Vendela Vida

soleil_de_minuitA la mort de son père, Clarissa découvre que ce dernier n'était pas son géniteur biologique. Son fiancé Pankaj lui apprend alors avoir toujours été dans la confidence, au grand dam de la jeune femme. Bouleversée, elle décide de tout quitter et part en Finlande pour rencontrer son père qui est prêtre sami. Le voyage est lent, il permet ainsi de réfléchir, de ressasser des souvenirs liés à l'enfance. Quinze ans plus tôt, sa mère Olivia avait disparu sans laisser de traces. Clarissa et son 'père' Richard avaient tenté de la retrouver, en vain. C'était la deuxième fois que la femme prenait la poudre d'escampette, sans crier gare. Son premier mari, Eero, le prêtre sami, en avait fait les frais, perdant épouse et enfant du jour au lendemain. Olivia a la capacité de se rayer de la vie des gens qui l'aiment avec une facilité déconcertante. 

Clarissa quitte l'Amérique pour retrouver un père, mais elle va gagner en Laponie bien plus : une nouvelle identité, la vérité sur ses origines, un départ de zéro, une vie neuve. La démarche ne sera pourtant pas simple : de rencontres singulières en révélations étonnantes, Clarissa fera son bout de chemin. Elle découvrira auprès du peuple sami (une communauté qui se rapproche des Amérindiens, proche de la nature, et qui vit grâce à l'élevage de rennes) un apprentissage plus large de ce que sont le secret de famille, la quête de l'autre et le souci de discrétion. La vérité va éclabousser, mais fera pousser des ailes à notre jeune femme qui était complètement désoeuvrée à son arrivée.

C'est le deuxième livre que je lis de Vendela Vida, après Sans gravité qui m'avait énormément touchée. Cette californienne fait partie des jeunes auteurs qui montent, comme Julie Orringer, Aimee Bender, Maile Meloy..., et participe ainsi à l'avant-garde américaine de la Côte Ouest qui assume le romanesque tout en y insufflant fantaisie, sens du décalage et humour (dixit l'éditeur). Ce roman qui parle des liens familiaux, de ce qui n'est pas dit ou avoué, et de ce qui se répète inconsciemment, de génération en génération, est une histoire au charme irrésistible. Le cadre du cercle polaire accentue le mystère. C'est dans ce pays où il faut transpirer pour libérer ses démons que Clarissa va exorciser son propre traumatisme, le mettre à la lumière du jour pour la première fois. L'histoire a été inspirée d'après le titre du poème de Marry Ailoniedia Somby, Let the Northern Lights Erase Your Name (titre original du livre). Un beau programme !    

Editions de l'Olivier,  236 pages. 21 €

Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Adèle Carasso.

10 novembre 2007

Badenheim 1939 - Aharon Appelfeld

badenheim_1939C'est le printemps et la saison des vacances redonne un nouvel élan dans la petite ville de Badenheim, une station thermale fréquentée par la bourgeoisie juive, et qui accueille comme chaque année un festival de musique orchestré par le docteur Papenheim.
On s'y presse, on s'y gave de pâtisseries, on y barbote dans la piscine, on flâne le soir en écoutant le bruissement des arbres de la forêt, on y danse et on y chante.
Et puis arrivent deux inspecteurs du service sanitaire, pour un recensement, puis pour une convocation à un futur voyage en Pologne (pour rassembler les Juifs de l'Est, dit-on). Les saisonniers appliquent les consignes à la lettre et attendent à l'hôtel, en toute confiance.
Mais nous sommes en 1939. Les moyens de communication sont coupés, et Badenheim vit dans une bulle hors du temps. Ce sursis implacable est vécu dans l'inconscience, raconté par Aharon Appelfeld de manière assez singulière.
Si le roman est d'abord lu comme s'il s'agissait d'une farce, une comédie assez cinglante et dérisoire, cela tourne vite au cauchemar. Mais le prodige de ce livre est d'étouffer le pire et l'horreur à venir dans un semblant de jolie parenthèse estivale. Une chronique légère et sans fard d'une déportation annoncée...
Cela se lit très vite, et même la chute révèle l'ineptie de toute cette mascarade, qui fait froid dans le dos !

Editions de l'Olivier - 165 pages - Traduit de l'hébreu par Arlette Pierrot.  17,50 €

6 septembre 2007

Arlington Park - Rachel Cusk

arlington_parkArlington Park est une petite banlieue anglaise, ni trop chic ni trop ringarde, c'est un quartier tout ce qu'il y a de plus ordinaire, avec ses habitants tout aussi quelconques.

C'est la nuit, les rares passants rentrent chez eux, affrontant sans ciller la pluie torrentielle, lorsque Juliet Randall se réveille d'un cauchemar. Ce cafard qui faisait son nid dans ses cheveux lui semble l'image fantasmée de sa vie devenue impossible. Ancienne étudiante brillante, désormais mariée et mère de deux enfants, Juliet a le sentiment d'être assassinée à petits feux par son semblant d'existence. L'inertie de sa petite vie grotesque, entre son boulot de prof dans une école privée et la routine domestique, lui saute au visage, lui criant sauve-qui-peut de s'échapper d'une telle atonie.

Mais le roman de Rachel Cusk nous ouvre la porte des autres foyers d'Arlington Park, découvrant combien les femmes se sentent tout aussi passives et horrifiées de leur train-train. Ces femmes et mères au foyer, pas loin d'être désespérées, mesurent l'étendue de leur agonie en se rendant au centre commercial, ou autour d'une tasse de café, dans une cabine d'essayage ou chez le coiffeur. La vérité devient flagrante lors d'une discussion du club littéraire à propos des Hauts de Hurlevent ou au cours d'un repas organisé pour huit personnes.

Pas "Desperate Housewives" dans l'âme, de loin en loin, le roman est surtout le cliché d'un jour sur les propos de mères et d'épouses qui révisent leurs sacerdoces, en sachant combien les jours passent et se ressemblent, qu'elles n'y changeront rien car elles acceptent ce sort ! Si certains discours peuvent apparaître amers, ils ne sont pas non plus révolutionnaires. On voudrait donner au lecteur un nouveau phénomène à découvrir en passant à la loupe les femmes au foyer. Mais l'anglaise Rachel Cusk réussit là une étude espiègle, déviant sans heurts la lassitude, et copiant la Mrs Dalloway de Virginia Woolf pour décrypter la journée du lever au coucher de ces habitantes d'Arlington Park.

Il y a dans ce livre des portraits plutôt frappants de la psychologie de cinq femmes de cette banlieue. On y trouve d'emblée de l'amitié mielleuse, et fielleuse, de l'acrimonie, de la jalousie rongée, de la frustration sans honte, de la vengeance muette et de l'incompréhension la plus pure ! Et pour finir, de l'acceptation dans toute sa splendeur hypocrite, de cette vie passablement rangée, mollement menée mais pas si mauvaise que ça dans le fond ! Pas drôle et un peu acerbe, "Arlington Park" ne s'embarque cependant jamais dans la désespérance facile, ne rappelle pas du tout le feuilleton US à succès mais photographie avec justesse les consciences, visite les pensées de femmes qui approchent de la quarantaine et se permettent d'analyser leurs petites vies. Parce que le lisse aussi, ça existe ! Et Rachel Cusk nous montre les dessous d'un trompe-l'oeil presque familier.

Editions de l'Olivier - 290 pages - Août 2007. Traduit de l'anglais par Justine de Mazères.

** Rentrée Littéraire 2007 **

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11 janvier 2007

Le contentement de Jennifer Wilson - A.L Kennedy

contentement_de_jennifer_wilson"Dites mon nom. Seulement le prénom. Sa-vi-nien. Comme si vous mangiez un mets savoureux, qui devient encore plus savoureux, le meilleur étant à la fin, Sa-vi-nien. Regardez-moi dans les yeux et dites-le. S'il vous plaît." - C'est ainsi que va commencer la troublante histoire d'amour de Jennifer Wilson, 35 ans, célibataire, et qui exerce le métier de "voix" pour une station de radio écossaise, après sa rencontre avec un inconnu amnésique, grand écrivain incompris, et qui dit s'appeller Savinien de Cyrano de Bergerac.

L'histoire ressemble à une fable où le rêve emboîte le pas à une confession troublante d'une jeune femme un peu décalée. Jennifer Wilson est éloquente et nous parle de son existence dans le moindre détail, depuis son enfance où les souvenirs lui viennent à la pelle mais décousus, ses rapports souvent ambigus avec l'autre, sa pratique du sado-masochisme avec un ex lui rappelle combien il est temps pour elle de tourner la page, puis son quotidien dans sa grande maison où se croisent d'autres personnalités évanescentes, son travail qui n'a ni queue ni tête, sa maladie qui lui donne une fiève à nourrir des hallucinations de plus en plus poussées. "Personne ne devrait croire en des choses impossibles, cela crée de l'espoir. Oh, je sais, c'est très cynique, ce que je dis là, et l'espoir, en tant qu'idée, qu'inspiration, est admirable. Je le sais. Mais l'espoir ne fait pas de bien."

Il est fort délicat de donner un avis définitif sur ce roman, son charme est réel, son contenu est par contre plus complexe, rempli d' "hallucinations platoniques", et il y a aussi quelques longueurs. Voilà de quoi décourager le plus brave des lecteurs, et pourtant ce serait un tort de ne pas aller au-devant de cette Jennifer Wilson, une fille un peu toquée mais suffisamment sensée pour se décrire en des termes qui vous laissent rêveur, elle parle d'elle avec recul et intelligence, évoque "son calme, d'autres l'ont appelé insensibilité, manque d'implication, excès de contrôle, tempérament de poisson froid".

J'ai aimé son portrait, sa narration et j'ai parcouru ce roman avec un profond attachement pour cette personne. Il y a des zones opaques, des chemins secrets, des contradictions, des mensonges même, mais Jennifer assume tout. Et puis, il y a l'histoire entre Jennifer et Savinien, où les mots d'amour sont trempés dans des pots de miel, garants d'onctuosité, un peu d'amertume et d'espièglerie, mais jamais imprégnés de sentimentalisme foudroyant... Tout ça pour conclure à une note d'espoir et d'envie : Jennifer Wilson est cette inconnue qu'on croise dans la rue, elle vous sourit, vous la regardez avec étonnement, tiens je la connais, et pourtant ???

  • C'est ça, le problème avec les rêves blancs comme neige, inféodés à l'émotion, le lendemain matin, ils vous fichent invariablement une terrible gueule de bois.

Editions de l'Olivier

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