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Chez Clarabel
31 juillet 2008

Le coeur cousu - Carole Martinez

Aux confins de toute civilisation, Santavela est un village du Sud de l'Espagne où la population, qui aime les habits noirs et les processions religieuses, foule ce terrain poussiéreux en cancanant à gorge déployée. Les histoires de bonnes femmes sont légion dans cette contrée, les mêmes que cultivent Frasquita et sa mère (le premier sang, le Carême de l'initiation, la boîte aux secrets qu'il faut enterrer pour découvrir son trésor...), que de lubies douces et tendres, moqueuses mais attachantes !  Très vite, la jeune fille se découvre un don dès que ses doigts touchent une aiguille et du fil : Frasquita coud et communique son talent de magicienne. Ou de sorcière. Dans ces contrées reculées, on ne sait jamais...

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Mariée à seize ans, Frasquita va pénétrer un foyer gentil mais pas folichon, avec un mari qui perd la boule après la naissance du premier enfant, Anita. José devient coq, il s'enferme dans le poulailler et n'en bouge plus. Lui, le forgeron, n'a plus toute sa tête dès que sa femme accouche... et que des filles ! Frasquita implore les sagesses, Blanca et Maria, autrement dit les femmes qui aident, pour lui trouver des décoctions miraculeuses qui lui donneront un fils. Et un soir de lune rousse, Frasquita avale et fait ses prières, neuf mois plus tard Pedro el Rojo pousse ses cris de braillard... c'est un rouquin ! (Les villageois se défoulent...)

Ce sont des cocasseries de la sorte qui sévissent dans cette saga familiale. Du pas banal, du poilant, des racontars, les splendeurs et décadences chevillés au corps de Frasquita Carasco. L'histoire est racontée par la dernière de la famille, Soledad. Elle possède une grâce qui fait tournebouler la tête des garçons, mais la belle ne peut choisir de prétendant et en fait état à son aînée. A sa naissance, sa mère a lu sa solitude à venir. Ni donner, ni recevoir, jamais elle ne saura. Soledad. Le soir venu, forte de sa constation, la jeune femme prend un cahier et une plume pour écrire l'histoire de sa mère : "Il me faut t'écrire pour que tu disparaisses, pour que tout puisse se fondre au désert, pour que nous dormions enfin, immobiles et sereins, sans craindre de perdre de vue ta silhouette déchirée par le vent, le soleil et les pierres du chemin. (...) Il me faut te tuer pour parvenir à mourir... enfin."

Revenons à nos moutons. Frasquita a été jouée et perdue par son mari lors d'un combat de coqs. Elle craque pour l'inconnu et choisit de tout quitter, la voilà condamnée à l'errance à travers l'Andalousie que les révoltes paysannes mettent à feu et à sang, suivie de ses marmots eux aussi pourvus - ou accablés - de dons surnaturels... Et l'histoire continue de rouler sur le sol rocailleux, de s'ébrouer tel un troupeau de chevaux sauvages. Farouche et indomptable, ce roman l'est totalement. D'ailleurs, son contenu va au-delà du romanesque, c'est plus flamboyant, grandiloquent. Une fresque familiale avec ses joies et ses peines, des chapitres courts mais magiques, car on ne m'enlevera pas l'idée qu'un petit génie a mis sa touche dans ce livre-là... Chaque personnage aurait mérité un livre à lui tout seul, tant leur destinée est à chaque fois époustouflante.

Il y a aussi du conte, de la fable, des légendes... On y croise un ogre, un homme qui sent l'olive, un bébé lumineux (ou solaire), des femmes qui aident, une prostituée au grand coeur, un chien jaune et un coq rouge (j'en oublie). C'est aussi un livre qui parle des mères (et des filles), de la transmission, du sang, des prières. C'est fou, sensuel, pittoresque, paré de mille couleurs, éclatant de poésie, violent. C'est long, mais bon.

Le Coeur Cousu - Carole Martinez (premier roman)

Gallimard, février 2007 - 430 pages - 23€

Couronné d'une floppée de récompenses et de prix (Ouest France Etonnants Voyageurs, Emmanuel Roblès, Renaudot des lycéens...)

Le livre est tellement bardé de titres qu'un ENORME bandeau rouge - de la taille du livre, en fait - le recouvre, comme suit (je trouve ça un peu laid, par contre) :

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Mais chapeau l'auteur !

 

 

Extrait :  Il arrive qu'on interrompe une promenade, oubliant même ce vers quoi l'on marchait, pour s'arrêter sur le bord de la route et se laisser absorber totalement par un détail. Un grain du paysage. Une tache sur la page. Un rien accroche notre regard et nous disperse soudain aux quatre vents, nous brise avant de nous reconstruire peu à peu. Alors la promenade se poursuit, le temps reprend son cours. Mais quelque chose est arrivé. Un papillon nous ébranle, nous fait chanceler, puis il repart. Peut-être emporte-t-il dans son vol une infime partie de nous, notre long regard posé sur ses ailes déployées. Alors, à la fois lourds et plus légers, nous reprenons notre chemin.

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30 juillet 2008

Kivousavé - Béatrice Hammer

Kivousavé, est-ce le nom d'une princesse japonaise ? Ou est-ce cette mauvaise mère aux moeurs légères qui s'est carapatée en abandonnant son enfant de deux ans ? On ne la nomme plus, on dit d'elle qui-vous-savez... Faites le raccourci, dans la tête de la petite qui a onze ans, c'est une découverte comme un rai de lumière en pleine face.

Tiens donc, les copines de la grand-mère, autour du thé et des petits gâteaux, ont la langue bien pendue et laissent échapper que la mère n'est pas morte mais s'est fait la malle. Pour la gamine, persuadée d'être orpheline, c'est un coup bas. Elle voudrait bien savoir, mais la Vieille et le père se taisent et la tarabustent. Tais-toi, ce sont des choses que tu ne peux pas comprendre. Donc, pour se défouler, la fillette écrit un journal où elle s'adresse à Kivousavé, la mère icône de tant d'espoirs.

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La vie n'est pas toute rose pour l'enfant, coincée dans une maison entre un père qui ne dit rien et consent la loi implacable de la grand-mère, laquelle ne montre son affection que pour son chien. Les petites mesquineries volent autour de la table, au cours des repas pris dans le silence. L'enfant ressemble trop à la mère, c'est de la mauvaise graine. Grandir, sous ce regard qui vous rabaisse, est une plaie impossible à cautériser. Impossible aussi de trouver une oreille compatissante auprès de son père, il a des gestes et des paroles qui ne sont pas acceptables... La fillette pousse et devient adolescente, elle prend des formes mais reste bloquée avec son corps et ses émotions qu'elle ne sait pas contenir.

Le réconfort viendra de l'extérieur, une collègue du père, la meilleure amie d'école et la passion pour les mathématiques. Cela rappelle trop un autre parcours, peut-être suivi inconsciemment, mais la jeune fille entre dans le meilleur lycée de la ville et trouve un soutien inconditionnel auprès de son prof de maths. Dans son cahier, elle confie toujours à sa mère son rêve de la retrouver et son entêtement à vouloir savoir et comprendre : pourquoi est-elle partie ? pourquoi a-t-elle laissé son bébé de deux ans ?

Toutes les vérités sont-elles bonnes à dire, est-ce que l'amour fou peut excuser les mensonges et autres omissions sous prétexte de protéger ? L'histoire court sur sept années qui voient évoluer une petite fille triste en une jeune femme qui ôte les couches de peau pour muer en une personne forte, sûre d'elle et déterminée. Son parcours est un peu cahotique, les tergiversations de la demoiselle sont le signe d'un manque de confiance en soi doublé d'une obstination redoutable. Cartésienne mais fragile, la jeune femme va-t-elle abattre toutes les cloisons qui l'entourent et l'étouffent ?

Très bon roman, sur les secrets de famille et l'épanouissement d'une petite fille qui manque d'amour, on retrouve dans l'écriture la "maturation", avec un style qui évolue comme l'héroïne. Le fil rouge est, certes, la quête de la mère mais pas seulement. Le roman soulève des sujets sensibles, comme les attouchements sexuels et le trauma sur le corps. C'est amené de façon sous-jacente, très intelligente, et on partage alors le dégoût de la narratrice, toute sa révolte et sa rage qui veulent exploser. Le temps aidant, elle va réussir à taper du poing sur la table, à louvoyer et tirer les vers du nez pour avoir SA vérité. Excellent.

Kivousavé - Béatrice Hammer

Editions du Rouergue, mars 2008 - 285 pages - 13,50€

Je n'ai pas trouvé que c'était une lecture qui ne s'adressait qu'à la "jeunesse" (dès 15ans), mais pouvait tout aussi bien convenir à un plus large public. D'ailleurs j'apprends que Béatrice Hammer avait déjà publié cette histoire sous le titre "La princesse japonaise" en 1995, pour les adultes, et a choisi de la proposer, dans une version révisée, pour les grands ados en 2008.

 

29 juillet 2008

Comme une mère - Karine Reysset

Deux femmes se croisent dans une maternité. Emilie est une jeune paumée de dix-huit ans qui va accoucher sous X. Judith est une femme mariée mais meurtrie par les nombreuses fausses couches. Toutes deux vont vivre une expérience bouleversante, à jamais traumatisante.

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Donnant tour à tour la voix aux deux protagonistes, le roman permet ainsi de mettre en parallèle leur désespoir, leur détresse et leur part sombre qui ne demande qu'à être enfouie. Ce sont deux portraits de femmes, deux écorchées vives qui se ressemblent au-delà de leurs différences. Elles manifestent, toutes deux, et à leur façon, le même besoin de materner, de cajôler, de s'affranchir des fantômes planqués dans les placards. Emilie a un lourd passé derrière elle, Judith a le corps blessé et vieilli par tant d'espoirs déçus. Le désoeuvrement peut s'expliquer, mais pas se pardonner. Jusqu'où peut-on prétendre agir par amour ? Le sacro saint instinct maternel, ici, est passé à la moulinette de manière à détrousser les idées reçues. Quel est-il ? Enfanter vous donne-t-il un droit ? Et que devient-on lorsqu'on vous refuse cet enfant ?

Un sujet douloureux court à travers les lignes de ce roman, c'est vrai que tout n'est pas drôle et qu'on y lit un puissant désarroi chez ces deux femmes. Comme à son habitude, Karine Reysset écrit une histoire à fleur de peau et d'émotion. Elle nous sert sur plateau toute l'empathie à ressentir pour Emilie et Judith et franchement ça marche. Lecture rapide, touchante mais pas larmoyante, cet ouvrage parle des démons qui vous engloutissent et des étincelles de bonheur pour reprendre du poil de la bête. J'ai trouvé que c'était tout à fait honnête et recommandable !

Comme une mère - Karine Reysset

Editions de l'Olivier, mars 2008 - 180 pages - 18€

D'autres avis : Amanda & Cathulu ; Laure ... toutes trois éblouies et marquées par cette histoire.

28 juillet 2008

Far-Ouest - Fanny Brucker

Ce livre et moi, c'est une histoire de je-t'aime-moi-non plus. Au début, bof je n'étais pas follement séduite, j'étais assez perplexe et je pensais que cela allait traîner en longueur. L'héroïne profite d'un héritage pour adopter un chien, un bâtard à la sale gueule, pas propre du tout et mauvais bougre qui boude sur le canapé ou se soulage sur le tapis marocain. Allons donc... Sixtine ne veut pas être découragée et guette le moindre soupçon de "vie" chez ce chien amorphe. L'étincelle va surgir, heureusement car je n'étais pas loin de désespérer au même titre que la jeune femme. Allait-on encore ingurgiter un nombre de pages conséquent sur la difficulté d'apprivoiser une âme en peine, surtout lorsqu'on est soi-même une "sauvage" libre d'attaches.

Pourtant je suis une vraie dingue de chiens et j'étais disposée à me couler dans ce livre. Résultat, il m'a fallu 200 pages pour me rendre compte - enfin - que j'étais conquise et que j'avais une grande, grande tendresse pour Sixtine, son chien Dalton et Jeanne Diamond. Ah tiens, un nouveau personnage est entré en scène ? Oui, il s'agit de la soeur aînée, âgée de soixante ans, elle vient de perdre son mari richissime et a choisi, sur un coup de tête, de quitter New York pour gagner le pays de l'huître y soigner son alcoolisme, oups, non ... en fait, elle cherche sa soeur, Sixtine.

Cela fait bien quatre décennies que les frangines se sont quittées. Autant dire, une éternité. C'est bien simple, elles ne se connaissent pas. D'ailleurs, à force de parcourir la Charente Maritime pour mettre la main sur sa petite soeur, Jeanne fait quelques constatations : les villages sont petits et perdus, pas une carte routière ne les recense. Les rares amis de Sixtine sont étonnés d'apprendre l'existence de Jeanne et ne savent pas où elle a plié bagages (en fait, un van lui sert de sauve-qui-peut). Sixtine est une solitaire, qui loue des maisons à vendre et fait des petits boulots. C'est comme le furet, elle court, elle court, elle est passée par ici et elle repassera par là. Mais que fuit-elle ?

Jeanne et Sixtine vont-elles entrer en orbite, se télescoper ? Le roman va jouer sur cette attente, ce n'est pas le gros suspense du siècle, et pour patienter l'histoire nous apporte quelques miettes. Parce que vous ne voulez pas savoir pourquoi Jeanne recherche sa soeur, et quel âge a Sixtine, que s'est-il passé dans sa vie, et pourquoi a-t-elle choisi de rester libre et disponible, pour refuser la monotonie ? Et Jeanne aussi est une sacrée bonne femme, qu'on devine aisément fragile et blessée par le passé. Mais tout ça, il faudra du temps pour le comprendre...

Pour l'instant, on nous explique que pour l'une : Dalton était devenu un prétexte de bonheur. Ce que Sixtine n'aurait pas fait pour elle-même, elle le faisait pour Dalton. Et pour l'autre, elle n'avait pas spécialement envie de retrouver Sixtine, mais sa recherche lui donnait l'occasion de se distraire et d'apprendre à vivre, seule, pour elle-même.

Pfiou. Ne croyez pas que ce soit laborieux, au début peut-être, mais ensuite c'est du bonheur en barre ! Gratouillez la couche d'épaisseur et coulez tranquille. Lecture sensible, délicate et assez subtile... Le charme opère, je vous assure, il faut juste être patient ! (Et vous ne le regretterez pas !)    

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Far-Ouest, de Fanny Brucker (1er roman)

JC Lattès, janvier 2008 - 305 pages - 17€

D'autres avis : Cathulu et Cuné ont aimé, aussi (et vous donnent le goût des chouquettes!)

26 juillet 2008

Question de temps

Tous les "obsédés" de la lecture compatiront, sans aucun doute, à ce qui va suivre...

Henry Bemis est un amoureux des livres, un vrai. Cette passion n'est pas comprise par son entourage et lui vaut brimades, humiliations et autres harcèlements. Lire, c'est futile. Lire, c'est inepte. C'est une perte de temps. Alors, pour mieux savourer ce plaisir défendu, Henry se cache...   


Twilight Zone - Question de Temps 1/2
envoyé par m0r4d


Twilight Zone - Question de Temps 2/2
envoyé par m0r4d

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25 juillet 2008

Luern ou l'hiver des Celtes - Jean Côme Noguès

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Fils de tonnelier, Luern sait que son destin n'est pas de combattre auprès des guerriers celtes du village, mais de suivre la voie de son père. Pourtant, le garçon se sent différent, concerné par la tache violette qu'il porte dans le cou. D'une enfance heureuse et insouciante, Luern va brutalement connaître l'exil et les dangers d'une traque par suite d'un acte qu'il croyait anodin. Un jour, il croise le fils du chef qui manque se noyer avec sa monture dans un lac gelé. Luern le sauve, mais, blessé dans son orgueil, Cintos va chercher à se venger en tendant un piège au garçon.

Prétextant le remercier, il lui fait cadeau d'un bracelet en bronze. Dans le même temps, la troupe des guerriers s'échauffe pour la nouvelle bataille qui s'annonce. Une cérémonie rituelle est organisée, durant laquelle la devineresse Brenna (qui est aussi la soeur de Luern) doit bénir la victoire de Cintos et ses compagnons. Or, cette dernière réclame un sacrifice humain... en la personne du garçon au bracelet en bronze (sait-elle qu'elle vient de condamner son frère?). Obligé de fuir, Luern va chercher à retrouver son autre soeur, Eponina, qui est devenue prophétesse et vit en réclusion dans la forêt.

Jolie épopée se déroulant lors de l'époque de la Gaule et des Celtes, ce roman de Jean-Côme Noguès est bien renseigné, écrit avec style et fort riche dans son intrigue. Cette lecture s'appuie beaucoup sur les légendes et mythes celtes (les druides, les prophètes, les devins, etc.), les scènes de guerre ne manquent pas de verve non plus, et ajoutez à cela les descriptions pleines de poésie sur la forêt, les rites sacrés et la finesse des personnages. Luern est un garçon attachant, assez droit dans ses souliers, qui connaîtra la cruelle loi des trahisons et des secrets de famille. Bien mené jusqu'au dernier chapitre, ce roman gagne à être lu... et conseillé aux jeunes lecteurs dès 13 ans.

Gallimard jeunesse, mars 2008 - Coll. Hors Piste - 190 pages. 9,50€

24 juillet 2008

Toi et moi à jamais - Ann Brashares

Alice et sa soeur Riley passent l'été dans la maison familiale de Fire Island, près de New York. Sportive, vive et garçon manqué, Riley est maître sauveteur. Très différente, Alice est féminine, douce et brillante, elle prépare sa rentrée en fac de droit. Paul, l'ami d'enfance, revient après trois ans d'absence. Attirés l'un par l'autre, Paul et Alice vont avoir une liaison, dans le secret, mais Riley va les surprendre un soir. 

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Ann Brashares, auteur de la série Quatre filles et un jean, signe un bon gros mélo sentimental, cousu de fil blanc, voilà pour les défauts, mais alors qu'est-ce que j'ai aimé ! J'ai complètement mordu à l'hameçon, j'ai aimé cette histoire d'amitié et d'amour, j'étais toute vibrante d'émotions pour ce que vivaient les personnages, j'étais à leurs côtés, j'avais mon petit mouchoir dans la main, j'étais nouée par les révélations, et puis dégoûtée par certains choix, je ne comprenais pas qu'on puisse garder pour soi autant de souffrance, mazette j'étais à fond dedans, d'ailleurs, j'ai lu ce roman en une soirée parce que j'étais totalement mordue !

"L'amour peut-il durer toute une vie ? Peut-il passer indemne de l'enfance à l'âge adulte en survivant aux tourments et aux écueils de l'adolescence ? Est-il toujours le même à l'arrivée, simplement exprimé de façon différente ? Ou ces deux formes d'amour sont-elles radicalement étrangères et incompatibles ?"

Toi et moi à jamais - Ann Brashares

Gallimard, (juin) 2008 pour la traduction française - 335 pages - 13€

traduit de l'américain par Vanessa Rubio / titre vo : The last summer (of you and me)

Le site : http://toietmoiajamais.fr/

23 juillet 2008

La messagère de l'au-delà - Mary Hooper

Ce premier roman de l'anglaise Mary Hooper raconte l'histoire d'Anne Green, une jeune servante d'à peine seize ans qui fut condamnée à la pendaison pour infanticide. Basée sur des faits ayant existé, mais brodée pour parfaire l'intrigue romanesque, cette histoire n'en paraît que plus captivante.

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Par chapitres successifs, la parole est donnée à la jeune fille qui raconte son histoire. Nous sommes en 1650, dans l'Angleterre de Cromwell. Les lois sont rigides contre les moeurs légères, et à cette époque on évitait de comprendre le drame des enfants morts-nés ou nés prématurément. La science et la médecine étaient encore bien timides, mais audacieuses. Le corps d'Anne Green, par exemple, est confié à l'université pour y être disséqué. Cette autre partie de l'histoire est narrée par Robert, un étudiant sensible et timide qui souffre de bégaiement. C'est grâce à lui qu'un miracle va se produire : Anne Green ne serait pas morte.

Le drame de cette jeune fille, en plus d'être belle, est d'avoir été séduite par un gentilhomme, le petit-fils de la famille où elle travaille. Victime aussi de sa vanité et de sa naïveté, Anne va connaître le prix à payer avec un stoïcisme admirable. Elle a très vite compris que sa mort était la bienvenue pour taire le scandale qui pourrait empêcher l'union du jeune maître Geoffrey avec une demoiselle de grande fortune.

Plusieurs scènes sont remarquables dans ce roman (le procès, l'échafaud, l'accouchement...) et racontées sans verser dans le pathos délirant. Tout est feutré, distillant avec tact la note dramatique. On retrouve aussi le climat austère, la vindicte populaire et le puritanisme accablant qui mettent en exergue la grande solitude d'Anne. Dans le fond, c'est une jeune femme assez cruche, avec une bonté naturelle et pas un soupçon de mesquinerie. Ce n'est qu'une servante sans éducation et sans le sou, avec un charmant minois. Peut-être est-elle dupée par les belles paroles de ce coureur de jupons qu'est le petit-fils de Sir Thomas Read, toutefois son cas fait écho à d'autres détresses comme c'était souvent le fait en ce temps-là.

Et puis, j'ai beaucoup apprécié que ce roman aborde les premiers questionnements concernant l'infanticide, comme il était jugé dans ce 17ème siècle. De manière générale, de toute façon, La Messagère de l'au-delà sait nous surprendre par son intelligence et sa sensibilité. Mary Hooper a su habilement raconter une histoire émouvante, mais en toute sobriété. La puissance de ce récit se trouve dans le désoeuvrement que va connaître Anne Green et par les injustices dénoncées. Bref, c'est un roman historique avec une action dense et palpitante. A découvrir !

La Messagère de l'au-delà - Mary Hooper

Editions du Panama, (mars) 2008 pour la traduction française - 268 pages - 15€

traduit de l'anglais par Fanny Ladd et Patricia Duez

 

D'autres avis : A été lu par Gawou et Ys

22 juillet 2008

Les Chroniques de Pont-aux-Rats - Tome 1 : Au Bonheur des Monstres

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Par une nuit de pleine lune, une silhouette se faufile de sous une plaque d'égout et s'envole aussitôt vers les toits des maisons. Avec son bonnet-casque et ses ailes mécaniques, jamais on ne soupçonnerait qu'il s'agit d'un petit garçon. On le connaît sous le prénom d'Arthur, il vit seul avec son Bon-Papa dans le monde de l'En-dessous. Il profite souvent du soir tombant pour aller à la cueillette, autrement dit chercher quelques victuailles dans les jardins du Dessus.

Mais cette mission va prendre un tour particulier, Arthur sera témoin d'une chasse aux Fromages sauvages, qui est pourtant devenue une activité prohibée. Poussé par sa curiosité et guidé par la prudence, le garçon suit de loin ce remue-ménage mais est surpris par Grapnard et sa clique. La bande lui confisque ses ailes et fonce sur lui pour le mettre sous les verroux, mais l'enfant parvient à s'échapper et trouve refuge chez Willbury Chipott, avocat de la couronne, en retraite. Ce dernier vit entouré de bricoliaux, de choutrognes et autres fifrelins.

Peut-être faut-il ouvrir une parenthèse pour présenter cette étrange cité qu'est Pont-aux-Rats... Un monde imaginaire, peuplé de créatures aussi loufoques que des vaches aquatiques, des blaireaux courvites, des lapinelles et des rats qui oeuvrent à bord de la Laverie Automatique Ratipontaine. Il existe aussi un monde souterrain où se cachent Arthur et Bon-Papa, mais où s'organisent des travaux d'entretien sur les canalisations et autres tâches maraîchères...

Depuis le Grand Krach Fromager, la chasse aux fromages sauvages est donc formellement proscrite, entraînant la dissolution de la Guilde Fromagère Ratipontaine. Tout cela est bien obscur et il semblerait que Grapnard combine quelques vilains tours pour contourner les règles établies. Arthur et son nouvel ami Mr Chipott découvrent avec horreur que toutes les plaques d'égout ont été condamnées avec de la forte glu. Il se passe vraiment de drôles de choses à Pont-aux-Rats, avec notamment des disparitions, des enlèvements et des mascarades à la barbe du peuple nigaud (Madame Froufrou et sa mode de Parii). Cela devient plus qu'inquiétant quand Mr Chipott constate avec tristesse que ses fidèles compagnons sont tous portés disparus, avec une maison mise à sac.

Ce sont 540 pages du même registre que nous offre Alan Snow, auteur totalement déjanté - si l'on se base sur le contenu de cette brique jaune !  Auteur, mais illustrateur de renom, car Alan Snow fournit son texte d'une centaine d'illustrations qui allège l'impression de lecture. Le jeune lecteur sera happé par l'ambiance et aura maille à quitter cet univers farfelu. La folle du logis a sorti ses plus belles parures pour s'étaler de long en large et en travers dans ce premier tome. On ne se lasse pas de tourner les pages, impatient de découvrir ce que nous réserve le chapitre suivant. Et c'est hallucinant la somme d'imagination que nous sert l'auteur, ce n'est jamais redondant ou gavant, il n'y a pas de surenchère non plus, et c'est encore moins débile. C'est un joyeux fourre-tout, avec un côté rétro qui pourrait laisser penser que l'histoire se passe au 19ème siècle... mais un autre détail nous rattrape et nous fait revoir nos calculs élémentaires.

Finalement, il faut se laisser porter par ce livre, aussi beau et chouette à l'intérieur qu'à l'extérieur, original par son contenu (et pas seulement), bien écrit et traduit, étourdissant par sa fantaisie et son lot d'aventures. On ne s'ennuie pas, on rigole beaucoup et on devient forcément curieux de ce que l'auteur peut nous réserver à l'avenir !

Les Chroniques de Pont-aux-Rats, tome 1 : Au Bonheur des Monstres - Alan Snow

Editions Nathan, (mars) 2008 pour la traduction - 540 pages. 19,50€

traduit de l'anglais par Rose-Marie Vassallo

Le site : http://www.nathan.fr/chroniquesdepontauxrats/ (avec le premier chapitre à découvrir)

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(aperçu)

Pour acheter :

 

21 juillet 2008

Les Cavaliers des Lumières : Le règne de la Barbarie *

Si seulement sa mère n'avait pas eu cet accident, peut-être Théo ne se serait jamais intéressée à ce jeu maudit. Pour effectuer son travail de deuil l'adolescente a choisi de couper tout contact avec l'extérieur, de ne plus parler à personne, de rompre avec ses amis. Elle vit désormais dans sa bulle, accrochée à un jeu online où elle s'est révélée prodigieuse, atteignant le niveau 5, comme quatre autre joueurs dans le monde. C'est exceptionnel, et Théo n'en est pas peu fière.

Après une fâcherie avec son père, qui s'inquiète (à juste titre), Théo est privée d'ordinateur jusqu'à nouvel ordre. L'ado doit remonter la barre et obtenir des résultats scolaires plus brillants. Elle s'aperçoit alors de sa terrible addiction au jeu et passe outre l'interdiction paternelle en se connectant en cachette. Là, un soir, elle surprend des scènes qu'elle n'aurait pas dû voir. Mais elle s'imagine aussitôt qu'il s'agit d'un léger bug, ce n'est pas méchant et ne porte pas à conséquences. Erreur !

Les jours suivants, d'étranges événements surviennent dans la vraie vie de Théo. Sont-ce des hallucinations, des alarmes (trop de jeu, des neurones embrouillés)... ? Elle décide alors de se connecter sur le site du jeu et contacte les autres joueurs du niveau 5. Bizarrement, ces derniers partagent les mêmes doutes : la terrible armée des Barbarians est-elle sortie de la sphère ludique et virtuelle pour s'immiscer dans leur monde ? !

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Je vous laisse découvrir ce qu'est exactement le jeu d'héroïc fantasy (les Barbarians Killers) qui est devenu la principale nourriture de notre jeune Théodora. C'est un monde étrange, menacé par des forces obscures, et les cinq meilleurs joueurs mondiaux se verront attribuer le titre honorifique des cavaliers des lumières, avec pour charge de protéger, de combattre et de résister. De longues descriptions s'ensuivent, mêlées au récit par les terrifiantes menaces qui frappent le Monde Nouveau (ainsi est appelée l'humble société dans laquelle nous vivons !).

Préparez-vous à quelques surprises de taille, car la vicissitude de ces créatures sournoises s'attaquent à toutes les personnes qui cherchent à aider Théo et les Barbarians ne mettent pas de gants pour dissuader et faire peser la menace !!! Leurs armes sont redoutables, car le commun des mortels ne voit pas la même chose que Théo, qui se retrouve ainsi isolée, incomprise et totalement déboussolée. Elle seule détient la preuve que les Barbarians s'incarnent sur Terre avec pour mission d'éliminer tous les Cavaliers.

Après son père, c'est son ancien meilleur ami qui est touché, puis des camarades de chambrée. Accident de voiture, incendie volontaire, bain de sang... la liste ne finit pas de s'allonger. Théo choisit de partir sur l'ile de Wight, dans un manoir austère, de style victorien. Elle aura recours à la bonne vieille méthode de compulser des livres dans une bibliothèque pour ses recherches avant le grand rendez-vous avec ses pairs. Car Théo a découvert qu'elle pouvait s'introduire en personne dans le jeu et franchir la frontière séparant l'irréel du réel... Incroyable !

Mêlant la quête épique, le tourbillon fantastique et le souffle d'aventure, ce roman brasse moults références et légendes pour alimenter son intrigue haute en couleurs. C'est entraînant, aidé de quelques pauses bénéfiques dans le coeur de l'action, mais le suspense est toujours entretenu à un train d'enfer. Le climat de terreur rampante par la menace des Barbarians est bougrement efficace, on s'accroche, on guette et on attend au tournant la suite de l'épopée...

Un deuxième volume va paraître courant Novembre 2008 (la série est en cinq tomes). Ce livre porte la signature de deux auteurs fort remarqués pour leurs romans policiers : Brigite Aubert et Gisèle Cavali.

Les Cavaliers des Lumières, Le règne de la barbarie * - Aubert & Cavali

Plon, mai 2008 - Coll. Jeunesse / Heroïc - 300 pages. 13€

A également été lu par Marie

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