Hester Lilly - Elizabeth Taylor
Orpheline depuis peu, Hester Lilly arrive chez son cousin Robert, après avoir échangé une longue correspondance fusionnelle, mettant de côté Muriel, l'épouse de Robert.
Bien entendu, cette dernière accueille la jeune cousine d'un sourire pincé mais ressent un soulagement railleur en voyant Hester à l'allure désinvolte, provocante et absurde. De son côté, Robert est également rassuré du soulagement évident de sa femme, quant à Hester Lilly commence un pénible désenchantement, de plus en plus marqué par la douloureuse relation qui va naître entre elle et la maîtresse de maison.
L'arrivée d'Hester sert avant tout de catapulteur dans ce foyer étriqué d'une bourgade provinciale. La jeune cousine devient la secrétaire de Robert, directeur d'une école, mais s'enfonce dans l'apathie et la maladresse. Elle fera la rencontre de Hugh Baseden, professeur de biologie, personnage hautement nonchalant et engourdi, et d'une vieille femme un peu folle, Miss Despenser.
En fait, tous les personnages se révèlent tous drapés d'une couche pour l'apparence et d'un fond plus trouble et nébuleux. Muriel tente de garder la dragée haute, se pare de ses plus beaux bijoux, cherche à briller en recevant, mais ne parvient pas à endiguer ses sentiments de panique et sa frustration du temps qui passe. Elle se sent supérieure à Hester, plus élégante et sûre de son goût, mais reconnaît une fraîcheur à cette jeune personne qu'elle n'a plus et soupçonne donc Hester d'être amoureuse de Robert !
Celui-ci est un type mou, condescendant et assez rigide dans ses principes. Concevoir qu'il puisse être porté par des élans du coeur est assez surprenant, mais "L'amour est-il l'apanage des esprits brillants ? Il est très terne lui-même et il vaut mieux que deux personnes inintéressantes se marient et tiennent leur insignifiance à l'écart".
L'esprit est cruel chez Elizabeth Taylor, mais sous cette apparence se trouvent également une blessure et un désoeuvrement, car tous les acteurs de cette comédie amère sont finalement en face d'une cruelle réalité : leur solitude, leur impuissance à vaincre les faux-semblants et l'incapacité d'affronter leurs sentiments. Il y a ceux qui sont en couple mais ne s'aiment plus et refusent de l'admettre, et ceux qui tentent d'être un couple, avec incompétence ou étourderie, et balbutient leur affection. Chez tous, la solitude est présente et force à se demander s'il est pire de la vivre seul ou à plusieurs ?
Un roman très bref, sur l'amour qui s'éteint, la confiance qui s'effrite et la perte du couple. Divin !
Traduit de l'anglais par Jacqueline Odin - Payot-Rivages / Mai 2007 - 114 pages - 12 euros