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Chez Clarabel
25 février 2017

Le Puits, par Iván Repila

LE PUITSAprès ma traumatisante expérience avec le roman de Kevin Brooks, cf. Captifs, j'ai récidivé sans le vouloir dans l'horreur, l'ignoble, l'inexplicable et l'énigmatique. Voici Le Puits, premier roman de l'auteur espagnol, Iván Repila. 120 pages d'une histoire incroyable, qui pèsent l'équivalent d'un pavé. Dur.
Deux frères, le Grand et le Petit, sont prisonniers au fond d'un puits, au milieu d'une forêt. On ignore comment ils ont atterri dans ce trou. Ils ont en leur possession un sac de victuailles donné par leur mère. Dedans, il y a une miche de pain, des tomates séchées, des figues et un morceau de fromage. Le Petit suggère d'y goûter, pour soulager sa crampe d'estomac et son ventre qui crie famine. Car les jours passent et les deux frères sont toujours coincés au fond du puits. Le Grand interdit formellement d'y toucher. À la place, ils se débrouilleront avec des racines, des fourmis, des lombrics. L'attente est longue, douloureuse. Et le flou autour est également tenace. Comment se sortir d'un tel guêpier ? Bientôt des loups s'approchent de leur fosse, alléchés par l'odeur du désespoir. Les frères tiennent bon. Il faut survivre. S'échapper. Fuir. Accomplir la mission.
Qui, que, quoi ? C'est la tête bourdonnante de questions qu'on avance dans ce bouquin. C'est court, c'est bref, mais c'est intense. Le style, surtout, surprend. L'écriture est lyrique et réaliste, étonnamment belle dans un contexte aussi sombre et hostile.

« La dernière traînée de soleil quitte le puits et décolore le monde, exacerbant leur lassitude de vivre ensemble. Comme lorsque la farce prend fin au beau milieu d'un songe et qu'on se réveille dans un mauvais film.
- Tu es encore tout chamboulé par la fièvre. Mange quelque chose et dors un peu. Ça ira mieux demain, dit le Grand, en s'allongeant.
Le Petit ne bouge pas.
- La rage, ça y est, je crois que je l'ai, dit-il.
- Non. Pas encore.
Le Petit lui lance un regard dépourvu d'amour et lui demande :
- Alors c'est quoi cette colère que je ressens à l'intérieur de moi ?
- Tu deviens un homme, répond le Grand. »

Une lecture perturbante et déroutante, dont l'empreinte va pourtant s'insinuer profondément dans mes souvenirs. Le Puits est un conte brutal. Une fable sur l'amour fraternel, la survie et la vengeance. “Une aventure sensationnelle” selon Zoé Valdés.

10x18 - mai 2016

Traduit de l'espagnol par Margot Nguyen Béraud pour les éditions Denoël [El niño que robó el caballo de Atila]

Préface de Zoé Valdés

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25 février 2017

Captifs, de Kevin Brooks

captifsLecteurs claustrophobes, passez votre chemin ! Ce roman, hautement perturbant, a le sombre dessein de vous entraîner dans une lente, lente descente en enfer.
Coincés dans un bunker souterrain, six individus croupissent dans un confort spartiate et à la merci d'un tortionnaire invisible. Les uns après les autres, ils ont été piégés, drogués, kidnappés pour être finalement conduits, via un ascenseur, dans cet espace criblé de caméras. Leur vie ne leur appartient plus. Linus, un adolescent de seize ans, livre dans son carnet leur calvaire. Les jours passent, les questions se bousculent, la folie guette, le désespoir monte en flèche. Autour d'eux, ce sont six chambres séparées, une salle de bains, une cuisine, une table avec des chaises pour tenir leurs conciliabules et une bible pour tuer le temps. Ils n'ont rien en commun, Jenny est une fillette de neuf ans, Anja une trentenaire un peu folle, Fred un toxico en manque, William Bird est rustre et violent, Russell Lansing un vieil homme malade. Ils sont terrés comme des rats, confrontés à eux-mêmes. Viennent les doutes, les tentations, les psychoses délirantes, les désillusions et les prises de conscience tardives. Sont-ils fichus ? Qui leur inflige ce supplice ? Pourquoi ? Ce sont autant d'interrogations qu'on se pose, tout en tournant les pages du bouquin. Le mieux à dire, c'est que la lecture est flippante et démoralisante. La violence ronge les parois de leur prison, la détresse suinte par les quelques failles du système, on se sent voyeur impuissant et témoin halluciné de cette exécution programmée. C'est l'histoire d'une lente agonie, d'une révolte, d'une condamnation sans explication, sans règle, sans torture. C'est l'histoire d'une tension psychologique implacable. Où le poids des mots est immense, l'attente insupportable et écrasante. J'étais complètement abrutie, à la fin. 

10x18 - Février 2017

Traduit par Marie Hermet pour Super 8 Éditions [The Bunker Diary]

24 février 2017

Une sale affaire, de Marco Vichi

une sale affaireCette deuxième enquête du commissaire Bordelli va s'annoncer particulièrement houleuse et douloureuse. La verte campagne florentine est en effet souillée par la découverte de cadavres de fillettes de huit ans. Face aux mères effrondées, Bordelli promet d'arrêter ce dangereux maniaque mais se heurte à une enquête sans piste sans indice. La police piétine, la colère monte, la frustration gagne du terrain. Notre commissaire ronge son frein et ne cache pas son impuissance auprès de son amie Rosa, une ancienne prostituée qui a le cœur sur la main mais qui veille sur lui comme une mama possessive et jalouse. Lorsque Bordelli croise le chemin d'une jeune femme en mission secrète, les sens de notre enquêteur sont également tourneboulés. De nouvelles révélations entrent en collision, l'affaire des meurtres d'enfants prend un tour inattendu et notre histoire s'enrichit d'un contexte lourd, poignant et éternellement traumatisant. Nous sommes en 1964 et les souvenirs de la guerre sont encore vivaces. Bordelli lui-même ne trouve plus le sommeil à force de ressasser son passé. Cela donne à la lecture un goût saumâtre et une tonalité pleine d'amertume. C'est assez saisissant, mais heureusement la brochette des personnages est pittoresque et attachante - outre le commissaire, son amie Rosa, on compte aussi le jeune policier Piras, venu de Sardaigne pour apprendre le métier et se familiariser aux coutumes locales avec le même dévouement, sans oublier le médecin légiste Diotivede, seul capable de déjeuner sur son lieu de travail, ainsi que Toto, le cuisinier de la trattoria qui propose toujours des recettes “à son goût” ! Cet univers récurrent fait oublier la sensation de désarroi imposée par l'intrigue criminelle. Certes, l'enquête suit son cours sur un rythme nonchalant, elle avance à petits pas et ne verse jamais dans un tumulte inopiné. La lecture laisse cependant dans son sillage une note d'ironie douce-amère et un humour grinçant (Bordelli est un flic usé, au volant de sa Coccinelle, il parcourt la ville de Florence en quête d'un grand peut-être). C'est tout à la fois dépaysant, subtil et bouleversant. J'avais découvert, l'été dernier, Le commissaire Bordelli et j'avais été particulièrement séduite par cette approche. Toutefois ce deuxième épisode est plus dur, plus lent, plus dramatique. La série amorce un virage délicat. À voir si les prochains tomes seront traduits en VF (la série originale compte six titres). 

10 X 18 - Domaine Policier - Janvier 2017

Traduit de l'italien par Nathalie Bauer [Una brutta faccenda]

24 février 2017

Sans feu ni lieu, de Fred Vargas

sans feu ni lieu

Dans ce Fred Vargas datant de 1997, on retrouve le fameux trio des Évangélistes, Marc, Lucien et Mathias, ainsi que Louis Kehlweiler, dit l'Allemand, chargés de défendre l'indéfendable - Clément Vauquet, un benêt au physique disgracieux, accordéoniste et livreur occasionnel de fougères, soupçonné d'être le tueur aux ciseaux qui sévit dans Paris. Seule une ancienne prostituée, Marthe Gardel, également sa mère nourricière, est convaincue de son innocence. Ce garçon est le dindon d'une farce morbide. Aussi bassine-t-elle Louis pour le sortir de ce guêpier. Malgré ses réticences, l'Allemand mobilise ses troupes et reprend contact avec ses vieilles relations dans la police pour bûcher le dossier.
La manière dont procède Fred Vargas pour dérouler ses intrigues est toujours extraordinairement originale, en apparence simple et bavarde, mais au final incontournable et parfaite. Son intrigue policière n'a certainement pas à rougir de ses prétentions modestes, car l'auteur fignole les moindres détails et excelle dans l'art des personnages. Ses Évangélistes sont trois sympathiques gaillards, trois historiens sans le sou qui partagent une baraque pourrie, en compagnie du Parrain, un vieil oncle qui les chouchoute en concoctant des gratins copieux et savoureux. Kehlweiler est un type plus froid, difficile à cerner, ancien homme d'action il s'est replié chez lui pour traduire la biographie de Bismarck et a pour seul compagnon son crapaud Bufo ! Quand on songe aussi qu'un poème de Nerval peut démêler les nœuds d'une pelote de laine... Sérieusement, on ne trouve pas ça partout. Et c'est ce qui me plaît tant dans les livres de Vargas, cette propension à l'excentricité qui ne déborde pas non plus vers des sentiers improbables ou absurdes. C'est décalé, assez drôle et faussement timbré. Philippe Allard, pour la technique, exerce son numéro d'équilibriste avec brio. Son timbre de voix colle à merveille avec les personnages imaginés par Vargas. C'est âpre, écorché, nonchalant et en même temps vibrant. Il y a ce “truc” indéfinissable qui rend le mariage évident et réussi. En bref, c'est tout bon !

Texte lu par Philippe Allard (durée : 7h 46) pour Audiolib - Février 2016

14 février 2017

L'homme qui a vu l'homme, de Marin Ledun

L'homme qui a vu l'hommeNostalgique de la lecture d'un autre roman se passant sur la côte Basque, cf. Du son sur les murs de F. Delplanque, j'étais curieuse de découvrir ce livre de Marin Ledun, dont j'avais déjà apprécié Les visages écrasés, pour son effet uppercut. 

L'histoire nous entraîne dans les étroits couloirs du mouvement basque (ETA), avec ses règlements de compte, ses kidnappings, ses conférences de presse solennelles et ses menaces sous-jacentes. Au départ, un jeune militant, Jokin Sasko, est porté disparu. Sa famille est à cran et sollicite tous les médias pour empêcher la justice d'étouffer le dossier. Iban Urtiz, un journaliste local, prend alors connaissance des enjeux et des guerres intestines qui se nouent entre les multiples vecteurs, depuis la communication jusqu'aux hautes instances du pouvoir. C'est un univers compacté, mais très oppressant et dangereux. Pas besoin d'être devin pour s'attendre à des trahisons et autres procédures d'intimidation visant à garder le contrôle de la situation. Urbiz se heurte aussi aux traditions et aux liens du sang, car on ne cesse de lui rappeler qu'il n'appartient pas à la “famille”, même s'il est né basque, il a quitté la région pour grandir en Savoie. Du coup, il ne parle pas la langue et ne connaît rien de l'organisation armée indépendantiste, du moins pas l'étendue de son influence. Qu'importe. Urbiz s'obstine et recueille des témoignages d'enlèvements, de séquestrations et de tortures. La naïveté du journaliste est fortement ébranlée, le meurtre de Jokin ne laissant plus de place au doute, la démonstration de force s'accentuant aussi, l'histoire braque son projecteur sur des mercenaires qui tentent d'étouffer la vérité et ne vont pas y mettre les formes.

C'est une guerre sans pitié qui se livre sous nos yeux, d'autant plus ahuris pour la profane que je suis, tant les circonstances sont floues et les règles du jeu purement inexistantes. Un point s'impose, nul ne décroche le rôle de héros ou de bourreau à juste titre, car tous les rôles sont implicitement mélangés. C'est d'ailleurs la réelle intention de l'auteur de dénoncer un imbroglio politique inextricable, où les premières victimes n'en demeurent pas moins les familles éplorées et en quête de vérité, même si cette dernière n'est pas bonne à entendre. Bref. J'ai eu une sensation d'apnée à l'écoute de ce livre - excellemment lu par Eric Herson Macarel - impression de revoir Daniel Craig sous les yeux - mais j'ai vécu une immersion glaçante et pénétrante. Cette ambiance du tout-pourri est désagréable, mais conforte l'idée d'un roman noir habilement exécuté, en plus d'être farouche et enragé. Le rythme est bon, malgré le sentiment de recevoir un cours accéléré de géopolitique, de recenser des faits et de distribuer des mauvais points, et puis la galerie des personnages est importante - faute de concentration, je m'embrouillais parfois avec les noms basques. :/ Ce ne sont que des détails négligeables, car le roman ajuste son coup et met souvent le lecteur k-o.
Cette fiction est inspirée de l’affaire Jon Anza, militant basque mort de façon suspecte en 2009.

Texte intégral interprétré par Eric Herson-Macarel pour les éditions Sixtrid (durée 11h 06) - Mai 2016

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12 février 2017

Surtensions, d'Olivier Norek

surtensionsC'est peu de dire qu'Olivier Norek se bonifie au fil du temps. Sachant que ses deux premiers romans (Code 93 et Territoires) étaient déjà extrêmement bons, imaginez le niveau de celui-ci ! ... Renversant. Percutant. Poignant. Époustouflant. J'ai adoré.
On bascule pourtant dans une sombre histoire de kidnapping et de braquage, deux affaires différentes qui vont malencontreusement s'enchevêtrer et conduire au carnage que l'on sait. Le roman s'ouvre sur un capitaine Coste effondré, en pleine séance chez le psy. Son enquête a viré au cauchemar, le type est à bout de nerfs. Pourquoi, comment ? C'est ce que la lecture va s'appliquer à raconter, en remontant le long fil d'un imbroglio criminel dont le dénouement ne pourra que vous mettre k-o. Je suis sortie de là en miettes, les larmes aux yeux. C'est dire.
Pour le coup, le roman innove dans sa structure et sa méthode de narration. Ce sont comme des morceaux de puzzle qui s'imbriquent les uns avec les autres, mais au terme d'une évolution subtile et laborieuse. L'histoire nous propulse dans le milieu carcéral, avec toute la noirceur que l'on sait. Un gamin est enlevé à la sortie d'une discothèque, ses parents sont aux abois. Entre guerre des polices et spectre d'une nouvelle affaire Halimi, l'enquête est sur des charbons ardents. Une jolie corse réunit son gang pour libérer son frère de prison et débarque dans un pavillon de banlieue pour terroriser une famille sans histoire. À l'ombre, cinq individus voient leur vie se jouer sous les yeux après la subtilisation des scellés au tribunal de Bobigny.
Chapitre après chapitre, ces affaires faussement anodines viennent botter en touche le service de Victor Coste, qui se lance sans le savoir dans une course contre-la-montre aux allures d'une partie de dominos. La terrible loi de Murphy. C'est finalement tout un ensemble qu'on partage, la vie des policiers, celle des malfrats, autant de vies sur la corde raide, ce qui rend le roman tour à tour captivant et bouleversant. En bref, cette lecture m'a littéralement vampirisée. Je l'ai lue en très peu de temps et n'ai pas vu passer les 12 heures d'écoute. 100% addictif.

Texte intégral lu par François Montagut pour Audible Studios (durée : 12h 11) - Décembre 2016

>> en exclusivité & en téléchargement sur Audible FR

©2016 Michel Lafon (P)2017 Pocket (P)2016 Audible FR

 ** Petit sourire à l'écoute d'un oubli technique, une séquence de répétition qui n'a pas été coupée au montage. Une maladresse que je trouve toujours cocasse. **

 

11 février 2017

L'Effet Papillon / Les Enquêtes du Département V (n°5), par Jussi Adler Olsen

l'effet papillon

Ce cinquième tome signe mes retrouvailles avec le Département V, au sein duquel l’inspecteur Carl Mørck et son équipe continuent de crouler sous les dossiers “cold case” qui s'empilent sur leurs bureaux, piochant au gré des envies et du temps. Ce sont plus précisément Assad et Rose qui dictent désormais les règles à leur chef, lequel se charge d'adopter une attitude blasée et arrogante qui exaspère ses supérieurs. D'ailleurs, il y a du remue-ménage au niveau supérieur (départ en retraite, nouvelle direction, changement de politique). Carl doit se coltiner un stagiaire sans jugeote, Gordon Taylor, en guise de sanction. 
Après une première enquête sur le corps calciné d'une femme découvert dans une péniche (qui, entre nous, ne sert strictement à rien), le Département V s'intéresse à la disparition d'un dénommé William Stark dont la belle-fille a placardé des avis de recherche dans toute la ville depuis trois ans. Cet homme aurait été mêlé à une affaire de corruption au Cameroun, impliquant des fonds du gouvernement danois dédiés à une association humanitaire. Pour étouffer ce scandale, les grosses têtes ont donné carte blanche à un gang de gitans, auquel appartient le jeune Marco, sauf que celui-ci en a assez de ces combines crapuleuses et file sans demander son reste. Mais en quittant “la famille” Marco signe son arrêt de mort. Et ils sont nombreux à ses trousses, car le garçon est désormais la clé de voûte d'un engrenage infernal. 
Ce numéro de cache-cache interminable n'est pas nouveau, cf. Profanation où un seul personnage avait mis en branle une intrigue complète. Outre le sentiment du réchauffé, je n'ai pas été inspirée par cette course-poursuite dans les rues de Copenhague. Comment un môme de quinze ans parvient à déjouer toutes les polices et tous les tueurs les plus aguerris ? Pour moi, Jussi Adler Olsen se repose trop sur ses lauriers, l'intrigue criminelle est correcte, mais l'ensemble tombe parfois dans la caricature. Les personnages, Assad, Rose ou Carl, sont attachants mais n'évoluent plus. Le mystère du réfugié syrien reste entier, les excentricités de la jeune femme ne se renouvellent pas, le chef d'équipe est un goujat fini (il couche avec Lisbeth la bibliothécaire pour se consoler de sa rupture avec Mona puis s'en mord les doigts). Bref. J'aime bien la série du Département V - je suis une mordue des lectures se déroulant dans les pays nordiques - mais je lui trouve aussi un côté plan-plan, à la mécanique trop bien huilée, qui ne m'étourdit plus. Il faudrait sortir des clous maintenant, Hr. Jussi Adler Olsen ! 

Sur un plan technique, Julien Chatelet assure, comme à son habitude, une lecture impeccable, efficace et captivante. Par contre, ce serait bien si Audiolib pouvait raccrocher avec la cadence imposée par Albin Michel (le tome 6 est sorti en janvier 2016, le tome 7 en mars 2017). Help ! ☺

Audiolib - Janvier 2017 (durée : 16h 52)
Traduction de Caroline Berg pour les éditions Albin Michel

31 janvier 2017

Les salauds devront payer, d'Emmanuel Grand

les salauds devront payerUne vraie bonne découverte que ce roman d'Emmanuel Grand, lu par Christophe Reymond pour Audiolib !
Pourtant, le sujet a tout lieu d'inspirer une certaine amertume. L'histoire se passe dans le Nord, près de Valenciennes, au cœur des friches industrielles et des quartiers populaires. Le tableau dépeint est gris, lourd et morose. Ambiance peu réjouissante. Dans la petite ville de Wollaing, les habitants font contre mauvaise forture bon cœur. Entre chômage et galères, ils n'ont pas d'autre choix que d'emprunter de l'argent à des organismes peu regardants. Ce sont ensuite les petites frappes du coin qui viennent cogner pour réclamer les sommes impayées. La jeune Pauline en sait quelque chose. Elle n'a pas remboursé ses dettes mais a choisi de filer en douce pour échapper à ses créanciers. Malheureusement, elle sera retrouvée morte dans un terrain vague. Le commandant Erik Buchmeyer et le lieutenant Saliha Bouazem, nouvelle recrue débarquée de Thionville, arrivent donc sur place et procèdent à une enquête a priori limpide. Les suspects sont rapidement pointés du doigts, il ne reste plus qu'à rassembler les preuves pour les faire tomber. Cependant, l'affaire est loin d'être bouclée puisque cette organisation en vase clos est certes perfide et redoutable, mais elle va aussi dévoiler un vieux contentieux syndical et un dramatique secret de famille donnant libre cours à une machiavélique histoire de  vengeance.
Finalement, ce n'est pas seulement un pur roman noir, avec du suspense, de la sobriété et de la mélancolie. C'est aussi un roman social, d'une intensité psychologique forte et poignante. On replonge ainsi dans le contexte des grèves, des luttes des classes, des manipulations politiques et des sacrifices sans état d'âme. Un état des lieux vindicatif et démuni. Sur le coup, j'ai pesté. Encore un tableau du Nord sinistré. Encore et toujours l'image d'une région en crise et sur les genoux. J'admets que c'est facile, mais ce n'est pas malveillant non plus. Et puis ça donne une certaine gravité à l'histoire, en plus des meurtres à résoudre, des plaies ouvertes et des rancœurs tenaces. C'est comme entretenir une mémoire et des souvenirs. De toute façon, avec cette lecture, il faut apprendre à débroussailler, les thèmes sont vastes, les chemins empruntés sont nombreux, les coïncidences parfois trop belles... Même l'entrée en matière est incongrue (un régiment en Indochine et en Algérie), on se demande souvent où nos pas nous mènent mais le résultat est cohérent et réussi. J'ai bien apprécié cette errance à l'aveugle et néanmoins parfaitement maîtrisée par son auteur.  

Texte lu par Christophe Reymond pour Audiolib (durée : 10h15) - Janvier 2017

Suivi d'un entretien avec l'auteur

18 janvier 2017

L'Affaire de la belle évaporée, de J.J. Murphy

L'Affaire de la belle évaporée

Quelle lecture exquise ! Imaginez un soir de décembre dans les années 1920, dans le prestigieux hôtel Algonquin à New York...
L'acteur de cinéma Douglas Fairbanks et sa compagne Mary Pickford organisent un gigantesque raout où l'alcool prohibé coule à flot. Au milieu de l'effervescence générale, pourtant, un cas de variole se déclare et l'établissement est mis en quarantaine. Les esprits chagrins se consolent aussitôt en se servant une nouvelle coupe, pendant ce temps la starlette Bibi Bibelot fait le show. Entièrement nue, parée d'un médaillon d'argent, la blonde écervelée se glisse dans la baignoire remplie de vin pétillant et amuse la galerie avec ses air aguicheurs. Quelques heures plus tard, on retrouvera son corps sans vie dans la même position. 
J'avoue avoir immédiatement été embarquée par l'ambiance du roman ! C'est pimpant, c'est léger, c'est vintage et c'est charmant. Mais il y a un autre atout indéniable : cette chère Dorothy Parker. Femme de lettres et d'esprit, Dorothy est également connue pour son humour caustique et ses bons mots. Et il faut reconnaître à J.J. Murphy ce talent incontestable d'avoir saisi cette essence pour donner vie à une héroïne pleine de finesse et d'intelligence. L'Algonquin constituant son terrain de jeu propice pour son Cercle Vicieux, il n'était pas rare de la croiser autour de la fameuse table ronde en compagnie de son groupe d'intellectuels. On la retrouve ainsi avec Alexander Woolcott et Robert Benchley dans l'euphorie de la fête et au premier rang dans la découverte du drame. Experte dans l'art du Jeu de l'Assassin, notre éminente chroniqueuse se lance aussitôt sur la piste du coupable... avec l'assistance du non moins célèbre Sir Arthur Conan Doyle ! De passage en ville, l'écrivain britannique cherche ainsi à démontrer l'étendue de ses compétences, n'est pas le père de Sherlock Holmes qui veut, après tout. Mais le travail d'équipe peut poser souci et ne pas être l'apanage de cette fine équipe, chacun cherchant à asséner le coup de massue au détriment de l'autre, soit pour briller en société soit pour enquiquiner le monde.
C'est donc dans cette cacophonie que se dessine une intrigue guillerette et survoltée, où l'on suit les uns et les autres courir dans les escaliers, se planquer dans les monte-charges, batailler contre l'ennui, verser dans les plus folles spéculations, tirer des conclusions hâtives, observer leurs contemporains, épingler les anomalies, avaler une petite louche de champagne, espérer un interlude romantique et louper le gong final. C'est absolument réjouissant. On se croirait dans une comédie tout feu tout flamme, avec du rythme, du souffle, de l'éclat et des bulles. La mise en scène de personnages réels dans un contexte imaginaire apporte aussi ce supplément d'âme à une lecture par ailleurs ordinaire mais qui revêt soudain des couleurs chatoyantes. C'est raffiné, drôle et pittoresque. J'ai tout aimé dans ce livre ! 

éditions Baker Street / Novembre 2016 - Traduction par Yves Sarda [A Friendly Game of Murder]

Illustration de couverture : Lucie QZN

Disponible en Folio Le cercle des plumes assassines [Murder your darlings]

  

(cliché 1) Mary Pickford & Douglas Fairbanks (cliché 2) Art Samuels, Charlie MacArthur, Harpo Marx, Dorothy Parker & Alexander Woollcott "The Round Table Vicious Circle" 

 

17 janvier 2017

Terminus Elicius, de Karine Giébel

TERMINUS ELICIUSSecrétaire dans un commissariat de police à Marseille, Jeanne prend le train chaque jour depuis Istres en s'installant toujours sur la même banquette. Un soir, elle trouve une lettre adressée à son nom. Un certain Elicius lui déclare sa flamme, puis lui révèle un autre aspect de sa personnalité. C'est lui l'auteur des crimes en série qui mettent à cran le capitaine Esposito avec lequel Jeanne travaille. Sous le choc, la jeune femme est d'abord tentée de tout raconter à son supérieur avant de se raviser. Pourquoi ? Jeanne est une petite souris au physique quelconque, à l'existence insipide et aux troubles obsessionnels compulsifs. Fragile et émotive, elle va lier avec cet individu une relation amoureuse, aussi inconvenante soit-elle, et qui la fait fatalement basculer dans des délires profonds.
Le roman part ainsi loin dans la spirale de la folie et des troubles comportementaux. C'est assez prégnant, au point d'en ressentir un sentiment de malaise. Je le répète, je ne supporte pas les désaxés dans les bouquins. Hélas pour moi, Karine Giébel en a fait une constante, cf. Juste une ombre par exemple, d'où un sentiment de ras-le-bol et de frustration ! Je n'ai pas aimé le personnage de Jeanne (sa psychose, son abrutissement, sa démence et sa paranoïa...). Bref. C'est étouffant et très dérangeant. Mais d'un autre côté, c'est toute la force de l'intrigue dont on découvre les rouages à force d'avancer dans le brouillard. L'ambiance est lourde, on ne porte aucun crédit à ce qu'on nous raconte et on s'embarque dans cette sinistre aventure en redoutant le pire. J'ai néanmoins trouvé le dénouement étriqué et peu ambitieux. J'espérais mieux. Et la soudaine “prise de conscience” du capitaine Esposito est trop risible pour l'envisager sérieusement. Premier roman de l'auteur, préalablement publié en 2004 aux éditions La Vie du Rail, Terminus Elicius a été remis au goût du jour par Belfond mais accuse encore une certaine verdeur, un manque de maturité, tout en laissant apercevoir son potentiel. Une nouvelle inédite (Aurore) est proposée en fin d'ouvrage, elle s'écoute en une heure et se révèle parfaitement anecdotique. Une lecture en demi-teinte, donc. 

Les amateurs de lecture audio auront plaisir de reconnaître en Micky Sebastian la voix de Sharon Stone ou de Samantha dans Sex and the City (Kim Cattrall). Son interprétation colle au mieux au caractère à fleur de peau de Jeanne, frôlant parfois l'hystérie, mais rendant l'histoire juste et sensible, glaçante d'effroi et d'angoisse. C'est saisissant, et néanmoins très bon ! 

Texte lu par Micky Sebastian pour Audible Studios- Durée : 8 h

>> Texte en version intégrale uniquement disponible en téléchargement sur le site Audible (exclusivité).

©2016 Belfond (P)2016 Audible FR

Terminus Elicius | Livre audio

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