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Chez Clarabel
14 octobre 2016

La Sorcière de la cité, de Karine Bride

«Leïla, sorcière berbère, nourrie exclusivement au couscous, en passe de se transformer en paquet de semoule, spécialisée dans le désenvoûtement et le retour d'affection, cherche prince charmant pour lui dire qu'elle est belle, lui faire un bon café et lui laver ses jeans. Chômeur accepté, mais travailleur à mi-temps non exclu - les autres si pas trop cultivés, car je suis allergique aux désherbants. »

La sorcière de la citéOh qu'il était bien, ce petit roman ! Avec sa jolie couverture illustrée par Joëlle Jolivet, il se propose de nous embarquer dans une folle aventure où la sorcellerie côtoie la clairvoyance, la bonne fortune et les petites combines. C'est tout mignon, simple et craquant. Voyez donc.
Vivant dans un quartier défavorisé, au cœur d'une cité qui la désespère, mais envers laquelle elle reste très attachée, Leïla bénéficie d'une réputation de bonne copine, prompte à résoudre les petits bobos de ses voisins, contre un bol de couscous ou une pizza gratuite en guise de rémunération. Sa bonté la perdra, lui serine sa mère qui fait fortune à Paris-Barbès auprès d'une clientèle aisée.
Cette dernière cherche également à la caser pour assurer une descendance, car être sorcière-cartomancienne, c'est un don qui se transmet de mère en fille. Leïla rêve d'amour, mais refuse que sa propre mère s'immisce dans sa vie privée. Elle vient d'ailleurs de passer une petite annonce dans le journal et a déjà reçu pas moins de quarante-sept réponses, dont celle d'un châtelain esseulé, sensible à son humour et prompt à lui ouvrir son cœur.
Dans le même temps, la vie dans la cité est en plein émoi : le jeune Mourad, huit ans, a disparu. Sa mère est effondrée, son grand frère a mis Leïla au défi d'activer son folklore de sorcière pour retrouver l'enfant au plus vite. Notre héroïne affûte aussitôt ses armes. Du bon sens, du bon sens et encore du bon sens. “Les gens en sont tellement dépourvus que c'en devient magique, le bon sens.”
Qu'elle est drôle, cette Leïla ! Elle tourne souvent en dérision sa vie faite de petites misères et son désert affectif, non sans une pointe de mélancolie. “Les sorcières n'ont pas droit aux sentiments. Et moi, j'ai appris à me retenir d'éprouver quoi que ce soit en toute circonstance.” Toujours sur la défense, donc. Aussi, notre Leïla n'ose pas s'émouvoir de l'intervention providentielle d'un bon samaritain au volant de sa Saab qui va conduire la jolie sorcière et le frère rasta aux trousses du fugueur. La course s'annonce mouvementée, rocambolesque et déjantée. Yes. ^-^
J'ai beaucoup, beaucoup aimé. Les jeunes lecteurs ont tout intérêt à se retrouver dans cette histoire d'une sorcière de vingt ans qui cherche l'amour et qui rêve également de changer le monde. Pour ma part, ce roman a été un franc coup de cœur. Il est court, trop court, mais riche d'une histoire merveilleuse, tendre et farfelue. On s'amuse énormément, on craque pour les personnages, on monte à bord d'une aventure magique. C'est simple et ça virevolte à chaque coin de page, c'est débordant d'optimisme et ça procure un bien fou. Une lecture parfaite ! ♥
 

Seuil Jeunesse, Septembre 2016

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6 octobre 2016

Sacha Yolka,Tome 1 : Le labyrinthe d'Ormonde, de Régine Joséphine

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L'histoire de la série de Régine Joséphine est à elle seule une aventure exceptionnelle : préalablement éditée chez Gecko en 2008, elle n'avait pu produire son point final en raison de la cessation d'activité de la maison, laissant des lecteurs éplorés de ne pas connaître la suite de leur saga préférée. En 2015, c'est au tour des éditions Balivernes de relancer ce beau projet en compactant les deux premiers épisodes en un gros bouquin de 390 pages - dont la couverture illustrée par Pascal Casolari file un peu la trouille - et avec la promesse de publier le dénouement inédit courant 2016 ! Youpi. 
Car cette lecture est à couper le souffle. Absolument stupéfiante, dès les premières pages lues. Prompte à nous embarquer dans un univers fabuleusement génial. N'ayons pas peur des qualificatifs ni des adverbes. ^-^

Sacha Yolka est une lycéenne farouche et bohème, qui vit seule avec sa grand-mère dans une roulotte. Son look négligé et sa morgue sont loin de la rendre populaire, mais la jeune fille s'en moque royalement. Depuis quelques temps, pourtant, un détail la chiffonne : la vieille Meïré n'a plus donné signe de vie. Coutumière des agissements excentriques de son aïeule, Sacha entend mettre sa disparition sur le compte d'une nouvelle lubie passagère mais ressasse avec amertume les secrets de celle-ci durant un trajet en bus. Et soudain, l'accident. La chute dans le fleuve. Sacha vole au secours du chauffeur et s'extirpe in extremis du véhicule. Tout ça par la faute d'une bulle de lumière et du visage d'un garçon surgis de nulle part.
Après quoi, sa vie soudain bascule dans un univers teinté de magie et de musique qu'on appelle l'Elurzen. Elle y fait la rencontre de Lexter le S'Ombre et de Gabriel le Luzien, l'un est terne et envieux, l'autre a une voix d'ange et un physique de chevalier servant. Ces deux-là se détestent et ne s'en cachent pas. Lexter jalouse la fameuse Luze qui donne à Gabriel ses pouvoirs et son statut de privilégié, alors que lui croupit dans des cavernes et subit la loi du plus fort. Mais le Luzien se montre particulièrement dédaigneux et refuse d'accorder sa confiance à Lexter, qu'il soupçonne être un voleur de luze. 
Au milieu, Sacha n'est pas en reste, puisqu'elle se découvre un destin de “Veilleur”, hérité de sa grand-mère, qui a failli à sa mission et entraîné le déséquilibre des quatre piliers du labyrinthe d'Ormonde. Depuis, le chaos est en marche et les peuples sont en danger.

Pfiou, cette lecture est une véritable tornade ! Action, rebondissements et suspense se bousculent à toute pompe, ne nous laissant aucun instant de répit, pour une sensation franchement exaltante. J'ai tout de suite accroché et j'ai adoré me plonger dans ce monde inconnu, mais fourmillant de détails et riche d'un imaginaire peaufiné. La découverte va de pair avec une aventure fantastique auprès de jeunes compagnons de route pour le moins impétueux. Que ce soit Sacha, Lexter ou Gabriel, tous trois possèdent un tempérament colérique et fougueux, qui déborde fréquemment du cadre et les amène à faire des choix souvent contestables. Rien n'est lisse, rien n'est acquis. Et les retournements de situation ne manquent pas. De plus, c'est extrêmement drôle, d'un humour fin et sarcastique, qui colle au mieux à nos intrigants. Les répliques font mouche, les filles affirment leur caractère et ne s'en laissent pas conter. Les rapports entre les deux sexes révèlent une véritable équité, on se chamaille, on se tape dessus, on s'entraide, on a des papillons dans le ventre, et pourtant l'aventure prédomine, sans perte de temps inutile. J'ai beaucoup apprécié cette avalanche d'émotions et les péripéties en nombre qui font de cette lecture un rapt saisissant et pleinement consenti ! Comme promis, le tome qui clôt la série, soit « Les héritiers d’Ormonde », va bien paraître début 2017. Et j'en suis fort aise. ☺ 

Balivernes éditions, novembre 2015 - illus. de couverture : Pascal Casolari

 

26 septembre 2016

Le Ciel nous appartient, de Katherine Rundell

Bénéficiant d'une reprise en format poche, ce roman est une petite pépite littéraire à découvrir sans hésiter !

Le ciel nous appartient

Sophie a survécu au naufrage d'un paquebot, après avoir été découverte dans un étui à violoncelle flottant au beau milieu de la Manche. Charles Maxim, un doux rêveur, a pris l'enfant sous son aile, lui promettant une existence harmonieuse et libre de toute contrainte. Ce ne sera pas du goût des services sociaux, qui vont établir que la demoiselle, à l'âge de 12 ans, ne peut plus partager le même toit qu'un célibataire du sexe opposé.

Charles et Sophie plient bagage pour la France où ils espèrent retrouver la trace de la mère de la jeune fille. Depuis toujours, elle est convaincue que celle-ci existe et l'attend quelque part. Charles n'a jamais prétendu le contraire, sans totalement l'encourager dans ses fantasmes. Après tout, « you should never ignore a possible » ! La suite de l'aventure est tout aussi stupéfiante, fantasque et exubérante.

Car cette lecture fait du pied à votre âme d'enfant, elle lui redonne du souffle et un formidable élan qui vous fait gravir des sommets (ceux des toits de Paris !). L'ambiance est magique, pleine de tendresse, de poésie, de fougue et d'espoir. Sophie et Charles sont deux personnages enchanteurs, elle amoureuse des livres et maladroite, lui “parlant anglais aux personnes, français aux chats et latin aux oiseaux”. Quel beau duo !

Leur cavale, menée sous le signe de l'espoir, ponctuée de jolies rencontres (Matteo et sa bande de danseurs du ciel), offre un plaisir rare d'évasion et de fraîcheur. À déguster avec un sourire béat aux lèvres. 

Traduit par Emmanuelle Ghez - Illus. de couverture : Antigone Konstantinidou

Folio Junior N°1767  - Septembre 2016

20 septembre 2016

En attendant Bojangles, d'Olivier Bourdeaut

En attendant Bojangles

Quelle lecture épatante !

Largement plébiscité par les libraires et les lecteurs, récompensé par de nombreux prix, ce roman n'usurpe pas l'excellente appréciation qui le précède et se révèle cet incroyable petit bijou de littérature qui donne du baume au cœur et des larmes aux yeux. Oui c'est tellement beau, à lire ou à écouter. Car n'hésitez pas à vous plonger dans la version audio (Gallimard, coll. Ecoutez Lire) qui s'accompagne d'une réalisation sonore impeccable, en incluant des extraits de la chanson de Nina Simone, Mr. Bojangles, auquel le titre fait référence. L'ensemble fait bon ménage. L'histoire est lue par le comédien Louis Arene de la Comédie Française, qui sert avec délice cette histoire d'amour fou en alternant l'innocence de l'enfant et la dévotion du mari au service d'une femme complètement toquée, mais qui n'en conserve pas moins toute sa superbe ! 

C'est donc l'histoire d'une rencontre entre un homme à l'imagination débordante et une femme fantasque qui vont allier leur grain de folie, se marier, fonder une famille et vivre de soirées pétillantes, à boire, à danser, à discuter avec la crème intellectuelle. L'homme et la femme forment un couple magique, intouchable. Leur fils souvent les observe avec émerveillement et tendresse. Lui aussi revendique sa part d'élucubrations loufoques que sa maîtresse réprimande, mais l'enfant est couvert par les excentricités de sa mère, qui préfère l'enlever du carcan de la société pour l'emmener dans ses délires, ses rêves et ses voyages. La réalité, hélas, rattrapera notre trio audacieux et s'invitera à la fête de manière brusque, intolérable et poignante. Clap de fin sur la valse étourdissante, retour au concret avec toujours la petite musique en toile de fond. Qui a dit que l'aventure était terminée ? Car Bojangles est éternel, et cette histoire nous le prouve. C'est triste et drôle, tragique et étincelant, dans un style inventif et poétique, qui saura vous éblouir, vous toucher et vous emporter au-delà de toute raison. Une lecture fantaisiste, mais si vraie, si sensible et sensuelle... ♥

Texte lu par Louis Arene pour les éditions Gallimard, coll. Ecoutez Lire (durée 4h 30) - Septembre 2016

Titre disponible aux éditions Finitude, qui ont eu du flair en dénichant cette pépite ☺

« Depuis notre pétaradante rencontre, elle faisait toujours mine d'ignorer la réalité d'une façon charmante. Du moins, je faisais mine de croire qu'elle le faisait exprès, car c'était chez elle si naturel. [...]
Son comportement extravagant avait rempli toute ma vie, il était venu se nicher dans chaque recoin, il occupait tout le cadran de l'horloge, y dévorant chaque instant. Cette folie, je l'avais accueillie les bras ouverts, puis je les avais refermés pour la serrer fort et m'en imprégner, mais je craignais qu'une telle folie douce ne soit pas éternelle. Pour elle, le réel n'existait pas. J'avais rencontré une Don Quichotte en jupe et en bottes, qui, chaque matin, les yeux à peine ouverts et encore gonflés, sautait sur son canasson, frénétiquement lui tapait les flancs, pour partir au galop à l'assaut de ses lointains moulins quotidiens. Elle avait réussi à donner un sens à ma vie en la transformant en un bordel perpétuel. »

 // 

  • GRAND PRIX RTL-LIRE 2016
  • PRIX DE L'ACADÉMIE DE BRETAGNE 2016
  • PRIX EMMANUEL-ROBLÈS 2016
  • PRIX ROMAN FRANCE TÉLÉVISIONS 2016
  • ROMAN DES ÉTUDIANTS FRANCE CULTURE - TÉLÉRAMA 2016
20 septembre 2016

Le jour où Anita envoya tout balader, de Katarina Bivald

Le jour où Anita envoya tout balader

En pleine déprime depuis le départ de sa fille pour l'université, Anita Grankvist fait le bilan de sa vie. À trente-huit ans, mère célibataire, employée au supermarché de la petite ville de Skogahammar qu'elle n'a jamais quittée, son horizon lui semble soudain brumeux et désolant. Aussi, décide-t-elle de se ressaisir en remplissant ses journées de façon pêle-mêle : elle prend des leçons de moto, rejoint le comité d'organisation de la Journée de la Ville et passe du temps avec sa mère sénile. Ses copines la poussent également à renouer avec les hommes et l'encouragent à draguer son jeune moniteur ! La vie pour Anita prend rapidement des couleurs chatoyantes, des allures cocasses, des séquences émouvantes et vraies. Bien évidemment, j'ai tout de suite accroché à ce petit bout de femme, à ses choix de vie, à son rôle de maman entière et complice, à son statut de fille sous la coupe d'une mère sévère et réservée (et qu'elle tente aujourd'hui de comprendre). Je me sentais en phase avec ses émotions, ses questions et ses doutes. C'est simple, sûr. Mais cette lecture est aussi un bon début pour mettre le pied à l’étrier et accompagner au petit trot le cheminement d'Anita dans sa reconquête d'elle-même. D'abord, dépoussièrer ses rêves d'ado, puis envisager de changer de vie. Un parcours clairvoyant et une héroïne remarquablement attachante pour une histoire pleine de sensibilité et d'humour.

Roman lu avec beaucoup de délicatesse, de tendresse et de badinerie par Marie Bouvier. Très agréable à écouter.

Texte lu par Marie Bouvier pour Audiolib (durée : 12h 56) - Juillet 2016

Traduit par Marianne Ségol-Samoy pour les éditions Denoël

 

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19 septembre 2016

Je suis Adèle Wolfe, de Ryan Graudin

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1956. Le IIIe Reich et l'Empire du Japon gouvernent le monde. Hitler ne s'est pas suicidé, ses troupes ont écrasé Staline, envahi l'Angleterre, étendu leur suprématie, tandis que les Etats-Unis ont signé un pacte de non-agression et le Japon un accord de coprospérité. Les camps de la mort ne désemplissent pas - travail forcé, épuration ethnique, expériences médicales... Bref. La marée rouge s'écoule sur le globe et la Résistance piétine.
Dans l'ombre, pourtant, un nouveau plan se met en place : infiltrer le Tour de l'Axe, la célèbre course de moto reliant Germania à Tokyo, remporter la victoire pour rencontrer le Führer lors du bal et saisir l'occasion pour l'assassiner devant les caméras ! Leur arme secrète : Yael, 
une jeune juive rescapée des camps et ancienne cobaye du Dr Geyer qui a “modifié” son patrimoine génétique. Depuis, Yael est capable de se métamorphoser pour prendre n'importe quelle apparence de sexe féminin. Dont celle de l'ancienne championne Adele Wolfe.

Les courses de moto ont le vent en poupe, après Stone Rider de David Hofmeyr, voici un roman absolument époustouflant, dont l'univers uchronique est aussi sa très grande force ! Imaginez un monde où Hitler en serait devenu le maître... Terrifiant, mais pas seulement. Car Ryan Graudin a su élaborer un contexte remarquable, bien construit et bien documenté, qui rend compte des horreurs, de l'injustice, de l'embrigadement, etc. mais qui incite aussi à la réflexion. C'est dans ce cadre qu'a lieu une compétition acharnée, réunissant vingt pilotes aguerris, sur plus de 20.000 km de poussière, de crasse et de danger. Les enjeux sont énormes, tous ont des motivations personnelles, qu'on découvre au gré des péripéties. Les concurrents incarnent tous le subtil mélange de volonté et de sensibilité, d'intelligence et de calcul, mais la frontière est mince entre la loyauté et la trahison, d'ailleurs chaque chapitre nous en réserve la démonstration. Ainsi, Yael se compose un personnage et réussit parfaitement à incarner l'icône de la propagande nazie, par contre tout se complique lorsqu'elle doit donner le change à un frère jumeau ou un supposé petit copain. Même l'entraînement le plus accompli ne peut préparer notre walkyrie à gérer ses sentiments sans compromettre sa mission, et ça met du piquant dans l'histoire ! Je ne vous dis que ça.

Sensation grisante et sentiment d'urgence à chaque coin de page, cette lecture est tout simplement renversante ! Impossible de lâcher le bouquin, rythme infernal, suspense implacable, adrénaline de la compétition, souffle nerveux... et cri du cœur avant de tourner la dernière page. Ce roman va vous dévorer. ♥♥♥


Traduit par Marie Cambolieu pour les éditions du Masque / Coll. MsK, septembre 2016

Titre original : Wolf by Wolf

 

14 septembre 2016

Wild Girl, d'Audren

Wild Girl

Milly Burnett a dix-neuf ans lorsqu'elle choisit de partir à la Conquête de l'Ouest pour enseigner dans une petite école à Tolstoy, dans le Montana. Nous sommes en 1867. Elle quitte le Massachusetts et sa famille pour entreprendre un voyage long et éprouvant, mais Milly déborde d'enthousiasme pour cette nouvelle aventure. La jeune femme a soif de liberté et de découverte, elle ne doute pas qu'une existence fabuleuse l'attend au-delà de son horizon familier. 
Et déjà les paysages l'étourdissent, les coutumes locales, les villes plantées au beau milieu de nulle part, avec son lot de bons et de méchants, les pionniers en quête d'impossible, les colts qu'on dégaine sans trop réfléchir, mais aussi les cowboys et les indiens, le confort rudimentaire, le fameux « esprit de l'ouest », des mentalités différentes, même si les commérages et la bienséance continuent de gouverner le monde !
C'est donc avec la même exaltation qu'on partage cette aventure. Milly est jeune, fraîche, ravissante. Elle conquiert les habitants de Tolstoy, enchante les enfants, sa pédagogie fait parler d'elle et les parents accourent avec leur progéniture pour remplir les bancs de l'école. Quel succès. De plus, Milly s'épanouit au fil de ses rencontres, entre Sam le forgeron au sourire ravageur, Josh le jeune bandit au cœur tendre et Elwood le grand rouquin qui multiplie les prévenances... La farandole sentimentale est complète.
Il faut dire aussi que la communauté du Montana est attachante, et Milly y trouve rapidement sa place. Il y a sa voisine Marceline, une femme indépendante et si secrète, le débonnaire Phil, patron du grocery store, sa femme insupportable, Belvadara Johanson, le shérif Tim Clyne et son épouse Meg, et tout un décor authentique, de la poussière, de la boue, des saloons, le club de tricot et le salon de thé. L'évasion est totale. De plus, l'histoire a su me rappeler des séries ou des lectures comme “Dr. Quinn, Medicine Woman”, “La Petite Maison dans la prairie” et aussi “Les Filles de Caleb” d'Arlette Cousture qui confortent ce sentiment d'appartenance et de cocon. 
C'était génial ! J'ai adoré ma lecture, pour son ambiance, ses personnages, ses petites histoires d'amour, son sens du romanesque, sa flamme, son souffle, sa terre promise. L'auteur a enrichi son propos de références culturelles qui renvoient à des chapitres de l'histoire américaine (pas toujours glorieuse, cf. le massacre des “native americans”). C'est une vision du Far West avec ses rêves et sa dure réalité, au milieu de laquelle embellit la personnalité farouche d'une héroïne extraordinaire. J'ignore si l'auteur donnera suite aux aventures de Milly Burnett - car il y a matière à nous transporter toujours plus loin - mais je reste attentive à toute proposition ! ☺♥

Albin Michel / coll. Litt' - Septembre 2015

13 septembre 2016

Roald Dahl, le Géant de la littérature jeunesse

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Né le 13 septembre 1916, Roald Dahl aurait aujourd'hui fêté son centième anniversaire. Pour l'occasion, le magazine Lire a publié un hors-série autour de l'univers de ce génial auteur. Fort de ce succès, Gallimard Jeunesse en sort une belle édition avec couverture cartonnée à conserver précieusement !

Ce numéro spécial brosse en effet le portrait d'un homme au parcours remarquable, lequel n'a manqué ni d'envergure ni de panache. Pilote de chasse, espion, star de Hollywood, romancier, Roald Dahl a multiplié les casquettes et ainsi nourri son imaginaire qui marqueront ses livres. En 1961 il publie son premier conte pour enfants, James et la grosse pêche, qui rencontre un formidable succès. L'homme est conforté dans son choix d'écrire pour la jeunesse et ne va plus s'arrêter. Charlie et la chocolaterie, Fantastique Maître Renard, Les Deux Gredins, La potion magique de Georges Bouillon, Le Bon Gros Géant, Sacrées Sorcières, Matilda... On ne compte plus les références si nombreuses qui ont enchanté des générations de lecteurs à travers le monde ! Cet homme avait su trouver un terrain fertile qu'il a enrichi de sa prose, de son esprit, de son humour et de sa fantaisie. Cet ouvrage nous en fait ainsi l'étalage et le compte-rendu, mais se borne aussi à percer la personnalité de l'écrivain et de découvrir un homme marqué par des drames (la perte de sa fille, l'accident de son fils, la santé fragile de son épouse...), un homme réputé pour son tempérament volcanique, qui s'attirait souvent une réputation galvaudée suite à des propos trop souvent lancés sur le coup de la colère. Un homme aux mille facettes, pour mieux entretenir la légende. C'est sa deuxième femme Felicity et l'illustrateur Quentin Blake qui nous en parlent le mieux, entre admiration, pudeur et respect du personnage, sans rogner les contours. Ce numéro nous parle, pour finir, de son héritage, il débroussaille dans le paysage actuel les auteurs inspirés par Roald Dahl, suggère des romans dans la même veine, donne la parole aux romanciers pour évoquer leurs souvenirs et communiquer leur enthousiasme. Philippe Delerm, Anna Gavalda, Timothée de Fombelle, Véronique Ovaldé, Susie Morgenstern ou même Daniel Pennac se sont tous prêtés au jeu. La question du cinéma est également soulevée - par son expérience, par ses déceptions, Roald Dahl entretenait avec le 7ème art des rapports houleux, teintés de méfiance. Seule sa collaboration avec A. Hitchcock a été productive et stimulante sur un plan artistique et relationnel. Mais on apprend par exemple qu'il a rédigé le scénario d'un James Bond (On ne vit que deux fois) mais que l'expérience Chitty Chitty Bang Bang a été une énorme frustration. Et ainsi de suite. 

On plonge résolument dans cette lecture avec un bonheur total et indéfectible. Tout est parfait, du début à la fin. Rien à jeter. La moindre anecdote est soulignée, absorbée, donne matière à sourire, à réfléchir. Les photos et les illustrations accompagnent un assortiment d'articles instructifs et distrayants. C'est LE document à se procurer de toute urgence, qui vous assurera une lecture attentive et pointilleuse, laquelle ne manquera pas de combler tous les âges, tous les horizons, amateurs ou non de ce Géant de la littérature jeunesse. INDISPENSABLE. ♥

Lire Hors-Série / Gallimard Jeunesse, Septembre 2016

10% de tous les droits d'auteur de Roald Dahl sont versés à des partenaires de bienfaisance. 

www.roalddahl.com

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2 septembre 2016

Berezina, de Sylvain Tesson

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« Un vrai voyage, c’est quoi ?
– Une folie qui nous obsède, dis-je, nous emporte dans le mythe ; une dérive, un délire quoi, traversé d’Histoire, de géographie, irrigué de vodka, une glissade à la Kerouac, un truc qui nous laissera pantelants, le soir, en larmes sur le bord d’un fossé. Dans la fièvre…
– Ah ? fit-il.
– Cette année ce sont les deux cents ans de la Retraite de Russie, dis-je.
– Pas possible ! dit Gras.
– Pourquoi ne pas faire offrande de ces quatre mille kilomètres aux soldats de Napoléon ? »

 

Quelle formidable épopée racontée avec panache, émotion et passion ! C'est tout ce qu'inspire le récit fabuleux du road-trip de Sylvain Tesson sur un vieux side-car en compagnie de son ami Cédric Gras, de deux camarades russes et Thomas Goisque, l'ami photographe.

C'est suite à un salon du livre basé en Russie que notre trio un peu fou lance ce projet de rentrer à Paris en suivant les traces des troupes napoléoniennes. Treize jours pour tenir un pari insensé à rouler sur des routes enneigées, par un froid de canard et couvrir la retraite de l’Empereur sur plus de quatre mille kilomètres. L'auteur nous entraîne dans une épopée carnavalesque et réjouissante, entre soif d'histoire et hommage bouleversant. On replonge dans des chapitres oubliés, on revit les batailles enfiévrées et on imagine la détresse de ces Français en déroute, leur lutte acharnée et leur désespoir face à des stratégies militaires proche du suicide. On éprouve aussi un formidable élan d'admiration pour les Grognards qui n'ont rien lâché et ont tout donné jusqu'au bout, malgré les conditions rudes, malgré le froid, la faim et malgré la fuite de Napoléon qui a précipité son retour à Paris en solo. Le moral des troupes est au plus bas, mais ces hommes se démènent pour sauver l'honneur. Une notion au sujet de laquelle l'auteur débat, tout en s'interrogeant sur l'héroïsme et notre capacité aujourd'hui à nous sacrifier pour la nation. Une cause hélas décotée. Il compare alors le génie de Napoléon qui avait réussi à imposer son rêve par le verbe, à étourdir les hommes, à les enthousiasmer et à les associer à son projet. « Il avait raconté quelque chose aux hommes et les hommes avaient eu envie d'entendre une fable, de la croire réalisable. Les hommes sont prêts à tout pour peu qu'on les exalte et que le conteur ait du talent. »

J'ai beaucoup aimé partager cette aventure, en alternant les pages du roman aux épisodes lus à voix haute par Franck Desmedt pour Audiolib. Le comédien livre une performance vivante et captivante, nous donnant l'illusion d'être à bord du side-car (ou presque) et d'être au cœur du récit. C'est passionnant, à dévorer en une bouchée tant on se sent porté par le feu de l'action. Une expérience où le sublime flirte avec le grotesque. Unique. Et fascinant.

 

Texte lu par Franck Desmedt pour Audiolib (durée : 4h 51) - Juillet 2015

Repris en poche chez Folio / Mars 2016

 

Cédric Gras, en bon baroudeur, a également fait l'écho de son récit de voyage à travers la Russie d'Extrême-Orient dans L'hiver aux trousses (Folio, 2016). 

Rien à voir avec les Grognards et Napoléon ! Il s'agit d'une autre quête fabuleuse et folle, qui consiste à partir à “la chasse aux feuilles rouges”. Soit, accompagner l'automne par tous les moyens possible (à pied, en camion, sur des canots ou à bord de remorqueur). Ainsi, des contrées polaires à la mer du Japon, ses pas ont foulé des parcelles méconnues de cette Russie du Pacifique. Une lecture totalement dépaysante ! 

 

8 juillet 2016

Une belle brochette de bananes, de Jean-Philippe Arrou-Vignod

Une belle brochette de bananes

« On est six garçons. Six frères avec les mêmes oreilles décollées et le même épi au sommet du crâne.
Vivre dans une famille nombreuse, c'est un peu comme être un simple exemplaire dans une collection de figurines publicitaires. Impossible de passer inaperçus quand on sort le dimanche. Surtout habillés tous pareils, avec nos blazers anglais, nos culottes de flanelle et les petites cravates que nous offre grand-maman à chaque Noël... Les gens qu'on croise nous comptent et nous recomptent mentalement en faisant les yeux ronds, comme s'ils étaient victimes d'une illusion d'optique.
- Ils sont à vous, tous ces garçons ?
- Oui, pourquoi ? demande maman.
- Une bien belle famille, s'enthousiasment les gens du ton dont ils parleraient d'un tremblement de terre ou d'une catastrophe ferroviaire. Mais six garçons, tout de même, ça ne doit pas être facile tous les jours...
- Oh ! répond maman avec un petit sourire, il suffit d'un peu d'organisation, voilà tout.
C'est vrai que maman est très organisée : on a tous deux ans d'écart, ce qui est commode pour se refiler nos vieux vêtements, et on est tous prénommés Jean-Quelque-Chose. Comme ça, papa et maman ne peuvent pas se tromper quand ils nous appellent pour mettre la table ou ranger les pièces de Meccano répandues sur le tapis du salon.
À chaque rentrée des classes, papa nous photographie deux par deux, la main sur la porte, quand on part à l'école. On a nos gros cartables sur le dos et l'air réjoui d'une cordée d'alpinistes qui s'apprêtent à escalader l'Himalaya sans oxygène en pleine tempête de neige. »

On retrouve avec grand bonheur de nouvelles anecdotes savoureuses sur la famille des Jean-Quelque-Chose : vacances chez les grands-parents, colos à la neige, Jean-Claude Killy et les JO de Grenoble, photographies, premières amours, bagarres entre frangins, principes éducatifs, lectures et animaux... On s'amuse drôlement chez les Jean ! Et on ne s'en lasse pas.  

Je ne vais pas disserter des heures sur le bienfait de cette lecture (et de la série en général), mais il est toujours bon de rappeler les valeurs essentielles qui en font tout le charme : humour, tendresse et batailles de chaussettes sales. Un vrai feu d'artifice !

Gallimard Jeunesse / Mars 2016

Illustrations de Dominique Corbasson

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