Meurtriers sans visage, de Henning Mankell
Un matin d'hiver, en pleine campagne suédoise, un couple de paysans retraités est sauvagement assassiné dans leur ferme isolée. Seul détail incongru, le meurtrier a nourri le cheval avant de quitter les lieux. Kurt Wallander est perplexe. Sur son lit d'hôpital, l'épouse à l'agonie a murmuré avant de s'éteindre le mot “étranger” aux enquêteurs. L'information ayant hélas fuité, la presse se répand en propos acrimonieux et une flambée de violence se déclenche dans les rues d'Ystad, visant notamment le camp de réfugiés et les demandeurs d'asile.
L'inspecteur Wallander doit échapper aux raccourcis et ne pas tomber dans le piège des conclusions hâtives. Toutefois, notre homme est également préoccupé sur un plan personnel - il a 42 ans, sa femme vient de le quitter, sa fille refuse de le voir, son père fait des crises de démence sénile. La pression pèse sur ses épaules, Kurt est au bout du rouleau. Il se distingue pourtant par sa ténacité, refusant de rendre les armes, cherchant dans les moindres détails une réponse aux nombreuses interrogations qui entourent le meurtre des Lövgren, fouillant au passage dans leur passé, déterrant de vieux secrets de famille, dépouillant des coïncidences, débusquant les crapules... Il ne laissera rien au hasard.
Ce roman date de 1991 mais nous explose en pleine figure par son sujet - racisme et xénophobie, traitement des réfugiés, politique de sourds, une population en pleine dérive. Quel triste constat. Il s'agit également de la première enquête de l'inspecteur Wallander, personnage récurrent de la série policière de Henning Mankell, un anti-héros dépressif et déprimant, trop souvent exposé à la réalité douce-amère de la société suédoise et aux façades faussement lisses de ses contemporains. Un flic terriblement humain, avec ses failles, ses défauts, ses hésitations. On est loin du mythe de l'enquêteur aguerri !
Pour une raison que j'ignore, l'édition audio n'est accessible qu'aujourd'hui - Les Chiens de Riga remontant à 2009. C'est Marc-Henri Boisse qui nous embobine de sa voix rauque dans une interprétation sommaire, où l'on retrouve nos repères, un décor de désolation, le froid, la violence sous-jacente, la colère ronronnante, les bas instincts, le désœuvrement... C'est peut-être affaire de goût, mais je préfère lire Mankell durant la saison hivernale, car j'ai eu un peu de mal à me transposer dans son histoire alors que je baignais dans un contexte insouciant et ensoleillé. Mais le comédien fait le job, et puis c'est une valeur sûre, un bon classique du roman policier à la sauce nordique !
Texte interprété par Marc-Henri Boisse (durée : 9h 26) pour Sixtrid, 2017
Trad. Philippe Bouquet pour Christian Bourgois éditeur