La tête en friche - Marie Sabine Roger
Germain, quarante-cinq ans, "cent dix kilos de muscles et pas un poil de graisse, un mètre quatre-vingt-neuf sous la toise, le reste à l'avenant", est inculte et analphabète, pas très futé mais pas débile pour autant. Toute son enfance, il a manqué de signes démonstratifs d'affection. A l'école, le maître le traitait comme un abruti et prenait plaisir à l'humilier. Très tôt, donc, il a renoncé aux études, à l'amour. Il exerce des petits boulots, est très habile de ses mains et aime tailler le bois avec son Opinel. Après une cohabitation difficile avec sa mère, Germain a choisi de vivre dans une caravane... au fond du jardin où il cultive ses légumes.
Un jour, dans le parc, il fait la rencontre de Margueritte, une petite vieille qui passe son temps à compter les pigeons. Ce détail les touche ; débute alors un timide rapprochement. Presque tous les jours, ils se retrouvent sur le même banc et discutent du bout de gras. De suite, Margueritte lui apparaît épatante, érudite, pleine d'éducation mais qui n'en étale pas. Elle est douce, l'écoute et commence à lui apporter des livres. Germain n'ose pas lui avouer qu'il n'aime pas ça (parce qu'il ne sait pas), par contre il prend plaisir à l'écouter lui faire la lecture à voix haute. Et de fil en aiguille, il imprime et se passionne, en redemande.
Depuis sa rencontre avec Margueritte, les choses ont bougé dans la vie de Germain. Il réfléchit beaucoup, il pense à sa mère, à ses potes de boisson, à sa petite copine Annette, à son père qu'il n'a jamais connu et à son manque de culture. Ce n'est pas qu'il se sent bête, mais floué de n'avoir pas reçu le décodage. Les heures passées à écouter Margueritte lui apprennent la puissance des mots, la liberté que cela offre et toutes les ouvertures possibles.
Sur ce constat, où jamais ne reflète la moindre pointe d'amertume, le roman devient un domaine de connaissances qui prouve qu'on a toujours besoin de labourer son champ de savoir. Le narrateur est un brave type qui n'a pas inventé l'eau chaude, on ne sent aucune pointe de misérabilisme derrière son histoire. Au contraire. Son franc-parler donne du peps au récit, c'est aussi assez drôle, avec des réparties pas mal balancées.
Et puis, je ne sais pas si on peut nommer "amitié" ce qui se tisse entre Germain et Margueritte, peut-être une adoption est-elle en cours, après un lent apprentissage. Mais c'est très joli, plein de tendresse et absolument extraordinaire. Cette histoire rappelle aussi la magie des livres et de la lecture - rien que ça, cela ne vous donne pas envie ?
Editions du Rouergue, août 2008 - 237 pages - 16,50€
Marie-Sabine Roger est un auteur très connu pour la jeunesse. Ce titre est le premier pour "adultes", mais il peut également être lu par l'étiquette "adolescents - jeunes adultes".