L'âge du fond des verres, de Claire Castillon
Ce titre est une tuerie. Merci Claire Castillon. ♥
Le roman est très, très bon. Il raconte la vie de Guilène qui entre au collège et sent que tout est désormais différent sans comprendre pourquoi. Une frontière invisible a été franchie. D'un coup, l'enfance insouciante appartient au passé. Place maintenant à la préadolescence avec ses codes incompréhensibles - à ne surtout pas louper. Résultat : soit tu suis le mouvement en bêlant, soit tu restes sur la touche.
Guilène est sceptique mais préfère faire le dos rond pour ne pas attirer l'attention sur son cas. Ça craint déjà d'avoir des parents plus vieux que les autres. Quel est le problème ? Le regard des autres, justement. Ce regard qui juge bêtement et cruellement. Ce regard qui réveille l'animal en sommeil. Guilène adore ses parents mais a conscience aussi qu'ils ne sont pas modernes et que les différences font désordre dans cette nouvelle dimension.
Claire Castillon a réussi à se mettre dans la peau d'une petite fille qui pensait avoir tout le temps de grandir (ou qui n'avait pas envisagé que son univers soit sujet au chaos) et qui en fait l'amère expérience sans notice préalable. D'un autre côté, Guilène est une nana formidable, pleine d'innocence et de fraîcheur. Ouf. Elle sait ce qui cloche, elle compose du mieux qu'elle peut et elle répond avec intelligence. Yes.
Tout ça pour dire que ce roman est d'une grande justesse. Il est rempli d'émotion et d'humour. C'est féroce, c'est mordant mais ça sonne vrai. Confiez-le aux élèves en fin de primaire / début de collège. C'est aussi une bonne alternative au classique de Susie Morgenstern qui est devenu un rite de passage.
Gallimard Jeunesse, 2021 / illustration : Laura Perez
« La classe de sixième, c'est brutal et c'est fort. Tout s'enclenche, tout s'entraîne, tout se transforme. Je me demande si j'ai aussi grandi du visage. De la pensée. Je crois qu'en ce moment, je grandis de la tête, oui, mais ça ne se voit pas. C'est dedans.
(...)
Je comprends les étapes. Je comprends les nuances. Je comprends l'expression “petit à petit”. Oui, il y a des choses qui mettent du temps à s'installer comme être à l'aise en sixième et être naturelle avec les autres. Mais il y a des choses inaltérables, des choses plus stables que le béton, et ces choses ont un cœur, une âme, ce sont les êtres proches. »