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Chez Clarabel
30 juillet 2008

Kivousavé - Béatrice Hammer

Kivousavé, est-ce le nom d'une princesse japonaise ? Ou est-ce cette mauvaise mère aux moeurs légères qui s'est carapatée en abandonnant son enfant de deux ans ? On ne la nomme plus, on dit d'elle qui-vous-savez... Faites le raccourci, dans la tête de la petite qui a onze ans, c'est une découverte comme un rai de lumière en pleine face.

Tiens donc, les copines de la grand-mère, autour du thé et des petits gâteaux, ont la langue bien pendue et laissent échapper que la mère n'est pas morte mais s'est fait la malle. Pour la gamine, persuadée d'être orpheline, c'est un coup bas. Elle voudrait bien savoir, mais la Vieille et le père se taisent et la tarabustent. Tais-toi, ce sont des choses que tu ne peux pas comprendre. Donc, pour se défouler, la fillette écrit un journal où elle s'adresse à Kivousavé, la mère icône de tant d'espoirs.

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La vie n'est pas toute rose pour l'enfant, coincée dans une maison entre un père qui ne dit rien et consent la loi implacable de la grand-mère, laquelle ne montre son affection que pour son chien. Les petites mesquineries volent autour de la table, au cours des repas pris dans le silence. L'enfant ressemble trop à la mère, c'est de la mauvaise graine. Grandir, sous ce regard qui vous rabaisse, est une plaie impossible à cautériser. Impossible aussi de trouver une oreille compatissante auprès de son père, il a des gestes et des paroles qui ne sont pas acceptables... La fillette pousse et devient adolescente, elle prend des formes mais reste bloquée avec son corps et ses émotions qu'elle ne sait pas contenir.

Le réconfort viendra de l'extérieur, une collègue du père, la meilleure amie d'école et la passion pour les mathématiques. Cela rappelle trop un autre parcours, peut-être suivi inconsciemment, mais la jeune fille entre dans le meilleur lycée de la ville et trouve un soutien inconditionnel auprès de son prof de maths. Dans son cahier, elle confie toujours à sa mère son rêve de la retrouver et son entêtement à vouloir savoir et comprendre : pourquoi est-elle partie ? pourquoi a-t-elle laissé son bébé de deux ans ?

Toutes les vérités sont-elles bonnes à dire, est-ce que l'amour fou peut excuser les mensonges et autres omissions sous prétexte de protéger ? L'histoire court sur sept années qui voient évoluer une petite fille triste en une jeune femme qui ôte les couches de peau pour muer en une personne forte, sûre d'elle et déterminée. Son parcours est un peu cahotique, les tergiversations de la demoiselle sont le signe d'un manque de confiance en soi doublé d'une obstination redoutable. Cartésienne mais fragile, la jeune femme va-t-elle abattre toutes les cloisons qui l'entourent et l'étouffent ?

Très bon roman, sur les secrets de famille et l'épanouissement d'une petite fille qui manque d'amour, on retrouve dans l'écriture la "maturation", avec un style qui évolue comme l'héroïne. Le fil rouge est, certes, la quête de la mère mais pas seulement. Le roman soulève des sujets sensibles, comme les attouchements sexuels et le trauma sur le corps. C'est amené de façon sous-jacente, très intelligente, et on partage alors le dégoût de la narratrice, toute sa révolte et sa rage qui veulent exploser. Le temps aidant, elle va réussir à taper du poing sur la table, à louvoyer et tirer les vers du nez pour avoir SA vérité. Excellent.

Kivousavé - Béatrice Hammer

Editions du Rouergue, mars 2008 - 285 pages - 13,50€

Je n'ai pas trouvé que c'était une lecture qui ne s'adressait qu'à la "jeunesse" (dès 15ans), mais pouvait tout aussi bien convenir à un plus large public. D'ailleurs j'apprends que Béatrice Hammer avait déjà publié cette histoire sous le titre "La princesse japonaise" en 1995, pour les adultes, et a choisi de la proposer, dans une version révisée, pour les grands ados en 2008.

 

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29 juillet 2008

Comme une mère - Karine Reysset

Deux femmes se croisent dans une maternité. Emilie est une jeune paumée de dix-huit ans qui va accoucher sous X. Judith est une femme mariée mais meurtrie par les nombreuses fausses couches. Toutes deux vont vivre une expérience bouleversante, à jamais traumatisante.

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Donnant tour à tour la voix aux deux protagonistes, le roman permet ainsi de mettre en parallèle leur désespoir, leur détresse et leur part sombre qui ne demande qu'à être enfouie. Ce sont deux portraits de femmes, deux écorchées vives qui se ressemblent au-delà de leurs différences. Elles manifestent, toutes deux, et à leur façon, le même besoin de materner, de cajôler, de s'affranchir des fantômes planqués dans les placards. Emilie a un lourd passé derrière elle, Judith a le corps blessé et vieilli par tant d'espoirs déçus. Le désoeuvrement peut s'expliquer, mais pas se pardonner. Jusqu'où peut-on prétendre agir par amour ? Le sacro saint instinct maternel, ici, est passé à la moulinette de manière à détrousser les idées reçues. Quel est-il ? Enfanter vous donne-t-il un droit ? Et que devient-on lorsqu'on vous refuse cet enfant ?

Un sujet douloureux court à travers les lignes de ce roman, c'est vrai que tout n'est pas drôle et qu'on y lit un puissant désarroi chez ces deux femmes. Comme à son habitude, Karine Reysset écrit une histoire à fleur de peau et d'émotion. Elle nous sert sur plateau toute l'empathie à ressentir pour Emilie et Judith et franchement ça marche. Lecture rapide, touchante mais pas larmoyante, cet ouvrage parle des démons qui vous engloutissent et des étincelles de bonheur pour reprendre du poil de la bête. J'ai trouvé que c'était tout à fait honnête et recommandable !

Comme une mère - Karine Reysset

Editions de l'Olivier, mars 2008 - 180 pages - 18€

D'autres avis : Amanda & Cathulu ; Laure ... toutes trois éblouies et marquées par cette histoire.

28 juillet 2008

Far-Ouest - Fanny Brucker

Ce livre et moi, c'est une histoire de je-t'aime-moi-non plus. Au début, bof je n'étais pas follement séduite, j'étais assez perplexe et je pensais que cela allait traîner en longueur. L'héroïne profite d'un héritage pour adopter un chien, un bâtard à la sale gueule, pas propre du tout et mauvais bougre qui boude sur le canapé ou se soulage sur le tapis marocain. Allons donc... Sixtine ne veut pas être découragée et guette le moindre soupçon de "vie" chez ce chien amorphe. L'étincelle va surgir, heureusement car je n'étais pas loin de désespérer au même titre que la jeune femme. Allait-on encore ingurgiter un nombre de pages conséquent sur la difficulté d'apprivoiser une âme en peine, surtout lorsqu'on est soi-même une "sauvage" libre d'attaches.

Pourtant je suis une vraie dingue de chiens et j'étais disposée à me couler dans ce livre. Résultat, il m'a fallu 200 pages pour me rendre compte - enfin - que j'étais conquise et que j'avais une grande, grande tendresse pour Sixtine, son chien Dalton et Jeanne Diamond. Ah tiens, un nouveau personnage est entré en scène ? Oui, il s'agit de la soeur aînée, âgée de soixante ans, elle vient de perdre son mari richissime et a choisi, sur un coup de tête, de quitter New York pour gagner le pays de l'huître y soigner son alcoolisme, oups, non ... en fait, elle cherche sa soeur, Sixtine.

Cela fait bien quatre décennies que les frangines se sont quittées. Autant dire, une éternité. C'est bien simple, elles ne se connaissent pas. D'ailleurs, à force de parcourir la Charente Maritime pour mettre la main sur sa petite soeur, Jeanne fait quelques constatations : les villages sont petits et perdus, pas une carte routière ne les recense. Les rares amis de Sixtine sont étonnés d'apprendre l'existence de Jeanne et ne savent pas où elle a plié bagages (en fait, un van lui sert de sauve-qui-peut). Sixtine est une solitaire, qui loue des maisons à vendre et fait des petits boulots. C'est comme le furet, elle court, elle court, elle est passée par ici et elle repassera par là. Mais que fuit-elle ?

Jeanne et Sixtine vont-elles entrer en orbite, se télescoper ? Le roman va jouer sur cette attente, ce n'est pas le gros suspense du siècle, et pour patienter l'histoire nous apporte quelques miettes. Parce que vous ne voulez pas savoir pourquoi Jeanne recherche sa soeur, et quel âge a Sixtine, que s'est-il passé dans sa vie, et pourquoi a-t-elle choisi de rester libre et disponible, pour refuser la monotonie ? Et Jeanne aussi est une sacrée bonne femme, qu'on devine aisément fragile et blessée par le passé. Mais tout ça, il faudra du temps pour le comprendre...

Pour l'instant, on nous explique que pour l'une : Dalton était devenu un prétexte de bonheur. Ce que Sixtine n'aurait pas fait pour elle-même, elle le faisait pour Dalton. Et pour l'autre, elle n'avait pas spécialement envie de retrouver Sixtine, mais sa recherche lui donnait l'occasion de se distraire et d'apprendre à vivre, seule, pour elle-même.

Pfiou. Ne croyez pas que ce soit laborieux, au début peut-être, mais ensuite c'est du bonheur en barre ! Gratouillez la couche d'épaisseur et coulez tranquille. Lecture sensible, délicate et assez subtile... Le charme opère, je vous assure, il faut juste être patient ! (Et vous ne le regretterez pas !)    

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Far-Ouest, de Fanny Brucker (1er roman)

JC Lattès, janvier 2008 - 305 pages - 17€

D'autres avis : Cathulu et Cuné ont aimé, aussi (et vous donnent le goût des chouquettes!)

15 juin 2008

Les femmes préfèrent les monstres - Delphine Vallette

Enfant, Alicia a grandi dans l'ombre de son monstre de père, mannequin vedette, figure emblématique pour son regard de petite fille en quête d'images fortes et troublantes (la demoiselle va découvrir les films de Marc Dorcel qui vont alimenter son imaginaire).
Etudiante, elle tombe amoureuse de son professeur qui est vieux, laid et porte une barbe repoussante. Pourtant, elle se renverse de plaisir dans ses bras et tente de fuir cette attraction dérangeante dans un mariage poli, qui l'ennuiera très vite.
Dans les bras de son écrivain, le père de sa fille, Alicia va expérimenter les vertiges de l'interdit avant de connaître les profondeurs de l'abandon et de la perte de l'estime de soi. Une séparation douloureuse, une dépression latente, Alicia pense que l'amour et les hommes, pour elle, c'est fini. Elle se lance dans un boulot acharné, puis rencontre Vincent. Il a tout pour lui faire perdre raison, et pourtant c'est une relation sans issue : l'homme est marié, elle est prévenue.
En neuf chapitres et autant de portraits, la narratrice évoque sa vie d'amoureuse. La lecture est rapide, plaisante. Pourtant, j'ai peiné en fin de parcours à terminer le livre, tant je me suis décrochée de la jeune femme, ne la comprenant plus, la jugeant navrante et limite décevante. Une petite touche d'amertume, donc, en conclusion de lecture. Dommage.

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Melville / Editions Leo Scheer, 189 pages. 15€

Merci Cuné pour le prêt !

30 mai 2008

Eloge du silence pendant l'amour - Lisa Azuelos

Quatrième de couverture

C'est passé 30 ans que les coeurs deviennent fragiles. Ce livre, entre réalité et fiction, est la chronique douce et drôle d'une trentenaire divorcée, mère de famille, dont le coeur s'est fracassé un soir de Noël quand son compagnon l'a quittée : « Avec mon coeur dans sa minable valise, pleine de mon minable passé avec lui, une brosse à dents, quelques caleçons et trois chemises dont une repassée par mes soins. » Pour se remettre à l'endroit, il faut marcher à l'envers. Du nouvel homme, arrivé par hasard, on ne veut rien savoir. On connaît l'odeur de son savon avant de connaître son nom. On fait parler les corps pour mieux taire les mots. Le silence est-il la clef des passions qui durent ?

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A la question : Le silence est-il la clef des passions qui durent ?, je réponds oui, sans hésiter. Ce roman en est le parfait exposé ! Sa narratrice, Lilli, est une jeune femme divorcée, mère de trois enfants, qui partage la garde alternée avec le cynique Noël, parti avec une valise le soir même de cette fête. Après ça, on vous ramasse à la petite cuillère, vos idéaux et vous. Vous ne croyez plus en grand-chose et vous attendez juste que le temps passe, au jour le jour. C'est fini de rêver éveillée ! Et puis, les vacances arrivent, vous êtes détendue et disponible, vous acceptez qu'un type vous drague et vous le suivez dans sa chambre, vous êtes consentante pour cette nuit sans lendemain. Aucun discours, juste du plaisir à saisir. Et ça marche plutôt, comme philosophie. Le retour à Paris, la grisaille ou l'été indien, et toujours votre amant connu en Corse vous "textote" (quel terme horrible!).

Ce n'est pas encore une liaison, ce n'est pas du tout une histoire d'amour. Cette histoire entre Lilli et Antoine s'est construite à l'exact opposé des schémas classiques, l'exposition du corps avant l'usage des mots. Le classicisme est rebattu et usé, la preuve est que Lilli a perdu ses illusions et ne croit quasiment plus au coup de foudre. Elle n'est pas amoureuse de cet Antoine, elle le voit épisodiquement, accepte qu'il en fréquente d'autres. Elle ne veut pas de scénario dans la tête, "de lui je ne veux que le bon, même si cela suppose parfois un grand vide. Le vide ne me fait pas plus peur que le silence, il permet de prolonger le deuil de ceux qui m'ont fait mal et qui m'habitent encore, malgré moi. Le silence guérit les maux, et je prends mon temps, sans pour autant dire d'Antoine qu'il est mon passe-temps. Il est juste mon autre temps, mon lien ombilical avec les choses de l'amour qui me font du bien."

Portrait d'une femme désabusée, qui cherche à panser ses plaies sans faire de plans sur la comète, cet Eloge du Silence se goûte sans appétit ni exigence. Le résultat est léger et spontané, livré sans fard. J'ai bien aimé l'histoire et l'idée, mais je n'ai pas trouvé l'écriture exceptionnelle, parfois un tantinet alourdie d'effets de style qui pénalisent la sensation (ou l'envie) de simplicité. Résultat, on passe un bon moment à lire ce court roman (150 pages), sans prétention. Et on est content d'accompagner cette femme dans sa guérison ! A suivre, par curiosité.

Plon, 2008 - 152 pages - 16,50 €

Les avis (positifs) de Cuné et Virginie

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29 mai 2008

La passion Brando - Diane de Margerie

Quatrième de couverture

Quelle est la vraie nature d'Agnès, cette gouvernante qui écrit à son employeur après avoir été licenciée ? Se sent-elle frustrée par son obsession pour Marlon Brando, dont il écrit la biographie ? Et pourquoi Julie, sa belle-fille, dont Agnès avait la garde, a-t-elle disparu ? Autant de questions auxquelles elle croit pouvoir répondre dans cette lettre haletante, à la fois réquisitoire et enquête concernant le passé.

La_passion_Brando

Ce roman raconte, d'après le monologue d'une gouvernante renvoyée, les affres de la passion et de la jalousie. Agnès écrit à son ancien employeur une lettre coup-de-poing pour se venger. Condamnée par l'épouse d'avoir été trop proche des enfants qu'elle chérissait, elle prétend connaître mieux que la famille ce qui est arrivé à Julie, leur fille, qui a disparu. Non contente de détailler en long, en large et en travers sa complicité avec Julie et son frère jumeau, Agnès met aussi le doigt sur le dysfonctionnement du couple trop pris dans ses activités, la mère étant une reporter réputée et le père complètement absorbé dans sa biographie de Marlon Brando. Brando, l'Acteur mythique... Une carapace sans faille, une armure blindée et un mystère personnifié. Une déchéance, aussi. Agnès persifle et se moque de son employeur. Selon elle, il est imprégné de cet halo incandescent, il se brûle les ailes et passe à côté de sa vie. Dans ce livre, finalement, Brando n'est qu'un bouc émissaire, il renvoie à cette passion aveuglante derrière laquelle le biographe s'est calfeutré. "Vous vous abreuvez à l'image de votre Idole comme à une source, mais l'image reste entière, brumeuse comme un mythe, un mythe qui se nourrit de vous au lieu de vous nourrir. Vous ne saurez jamais qui est Marlon Brando faute de vraiment le devenir. Vous êtes condamné à n'être que vous-même." La narratrice reste, cependant, une énigme quant à sa réelle motivation en endossant ce rôle de Diane vengeresse. Est-ce la frustration, la jalousie ou la rancoeur et l'amertume qui l'animent ? Un roman chaotique, au charme subtil, qui clame une sentence affligeante : cet homme s'est planté sur toute la ligne. A voir.

Albin Michel, 2008 - 172 pages - 14,50€

 

26 mai 2008

Une ombre, sans doute - Michel Quint

Quatrième de couverture

Un homme arrive dans un village du Nord. Ses parents se sont suicidés. Il n'en connaît pas la raison. Commence alors une quête aux souvenirs. Flash-back : nous sommes pendant la Seconde Guerre mondiale, les parents du narrateur viennent de se rencontrer. Ambiance d'un atelier de couture où les ouvrières chantent, aiment et pleurent leurs amours défuntes. Tout est prétexte à oublier les noirceurs de la guerre. Arrive un espion anglais qu'il faut cacher, mais un Allemand n'est pas loin qui peut mettre en péril cet élan généreux.

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C'est encore une fois un roman remarquable, écrit par Michel Quint qui nous offre, au-delà d'une histoire émouvante et très fouillée, un style hors pair. J'aime son style, j'aime son genre d'emberlificoter les lettres et les mots, ça court sur le papier et ça roule sur la langue... j'adore ! On n'invente pas une telle écriture, on la sent et on la respire, ça fait du bien d'avaler des goulées pareilles et ça vous brise tous les carcans et les règles bien établies.

L'histoire, parlons-en, est une pelote de noeuds qui court durant des années, depuis la fin des années 30 jusqu'à nos jours. Le narrateur, de retour dans un village du Nord, a appris la mort de ses deux parents, à moins de vingt-quatre heures d'écart, et découvre ensuite qu'ils se sont suicidés. Un employé de mairie, un ami d'enfance, à vrai dire, constate également que le prénom de notre homme, George, est écrit sans S et qu'il faut deux témoins pour attester son identité. La situation est risible, mais pourquoi pas ? Il rencontre Augusta, une ancienne amie de la famille, qui va lui confesser des révélations importantes sur les siens. Cela s'est passé pendant l'occupation des allemands, dans leur petit coin perdu, à la campagne et dans un atelier de couture. Il y avait Valentine et Paul, les parents du narrateur, et Rob, l'espion anglais qui était tombé fou amoureux de Valentine... Tout le monde n'a pas la graine d'être un héros, on le sait, mais l'humanité est surprenante car elle est capable de briller ou de cracher par sautes d'humeur.

Plus qu'une vérité sur les origines d'un homme, qui semble immunisé contre le chagrin, le roman ouvre les portes d'un placard rempli de fantômes. Tous les acteurs de ce théâtre de boulevard, un peu aigre, sortent des mémoires et revivent devant nos yeux. Le passé reprend forme, le narrateur voit ses personnages et leur vie, non comme un modeste spectateur ou témoin de l'histoire, mais tel un spectateur assis au premier rang. "Je laisse voleter et s'ordonner des mots lointains et proches, je m'écoute venir du fond du temps. J'ai cinquante-neuf ans depuis peu et je ne sais plus qui je suis. Sinon le roman d'inconnus en quête d'auteur. Peut-être la littérature n'est rien d'autre que cela, un destin lu à rebours, corrigé, cette invention de soi qui devient la seule réalité. J'ai tiré une chaise vide à mon côté, vous n'avez qu'à vous installer."

Avec Michel Quint, il faut juste tendre l'oreille et écouter. Il vous raconte une histoire qui prend son temps, avec des personnages qu'on apprécie, malgré leurs faiblesses ou leur part d'ombre. Il n'y a pas d'héros dans ce livre, juste des êtres désespérés et capables (coupables?) d'accomplir des actes fous et insensés. Si c'est pas de l'amour derrière tout ça, c'est quoi alors ?

Editions Joelle Losfeld, 2008 - 207 pages - 16€

Extrait :

Personnellement, j'ai une petite tendresse pour les filles de l'atelier de couture, "Elles ne sont pas maquillées cinéma, elles ont leur âge, du bourrelet à la taille et la poitrine sans illusions, mais leur chair n'est pas triste, elles exhibent des anatomies de vamps, une lingerie de quatre sous visible aux jours des broderies, ou effrontées nues sous la robe fluide, et puis permanentées à la diable, le cheveu en rebellion, mais toutes elles ont fière allure, se pavanent avec des mines, fument des cigarettes, les lèvres en cul de poule, valsent lentement, menton levé, roulent de la hanche et battent des cils. Et elles chantent en se tenant les mains, ou seules, les yeux perdus par-delà les fenêtres..."

16 mai 2008

La Sandale rouge - Guy Jacquemelle

la_sandale_rougeFraîchement arrivée à Paris, pour son premier emploi de journaliste dans un grand quotidien, Jeanne voit ses illusions doucement ternies pour l'amertume de ses tâches, guère folichonnes, et par sa nouvelle vie dans la capitale, faite de faux-semblants, de solitude et de grisaille. Cette jeune femme de vingt-et-un ans, qui a grandi dans le Sud-Ouest, se retient de tomber dans le désarroi et commence peu à peu à trouver ses marques en débusquant une étrange affaire d'incendies criminels et de pots-de-vin dans un village provençal. Ce coup médiatique lui offre une formidable opportunité : soudaine reconnaissance, ouverture dans son boulot, diversité de ses piges, bref Jeanne décroche de nouvelles responsabilités en un temps record. Elle vient aussi de rencontrer un brillant énarque, Thibault, conseiller en communication à Matignon. L'idylle la transporte et lui fait côtoyer un nouveau monde, assez factice, celui des soirées mondaines.

Un soir, au sortir de l'une d'entre elles, Jeanne arrive sur les lieux d'un accident où un couple de jeunes gens a été fauché par une voiture qui a pris la fuite. L'intervention des ambulanciers est rapide mais inquiétante, Jeanne est vivement invitée à partir, la suite de l'enquête n'est pas de son ressort. Les jours suivants, elle s'interroge et découvre qu'il n'existe plus aucune trace des blessés ni de l'accident. Cet étrange fait divers sent le soufre, Thibault lui demande d'être prudente, son rédacteur en chef n'est pas emballé mais la journaliste va s'entêter et retourner sur le terrain où elle rencontre un témoin capital. Toutefois, la pression devient suffocante, montrant à Jeanne qu'elle vient de mettre le doigt dans un engrenage infernal et très dangereux.

Ce roman signé de Guy Jacquemelle a su me rappeler celui de Tatiana de Rosnay, Moka (qui évoquait la couleur du véhicule en fuite, responsable d'avoir renversé le fils de la narratrice). La sandale rouge est, ici, le seul détail existant et qui prouve qu'un accident a eu lieu, malgré les efforts pour effacer son passage. La suite est une succession de doutes, de but presque atteint, d'espoir insensé et d'énormes déconfitures. L'histoire raconte l'ascension et la descente en enfer d'une jeune femme qui ne cherche pas à devenir justicière, simplement elle nourrit pour son métier de journaliste une véritable passion et une motivation assez naïve, celle d'être juste, de mener jusqu'au bout son article, malgré les pressions et l'onde de choc. Ce n'est pas une quête du sensationnalisme, on comprend vite que tout dépasse cette jeune provinciale à qui le succès toque à sa porte, avec en prime l'amour et les risques du métier.

Le roman est un tout-en-un : l'intrigue est à la fois policière, sentimentale et psychologique ; c'est également un roman d'apprentissage, une plongée dans les coulisses du pouvoir, dévoilant les pièges de la manipulation et de la duperie. Et enfin, on y trouve un portrait de femme juste et touchant. Bref, un roman très prenant, écrit au mode du présent.

Editions Ramsay, 2008 - 360 pages - 23€

http://lasandalerouge.blogspot.com/

On retrouve aussi Guy Jacquemelle sur son site, alalettre.com, consacré à la littérature.

1 mai 2008

La valise de Vera - Florence Morgensztern

Eté 2005, automne 1995, automne 1932... La machine à remonter le temps est en marche, entraînant dans son tourbillon trois générations de femmes. Il y a Vera, qui a quitté son mari et a trouvé une quiétude dans son quartier qui lui rappelle un Paris d'autrefois. Un jour, la concierge lui confie une valise déposée par une américaine et qui lui a été adressée par un fantôme du passé. Quand elle va l'ouvrir, Vera gardera son sourire et va préparer avec minutie ses petits cachets, son film de trois heures et s'endormir sur le fauteuil.

Sa fille France, qui a choisi de rajouter un S pour se démarquer... donc, Frances et son père André ne comprennent pas le geste de Vera. Pourquoi un suicide ? Il n'y a pas de lettre, pas d'explication. Juste une valise. Mais que contient-elle, pardi ?! A son tour, Frances va éplucher les secrets de cette valise et comprendre ce qu'elle cache. Elle rencontre de cette façon Anna, sa grand-mère, une jeune femme amoureuse d'un joueur de jazz, elle est juive, exubérante et vit en Pologne. Nous sommes dans les années 30, le ghetto de Lublin commence à dresser son contour menaçant, dans l'ombre de la folie meurtrière. Anna va lutter et choisir de rejoindre l'Amérique...

Je suis bien embêtée car j'ai un peu loupé le coche avec ce livre. Son histoire avait tout pour me plaire, mais je suis restée en marge. Tantôt séduite, tantôt ennuyée. La partie centrale, celle avec Frances, est la plus faible à mes yeux. Je n'ai pas trouvé cette jeune femme sympathique, même Vera m'est apparue trop étrange et compliquée. En gros, je n'ai pas eu le déclic pour les personnages et cela a été très compliqué pour m'attacher à leurs parcours. L'histoire d'Anna est, par comparaison, plus captivante et fascinante.

La note de l'éditeur : À travers le parcours de ces trois femmes et de leur entourage, se dessinent des destinées marquées par la grande Histoire, et aussi par tout ce qui fait d'une existence un nuancier de couleurs plus ou moins vives, plus ou moins sombres, mais toujours intenses.

Le Passage éditions, avril 2008 - 270 pages - 17€


27 mars 2008

L'amant de la ligne 11 - Rina Novi

Amant_de_la_ligne_11Veuve précoce, Cécile arbore malgré tout une trentaine épanouie ; bien qu'un peu frustrée, elle se sent désormais prête à croquer la vie à pleines dents. Son corps crie famine, ses entrailles ronronnent, l'appel au désir réveille ses sens mis en berne. Et c'est dans le métro qu'elle va vivre une rencontre étonnante. Après une journée de boulot, compressée parmi la foule, elle sent soudain un doigt effleurer le téton de son sein. Elle pense d'abord à une maladresse, puis hésite à crier au scandale, et finalement préfère être étourdie par ce toucher coquin, émoustillée par l'idée, pensant que ça en resterait là. C'est alors qu'un véritable jeu de cache-cache va se jouer entre elle et cet inconnu de la ligne 11, cet homme indolent et ondulant tandis qu'il se déplace, ne paraissant connaître aucune entrave. Il plonge sur elle, comme un faucon fond sur sa proie. Et elle, avec une expectative totale, y répond avec gourmandise, caprice et plaisir. Un véritable érotisme se dégage, saucé d'un brin de romantisme et de suspense (qui est cet homme ? que veut-il ? vont-ils échanger une parole ? une liaison est-elle envisageable ? comment tout ça va se terminer ? et vont-ils se revoir ? ...). On parcourt ainsi 226 pages empreintes d'une sensualité débridée, chargées d'électricité dans les airs, il y a des étincelles, des étoiles, bref un feu d'artifice ! Une lecture qui invite à l'évasion et aux fantasmes... le temps d'un trajet dans les transports en commun. À méditer. 

Buchet / Chastel - 226 pages - 14,50 €

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