Millefeuille de onze ans - Isabelle Jarry
Après le refus d'un manuscrit par son éditeur, Isabelle Jarry a eu l'impression que sa vie d'écrivain s'arrêtait, cette vie qui est la sienne depuis si longtemps. "Millefeuille de onze ans" est né de cette terrible déception, du doute et de l'incompréhension d'un auteur face à l'échec.
Isabelle Jarry décide de replonger dans l'année de ses onze ans, à son entrée au lycée Jules-Ferry, où elle fit la rencontre de Viviane Der Tomassian, une jeune camarade aux idées révolutionnaires, figure atypique et flamboyante, qui a bien inconsciemment guidé la jeune fille vers sa "révélation" (être écrivain !).
Dans ce livre aux 46 chapitres, l'auteur fait son portrait de jeune lectrice et d'apprenti scribouillarde, forte en contemplation, entichée de grec et latin, papivore convaincue et étudiante rêveuse et romantique, selon les critères de son amie Viviane...
C'est honnêtement un portrait en finesse, écrit avec ce souci pour les mots justes et simples, qui fait écho à toute jeune fille aux mêmes affinités (le goût des mots, des livres, la curiosité de l'écriture). C'est surprenant le nombre de passages qui interpelle, qui semble avoir été écrit par et pour soi. Même si nous ne souhaitons pas tous écrire (ou "gribouiller"), ce "Millefeuille de onze ans" semble être destiné à tous les lecteurs qui se reconnaîtront ! Cela se déguste avec appétit, moi j'adore les millefeuilles ! Et ce livre donne en aperçu toute la sincérité d'un auteur qui se questionne et revient aux origines de sa passion. Infiniment attachant et authentique, un beau livre sur les livres et le goût des mots, tout comme j'aime ! Stock, 230 pages.
" Dans cet espace ouvert de transition entre l'enfance et l'adolescence, se glissaient des bribes de rêves et de projets, je commençais à penser qu'il y avait une suite à l'histoire, un prolongement à l'enfance qui ne serait pas uniquement fait de ce que je connaissais déjà, un futur dans lequel, chose incroyable ! je pourrais prendre des décisions, des initiatives, choisir mon chemin. Je n'avais pas encore conscience qu'il faudrait un jour apprendre un métier, et l'exercer, je ne voyais pas du tout les choses ainsi. Ce n'était pas seulement de l'insouciance, mais la conscience diffuse qu'une autre voie allait s'ouvrir, qui me conduirait là où je serais à ma place, en dehors des sentiers battus. Il suffisait d'attendre et de laisser se dénouer les fils qui pour l'instant obstruaient l'entrée du labyrinthe. Inutile de s'en faire à l'avance... "