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Chez Clarabel
39-45
16 novembre 2018

Dans la gueule du loup, de Michael Morpurgo & Barroux

dans la gueule du loupCe roman de Michael Morpurgo n'est pas un énième roman sur la guerre, mais plutôt un bel hommage rendu à ses oncles. Francis et Pieter Cammaerts appartiennent désormais à l'Histoire. Et c'est une belle histoire que nous offre l'écrivain entre ces pages.
Derniers nés d'une famille comptant déjà quatre filles, Francis et Pieter ont grandi en creusant leurs différences. Très tôt, l'un a préféré les études et l'enseignement, tandis que l'autre rêvait de devenir comédien. L'un était d'un tempérament discret, l'autre passionné. Dès la déclaration de la guerre, leurs opinions étaient également tranchées. Pieter s'engage pour combattre la tyrannie, Francis prône un discours plus pacifique. Il devient objecteur de conscience et est envoyé dans une ferme dans le nord du pays.
Mais la mort de son frère va bouleverser son destin. Malgré ses convictions et ses idéaux, Francis va s'enrôler pour rejoindre la résistance et partir en France.
Son parcours nous est alors rapporté dans les grandes lignes. L'homme vient de fêter son 90ème anniversaire, entouré de toute sa famille. Il se sent fatigué mais conserve une excellente mémoire au moment de convoquer les héros de ses jeunes années. Il raconte ainsi leur courage et leur peur, les routes de France, les planques, les missions, les arrestations et les fusillades.
C'est un récit pudique et néanmoins admirable, qui fait vibrer la corde sensible quand on songe que tous les personnages ont bien existé. C'est sans doute le roman le plus personnel, pour Michael Morpurgo, et c'est ce qui le rend encore plus attachant. Barroux y met son grain de sel, avec ses illustrations dont la force évocatrice n'est plus à démontrer.
Très beau roman, vraiment.

Gallimard jeunesse (2018) - illustrations de Barroux

traduction de Diane Ménard

 

 

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10 septembre 2018

Chère Mrs Bird, de AJ Pearce

Chère mrs birdEmmeline Lake a toujours rêvé de devenir reporter de guerre et plaque sans hésiter son poste de secrétaire pour celui d'assistante aux éditions du London Evening Chronicle. Son imagination s'emballe jusqu'à ce qu'elle réalise sa méprise : elle a été embauchée pour ouvrir le courrier de Mrs Henrietta Bird, qui tient la rubrique cœur chez Woman's Friend, le magazine féminin du même groupe. Sa joie est rapidement douchée face au caractère intraitable de la rédactrice en chef, laquelle exige un triage rigoureux des doléances, refusant avec véhémence les Sujets Scabreux : en gros, tout ce qui concerne l'amour et les sentiments... Mrs Bird est de la vieille école : du courage et du patriotisme, indispensables en ces temps douloureux.
En effet, Londres essuie les bombardements intempestifs des allemands. Emmy, également bénévole à la caserne des pompiers, reçoit des milliers d'appels pour venir en aide aux familles désœuvrées. Si les soirées sont lugubres, l'ambiance au sein de l'équipe n'en reste pas moins pimpante et enjouée. Notre héroïne est une jeune femme compatissante, curieuse et dynamique. À la lecture des lettres de lectrices aux abois, elle ne peut se résoudre à rester sourde à leur détresse... et décide de répondre, de sa propre initiative, en signant le nom de sa patronne. Un pur scandale. Mais la vie d'Emmy l'entraîne rapidement dans un tourbillon d'émotions : son fiancé ne donne plus de nouvelles, sa meilleure amie Bunty flotte sur un petit nuage et un mariage se prépare !

Loin des promesses vendues par l'éditeur, ne cherchez surtout pas un quelconque rapprochement avec Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates, si ce n'est dans l'esthétisme de la couverture et la période au cours de laquelle se déroule l'histoire (Londres, 1941). Cela vaut mieux pour éviter toute déconfiture.
Ce roman est donc à part et réussit à nous embarquer dans sa propre ambiance, à la rencontre de personnages attachants. On y découvre leur quotidien, entre insouciance et fracas, on ressent leur fabuleuse énergie et leur envie d'en découdre. La guerre fait rage mais la vie continue, les gens veulent aimer, prendre des risques et parfois perdre, qu'importe. Emmy est une jeune femme de vingt-quatre ans, entourée d'amis sincères, qui ignore ce que l'avenir lui réserve mais qui croit énormément en ses capacités. Touchée par les confidences des lectrices anonymes, elle réalise que toutes ont beaucoup en commun et méritent d'être entendues. C'est donc par pur altruisme qu'elle va se lancer dans ses petites manigances, sans pleinement mesurer la portée de ses paroles ou de ses actes, car Emmy est souvent naïve et trop impulsive.
En bref, la lecture est une véritable bulle de fraîcheur et un rendez-vous en toute simplicité. L'histoire mêle tendresse et émotion avec succès. C'est doux, charmant et attendrissant. J'ai beaucoup aimé m'imprégner de son atmosphère : british & vintage à souhait !

Belfond (2018) - traduit par Roxane Azimi

 

 

28 mai 2018

Le bracelet, d'Andrea Maria Schenkel

le braceletPrintemps 1938, à Rastibonne, près de Munich. La famille Schwarz sent grossir la haine antisémite et décide de quitter le pays pour se rendre à Shanghai. Mais au dernier moment, le père renonce à fuir et abandonne les siens sur les quais de Gênes, en Italie. Le jeune Carl a une dizaine d'années et souffre en silence de la défection paternelle. Pourtant, une nouvelle vie l'attend, auprès de sa sœur et sa mère, et avec leurs compagnons de voyage, qui vont former une petite communauté solidaire face à leur destin de réfugiés dans l'océan Pacifique. En 2010, Carl est un vieil homme qui coule une retraite paisible dans la banlieue de New York avec sa femme Emmi. C'est après avoir reçu un coup de fil par des agents travaillant pour le futur musée de l'Holocauste qu'il va replonger douloureusement dans son passé et réveiller des souvenirs enfouis.

En presque 400 pages, l'auteur Andrea Maria Schenkel nous plonge dans une saga passionnante, convoquant des personnages aux destinées bouleversantes, entre la Bavière, le bassin méditerranéen, la ville de Shanghai et les États-Unis, durant les années sombres de la guerre. La construction est habile, brassant les visages et les rebondissements, s'imprégnant au mieux des ambiances et des changements de décor, pour un rendu efficace car on tourne les pages avec curiosité et impatience. La révélation finale tombe un peu comme un cheveu sur la soupe - inattendue et stupéfiante, elle nous laisse un peu sur notre faim mais nous plonge aussi dans une profonde réflexion teintée de tristesse et d'amertume. Ceci n'enlève, toutefois, en rien l'excellente appréciation qu'a su m'inspirer ce roman ! La lecture est en effet prenante et instructive, éclairant parfois des chapitres méconnus (Shanghai devenu un centre pour les réfugiés et les juifs d'Europe, mais aussi les enlèvements d'enfants en Allemagne pour gagner les précieuses croix des Mères). 

Très bon roman, assez marquant et poignant. Je conseille.

Actes Sud (2018) - traduit de l'allemand par Stéphanie Lux

 

13 mars 2018

Le sel de nos larmes, de Ruta Sepetys

Le sel de nos larmes Pole fictionHiver 1945, sur les routes de l'Europe de l'Est. Des milliers de réfugiés fuient les troupes soviétiques et remontent jusqu'à la côte Baltique pour rejoindre un énorme navire, le Wilhem Gustloff, à bord duquel civils et militaires espèrent s'échapper. Tous fuient les bombes, les soldats, la haine, la vengeance aveugle, la folie, le chaos. Tous sont épuisés, affamés, blessés, frigorifiés. Ils ont abandonné des maisons, des familles et perdu leurs maigres illusions. Leur avenir n'est plus qu'une ligne lointaine et floue, entre les mains de Hitler ou Staline. Mais tous luttent avec l'énergie du désespoir.

L'histoire s'attache à retracer le parcours de quatre adolescents, chacun né dans un pays différent et armé d'un lourd secret, tous poursuivis par la culpabilité, le destin, la honte ou la peur, mais liés par le même sauve-qui-peut. Il y a la lituanienne Joana, une jolie infirmière dévouée, Florian, un  prussien farouche, grièvement blessé, mais qui refuse qu'on s'approche de lui, Emilia, une polonaise de quinze ans, avec son bonnet rose et ses grands yeux de biche aux abois, accrochée aux basques de son chevalier qui la fuit, et enfin Alfred, un jeune matelot allemand, qui écrit de longues lettres à son amoureuse, sans avouer la vraie nature de sa mission...

Les chapitres sont courts mais dégagent une force romanesque inégalable. Cela accentue également l'intensité dramatique, à laquelle s'ajoute le poids des informations, car tout ce que nous renseigne l'auteur est méconnu ou oublié, d'où son impact et sa valeur. Émotionnellement, ça vous pulvérise et vous foudroie sur place. L'histoire est romancée, et malgré tout ancrée dans une réalité historique poignante. L'Europe est en pleine débâcle, sillonnée par l'exode en masse de populations hagardes, ne sachant plus où se tourner pour un semblant de liberté. Les militaires livrent leurs derniers combats acharnés, ils torpillent à tout-va, d'où le naufrage du Wilhelm Gustloff, une catastrophe maritime insouçonnée, qui a pourtant fait six fois plus de victimes que le Titanic ! C'est dans la lecture des souvenirs de Joana, Emilia, Florian ou Alfred, qu'on découvre des nouveaux visages de la guerre, mais c'est aussi en suivant leurs incroyables destinées, entre amitié, courage et amour, qu'on réalise le sordide et l'horreur, l'éclat et l'inextricable. Cela vous donne des frissons partout. Effet coup de poing assuré.

Gallimard Jeunesse, coll. Pôle Fiction (2018)

Traduit par Bee Formentelli . Titre original : Salt to the Sea

 

Carnegie Medal du meilleur roman jeunesse 2017

 

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« Je suis devenue très habile à faire semblant. Si habile que la frontière entre vérité et fiction s'est brouillée, effacée. Et quelquefois, quand je me montre particulièrement habile à ce jeu, je me leurre moi-même. »

 

12 mars 2018

Une fille au manteau bleu, de Monica Hesse

A66845Gros coup de cœur pour ce roman ! L'histoire se passe à Amsterdam, en 1943. Alors que les soldats allemands patrouillent en ville, la jeune Hanneke file sur son vélo en toute innocence, malgré un panier rempli de produits issus du marché noir qu'elle distribue selon les commandes reçues en douce. Un jour, au cours de ses livraisons, une voisine interpelle Hanneke pour une mission bien particulière - retrouver une jeune fille juive qui vivait cachée dans un réduit de la maison et qui a disparu sans crier gare. La vieille dame, Mrs Janssen, est complètement chamboulée et ne doute pas que Hanneke saura tirer la situation au clair. Au départ, celle-ci n'est nullement désireuse de franchir la ligne jaune. Elle voue une haine farouche envers les Nazis, mais se sent coupable de la mort de son petit ami Bas (engagé volontaire) et souhaite se tenir à distance de la guerre. C'est pourtant cette blessure qui va l'inciter à partir sur les traces de Mirjam Roodvelt, dont elle sait uniquement qu'elle porte un manteau bleu. Ce maigre indice va conduire son enquête et l'entraîner dans le flou, puis dans des cercles clandestins et enfin dans des actions impensables. Pour Hanneke, déjà douloureusement confrontée aux drames intimes de la guerre, c'est un cap supplémentaire qui lui fait perdre ses dernières plumes de l'enfance insouciante. 

Loin d'être un énième roman sur le sujet, cette lecture offre surtout la possibilité de découvrir une histoire passionnante, qui puise autant dans l'émotion que dans l'action et le suspense. Avec son héroïne de 18 ans, si juste et imparfaite, par ses choix, ses failles et ses engagements, on se lance dans un parcours bouleversant et inattendu. Il y a d'abord sa quête pour retrouver Mirjam, puis sa prise de conscience des dangers qui rôdent, l'horreur des rafles et des dénonciations, la culpabilité et la rédemption. C'est un cheminement chaotique, mais poignant, qui emprunte de nombreuses bifurcations, qui fait aussi battre le cœur plus fort et qui noue l'estomac à l'énoncé des enchaînements tragiques et malheureux. En un mot, c'est excellent ! Et c'est à remettre entre les mains des plus jeunes sans délai.

Gallimard jeunesse, 2016 - traduit par Anne Krief

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À lire aussi...

Cachés, de Sharon Dogar - Max, de Sarah Cohen-Scali - Les valises, de Sève Laurent-Fajal

 

 

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27 février 2018

Le Bois des Ombres, de Barbara Dribbusch

LE BOIS DES OMBRES

À la mort de sa grand-mère, Anne, sa seule héritière, s'installe dans sa petite maison à Innsbruck, pour faire du tri dans ses affaires, et découvre ainsi une dizaine de vieux cahiers d'écolier, griffonnés au crayon, se révélant être les journaux intimes de Charlotte.

Durant l'hiver 1943, cette dernière a fait un séjour dans un sanatorium psychiatrique, le Bois des Ombres, un établissement privé dirigé par le Docteur Carl Amberg. Charlotte était trop bouleversée par la mort de son frère jumeau, ses parents l'avaient donc envoyée se faire soigner dans les montagnes. Le lieu d'aspect rudimentaire offrait des méthodes de thérapie hors normes, basées sur les tâches domestiques et les activités artistiques. Charlotte y côtoyait une communauté bigarrée et attachante, hantée par ses propres fantômes, et néanmoins auréolée de nombreux mystères.

De son côté, Anne apprend à mieux connaître sa grand-mère en plongeant dans un chapitre de sa jeunesse qu'elle ne soupçonnait pas. Personne dans la famille n'avait évoqué son existence. Une vraie énigme enfin mise à jour. Toutefois, cette découverte semble également compromettante car Anne se rend compte que deux carnets ont été subtilisés dans la maison et rares sont les personnes qui en avaient connaissance - une voisine, une amie de sa grand-mère, une femme de ménage et un neurobiologiste rencontré dans l'avion. Saisie de paranoïa, Anne s'enferme chez elle mais poursuit son enquête... 

Comment ne pas succomber au pouvoir de ce livre qui rassemble tous mes ingrédients fétiches ! Il a, de plus, suffi de quelques pages pour adhérer complètement et suivre avec avidité cette histoire captivante. Secrets de famille, fantômes du passé, contexte historique pernicieux et troublant, faux-semblants et suspense s'entrechoquent avec intelligence et font de cette lecture une très agréable surprise. J'ai beaucoup aimé. S'il fallait juste chipoter, je viserais la fin beaucoup trop lisse et hâtive à mon goût. Mais le roman n'en est pas moins réussi ! Il vous happe dans ses filets et vous propose une intrigue romanesque sombre et fascinante. Parfois bouleversante. C'est en tout cas à lire d'une traite.

Les Escales éditions, 2017 - Traduit de l'allemand par Jean Bertrand

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« La guerre. On en revient toujours là, n'est-ce pas ? Les années ont beau passer, on ne peut y échapper. »
 
1 octobre 2017

La guerre de Catherine, de Julia Billet & Claire Fauvel

LA GUERRE DE CATHERINE

Pour avoir déjà lu le roman de Julia Billet, j'ai retrouvé avec plaisir son adaptation en format BD qui propose une interprétation vibrante et pleine d'empathie de l'histoire de Catherine, une adolescente juive en pleine tourmente, condamnée à fuir pour survivre, et qui use de son art pour raconter les heures sombres de notre pays. La lecture est foncièrement captivante. Séduite par les illustrations, où se mêlent subtilement l'émotion et la poésie, j'ai aimé revivre l'aventure de l'héroïne, riche en sensations, et qui rend aussi un formidable hommage à des héros du quotidien, des ombres à jamais anonymes, mais dont le courage et le dévouement ont sauvé bien des vies.

Comme d'autres enfants juifs, Rachel a été confiée par ses parents à la Maison de Sèvres, une école dirigée par Goëland et son mari Pingouin, aux méthodes pédagogiques révolutionnaires. Il règne dans ce cocon de verdure une ambiance légère et insouciante, mais suite à la rafle du Vel' d'Hiv, la directrice prend des mesures drastiques. Les réfugiés doivent changer d'identité et porter un nouveau nom - Rachel devient alors Catherine Colin - avant de partir en zone libre. Animée de sa passion pour la photographie, Catherine ne quitte plus son Rolleiflex et va figer chaque rencontre, chaque visage, au gré de son périple. La guerre selon Catherine s'égrène de rencontres aussi touchantes qu'inattendues, dans des campagnes isolées, chez des paysans aux abords rustres, dans un couvent catholique, auprès d'une institutrice frivole et éprise de cinéma, ou dans une cabane perdue au fond des bois... Le chemin de Catherine est long, exténuant et fatalement angoissant. Plus la guerre prend un tour féroce, plus le silence des absents devient pesant. Les liens se font et se défont, car l'exil n'en finit plus et la fin du cauchemar paraît si éloignée.

Il y a certes quelques fioritures romanesques dans ce parcours, mais l'essentiel a puisé son inspiration dans les souvenirs d'enfance de la mère de Julia Billet et dans les témoignages des anciens pensionnaires de la Maison des Enfants de Sèvres, rue Croix-Bosset. Une lecture remarquable, poignante et bouleversante, aussi bien en roman (l'école des loisirs, 2012) ou en bande dessinée. Une double réussite. 

Rue de Sèvres, 2017

19 septembre 2017

Les Jonquilles de Green Park, de Jérôme Attal

LES JONQUILLES DE GREEN PARKQuel joli roman sur l'enfance - pourtant mise à mal par la violence du Blitz qui chamboule le quotidien des londoniens en cette année 1940 - roman qui parvient à s'extirper du chaos pour nous plonger dans la vie turbulente et facétieuse de la famille Bratford !
L'histoire s'attache avant tout au jeune Tommy, 13 ans. Un chic môme amateur de comics et de Mila Jacobson, la fille la plus formidable de Londres. On suit donc ses folles escapades en ville, souvent avec son pote Oscar, qui vient de Pologne et dont le père a rejoint la Royal Air Force. Tous deux s'échappent de la réalité avec leurs jeux et leurs lectures, craignent un prochain exil à la campagne mais ne s'étonnent plus d'interrompre leur réveillon de Noël pour se planquer dans une cave en écoutant la nouvelle radio de son père. Dans la famille Bratford, on compte aussi un joli panel de personnalités excentriques et attachantes - il y a d'abord le père, qui passe son temps à inventer des choses farfelues, comme un tatou de la taille d'un brontosaure, censé protéger la population des bombardements, son épouse s'en va pédaler en chantant jusqu'à son usine d'ampoules électriques, et Jenny, leur fille de seize ans, est en quête du grand amour, à défaut de rencontrer Clark Gable.
Ce portrait de doux-dingues est coloré, charmant, joyeux et insolite, ce qui rend la lecture radieuse et espiègle. Mais sous l'humour, l'insouciance et la légèreté, on ne traite pas moins des heures sombres de cette guerre effroyable, qui éprouve les familles dans un contexte de sursis. J'ai été séduite par la plume de Jérôme Attal, par son exercice à jongler entre le rire et les larmes, par son hommage voilé à la désinvolture des jeunes années, par sa poésie à chasser le gris des bombes en évoquant les jonquilles de Green Park.
En bref, c'est un roman lumineux, très touchant. Une très belle découverte, lue dans le courant de mon été... d'où mes souvenirs un peu vagues, si ce n'est d'avoir aimé fort, fort, fort. ♥

POCKET, 2017 

 

31 août 2017

Le cercle de Farthing, de Jo Walton

Le cercle de FarthingEn épousant David Khan, son amant juif, la ravissante Lucy Eversley brise les tabous de son entourage et provoque LE scandale de la saison. Ses parents ne lui pardonnent pas cet affront, alors que leur nom est auréolé d'une gloire politique, puisque huit ans plus tôt, les membres du cercle de Farthing, auquel ils appartiennent, ont convenu d'un traité de paix avec l'Allemagne et Hitler.
Malgré tout, le calme semble revenir au beau fixe et Lucy est conviée à passer le weekend au domaine Eversley, en compagnie d'une poignée d'amis issus de la gentry. Son époux David se retient de bondir face aux petites mesquineries et autres provocations des invités, affichant sans complexe leur antisémitisme galopant.
La tension monte d'un cran lorsqu'un des convives est retrouvé assassiné dans sa chambre, une étoile jaune plantée sur son cadavre. Tous les soupçons se portent sur le mari de Lucy, qui le défend bec et ongles. Entre en scène l'inspecteur Carmichael, dont l'enquête s'annonce sinueuse et ardue.
Son introduction dans le sérail fermé de l'aristocratie fait débat, chacun se drapant dans ses états de service pour se défiler et se laver de toute responsabilité. L'identité du criminel ne fait aucun doute, même la famille Eversley blâme stoïquement cette éventualité.
Dans ce décor de faux-semblants, de rancœur et de vengeance, l'auteur tisse sa trame avec élégance et adresse. Le cadre uchronique est certes esquissé, mais sert à dépeindre une Angleterre en lutte avec elle-même, débordée par des courants politiques qu'une paix alternative n'a finalement guère résolu d'étouffer.
C'est donc dans ce contexte tantôt raffiné, tantôt fielleux, qu'on se glisse pour découvrir une histoire classique mais captivante. J'ai infiniment apprécié le style guindé et délicat de Jo Walton, l'ambiance sophistiquée du domaine Eversley, où l'on perçoit les mensonges, les troubles et les non-dits. C'est bien ficelé, bien mené.
Au final, le roman peut surprendre, par son inspiration historique, où l'on envisage une issue différente pour l'Angleterre dans le tournant de la guerre, et qui se préoccupe à raconter une intrigue criminelle traditionnelle, se déroulant en vase clos et distillant quelques pistes en devenir. La lecture est inattendue, pertinente et conduite avec habileté, sans soubresauts inutiles. Le deuxième titre de la trilogie du Subtil changement - Hamlet au paradis - paraît prochainement en Folio. 

Folio SF (n° 572) / 2017 - Trad. par Luc Carissimo

 

31 août 2017

Blackout Baby, de Michel Moatti

BLACKOUT BABY

Londres, 1942. Alors que la ville sombre en plein chaos, essuyant les bombardements intempestifs de la Luftwaffe, la population se rue dans les abris et panse ses plaies dans l'attente de jours meilleurs. Pourtant, les britanniques ne se démontent pas et enchaînent leur routine avec morgue et insouciance.
Dans ce tumulte indescriptible, un type hante les rues de la ville, se faufile parmi la foule et séduit des jeunes femmes au gré de ses rencontres. Ses inclinations ont néanmoins un sévère penchant vers la folie furieuse et le morbide, car ce dangereux pervers assassine froidement et sauvagement ses conquêtes.
On n'ignore hélas rien de ses pulsions, encore moins de ses obsessions ni de son modus operandi, car on le suit dans ses dérives, on assiste avec effroi à ses séances de torture et on retient son souffle.
Les services de police aussi sont aux abois, face à ce « Blackout Ripper » qui réveille les vieux cauchemars du tristement célèbre Jack R. D'où l'apparition d'Amelia Pritlowe, infirmière déjà croisée dans Retour à Whitechapel, sollicitée pour apporter ses lumières et se servir de son expérience pour soulager cette inquiétante enquête.
L'histoire, inspirée de faits réels, nous plonge dans une atmosphère opaque et oppressante, et c'est là une grande richesse. Elle donne en effet à la lecture une aura particulière, non dénuée d'intérêt. Sensible à l'époque et aux détails historiques, j'ai été transportée dans ce roman globalement prenant et rondement mené.

10x18 Grands Détectives / 2016

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