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Chez Clarabel
metailie
4 juin 2015

Les Nuits de Reykjavik, d'Arnaldur Indridason

Les Nuits de Reykjavik

Nouveau retour aux sources avec cette lecture, qui fait suite au Duel, épisode consacré au commissaire Marion Briem au début de sa carrière. Cette fois, c'est le jeune Erlendur que l'on découvre, en tant que fraîche recrue de la police de Reykjavik, cantonnée aux patrouilles de nuit. Un poste en parfaite conformité avec son tempérament solitaire et taciturne. Mais notre homme est également un grand sensible, proche des gens, attentif à leur détresse (violence domestique, alcoolisme etc.), on sent déjà qu'il cherche à expier une faute. L'histoire tourne donc autour de la mort d'un clochard qu'Erlendur avait souvent croisé dans les rues et tenté d'aider. La sœur de celui-ci veut connaître les circonstances du drame et pousse le policier à se lancer dans une enquête officieuse. Le tableau est planté, avec toujours les mêmes ingrédients (l'atmosphère morose, le rythme lent, le personnage accablé, l'obsession du passé). La magie ne peut qu'opérer immédiatement ! Et c'est tellement bon, même si l'intrigue n'est pas surprenante, elle est fidèle à elle-même, profonde, poignante et attachante. 

Jean-Marc Delhausse, pour sa 6ème collaboration avec Audiolib dans le rôle d'Erlendur, nous accompagne dans notre lecture en faisant corps avec le personnage et livre une interprétation à l'intensité dramatique réussie et émouvante.

Audiolib ♦ mai 2015 ♦ texte lu par Jean-Marc Delhausse (durée : 8h 17) 

 

LES NUITS DE REYKJAVIK Métailié

Traduit de l'islandais par Éric Boury (Reykjavíkurnætur) pour les éditions Métailié

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2 juin 2015

Le Dernier Lapon, d'Olivier Truc

Le dernier lapon

Quelle étonnante lecture ! Direction la Laponie, où un précieux tambour de chaman a été signalé disparu, un éleveur de rennes est retrouvé assassiné, les oreilles tranchées, et un géologue français s'improvise chercheur d'or à travers la toundra. Klemet et sa jeune coéquipière Nina, enquêteurs de la police des rennes, coutumiers des querelles entre éleveurs, vont s'initier aux arcanes d'une enquête déroutante avec patience et perspicacité. C'est drôlement bien mené ! Mais c'est surtout l'ambiance, l'atmosphère frileuse et atypique, de cette Laponie méconnue qu'on savoure pleinement. On y avance à tâtons, et dans le noir, en pleine nuit polaire, saisissant les bribes d'ensoleillement avec ahurissement. On découvre la culture et le folklore Sami, au sein d'une communauté silencieuse, repliée et parfois blessée par les non-dits. C'est délicat, poignant, avec une brochette de personnages attachants, dont le duo formé par Klemet et Nina. Leurs missions de routine ont su forger leur complicité, sans la moindre ambiguïté. Et c'est reposant, car sans malentendu. L'intrigue aussi se lit (ou s'écoute) en toute fluidité, interprétée par Jean-Marie Galey, pour Sixtrid, au cours d'un marathon de lecture de 15 heures. C'est dire comme l'évasion est enrichissante et excitante ! Et c'est d'autant plus stupéfiant que ce roman aux allures de polar nordique a été écrit par un auteur français maître de son sujet ! Bravo.

Sixtrid ♦ novembre 2014 ♦ texte intégral interprété par Jean-Marie Galey (durée : 14h 49)

♦ Avec l'aimable autorisation des éditions Métailié ♦

Le dernier lapon Métailié   

Le dernier lapon Points 

♦ disponible en poche aux Points ♦

 

28 avril 2014

Le Duel, par Arnaldur Indridason

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Pendant l'été 1972, le monde a les yeux braqués sur la minuscule Islande qui accueille les championnats d'échec qui opposent l'américain Fischer au russe Spassky. Dans le même temps, le corps d'un adolescent est retrouvé poignardé dans un petit cinéma de quartier. Marion Briem et son collègue Albert se rendent sur place et procèdent à une enquête.

Pas d'Erlendur au programme, ce livre nous plonge dans le passé de son mentor, alias Marion Briem, se dépatouillant avec une affaire sur fond d'espionnage et de guerre froide, mais surtout on plonge dans son passé d'enfant malade de la tuberculose, envoyé dans un sanatorium au Danemark pour y suivre des soins, se faire à une vie isolée, ponctuée de rencontres éphémères, marquée par les pertes et les amitiés fugaces. Le type ne déborde pas d'un charisme dévastateur, l'intérêt du livre apparaît minime et seule la toute fin fait vaguement sourire. 

Malgré cet a priori peu reluisant, on se laisse prendre par l'histoire au rythme lancinant. Rouages parfaitement huilés, lecteur mené par le bout du nez, contexte politique haletant vécu à travers un duel d'échecs sur lequel on cherche à faire peser des enjeux, et puis... bon... C'est plutôt bluffant ! Même si elle est classique et très conventionnelle, l'intrigue reste agréable à écouter (grâce à un Jean-Marc Delhausse au taquet, bien à l'aise dans son rôle, et qui distille une interprétation toute en nuances).

La série s'offre ainsi un nouveau crochet, intéressant mais peut-être pas indispensable, en attendant le retour des nouvelles enquêtes de notre commissaire fétiche !  (NB : eh bien, changement de perspective ... avec un prochain tome qui sera la suite de celui-ci. Scrogneugneu !)

Audiolib, avril 2014 ♦ texte intégral lu par Jean-Marc Delhausse (durée : 9h 28) ♦ traduit par Éric Boury pour les éditions Métailié

4 mars 2014

Ce qui n'est pas écrit, par Rafael Reig

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Pour la première fois depuis son divorce houleux, Carmen confie son fils Jorge à son père, le temps d'un weekend à la montagne. L'occasion pour eux de se retrouver, d'apprendre à se connaître et de tisser un semblant de relation, pense-t-elle. Mais avant de partir, son ex lui donne son manuscrit pour qu'elle le lise. Une immersion glaçante, dérangeante dans un univers où Carmen va perdre pied.

En effet, sitôt les premiers chapitres lus, Carmen est déboussolée et va jusqu'à s'imaginer des signes cachés dans le récit. Elle interprète le moindre détail, s'identifie aux personnages, confond la réalité et la fiction, bref elle vit un véritable enfer ! Mais coûte que coûte, elle entend venir à bout du manuscrit pour y glaner la réponse à toutes ses questions.

De leur côté, Jorge et Carlos sont loin de vivre une expérience mémorable de leur premier tête-à-tête entre père et fils. L'homme est viscéralement agacé par le garçon, qui lui rappelle ses propres échecs, il le trouve pataud, mou, mal embouché et se retient d'exploser en sa présence. Au lieu de ça, il boit beaucoup, pour tuer le temps et pour calmer ses bouffées d'angoisse. On est tenu ainsi en captivité dans cette bulle de frustration et on vit à fond la montée en puissance de la tension psychologique qui règne dans ce livre.

On décroche malheureusement dans la deuxième moitié de l'histoire, peut-être parce que le manuscrit de Carlos devient trop écrasant et prend une tournure malsaine (une bande de petits caïds a kidnappé une jeune fille de bonne famille, qu'ils vont droguer et violer dans un trois-pièces minable, en attendant les consignes du boss). J'avais pourtant entamé ma lecture sur une note très positive, car elle réunissait presque tout : le climat pesant, la mise sous pression, des personnages égarés dans leurs combats intérieurs, qui brouillent toutes les pistes...

Finalement, le roman n'a rien d'un polar, c'est juste un roman noir, lourd, pesant et glauque. Cela se lit sans réelle difficulté, mais j'en attendais davantage, plus d'action et de suspense, et moins de décortications sur les non-dits et autres actes manqués des personnages. Une lecture flippante, mais dans le sens dérangeant du terme.

“Carmen ne savait pas quoi penser. Elle avait la certitude qu'elle ne découvrirait la raison pour laquelle Carlos voulait qu'elle lise son roman que dans le livre lui-même. La réponse, c'était la lecture qui la lui donnerait. Mais pour elle, il n'était pas si facile de continuer à lire : elle en savait trop. Elle en lisait trop, plus que ce qu'il y avait dans la page : elle lisait ce qui n'était pas écrit. Peut-être que c'était ça, l'obstacle : elle cherchait quelque chose entre les lignes et ça l'empêchait de voir ce qu'elle avait sous les yeux.”

Métailié, janvier 2014 - traduit par Myriam Chirousse

8 juin 2013

Hypothermie, lu par Jean-Marc Delhausse (Audiolib)

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Tout commence par le suicide d'une femme, dans un chalet sur les bords d'un lac. Deux ans plus tôt, Maria avait perdu sa mère et en avait été très affectée. Ceci n'explique pourtant pas son geste, explique une amie de la défunte, qui tente de convaincre Erlendur d'enquêter sur sa mort en lui confiant une cassette d'un entretien qu'elle aurait eu avec un médium. La jeune femme avait foi dans le spiritisme car elle se sentait coupable de la mort (accidentelle) de son père, pendant son enfance.

Bien que dubitatif, Erlendur va s'attacher à cette histoire et fouiller le passé de Maria. De fil en aiguille, il va se rappeler son propre drame familial et les graves conséquences sur sa vie d'homme. Quelque part, cette histoire de deuil et de fantôme finit par résonner en lui comme une vieille ritournelle. Et quand on a lu, comme moi, le dernier roman en date (Etranges rivages), on n'est plus du tout surpris par les prises de position de notre commissaire apathique et solitaire. Promis, je ne juge pas, c'est écrit noir sur blanc dans le livre !

Une nouvelle fois, j'ai trouvé la lecture prenante, aux effets de style simples et épurés, mais tellement efficaces. J'ai été portée par la voix de Jean-Marc Delhausse (toujours lui !), sitôt les premières notes lancées, on n'a plus envie d'arrêter. Certes, les accents désabusés, l'amertume et le caractère grincheux de notre inspecteur peuvent paraître rédhibitoires, et puis pas du tout, car l'intrigue sera le déclencheur chez Erlendur d'un besoin d'enterrer - enfin - le passé. C'est à suivre, et c'est passionnant !

Hypothermie, par Arnaldur Indridason
Audiolib / éditions Métailié (2010) - traduit par Eric Boury
Texte intégral lu par Jean-Marc Delhausse

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15 mai 2013

►►► La rivière noire ◄◄◄

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Ce tome s'inscrit juste après [[Hypothermie]] et le départ d'Erlendur vers les terres de son enfance. C'est Elinborg que nous suivons donc, à travers une enquête délicate qui met à l'honneur le caractère sensible et très féminin de son personnage. Un homme a été égorgé dans son appartement, mais fait étrange, la victime serait avant tout un prédateur sexuel, ayant coutume de droguer ses cibles avant d'abuser d'elles.
 
Ce livre pourrait faire froid dans le dos, dès lors qu'il révèle les failles de la justice islandaise qui punit très faiblement les auteurs de crimes à caractère sexuel. Finalement, j'ai davantage trouvé une dimension pudique et d'une grande sensibilité au récit. Probablement que le personnage d'Elinborg y est pour quelque chose ! On la découvre dans son rôle de compagne, auprès de Teddi, un mécanicien pépère et attentif, et dans celui de mère, avec des enfants qui grandissent, qui ont leurs secrets, et qu'elle a du mal à comprendre.

C'est donc un tome sans Erlendur qui défend honorablement ses chances, j'aime beaucoup la touche féminine qu'a su apporter Elinborg, comme j'avais également apprécié de mieux découvrir Sigurdur Oli dans [[La Muraille de lave]]. L'histoire traite du sujet douloureux qu'est le viol, et de l'éventualité d'une vengeance personnelle face à l'inertie (ou la trop grande clémence) des hautes instances du pays. Très bonne interprétation de Jean-Marc Delhausse, qui a lu les 4 titres édités chez Audiolib jusqu'à présent. 

La rivière noire, par Arnaldur Indridason
Audiolib / Métailié, 2011 - Traduit par Eric Boury
Texte intégral lu par Jean-Marc Delhausse (durée d'écoute : 9 h 04)

22 avril 2013

►►► Etranges Rivages ◄◄◄

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Erlendur est de retour sur les terres de son enfance, précisément dans la ferme où il a grandi avec ses parents et son petit frère, avant le drame qui a coûté la vie de celui-ci. Toute la famille a été brisée, Erlendur, lui, est devenu cet homme solitaire et taciturne, hanté par le fantôme de son cadet. Apparemment, c'est suite à l'affaire d'Hypothermie (que je n'ai pas lu) qu'il aurait plié bagages pour effectuer son pèlerinage et guérir de son passé.

Donc, sur place il cherche, interroge et fouille. Il rencontre des hommes et des femmes âgés, mais bavards. Ainsi lui revient l'histoire de la disparition des soldats anglais, il y a une soixantaine d'années, lors d'une tempête de neige dans les fjords. Ce même soir, une jeune femme aussi aurait emprunté le même chemin, surprise par la météo et emportée sans laisser la moindre trace. Ses sœurs ont toutefois longtemps nourri une suspicion envers son époux, mais bon ...

Erlendur va prendre à cœur de démêler les nœuds de cette histoire, sensible à la détresse d'un homme, car lui-même se retrouve un peu dans cette histoire de fantôme et de revenant, de responsabilité et de culpabilité. Enfin, on lève le voile sur le mystère de son enfance, sur la tragédie qui a marqué toute sa vie. Petit à petit, on avance et on porte notre commissaire vers le monde des vivants, après avoir enterré ses morts, pour de bon. Ce retour aux sources est vivifiant, poignant, incroyablement doux et beau, c'est - je crois - l'un des meilleurs livres de la série !

A l'écoute, Jean-Marc Delhausse reprend du service et nous plonge dans des abymes noirs et profonds, ou ce qui s'apparentent le plus à de la mélancolie, de la tristesse et de la langueur. Mais jamais notre moral n'est plombé, au contraire l'histoire tire vers le haut et touche notre corde sensible. Durée d'écoute : 9h50 !

Etranges rivages, par Arnaldur Indridason
Audiolib / Métailié, 2013 - traduit par Eric Boury
Texte intégral lu par Jean-Marc Delhausse

14 décembre 2012

Le Muraille de Lave

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Le commissaire Erlendur est en vacances prolongées et a coupé tout contact avec ses collègues. Voilà qui donne un peu de champ libre à Sigurdur Oli, dont on va découvrir la véritable personnalité, lui qui est décrit comme un type froid, très snob et un mauvais mari, l'occasion lui est donné de se présenter sous un jour nouveau. Et effectivement, la recette est miraculeuse. J'ai pris plaisir à mieux cerner ce personnage torturé, à travers ses relations avec sa mère, mais aussi avec son père, à travers leur histoire de couple notamment, puis leur séparation. Inévitablement on pense à sa propre histoire avec Bergthora et certaines fêlures trouvent enfin leurs explications.

N'oublions pas que Sigurdur est flic et qu'il doit tremper dans la gadoue pour aider un ancien camarade d'école. Le beau-frère de celui-ci s'est fait pincer dans une soirée *entrecôtes* et depuis il est victime de chantage. Une petite intervention anodine de Sigurdur pourrait impressionner la jeune femme et calmer le jeu. Hélas, cette dernière est rouée de coups par un individu. Seul témoin sur les lieux, le policier est alors dans l'embarras.

L'enquête va également nous conduire auprès d'investisseurs banquiers, déterrer de vieux dossiers mêlant le sexe, le fric et le crime crapuleux. Ambiance poisseuse, mais ambiance pesante. A ceci s'ajoute un revenant du passé, un clochard qui veut raconter à Erlendur son enfance dévastée par la faute d'un pédophile. Bon, on ne se marre pas à tous les coins de page, c'est sûr, mais on ne moufte pas non plus. Il faut suivre cette histoire dans un silence religieux et angoissant, qui ne laisse rien filtrer. Lorsque les masques tombent, forcément on en prend un coup au moral.

Insoupçonnable et pourtant élémentaire, cette histoire nous plonge dans des abîmes profonds. C'est amer, mais c'est bon comme un café sans crème. Par contre, j'ai souri malgré moi en replongeant dans cette Islande en pleine croissance économique, c'était une époque pas si ancienne, mais qui nous semble tellement surréaliste aujourd'hui... Prévoir pas moins de 10 heures d'écoute en version Audiolib.

La muraille de lave, par Arnaldur Indridason
éditions Métailié, 2012 et Audiolib 2012  -  traduit de l'islandais par Eric Boury

Jean-Marc Delhausse excelle à mettre son interprétation au juste ton de ce sombre constat d'un monde qui renie ses valeurs.

Écoutez l'extrait lu par Jean-Marc Delhausse
5 février 2009

Hiver arctique - Arnaldur Indridason

Hiver_ArctiqueVous le connaissez, Erlendur, l'homme qui soupire dès qu'on parle de disparition et / ou d'enfants (manque plus que les deux soient liés, c'est fichu!) ? Il s'enfonce dans son fauteuil, chez lui, à la nuit tombée, et il fume quelques cigarettes, le regard plongé dans le lointain. C'est qu'il n'est pas un gai luron, notre ami. Mais on le sait, Erlendur est notre chouchou depuis quatre romans noirs, alors même que le froid polaire islandais fond sur nous en nous statufiant, mais tant pis, on est fidèle et on trépigne : Erlendur is back !  En plus, c'est tellement en accord avec la météo du moment (il neige, il fait froid, le ciel est gris).
Alors que lui arrive-t-il, cette fois-ci ? Du moche, du très moche. D'entrée de jeu, Erlendur et ses enquêteurs inséparables, Elinborg et Sigurdur Oli, sont face au corps sans vie d'un petit garçon de dix ans. Il a été retrouvé sur le terrain de jeu près de son immeuble, l'enfant a été poignardé. Son frère aîné manque à l'appel. Est-il dans le coup, ou en sait-il trop ? Ce ne sont que des débuts de questions qui s'annoncent. Erlendur est sensible au chagrin de la mère, Sunee, qui est d'origine thaïlandaise, mariée à un islandais, puis divorcée.
Il faut doucement éplucher le contexte familial, discuter, rencontrer les proches, palabrer longtemps avec l'interprète, très envahissante. De fil en aiguille l'immigration est passée au crible, avec toutes les formes de violence que cela suscite. Dans le même temps, Erlendur est obsédé par la disparition d'une femme à l'histoire sentimentale alambiquée. Le coup de fil reçu sur son portable d'une femme en pleurs serait-il un signe ?

Plongez, frissonnez, vibrez, lisez en apnée... Comme le vin, les enquêtes d'Erlendur se bonifient avec le temps. Les vapeurs troubles du passé ont été dissipées, mais notre homme ne se débarrasse pas si facilement de son humeur mélancolique, ni de ses bagages encombrants (dans lesquels on retrouve ses enfants, sa liaison avec Valgerdur, la fin très proche de son ancien chef, Marion Briem). Une bonne série policière, c'est aussi la fioriture, pas seulement le noeud à démêler. Parce que les islandais, il faut le savoir, ont un goût prononcé pour la nonchalance, moins pour l'action. Le côté humain et faillible des personnages rend les romans d'Arnaldur Indridason plus poignants. De plus, il y a une bonne distance chez le lecteur par rapport aux névroses et aux déprimes de ce petit monde. C'est noir, d'accord, mais tendance mélodramatique. Il faut y avoir goûté une fois pour comprendre !

« Lorsque l'espoir avait décliné avec les jours avant de disparaître avec les semaines, les mois, les années, une sorte de torpeur laissée par l'événement avait pris le relais. Certains étaient arrivés à s'en préserver alors que d'autres, comme Erlendur, l'avaient cultivée en choisissant la douleur comme compagnon de route. » 

Métailié, 2009 - 335 pages - 19€
traduit de l'islandais par Eric Boury

 

Hiver arctique, Arnaldur Indridason

25 septembre 2008

Les armées - Evelio Rosero

Ismael, un vieil homme, professeur à la retraite, passe son temps dans le verger à reluquer sa voisine, Geraldina. Elle est belle, sensuelle, prend des bains de soleil complètement nue, tandis que son mari, le Brésilien, joue de la musique. Leur fils et Gracielita, la petite cuisinière, courent dans le jardin en poussant de grands éclats de rire. C'est une image idyllique et surréaliste, un peu figée dans le temps. Car tout va être soufflé.

Nous sommes à San José, un village paisible situé à l'orée d'une forêt colombienne. La guerre n'est pas loin, narcotrafic et armée, guérilla et paramilitaires. On déplore des disparitions, des enlèvements. Toute la jeunesse a fui, il ne reste plus que les anciens, les irréductibles. On se retrouve chez l'un ou l'autre, pour des cérémonies teintées de jérémiades, de sermons et grisées par les victuailles et l'alcool. On attend, on prie. Ismael, lui, a mal au genou et se rend chez son vieil ami, le guérisseur Claudino.

Et puis, un matin de bonne heure, un nouvel éclat frappe la communauté de San José, secouée, retournée et hébétée. Tandis que Ismael cherche son épouse Otilia, partie à sa propre recherche, le village se transforme en corridor de violences. De nouveaux kidnappings vont avoir lieu, des rançons faramineuses demandées, Ismael perd la tête, faute à  la vieillesse, la tristesse, le désespoir.

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Il faut absolument lire ce roman ! Il est étonnant. L'auteur a évité les solutions faciles pour raconter son histoire, usant d'une plume langoureuse pour décrire ce qui semble être un petit paradis terrestre. On suit un homme usé, qui va perdre la mémoire et la raison à force d'être confronté au chaos. Ce n'est qu'entre les lignes qu'on perçoit les tragédies, avec les disparitions et les rapts qui touchent toutes les familles de ce village tranquille. On aimerait être bercé par l'illusion de sensualité, mais tout ceci n'est que le calme avant la tempête. On plonge dans un désordre monstre sans flairer le coup. Il plane toutefois dans l'air un sentiment de statu-quo, de désorganisation, d'impuissance, mais on s'accroche comme ces villageois à ce lopin de terre, à l'espérance d'un retour imminent de ceux qui manquent.

Le contraste est énorme, le récit décrit une situation catastrophique mais évite les écueils. Le style sensuel laissera place à un rythme syncopé. Le sursis est immense, et on suit l'évolution par le regard d'un vieillard, ce qui casse toute impression d'héroïsme et de vaillance. Ismael n'en peut plus, il est au bout du rouleau. Lui qui aimait regarder les femmes devient spectateur d'un carnage sans solution, et ça le brise. Ce récit bref de 155 pages est cru, virulent mais le cache admirablement derrière l'apparente sérénité. C'est bluffant.

Les Armées

Métailié, août 2008 - 155 pages - 17€
traduit de l'espagnol (Colombie) par François Gaudry
titre vo : Los Ejercitos

D'autres avis : PapillonEssel

Ce livre a reçu le premier Prix Tusquets à Guadalajara en 2006, dont le jury était présidé par Alberto Manguel.

  • Les premières lignes

 

C'était comme ça : chez le Brésilien les perroquets riaient tout le temps, je les entendais du mur de mon verger, grimpé sur l'échelle où je cueillais des oranges que je jetais dans un grand panier de palme. De temps à autre je sentais dans mon dos les trois chats qui m'observaient, perchés dans les amandiers. Que me disaient-ils ? Rien, je ne les compre­nais pas. Un peu plus loin, ma femme donnait à manger aux poissons du bassin, nous vieillissions ainsi, elle et moi, les poissons et les chats, mais ma femme et les poissons, que me disaient-ils ? Rien, je ne les comprenais pas.
Le soleil commençait à briller.
La femme du Brésilien, la svelte Geraldina, cherchait la chaleur sur sa terrasse, complètement nue, allongée à plat ventre sur un couvre-lit rouge à fleurs. Près d'elle, à l'ombre rafraîchissante d'un kapokier, les mains énormes du Brési­lien effleuraient sagement sa guitare et sa voix se mêlait, placide et insistante, au doux gloussement des perroquets. Ainsi s'écoulaient les heures sur cette terrasse, au soleil et en musique.
Dans la cuisine, la belle petite cuisinière - on l'appelait la Gracielita - faisait la vaisselle, juchée sur un escabeau jaune. Je la voyais par la fenêtre sans vitre de la cuisine donnant sur le jardin. A son insu elle roulait des hanches en lavant les plats; sous sa courte robe d'un blanc éclatant, chaque partie de son corps se dandinait au rythme frénétique et consciencieux de la besogne : assiettes et tasses étincelaient entre ses mains brunes, de temps en temps surgissait un couteau à dents, brillant et joyeux, mais comme ensanglanté.

 

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