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Chez Clarabel
31 mars 2007

L'Ancre des rêves - Gaelle Nohant

Il y a d'abord ce petit extrait de "Possession" d'A.S. Byatt qui indique : "Dans notre partie de la Bretagne - la Cornouaille, l'Armorique - persiste la vieille croyance celte celon laquelle la mort est simplement un pas - un passage - entre deux stades de l'existence humaine." Puis il suffit d'ouvrir la porte et inutile de préciser que le lecteur se sent aussitôt happé dans l'univers que va créer la jeune Gaelle Nohant ...

ancre_des_revesSon roman est une invitation précieuse et irréelle dans un monde peuplé d'enfants, de cauchemars, de fantômes, de morts. Cela se passe chez les Guérindel, Enogat et Ewan ont quatre fils qui grandissent avec l'interdiction formelle de s'approcher de la mer. Dans ce pays de pêcheurs, il n'est pas facile de faire accepter cette "différence". Les enfants ne disent mot, ils consentent.
Ce sont des bons garnements, mais ils ont leurs mystères. Chaque nuit, ils se réveillent en hurlant, pris au piège de leurs rêves, qui sont autant de cauchemars contre lesquels leur mère Enogat ne peut combattre.
Mais les enfants n'expriment pas ce qui les terrorise à ce point. Pourquoi Benoît suit cette femme avec son enfant dans les bras, s'approcher de la mer, bercer sa petite, et mettre des cailloux dans ses poches ? Et pourquoi Lunaire se voit-il embarqué sur un navire, accueilli par un beau diable aux cheveux roux, au rire mauvais, lui pointant du doigt une chose effroyable planquée dans la cale ? Même Guinoux s'effondre, en classe de dessin, à la vue d'un tableau représentant des chevaux, avec du rouge, beaucoup trop de rouge...
Les garçons Guérindel sont murés dans leurs nuits peuplées de ces cauchemars qui leur signifient quelque chose, certainement. Mais ils se taisent, même entre eux ils ne parlent pas, ils se regardent comme des chiens fous, un peu sauvages, et poursuivent leur bonhomme de chemin.
C'est Lunaire qui va conduire le lecteur dans un tunnel où les lumières de la vérité éclairent bien au loin la sortie. La traversée est rude, esquintante, sujette à des sueurs froides, mais guidée par la rencontre d'êtres exceptionnels, comme cette nonagénaire, Ardélia, ou le bienheureux Ebenezer (en hommage à Dickens...).
Il fait bon se caler dans un fauteuil au coin de la cheminée, dans un salon qui sent bon le gâteau, où l'on peut boire un verre de cidre et dévorer des pommes de terre écrasées au beurre avec un goût de noisette... Puis écouter les confidences de cette femme remarquable, un peu énervée au début, puis brûlante d'émotions et de blessures intimes.
C'est peut-être en fouillant le passé qu'on pourra sortir les enfants Guérindel de leurs cauchemars épouvantables. Qui sait ?

Alors, "L'ancre des rêves" serait-il un roman d'un autre temps ? un roman bercé de légendes, de mythes, de croyances celtes et de subconscient lié au sommeil ? ... Oui, un peu tout ça. C'est avant tout une ambiance, un monde merveilleux inventé par l'auteur, avec tout le raffinement et l'érudition qu'on lui connaît (cf. son Café Littéraire).
Cette lecture est une pause dans le quotidien grouillant d'agitations, c'est une plongée vers les abîmes, une nature impénétrable, et qui agit sur le lecteur tel un pouvoir d'envoûtement, tout comme les enfants qui glissent dans leur sommeil, lequel exerce "une attirance vampirique".
Oui, les images fantastiques sont présentes, elles apportent des pistes de lecture, ouvrent les vannes pour savourer un débit différent de ce qu'on imaginait... Estourbissant, captivant, saisissant (et même insaisissable !), accrochez-vous à cette "Ancre des rêves" ! Car de plus, c'est beau. Tout simplement. Les étoiles, la mer, les fées, les esprits enchanteurs, la branche du noyer qui cogne contre la fenêtre... vous hésitez encore ?
Un dernier hommage : "Ardélia avait été la fée mystérieuse qui vous enseigne les points faibles du loup, les ruses tactiques pour traverser la forêt et en ressortir plus fort".
Gaelle Nohant est une contemplative, une rêveuse. Et le lecteur est tout acquis à sa cause !

(La superbe illustration du livre est signée de Letizia Goffi.)

Robert Laffont - 380 pages  (Mars 2007)  - A découvrir sur le site de l'éditeur le 1er chapitre .

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31 mars 2007

Echappée belle

ancre_des_revesLe sommeil attrapa Guinoux par les pieds, l'attira dans le fond. Il ne songea même pas à se débattre, tant son corps glissait avec délice dans le gouffre qui l'aspirait. Il dodelinait légèrement de la tête, telle une proie endormie à l'éther, tandis que son esprit s'enfonçait de plus en plus loin, jusqu'au point où sa conscience ne serait plus de taille à le rassurer mais saurait encore le défendre.

La frontière périlleuse n'était pas celle du jour et de la nuit mais celle de la veille et de l'endormissement.

Le sommeil exerçait sur lui une attirance vampirique.

Maintenant il dormait profondément. Sur l'oreiller, dans la pâle clarté de la lune filtrant à travers la lucarne de sa chambre, son visage d'enfant semblait las, mais ses yeux roulaient à l'intérieur de leurs orbites.

Où suis-je ? Où est l'interrupteur ?

Une plainte gutturale répercutée par l'écho le fit sursauter.

L'appel lointain d'une corne de brume.

Il cligna les yeux, effaré. Il ne voyait rien.

Tout autour de lui, une muraille de brouillard laiteux l'enserrait, l'asphyxiait.

Luttant contre la panique, il baissa les yeux.

Il se trouvait assis dans une barque.

(...)

L'Ancre des rêves, Gaelle Nohant  - ROBERT LAFFONT

30 mars 2007

Sans sucres ajoutés - Cookie Allez

sans_sucres_ajoutesOn ne remerciera jamais assez Dame Agatha Christie pour avoir donné jour aux petits villages tranquilles, du moins en apparence, où les personnalités les plus fourbes et retorses pullulent en cachette ! Prenez le cas de Bayerville, petite commune de Normandie, où l'adjoint au maire, un dénommé Harold Osmond, gère ses intérêts avec une attention scrupuleuse, soucieux de ne pas en perdre une miette (gérer son petit royaume) et mieux accéder en toute logique au poste supérieur, être Maire de Bayerville bien entendu !
Parmi ses loyaux sujets, on retrouve l'attaché en communication, Cédric, jeune homme parfois trop zélé, "petit communiant qui a la langue si bien pendue pour accuser les autres".
Car hélas, dans cette petite ville paisible, des drames émergent : on retrouve les corps de personnes - assassinées ? On mène une enquête discrète et diligente, on nomme sans dénoncer, on guide les inspecteurs, pointe du doigt le coupable idéal, Pierre Porcher, dont l'humilité et la vie toute lisse sont autant d'éléments qui le rendent suspect !
Or, Porcher mène "une vie Sans Sucres Ajoutés mais qui a le goût de la vraie ferveur et du désintéressement. Avec juste ce qu'il faut de folie". Il invente un produit miracle pour nettoyer les rues du chewing-gum qui fait tâche, il aspire à la réunification des deux régions normandes. Qu'on le veuille ou non, quelque chose dans cette trajectoire dérange.
A Bayerville, les âmes tranquilles n'ont finalement guère de repos. Ambition, délation, bassesse et turpitudes sont le lot quotidien d'une poignée d'abeilles qui butinent avec l'énergie du désespoir !
Prends garde, Lecteur de ce livre, Cookie Allez va te mener par le bout du nez dans cette farce où la satire est traitée avec une désinvolture toute renversante ! Et ça, Madame... c'est incroyablement admirable de moucher son monde sans avoir l'air d'y toucher ! Chapeau. (Lecteurs sérieux s'abstenir !)
  Buchet Chastel - 183 pages.

29 mars 2007

Goodbye Mister President - Danièle Georget

goodbye_mister_presidentNovembre 1962. Fort Worth, Texas.
Un couple s'installe dans une chambre d'hôtel dans une chaleur intenable et moite. Dehors, l'orage menace. Mais il y a aussi des étincelles entre l'homme et la femme, des animosités couvées, prêtes à éclore.
La nuit s'annonce longue, difficile, pleine d'échanges décomposés en 3 parties : grincements, rugissements, chuchotements.
L'homme s'appelle John F. Kennedy. La femme est Jackie Bouvier Kennedy. C'est le Président des Etats-Unis venu à la conquête du Texas récalcitrant, à l'aube de sa nouvelle campagne électorale.

Dans ce roman de Danièle Georget, on ne parle pas que de politique, juste on l'évoque (la guerre froide, l'échec à Cuba, le Vietnam, etc.). C'est important pour tracer les contours du 35ème Président des USA, qui plus est, une figure mythique assassinée le 22 novembre 63 à Dallas.
Le lecteur sait très bien qu'il s'agit là de la dernière nuit pour JFK, que c'est assez poignant de s'imaginer le lendemain quand les balles vont fuser pour exploser sa cervelle. A plusieurs reprises, l'auteur fait un arrêt sur l'image du tailleur rose Chanel que Jackie va porter dans la décapotable aux côtés de son mari. Un signe prémonitoire ?
Non il ne faut point trop s'imaginer un roman biographique et politico-historique, on en est très loin en fin de compte ! Car "Goodbye Mister President" est une fiction qui place en décor la chambre d'hôtel où l'auteur forge un dialogue de bêtes féroces, étouffées par des vieilles rancunes, par la jalousie, ou la frustation.
John est agacé, il tente d'ébranler la superbe de sa femme, qu'il estime mal-aimée par ses compatriotes, incomprise par le "peuple américain", cantonnée dans son rôle de diva bourgeoise acclamée par la presse européenne et les intellectuels ...
Mais John s'aveugle, car il sait l'importance de son épouse pour apaiser les situations. Voilà pourquoi il tient à ce qu'elle l'accompagne dans cette campagne pour briguer un deuxième mandat.
Jackie est impassible, tantôt meurtrie et estomaquée, pourtant elle ne laisse rien deviner. Les tromperies du Président, le clan Kennedy, les magouilles, la politique en général, tout ça l'écoeure et la dépasse. Elle veut divorcer ! Une autre blessure secrète la ronge, mais il faudra du temps pour qu'elle se dévoile.

C'est ainsi que se trace le plan du roman de Danièle Georget : un couple est en tête-à-tête forcé, il s'affronte, remet sur le tapis des vilaines histoires, discute, hurle et s'essouffle... Le calme avant la tempête ? C'est à prévoir.
Alors, pour qui aime le couple légendaire du Président Kennedy et de son épouse Jackie, il est très intéressant de se plonger dans cette lecture, même si l'interprétation de faits réels dans cette fiction peut être susceptible de plaire, de décevoir ou de laisser perplexe. Cela reste agréable à lire, tour à tour dans la confrontation du chic de Jackie face à l'impétuosité de John "Jack" Kennedy.   PLON - 230 pages  (Janvier 2007)

" Quelle nuit insensée ! Pourquoi le destin a-t-il donné rendez-vous ce soir ? Faut-il à certains moments de sa vie forcément regarder en arrière, forcément le pire ? On ne peut pas se contenter d'avancer ? Pourquoi se retourner ? "

JFK___jacquelinekennedy

28 mars 2007

La première fois ...

Tout d'abord, nous adressons un grand merci à Laure et sa Mosquito pour nous avoir guidées vers ce livre que nous avons trouvé absolument charmant !

premiere_foisCe livre nous raconte la naissance d'une petite Charlotte accueillie dans les larmes et nichée entre deux montagnes de lait ... Bébé béni des dieux, adoration de ses parents, etc ... Et la petite pousse, vit ses "premières fois" qui correspondent à des moments à la fois désopilants, cocasses, émouvants et touchants. Les petits pots avalés en crachant, les premiers pas suivis des premiers bobos, les câlins, le vélo sans les petites roues, les petits pois dans le ventre et sur la tête de Quentin Pommier ...

Puis Charlotte a 13 ans. Tout change. Vont venir les premiers baisers, les premières ruptures sentimentales, LA rencontre du Chéri et puis ... Tout recommence. Le cycle de la vie, la boucle est bouclée, et patati et patata.

En attendant cette deuxième partie (sincèrement moi je faisais des grimaces en feuilletant les pages, tentant de répondre aux questions, mais c'est quoi, ça veut dire quoi, et c'est qui son mari, arggghhh !) - donc, j'étais enchantée par les premières pages, que je trouvais joyeuses et enlevées, avec de belles illustrations, et qui concentrent ces instants précieux qui rappellent à TOUS de bons souvenirs.  

 

 

 

IMGP3482Mais parfois, c'est triste aussi... 

 

“ Surtout voyez ce livre comme un gage de tendresse, une belle marque d'amour et une déclaration, une timide et (parfois) maladroite façon d'expliquer à l'enfant la vie qui passe, qui vous donne toutes ces expériences de la première fois et en lisant ce livre, par exemple, on s'aperçoit que c'est très, très important de prendre le temps d'y repenser et réfléchir. ”

 

Magnifique album !

 

La première fois que je suis née - Vincent Cuvellier & Charles Dutertre  (Gallimard jeunesse, coll. Giboulées)

 

 

 

IMGP3470

Parce qu'il est écrit à un moment : La première fois que je me suis déguisée, c'était en princesse. La deuxième fois que je me suis déguisée, c'était en princesse. La troisième fois que je me suis déguisée, c'était en princesse. D'ailleurs je suis une princesse.

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27 mars 2007

L'amour est très surestimé - Brigitte Giraud

amour_est_tres_surestimeAvant de comprendre qu'il s'agit de 11 textes distincts, le lecteur est en droit de se demander s'il s'agit bien de la même narratrice qui, au fil des chapitres, égrène à la 1ère personne son triste constat de l'échec conjugal.
Personnellement j'ai eu quelques vagues de doute.
Une fois bien compris que rien n'était lié, à part le thème du couple et de la pérennité de l'amour, j'ai pu m'absorber dans cette lecture.
Brigitte Giraud est galante, elle écrit sur "la fin de l'histoire" avec un stoïcisme qui vous tire de votre léthargie. C'est bien simple, c'est terriblement évident : "Vous n'avez rien vu venir et vous ne l'aimez plus". A partir de là, l'auteur va broder sur l'attachement matériel, ou son inutilité flagrante quand surgit la cassure, sur l'importance donnée aux enfants, leur annoncer la nouvelle, les prévenir du meilleur comme du pire. Elle envisage aussi l'après, "la juste place", comment se débrouiller avec l'absence, se refaire et s'habiller d'une peau neuve, croiser l'autre et aller vers lui, le repas qu'on prépare pour tout recommencer, reprendre "l'habitude".
"J'avais face à moi un inconnu, cet inconnu avait ravivé l'amour et m'exposait à tous les dangers. J'avais peur d'aimer et de ne pas aimer, peur de me tromper, peur d'aller trop vite. Je ne savais plus comment être devant un homme, alors je baissai un peu les yeux"...
Et puis, comme un second souffle, "le temps a passé", et la narratrice dit merci à son amour, "on n'arrête pas le cours des choses pour dire qu'on est heureux", pour aller à contre-courant du "vertige des naufrages amoureux, l'illusion de la liberté tant convoitée, le fantasme de l'instant exalté, de la jouissance sans limites, (...) la douleur d'aimer ou de ne plus aimer (...), les stigmates de l'échec, l'esthétique de la perte" (...)
C'est sensible et si bien rapporté, parfois amer ou mélancolique, un peu frustrant aussi (il s'agit d'un petit livre de 90 pages) où les sujets sont si bien dressés sur un plateau qu'on aimerait en lire davantage ! Mais c'est comme ça, à prendre ou à laisser !  Stock - 90 pages.

27 mars 2007

Brigitte Giraud en romans

A_presentBasé sur un sujet grave, la mort accidentelle de son mari, ce livre ne baigne pourtant pas dans un mélo à vous tirer toutes les larmes de votre corps. Au contraire, la plume de Brigitte Giraud est forte à décrire ces instants d'une vie à deux, qui brutalement n'existeront plus. A présent la narratrice se rend compte combien elle était heureuse. Et très gravement, tout simplement, elle raconte ces minutes où elle débarque à l'hôpital, apprend la mort, rencontre la famille, explique à son fils, téléphone à droite et à gauche, prend les dispositions pour l'enterrement.. jusqu'au jour des funérailles. C'est bref, précis, sans émotion morbide, ni exaltation effrénée.. A aucun moment la narratrice ne s'effronde en larmes, elle vit ses douloureuses heures en dehors de son corps, qu'elle pense être habité par son compagnon. C'est merveilleux, bouleversant et poignant.


j_apprendsNadia est née en Algérie et habite la région lyonnaise avec son père, sa soeur, son demi-frère et celle qui n'est pas sa mère. Elle a six ans et entre pour la première fois à l'école. Aussitôt ce monde nouveau devient pour elle une délivrance, un confort, un périmètre de rigueur, d'organisation et d'encadrement. En grandissant, Nadia s'applique toujours autant en classe, en gymnastique mais se détache des autres. Sa différence lui vient du mystère de son passé, sur toutes ces choses qu'elle comprendra "plus tard". Elle apprend ses leçons par coeur mais "personne ne m'apprend mon petit bout d'histoire à moi, ma traversée de la Méditerrannée, ma triste épopée". Car au fil du temps, Nadia devient curieuse, se pose des questions et réfléchit; selon elle, "je ne suis pas celle que tout le monde croit connaître".

En fait, cette jeunesse semi-dorée, semi-amère se passe dans les années 60-70, dans une ZUP où "nous sommes tous des enfants de la guerre d'Algérie, sans le savoir". Nadia est une petite fille attachante, dans laquelle une génération peut se retrouver. Par bribes, elle raconte sa jeunesse et son début d'adolescence, échelonnée de morceaux de poèmes, de règles de grammaire, sciences ou histoire. Nadia s'affirme à l'école mais s'efface chez elle. Sa double identité relève d'un passé familial chuchoté, à peine esquissé. Elle entend "des choses" dans les cages d'escaliers ou près des boîtes à lettres mais elle ne sait rien... Brigitte Giraud livre un nouveau roman en toute simplicité, écrit avec beaucoup d'amour pour la petite Nadia, enfant 'importée", un modèle dont on gomme les angles et avec un pan d'histoire qu'on tente d'effacer, avec maladresse et méchanceté, déjà. "J'apprends" est un mélange d'innocence et de pudeur, de vérité qui sort de la bouche des enfants. C'est très simple, ce qui n'enlève pas sa qualité !


nicoParce qu'un père a façonné son garçon brutalement, le mettant au piquet, lui infligeant brimades et remontrances dans un but constant de le dévaloriser, cet enfant, Nico, grandit mal. Sous les yeux de sa soeur aînée, Laura, l'enfant va devenir adolescent, instable, boudeur, taciturne et de plus en plus impulsif. Même après le départ du père, Nico ne cessera sans cesse de s'infliger lui-même des punitions, dans un but injustifiable. Qui cherche-t-il à blâmer et sanctionner ? Sa mère trop absente, trop dévouée à ses patients, trop assistante sociale bénévole proche du médecin des pauvres ? Restée seule, celle-ci va laisser sa maison partir à vau-l'eau, impuissante également à maîtriser un garçon qui sculpte son corps, se rase le crâne, incendie des poubelles, fréquente des groupes racistes. Au sommet de cette débâcle familiale, Laura, la soeur, se détache de ce frère qui part en vrilles. Elle décrit la débandade, la fuite des uns, l'abdication des autres et la déconfiture générale.

"Nico" est un roman suffocant, mal aéré, que l'édition de poche atrophie sournoisement. C'est un drame en plusieurs actes, une tragédie sourde au sein d'un foyer rongé par le silence, la non-communication entre les membres, les non-dits et les rancoeurs. C'est dur à lire, c'est étouffant et ça impose un irrépressible besoin d'air frais. Ouf... c'est la fin.


La chambre des parents (1er roman) - Le narrateur est à quelques jours de sa libération, il est actuellement en prison pour une peine de douze ans. Son crime : avoir tué son Papa. Pourquoi? On le découvre à la toute fin, avant il écrit dans un cahier ses souvenirs, dans la petite bicoque familiale, une maman épuisée, un frère évaporé, un père silencieux, absent, exclu du noyau. Les jours ne sont pas roses, sauf lorsque le garçon fait la rencontre de Marianne, qui deviendra son grand amour. C'est un peu pour elle qu'il rédige son histoire.

On devine le pire dans cette intrigue familiale, qui s'étouffe dans ses non-dits, ses silences et ses carences. Que cache cette fameuse chambre des parents ? Ce lieu clos, interdit, ouaté, presque un sacrilège à transgresser. En lisant ce roman, la sensation d'hypnose est immédiate, l'histoire du jeune homme est terrifiante, presque. On lit d'une traite le roman que Brigitte Giraud a mené avec maestria ! (stock)


maree_noireBrigitte Giraud a écrit là un roman très grave sur les relations difficiles d'un homme et d'une femme à recoller leurs peines et leurs maux d'amour. Chacun est marqué d'un passé douloureux, l'un par le deuil et l'autre par le départ brutal du mari ingrat... Aujourd'hui tous deux passent leurs premières vacances ensemble, avec aussi leurs enfants respectifs. Et ce roman traduit toute la longue et difficile complexité de refonder un couple, avec tous les bagages que l'un et l'autre apportent. C'est beau, difficile, terriblement cruel de vérité. Un roman délicat et très lucide.

27 mars 2007

Je m'attache très facilement - Hervé Le Tellier

je_m_attache_tr_s_facilementPourquoi j'ai voulu lire ce livre ? C'est en lisant cette critique parue dans ELLE de Sandra Basch : "Il a la cinquantaine, quelques cheveux en moins, un téléphone portable, une carte Bleue et il s'attache très facilement. Elle a 30 ans, elle est très belle et n'a pas l'air du tout prête à s'attacher à lui. Il ne la connaît que depuis quelques semaines mais il est profondément épris. Au point de voler la rejoindre au fin fond de l'Ecosse alors qu'elle en attend un autre. Et voilà, notre chevalier du XXIe siècle qui s'embarque pour une Berezina sentimentale programmée. Le livre d'Hervé Le Tellier est un joli roman d'amour manqué qui dit, avec un humour tendrement féroce, que ce ne sont ni les avions en retard ni les itinéraires trop compliqués qui font les rendez-vous ratés."

Pourquoi je suis finalement restée sur ma faim ? La figure un peu pathétique de Notre Héros ne m'a guère inspiré de sympathie, dommage. Je l'ai trouvé affligeant et encombrant. S'imposer de la sorte, non moi non plus je n'aurais pas apprécié ! Qu'il ne s'étonne pas... Pourtant ce côté Caliméro qui tente de sauver les apparences a un côté cocasse qui, misérablement, inspire les ricanements. C'est pas bien, je le sais !... mais bon.

"Allons, songe-t-il, si je me montre léger, insouciant, souriant, je la convaincrai d'accepter mes baisers, ma tendresse et, tout doucement, le désir venant, de faire l'amour. J'y puiserai bien plus d'énergie que dans toutes les introspections et tous les questionnements.

Cette légèreté est une nécessité. Car si notre héros voulait bien se l'avouer, c'est de l'instant même où elle a perçu chez lui la naissance d'un sentiment qu'elle a pris ses distances, comme effrayée. Notre héroïne ne veut pas d'ennuis. Il lui semble soudain qu'il lui faut jouer l'indifférent, qu'elle s'abandonnera plus aisément à un homme qui ne l'aime pas qu'à un homme qui l'aime.

Certes, ce détachement n'est pas un trait de caractère qu'il apprécie chez elle, mais si c'est grâce à lui qu'ils font l'amour, doit-il s'en plaindre ? Oui, crie quelque chose en lui, oui, je dois m'en plaindre. Si elle ne recherche que mon désir, si elle ne cherche pas à être aimée, c'est qu'elle ne m'aime pas. "

Ce roman est très léger, dans tous les sens du terme, il n'y a que 100 pages par exemple, en tout petit format ! :) J'avais aussi trouvé le titre très beau, Je m'attache très facilement est en fait emprunté à Romain Gary !  Je reconnais, j'avais d'autres attentes, mais bon... tant pis. Le temps passé à le lire fut très agréable !  Mille et Une Nuits - 103 pages.

(Un gros merciii à Cuné .. elle comprendra !)

26 mars 2007

Affaire Sophie Jabès (2ème partie)

J'avais déjà abordé cette Affaire Sophie Jabès en décembre ( à cette adresse ). Je reviens apporter une dernière pièce à mon dossier, ayant reçu son 3ème roman qui boucle la "trilogie de contes cruels" : Clitomotrice.

clitomotricePrésentation de l'éditeur
"Clémentine avait les yeux ronds. Une bouche en cœur et un très beau clitoris. En pointe et très long. "
Un organe bien pourvu : l'idée semble séduisante Et s'il mesurait 1,98m ? Et si vous deviez l'enrouler autour de votre taille ? Qu'en penseriez-vous ? Encombrant ? Peut-être... Mais pour Clémentine il n'est pas question qu'un chirurgien enlève ce petit bout de son corps, son canari, sa fleur de courgette farcie, son abricot des îles !
Pourquoi se séparer de ce que les hommes ont tant de mal à trouver chez les autres femmes ? Elle comprend que ce clitoris exceptionnel peut devenir la clé de son succès... Cette singularité anatomique nous entraîne joyeusement dans un récit décomplexé et loufoque.

Mon avis est toujours bercé dans le scepticisme et l'agacement. Incontestablement je trouve qu'elle écrit très bien, qu'elle use de la poésie et traite du sexe sans jamais tomber dans le graveleux. C'est plutôt étonnant qu'il est important de le souligner (elle utilise rarement un langage cru pour parler de sexualité ; au contraire, c'est une sensualité sans limite qu'elle décrit - Evene). Mais l'histoire est en elle-même dégoûtante, non franchement, comment y adhérer ? comment se faire ses propres images dans la tête ? Aussitôt, mon film virait un peu à l'horreur... désolée. Je n'ai pas perdu de temps à lire ce roman, très court heureusement, et qui ne se prend pas au sérieux. Je me suis étonnée à sourire face à quelques scènes désopilantes (la jeune femme décide de ne plus complexer d'avoir un organe démesuré et décide de l'exploiter en faisant commerce de cette originalité, car Clémentine rêve de parcourir le tour du monde). La 1ère fois donne droit à un Grand Moment avec des Tralalas qui vous assomment un jeune prétendant ! 

Donc, ouf ! l'humour est de la partie. La cocasserie a sorti le grand jeu et vient extirper l'histoire de toute obscénité déplacée. Signalons cependant un passage vaguement incestueux complètement gratuit. Car on a beau dire, on a beau tenté de lui donner une chance, c'est tout de même bien difficile d'apprécier ces histoires tordues et étranges. On nous ment en décrivant le roman comme « une ronde endiablée et poétique », écrite « sans complexe, avec humour et beaucoup de fantaisie » (purjus.net), tout ce pseudo-symbolisme déployé ne suffit pas à rattraper une niaiserie ! Ce mot de la fin boucle un dossier épineux. Je n'aime pas les romans mais je suis séduite par l'écriture de l'auteur. N'est-ce pas chez Flo qu'on traitait dernièrement du sujet : Tout le talent d'écrire ne consiste après tout que dans le choix des mots. (Flaubert) ? Et ce dossier vient justement d'en porter la preuve !

Les romans sont parus chez JC Lattès et en format poche chez J'ai Lu.

26 mars 2007

Millefeuille de onze ans - Isabelle Jarry

millefeuille_de_onze_ansAprès le refus d'un manuscrit par son éditeur, Isabelle Jarry a eu l'impression que sa vie d'écrivain s'arrêtait, cette vie qui est la sienne depuis si longtemps. "Millefeuille de onze ans" est né de cette terrible déception, du doute et de l'incompréhension d'un auteur face à l'échec.
Isabelle Jarry décide de replonger dans l'année de ses onze ans, à son entrée au lycée Jules-Ferry, où elle fit la rencontre de Viviane Der Tomassian, une jeune camarade aux idées révolutionnaires, figure atypique et flamboyante, qui a bien inconsciemment guidé la jeune fille vers sa "révélation" (être écrivain !).
Dans ce livre aux 46 chapitres, l'auteur fait son portrait de jeune lectrice et d'apprenti scribouillarde, forte en contemplation, entichée de grec et latin, papivore convaincue et étudiante rêveuse et romantique, selon les critères de son amie Viviane...
C'est honnêtement un portrait en finesse, écrit avec ce souci pour les mots justes et simples, qui fait écho à toute jeune fille aux mêmes affinités (le goût des mots, des livres, la curiosité de l'écriture). C'est surprenant le nombre de passages qui interpelle, qui semble avoir été écrit par et pour soi. Même si nous ne souhaitons pas tous écrire (ou "gribouiller"), ce "Millefeuille de onze ans" semble être destiné à tous les lecteurs qui se reconnaîtront ! Cela se déguste avec appétit, moi j'adore les millefeuilles ! Et ce livre donne en aperçu toute la sincérité d'un auteur qui se questionne et revient aux origines de sa passion. Infiniment attachant et authentique, un beau livre sur les livres et le goût des mots, tout comme j'aime !    Stock, 230 pages.

" Dans cet espace ouvert de transition entre l'enfance et l'adolescence, se glissaient des bribes de rêves et de projets, je commençais à penser qu'il y avait une suite à l'histoire, un prolongement à l'enfance qui ne serait pas uniquement fait de ce que je connaissais déjà, un futur dans lequel, chose incroyable ! je pourrais prendre des décisions, des initiatives, choisir mon chemin. Je n'avais pas encore conscience qu'il faudrait un jour apprendre un  métier, et l'exercer, je ne voyais pas du tout les choses ainsi. Ce n'était pas seulement de l'insouciance, mais la conscience diffuse qu'une autre voie allait s'ouvrir, qui me conduirait là où je serais à ma place, en dehors des sentiers battus. Il suffisait d'attendre et de laisser se dénouer les fils qui pour l'instant obstruaient l'entrée du labyrinthe. Inutile de s'en faire à l'avance... "

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