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Chez Clarabel
30 juin 2007

A l'ouest ~ Olivier Adam

Encore un coup de poing littéraire : ce roman d'Olivier Adam, "A l'ouest", nous entraîne dans un univers intergalactique tant on plonge chez cette famille désespérée, malheureuse et aux bras ballants. Les dés ont été joués, ils ont perdu la partie et ne souhaitent pas remonter la pente. Marie la mère, Antoine et Camille les enfants adolescents. Lui ne va plus à l'école, il boit, fume, vomit et passe ses journées à dormir, marcher sans but, et revoit la jeune vendeuse en boulangerie pour tenter de l'embarquer avec lui pour une escapade sans retour. Camille est murée dans un silence glaçant, elle est transparente, elle s'inquiète pour ceux qu'elle aime, pleure dans sa chambre et prie en silence. Leur mère a décidé de prendre le large aussi. Tous trois sont des désespérés de la vie, le désarroi leur colle à la peau, ils ne sont pas pathétiques, ils inspirent une compassion, une volonté de les aider et les comprendre. En vain. Tour à tour la vie les malmène et les chahute. On les sait condamnés à l'avance : largués, paumés et inconsolables.
Cette lecture peut paraître déprimante, sauf qu'elle est merveilleusement servie du style d'Olivier Adam : économie des mots, des sentiments, corps et coeur désabusés, désarroi palpable et la lassitude d'être, de vivre qui se répand telle une marée noire. Collante, visqueuse, assassine. "A l'ouest" est un roman assez dur, assez grave. Il en ressort une certaine poésie mais, avant tout, une mélancolie assez belle. Assez poignante. Une très belle lecture.

juin 2004

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29 juin 2007

La petite fille brune (et autres nouvelles du Sud) - Elizabeth Spencer

la_petite_fille_brune_brocheC'est suite à la récente découverte de Kaye Gibbons, grande voix de la littérature américaine, que j'ai choisi de lire ce recueil d'Elizabeth Spencer. A son tour, elle est présentée comme s'inscrivant dans la grande tradition de la littérature du Sud, entre Faulkner et Flannery O'Connor, bien qu'elle ne bénéficie pas de la même notoriété. Avec ce recueil de nouvelles, il est donc permis de mieux apprécier l'univers de cette dame âgée de 80 ans, qui nous présente une société du Sud des USA du temps où ses histoires furent écrites, dans les années 60, il me semble.

Ce sont donc six nouvelles qui sont au sommaire, des courtes et des plus longues, comme "Ship Island" ou "L'entreprise". Le point commun entre ces deux nouvelles est cette impression de décrire un milieu, celui de la bonne société, qui est un cercle fermé et sûr de ses goûts, mais où on introduit un petit grain de poussière pour enrayer la machine. Dans "Ship Island", c'est la liaison d'un beau parti avec une jeune fille de condition inférieure, et dans la deuxième on y croise un groupe d'amis qui "respire à l'unisson" et qui a les mêmes réactions, les mêmes idées, etc. Du moins, c'est ce qu'ils pensent, car l'association de Nell Townshend avec un employé noir va fissurer de toutes parts cette belle façade. La question raciale est le principal thème de cette histoire, qui est foncièrement la plus réussie du recueil.

J'ai beaucoup aimé l'ensemble, de toute façon. Essentiellement parce que le style d'Elizabeth Spencer est très élégant, très gracieux et laisse à penser à du Edith Wharton ou du Henry James. L'auteur prend aussi beaucoup d'inspiration dans la prise de conscience qui guide les personnages, il y a finalement une action lente et beaucoup de mystères derrière les faits. "Ship Island" est un bon exemple, "La petite fille brune" également. La petite Maybeth se persuade de croire que l'employé de ses parents, un certain Jim Williams, a une fille de son âge qui souhaite devenir son amie. Toutefois elle a honte de sa pauvreté. Maybeth donne alors de l'argent à Jim pour lui payer une belle robe jaune, tout en n'ignorant pas que Jim a la réputation d'être un ivrogne invétéré. Jusqu'au bout, tout comme Maybeth, le lecteur se demande qui dit vrai, qui dit faux...

la_petite_fille_brune_pocheLe gros souci de cette lecture reste donc cette immense frustration qui frappe le lecteur. Parfois cela manque de clarté, parfois le ton mystique pénalise l'enthousiasme et parfois c'est un peu trop court (cf. Une éducation chrétienne, où la fillette découvre un monde nouveau, interdit par les parents, mais ouvert grâce au grand-père qui s'en moque !). Toutefois je ne regrette pas du tout cette découverte ! Je pense me diriger davantage vers un roman la prochaine fois, pour mieux apprécier cette plume qui s'exprime franchement dans la longueur. On parle d'humour et de lucidité, à propos des héroïnes, mais cela convient également aux histoires. Un livre plus attachant qu'on ne le pense !

242 pages - Publié au Quai Voltaire en 2003 - Disponible en format poche chez Folio depuis Avril 2006.

28 juin 2007

Strawberry Shortcakes - Kiriko Nananan

Phénomène manga ?

Je vous invite à regarder ce soir, jeudi 28 juin, le reportage de l'émission Envoyé Spécial qui traite du " Manga, un monde à l'envers " pour mieux expliquer ce phénomène. Les mangas, ces bandes dessinées japonaises déclinées sur tous les modes (jeux vidéo, dessins animés, etc.), étaient voilà peu accusés de tous les maux. Violents, visuellement agressifs, «décérébrants», ils constituaient, selon certains, une menace pour les enfants. Aujourd'hui, les mangas ont triomphé. Plus de 1000 nouveaux titres sont publiés chaque année. Et la France en est, après les Etats-Unis, le plus gros consommateur au monde. Une équipe d'«Envoyé Spécial» est partie au Japon, à la rencontre des maîtres du genre. (Lien de l'émission)

Et par la même  occasion, je vous présente :

strawberry_shortcakesElles sont quatre filles dans le Tokyo d'aujourd'hui, elles bossent, elles vivent seules ou en colocation. Elles sont toutes les quatre concernées par les atermoiements amoureux, par l'isolement et par l'envie d'aimer et d'être aimées en retour. Il y a Tôko la dessinatrice qui vit mal la trahison de son petit ami et qui régurgite la nourriture qu'elle absorbe par dépit et dégoût. Elle partage désormais son appartement avec Chihiro, une fille très belle qui a un travail nul mais qui fait tout pour rester à Tokyo et ne pas retourner chez elle, dans sa triste campagne. Elle a un petit ami mais elle attend de lui qu'il soulève des montagnes... Tôko ne supporte plus Chihiro, et cette dernière est jalouse de sa force intérieure et de son indépendance financière.
Akiyo est aussi amoureuse de son meilleur ami Kikuchi mais n'arrive pas à lui dire et souffre en silence. Elle vend son corps pour s'offrir un jour la maison de ses rêves, mais elle craque à force de faux-semblants. La quatrième protagoniste est plus discrète, tranquille dans son existence rangée, gourmande et curieuse, elle attend aussi l'amour, qui ne vient pas.

Alors ça ne semble pas très rose, a priori. Et ce n'est pas faute d'en mettre, comme sur cette délicieuse couverture ou avec ce titre "Strawberry shortcakes" = Millefeuille à la fraise. Pourquoi ? "Malgré les apparences, au fond, nous sommes comme des mille-feuilles aux fraises : jolis, fragiles, sucrés."
Et ce sont également les trois qualificatifs qui viennent en tête quand on termine notre lecture. Ce monde féminin n'est pas sentimental et niais, il est plus complexe. Kiriko Nananan est une experte en la matière, déjà auteur de "Blue" et "Everyday", son créneau s'inscrit dans la douleur douce, dans l'étonnante et émouvante subtilité de la sexualité féminine. Elle pénètre l'âme humaine avec une facilité renversante, aidée par son art du dessin qui joue avec l'alternance de gros plans de visages, de silhouettes ou d'objets décadrés, en plus de l'utilisation du monologue. Même si parfois cela frise la morosité, il est impossible de ne pas adhérer à cette histoire, d'aimer les personnages et de les comprendre, de s'apitoyer sur leurs sorts et de souscrire à leurs préoccupations. Il y a une poésie derrière les larmes et la tristesse, un charme ténu, oui vraiment cette lecture est pénétrante, perspicace et raffinée. J'ai vraiment beaucoup aimé...

Traduction : Corinne Quentin. Casterman, coll. Sakka. 330 pages.

27 juin 2007

Une femme vertueuse - Kaye Gibbons

une_femme_vertueuseD'un côté, il y a Jack Ernest Stockes, ouvrier de ferme un peu rustre, inconsolable depuis la mort de son aimée. Et d'un autre, il y a donc la voix de Ruby, jeune fille de bonne famille, vingt ans plus jeune que lui et décédée d'un cancer foudroyant.

Ce récit à deux voix est une bouleversante histoire d'amour, une vraie histoire, avec beaucoup de tendresse et de douceur. C'est facile à dire quand on a tourné la dernière page du livre, car ce n'est pas donné au commencement. Bien sûr, il y a les petits plats congelés pour nourrir Jack pendant trois mois, et justement le temps imparti s'est écoulé et l'homme a son congélateur vide. Aussi vide que sa vie de veuf qu'on ne peut consoler.

Toute l'histoire de Jack et Ruby est une immense aventure commencée dans la tragédie, laquelle aura du mal à se détacher, et qui s'achèvera brutalement avec la maladie. Non ce n'est pas rose, le milieu est rude, celui du Sud implacable, avec ses bigots, ses bons à rien doublés d'ivrognes, ses mégères jalouses. Heureusement qu'il y a l'amour, les copains fidèles, la petite fille douce et intelligente, la vie à deux et les souvenirs... Jack et Ruby ne sont pas des sentimentaux, ils ne pondent pas de grands discours, leur façon à eux est plutôt maladroite et rustique. Mais c'est justement leur point fort, c'est admirable et émouvant, "J'ai beau ne pas être bien savant, je la comprenais." Ou c'est comme : "Je vais dire oui, et, avec ça, essayer de vivre."

Pas de chichis, mais c'est dit avec bon coeur. Kaye Gibbons, qualifiée de grande voix de la littérature américaine, impose ainsi un style infaillible et remarquable. Ses personnages aussi sont extrêmement réussis, ils ne sont pas mélodramatiques, ils sont juste humains. Et par un fait étrange, ce roman est faussement tendre. Pas en apparence, mais dans le fond, quand on gratte bien la couche... une fois cette découverte mise à jour, c'est bouleversant !

168 pages - Coll. Titres de Christian Bourgois. Traduit de l'américain par Marie-Claire Pasquier. Titre vo : A virtuous woman.

PS : Je n'aime pas la couverture.

  • A special thank to Dame Cunegonde dont l'avis plus qu'enthousiaste m'a conduite à cliquer frénétiquement sur le bouton gauche de ma souris ! ...

  • A lire aussi chez Lily , chez Héri , chez Gambadou , chez Caroline_8 , chez Sylire 

26 juin 2007

En des lieux désolés - Kay Mitchell

en_des_lieux_desolesA Malminster, la gente féminine court un grave danger depuis qu'une série de meurtres frappe la communauté, s'en prenant à des jeunes filles rentrant seules le soir. Trois filles ont été surprises, la quatrième est retrouvée in extremis sur le pas de sa porte. Il s'agit de la fille aînée de l'inspecteur chef Morrissey !

C'est donc le deuxième titre que je lis de Kay Mitchell et le deuxième dans l'ordre de publication, après "Un si joli village". On y retrouve John Morrissey et son équipier Neil Barrett sur les sentiers sordides de cette enquête criminelle, aux trousses d'un serial-killer qui semble jouer avec les nerfs de l'inspecteur.
En plus de son habileté à mener son histoire, Kay Mitchell parvient à instaurer une ambiance de plus en plus attachante grâce à ses personnages. Morrissey est un homme marié, accaparé par son boulot, qui s'en veut d'oublier l'anniversaire de mariage alors que son épouse s'y est appliquée depuis des mois. Et Barrett est un cavaleur, un intrépide prêt à boucler toutes ses affaires (criminelles et sentimentales) en un tour de main. Sans cesse taquiné par son supérieur, Barrett doit se mordre l'intérieur de la joue pour ne pas exploser et s'appliquer dans son travail, surtout quand il essuie les foudres de son chef, excédé de ne pas être à la hauteur dans son propre foyer !

Bref, une enquête bien menée, un schéma classique, mais un suspect pas facile à appréhender (ni même à deviner pour le lecteur !), "En des lieux désolés" (référence au poème d'Eliott) est donc une lecture tout à fait indiquée pour se détendre et activer ses neurones au service de crimes exercés par un maniaque sexuel ! Jamais glauque ni morbide, ce policier est fort sympathique, et saupoudré avec un peu d'humour british !
A découvrir.

250 pages - Librairie des Champs-Elysées, coll. Labyrinthes. Traduit de l'anglais par Florence Vuarnesson. Titre vo: In stony places.

J'en profite pour tirer mon chapeau car les 4ème de couverture dans cette collection sont toujours très bien rédigées. Encore pour exemple : Pour un mannequin en quête de célébrité, figurer en page trois du Sun peut faire office de tremplin pour la gloire. N'est-ce pas sur cette célèbre planche que s'étale leur vérité... toute nue ? Mais les stars le savent bien, le vedettariat n'entraîne pas que des avantages. Gail Latimer, faisant fi des conseils de prudence de ses proches, a exposé ses charmes aux yeux de tous. C'est hélas à la seule vue du médecin légiste qu'elle dévoile son cou marbré de bleu. L'admirateur qui l'attendait dans le sous-bois près de son domicile a également étranglé deux autres jeunes femmes dont le plus grave défaut était sans doute une beauté... sans défauts.

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26 juin 2007

Naissances - Collectif d'écrivains féminins (sous la houlette de René Frydman)

naissancesCe sont huit voix de femmes qui s'expriment, des écrivains qui sont aussi des mamans. Elles nous offrent ce qui les caractérisent si bien : l'extravagance avec Marie Darrieussecq, le fou-rire avec Hélèna Villovitch, Agnès Desarthe, Geneviève Brisac et Catherine Cusset, un peu de sérieux avec Marie Desplechin et Camille Laurens, et une grande lucidité avec Michèle Fitoussi (qui, elle, parle davantage de la "deuxième naissance", quand l'enfant quitte le cocon familial).
Au-delà du thème, ce livre avait l'atout de me plaire car il réunissait 8 auteurs que j'affectionne sans exception. Quant au contenu, je me suis sentie tour à tour bouleversée et concernée. A leur façon ces 8 femmes ont su reproduire l'instant flippant, fantasmagorique, angoissant, extraordinaire et magique qu'est la naissance de son enfant.
Pour la plupart, elles racontent leur toute première expérience avec une verve décoiffante. Et c'est émouvant de se reconnaître dans ces histoires, qui renvoient à nos propres expériences.
Car s'il est désormais admis que l'enfantement, c'est beau et moche à la fois, ce recueil nous le rappelle à sa façon. C'est Camille Laurens qui l'exprime ainsi : "Je ne voudrais pas finir sans dire ceci : que la naissance n'est pas seulement ce moment hautement dramatique, ce cataclysme ponctuel, cette catastrophe au sens étymologique. C'est aussi et d'abord une expérience quotidienne et partagée, la présence d'un objet d'amour éternellement perdu et retrouvé, un bouleversement permanent fait de connaissance et d'énigme, de distance et de fusion, d'absence et d'effusion. Tous les jours, je regarde ma fille comme si elle venait de naître, et je n'en reviens pas. On ne revient pas de la naissance, on y reste, on y est toujours."
Magnifique !

Points - 180 pages.

  • C'est grâce à Laure si j'ai d'abord lu ce livre en Janvier 2006 édité chez L'Iconoclaste. Il est désormais disponible en format poche, je me le suis offert ! ... :o)  Encore merci à L. pour la découverte !

25 juin 2007

DoAdo Noir, une collection de la "jeune littérature" de grande qualité !

je_mourrai_pas_gibierLe village de Mortagne est divisé en deux clans : les vignerons et les scieurs, les employés de la scierie dirigée par M. Listrac, où Frédo Lopez est le contremaître. A Mortagne, aussi, tout le monde chasse. Il y a même un dicton populaire qui cite : "Je suis né chasseur ! Je mourrai pas gibier !".
Mais Martial en a soupé de cette ambiance, de ce trou perdu et de cette mentalité de "bourrins". Il a d'ailleurs choisi la mécanique pour bien marquer la distance. Cela n'empêchera pas la bêtise et la violence de faire son nid à Mortagne.
Mais les têtes brûlées façon Frédo Lopez, Martial en a assez et a décidé de faire leur fête le jour du mariage de son frère. Un fusil de chasse, douze cartouches, des nerfs en béton... Martial met en joue.
Au final : cinq morts, deux personnes dans un état grave et un blessé léger.
Comment en arriver là ? Que se passe-t-il dans la caboche d'un ado plutôt sain d'esprit qui décide de faire justice lui-même, après les actes de barbarie organisés contre le benêt du village ?
L'histoire n'est pas tendre. Guillaume Guéraud a ouvertement inscrit son histoire dans un rythme vif, très nerveux. Il met en scène une violence ordinaire, sous prétexte d'une guéguerre ancestrale, au sein de bougres mal embouchés. La bêtise est brutale, mais hélas associée à un milieu retiré, esclave de la pauvreté sociale et intellectuelle.
Pour échapper à son destin, un gamin a simplement décidé de faire un carnage.
Un roman noir et terrible, lauréat du Prix Sorcières 2007 décerné par l'association des bibliothécaires de France.

80 pages - Janvier 2006.

anges_de_berlinPour fêter la fin de l'année scolaire et des épreuves du bac, Mary convie sa fille Solti à un week-end à Berlin pour le Live 8. Au cours de l'après-midi, la jeune fille s'échappe et laisse sa mère se reposer, mais à l'heure du rendez-vous, nulle trace de Mary !
Désemparée, Solti cherche dans les rues berlinoises, demande une aide quelconque et rencontre un jeune homme qui parle français et vit dans la capitale allemande depuis quelques temps, il s'appelle Nels. Musicien et idéaliste, il n'hésite pas à guider la jeune Solti vers No F., un type bourru qui ne s'exprime que dans sa langue natale, un vieux punk renfrogné qui n'aspire guère de sympathie.
Pourtant, No F. va obtenir des informations précieuses pour mettre la main sur Mary. Cette dernière, ne donnant plus signe de vie, semble en mauvaise posture, ceci étant lié à ses activités d'anarchiste et d'extrême-gauche dans sa jeunesse, quand Mary étudiait à Berlin.
Le temps présent est celui de la vengeance, des réglements de compte. Des anciens camarades refont surface, une femme a été assassinée, bref l'angoisse noue le ventre de Solti, désespérée du sort réservé à sa mère, décontenancée d'apprendre toutes ces mystérieuses embrouilles et dégoûtée par un week-end qui vire au cauchemar.
"Anges de Berlin" est le genre de roman absolument noir, prenant, captivant et angoissant qu'on refuse d'abandonner. Il est écrit de manière tendue, avec des phrases concises, et ne laisse aucune place pour lâcher la pression. Sylvie Deshors, l'auteur, décrit un milieu opaque, celui de l'underground berlinois, celui des anarchistes et des groupuscules de l'extrême. Dans le Berlin d'aujourd'hui, au-delà du climat festif, la violence est tapie dans l'ombre, avec l'organisation politique des néo-nazis.
Ce roman pourrait décontenancer tout jeune lecteur non averti, et pourtant la collection doAdo Noir est désormais réputée pour éviter tout écueil.
Personnellement j'ai été scotchée par cette histoire, admirablement écrite, au style syncopé et percutant. Le récit est terriblement excitant, il n'hésite pas à mêler la peur et l'incertitude aux arcanes de ce polar haletant. Agressions, meurtre, traque informatique sont au menu !
Régalez-vous !

210 pages - Mars 2007.

24 juin 2007

Les deux morts d'Hannah K ~ Renaud Meyer

Les deux morts d'Hannah K" d'abord interpelle son lecteur : le narrateur entre en guerilla avec sa voisine du dessus, une vieille dame seule qui vole le courrier du jeune homme, dépose des détritus sur son paillasson, met le poste de télévision à plein volume, envoie de l'eau par le balcon.. bref entre ces deux-là ce n'est pas le grand amour. Jusqu'à cette soirée qui fait basculer leur destin et tous deux vont entretenir une très belle amitié. Celle qui se dit Hannah K va raconter son enfance, son souhait de devenir rabbin, puis sa passion pour le théâtre et le violon, ses débuts de comédienne à Varsovie, sa rencontre avec Louis Jouvet et son hypothétique liaison avec l'homme... Lorsque cette Hannah K décède, le jeune homme va apprendre une autre réalité : elle était tout simplement Anna K, ouvreuse dans un cinéma et passionnée de théâtre, elle était folle et rien de ce qu'elle a raconté n'était vrai. Alors le jeune homme va mener sa propre quête de la vérité, trouver des carnets intimes écrits par une Hannah K, comédienne vivant dans le ghetto de Varsovie dans les années 40. Ses carnets racontent tout le quotidien des Juifs polonais dans le ghetto, livrent des réflexions pointues, cruellement justes et poignantes sur une réalité effarante. Entre Anna K et Hannah K, la frontière entre la vérité et la mythomanie est si infime...
Ne pas trop en dévoiler, car ce premier roman de Renaud Meyer, comédien de son état, nous raconte une véritable et captivante histoire d'un jeune trentenaire qu'une rencontre anodine va complètement chambouler. Le style d'écriture est incroyablement soigné. La forme du roman, judicieusement construite, recèle un témoignage hors pair du ghetto juif de Varsovie. Qui ne sera pas touché par cette confession passe son chemin... C'est un roman qui fait aussi découvrir le désarroi d'un peuple parfois incrédule par tant d'injustice, d'oubli de l'extérieur, un peuple qui tente de résister par le théâtre, une passion qui les fait tenir debout, envers et contre tout.
Vraiment captivant, ce roman bouleverse tout autant. Je le recommande chaudement.

juin 2004

24 juin 2007

Une femme sans histoires - Christopher Priest

Réfugiée dans le Wiltshire depuis son récent divorce, Alice Stockton cumule les infortunes en apprenant que son manuscrit vient d'être saisi par le ministère de l'Intérieur avant même sa publication. Incapable de comprendre cette action, décidant d'en découdre avec son agent littéraire, Alice voyage entre Londres et Milton Colebourne en pure perte.

Dans la foulée, elle apprend la mort brutale de sa voisine et amie, Eleanor Traynor. Qui voulait la peau de cette vieille dame sans histoires ? Alice est bouleversée mais refroidie en faisant la connaissance de Gordon Sinclair, qui prétend être le fils d'Eleanor.

une_femme_sans_histoiresAussi troublant qu'inquiétant, le roman de Christopher Priest ne baigne pourtant pas dans la science-fiction pure et dure, c'est au contraire très discutable ! Je pense même à un roman policier à tendance morbide, dans cette ambiance poisseuse et assommante, où les dangers percent de toutes parts. Le personnage d'Alice Stockton manque un tantinet de charisme, elle apparaît faible et indécisive, mais privée de son travail d'écrivain elle atteint une dimension fort intéressante.

Le travail de création et de frustration littéraires est du reste fort bien représenté, admirablement exploité. C'est d'ailleurs ce personnage de femme écrivain vivant seule avec son chat dans la campagne anglaise qui m'a incitée à lire ce roman classé SF ! Je ne suis pas du tout une férue de ce genre, j'étais donc sceptique. Mais laissez-moi dire que ce roman ne collectionne pas trop les clichés de sa classe ! Bien loin de là.

On soupçonne la forte angoisse, les arcanes entourant la mort d'Eleanor Traynor ne sont pas non plus lisses et rassurants. Et les chapitres où le personnage masculin sous-entend créer une nouvelle réalité sont superbement déroutants, même agaçants vers la fin du roman. C'est bien l'ennui avec ce livre. Au départ, on le dévore, le style "roman policier un peu morbide" est alléchant, puis vers les 150 dernières pages, le ton devient trop huileux et plus glauque. C'est dommage car la matière était bonne et c'est avec ce genre de lecture que mon horizon de lectrice peut s'élargir. Je ne suis pas totalement vaincue, mais ce ne fut pas le choix le plus convaincant !

Folio SF, 385 pages - Traduit de l'anglais par Hélène Collon. Cet ouvrage a été précédemment publié dans la collection Présence du futur aux éditions Denoël.

  • A lire : LeLittéraire.com qui juge le roman "brouillon d'une future grande oeuvre en gestation" (le roman a été écrit en 1990) ; scifi-universe.com qui trouve ce roman à la limite de la littérature blanche et très agréable à lire ** Auteur lu par Les Rats de Biblio-net (avec Cuné & Chimère dans les starting-blocks !!!)

23 juin 2007

Le Dieu des Cauchemars - Paula Fox

dieu_des_cauchemars"Au début du printemps 1941, treize ans après nous avoir quittées, ma mère et moi, mon père, Lincoln Bynum, est mort loin de nous dans un village côtier au nord de la Californie." Aussitôt, la mère d'Helen Bynum congédie aimablement sa fille unique de leur petite ville de Poughkeepsie, située au nord de New York, et l'engage à se rendre à La Nouvelle Orléans où réside la tante Lulu, ex-danseuse aux Ziegfield Follies convertie en alcoolique notoire.

Helen découvre sa tante dans une salle de bal, elle est nue et plongée dans un profond sommeil après une consommation excessive d'alcool. A ses côtés, se trouve un grand jeune homme avec une épaisse chevelure, "plumeuse et argentée", répondant au nom de Len Mayer. "Je savais depuis longtemps que Lulu avait ce que ma mère appelait une vie de bohème, qu'elle faisait fi des contraintes ordinaires. Mais je n'avais pas la moindre idée de ce que cela signifiait dans la réalité. Alors, l'idée même que j'étais venue dans le Sud pour persuader cette grande créature rousse pleine d'alcool d'aller s'occuper d'une pauvre petite affaire de location de bungalows dans la campagne glacée du Nord m'a paru si grotesque que j'ai soupçonné ma mère de m'avoir joué un tour monstrueux et une bouffée de rancoeur m'a envahie".

Helen Bynum, vingt-trois ans et célibataire un peu cruche, vient d'atterrir dans une existence toute neuve et extraordinaire. Elle s'installe dans le Quartier Français, chez un couple charmant mais illégitime, va trouver un travail de vendeuse en sous-vêtements féminins avant d'enrichir son réseau relationnel.

Car plus riche que cette ambiance nacrée d'une vie excitante dans ce Sud américain, Helen Bynum s'aperçoit du luxe des amitiés, des rencontres, des amours. Ils sont plusieurs à échouer dans la loge de Gerald Boyd, "tous ceux qui venaient là avaient des histoires à raconter". Ils forment une communauté d'âmes désoeuvrées, des éclopés un peu brusqués par la rudesse de cette année 1941, où les échos meurtriers survenant en Europe viennent assombrir les humeurs.

Le doute plane. Lulu n'arrive plus à maintenir la tête hors de l'eau, Nina a le coeur brisé par le Dr Sam Bridge, Gerald promet d'achever ses poèmes et espère obtenir le divorce pour épouser Catherine, le libraire Howard Meade rugit de jalousie et vampirise épouse et maîtresses, Claude de Fontaine, érudit et terriblement dandy, entretient une liaison clandestine avec une petite frappe de la pègre, et Helen, au coeur de toutes ces belles tourmentes, est de plus en plus séduite par Len...

Ce roman admirablement écrit par l'américaine Paula Fox est au-delà de tous les mots un roman sur une ambiance, un état d'esprit. Le petit cercle des personnages créés sous sa plume contribue à cette délicate atmosphère, subtile et ravagée par le charme ensorcelant de La Nouvelle Orléans. Il ne faut pas se laisser décourager par les premières pages moroses et qui n'introduisent pas à leur juste valeur les qualités effarantes qui vont suivre ! Car "Le Dieu des Cauchemars" est un roman poignant, puissant, sensuel, où se dégagent l'amitié, l'amour associés à la trahison et la déloyauté.
A ne pas manquer !

Joelle Losfeld - 216 pages - traduit de l'américain par Marie-Hélène Dumas. Préface de Rosellen Brown.

extrait :

Je suis restée à la porte de la petite pièce où Gerald travaillait, sans autre intention que d'y jeter un regard. Puis je suis entrée. Une simple étagère était accrochée sous la fenêtre qui donnait sur le jardin sauvage, remplie d'ouvrages de poésie : Chaucer, L'Iliade et L'Odyssée, Keats, Walt Whitman, William Carlos Willimas, Hart Crane, John Donne et plusieurs anthologies dont les couvertures reproduisaient des photos de poètes placées dans des petits médaillons. Il y avait sur la table une machine à écrire, une Remington portable, et quelques cahiers pareils à ceux que j'avais eus à l'école. Un crayon était posé en travers d'une longue feuille de papier, couverte de listes de mots.

J'avais toujours pensé que les poètes attrapaient leurs poèmes au vol. Comment est-ce que rimes et sens pouvaient s'associer de façon si absolue, former ce qui ressemblait à une chose si naturelle ? Et laisser croire que le poème était déjà là, objet attendant qu'on le trouve ?

La liste de mots - il y avait beaucoup de feuilles jaunes empliées, couvertes d'autres listes rédigées de la main de Gerald - suggéraient un humble labeur dont je n'avais pas eu idée.      (...)

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