Samuel Polaris est un écrivain qui n'écrit plus. Pourquoi ? il doute, mais encore ? Il a quarante-cinq ans, il est marié à une femme orthophoniste, Anna, père de trois enfants. Mais concernant ce petit noyau familial, Samuel se sent étranger, exclu, "locataire dans un hôtel". Sa vision du monde et de la société environnante est cynique, sinistre et dérisoire. Samuel tourne tout en ridicule, son inactivité, l'adultère de sa femme, son rendez-vous râté chez le dentiste...
Et puis, un jour, en tête-à-tête avec son psychothérapeute, Samuel va faire "la rencontre de sa vie" ! Une montre, ayant appartenu au président Kennedy peu avant son assassinat, va réveiller chez cet homme des élans de résurrection ! Car cette montre, finalement, il la lui faut à tout prix !
En ouvrant ce livre, on peut trembler aux premières lignes de la confession de cet homme qui est complètement largué. "Hier, j'ai acheté un revolver" commence l'histoire. Le doute s'installe : l'homme serait-il suicidaire ou assassin prémédité ? Et puis le doute n'est plus permis. Jean-Paul Dubois mène la danse et son lecteur droit au but.
Personnellement j'ai été instantanément sous le charme. Ma soeur pourra dire que c'est "encore un livre de déprime", et pourtant moi j'aime ça ! Pas le glauque, la morosité, etc. Mais la magie du style, la litanie de cet homme perdu, ses mésaventures médicales et cocasses, sa causticité à critiquer le Système. Même si le personnage est fondamentalement antipathique, l'auteur a su l'entourer d'un charisme fou. Samuel Polaris charme, envers et contre tout. Certes, il se regarde trop le nombril, affiche une complaisance affligeante, une indolence répugnante, mais cet homme pense, réfléchit et c'est singulièrement bien dit, bien mûri !
"Kennedy et moi" est un roman fascinant, qui se lit très vite, et qui dresse un portrait non consensuel de l'homme dans sa quarantaine ! Mais l'épouse, Anna, a aussi sa part belle et c'est bien égal !
202 pages / points
On reprend dans ce roman de JP Dubois le personnage de l'écrivain dilettante dans son quotidien excentrique au coeur de sa maison, bâtie de ses propres mains, et de sa famille, son épouse Anna et leurs trois enfants. Si vous avez déjà lu "Kennedy et moi", vous aurez un certain goût de déjà-vu avec "Tous les matins je me lève". Et pourtant ce roman est paru huit ans avant l'autre !
Mais les personnages ne sont pas totalement les mêmes; ici l'écrivain s'appelle Paul Ackerman. Il est sur le point de boucler son huitième roman, mais au commencement de cette histoire Ackerman est victime d'un accident de voiture. Dans la pagaille, il perd sa voiture chérie, une Karmann cabriolet. Et c'est ainsi qu'il devient propriétaire, presque dans la foulée, de l'anglaise Triumph, qui vrombit et freine capricieusement.
En fait, dans "Tous les matins je me lève" Jean-Paul Dubois nous fait l'exploit de raconter les aventures d'un type totalement ordinaire : il ne se passe rien de sensationnel chez lui ! Les quelques épisodes autour d'un ou deux camarades semblent davantage agrémenter l'étoffe du roman plutôt que l'enjôliver. Ces quelques croquis sont proches de l'accessoire ! Et pourtant j'ai du mal à en vouloir à l'auteur car je me suis une nouvelle fois passionnée pour cette histoire banale d'un type quelconque. Son style me fascine et me charme littéralement.
Et puis Dubois possède aussi un certain humour ironique dans sa façon de voir les adolescents, les assureurs, les groupies blondes et les chameaux ! Il laisse voguer en toute allégresse son imagination farfelue, essentiellement dans les rêves d'Ackerman (qui devient champion de rugby ou de golf, ou parvient à voler) ! Un bon roman à découvrir.
212 pages / points
En personnage central, Zimmerman est un type paumé, du genre quelconque et à la vie monotone (encore et toujours !). Il est journaliste aux pages sportives, spécialiste de la boxe. Il a trente ans, il vit seul, sa mère est morte dix ans auparavant et son père a disparu dans la foulée. Il entretient une relation acrobatique avec une collègue, Rose. Mais rien ne semble l'ancrer davantage dans cette existence routinière. Jusqu'au jour où il se fait aggresser par un inconnu, qu'un colosse vient tambouriner à sa porte chaque soir, vociférant son nom et l'ordre d'ouvrir sur le champ. Ce "monstre" semble surgir du passé, comme pour rendre des comptes. Il faut en finir, pour Zimmerman. Il faut tuer le passé !
"Les poissons me regardent" met toujours en scène un héros ordinaire décalé et dépressif, en agonie avec la vie quotidienne. Le roman est toutefois plus amer et plus glauque, les retrouvailles de Zimmerman avec son passé sont teintées de compétitions de boxe, de courses hippiques et de beuveries gerbantes qui se concluent dans des taxis. Pour le coup, c'est un peu écoeurant. Mais Dubois ne sature pas, c'est impressionnant. Ce roman bref se conclue à l'arraché et les aventures de Zimmerman peuvent mettre k-o, pourtant ça se boit comme du petit lait !
192 pages / points
Paul Miller, quarante ans, était marié à Anna jusqu'à l'incendie volontaire de leur maison, provoqué par cette épouse silencieuse et pleine d'acrimonie. Loin d'éprouver chagrin ou remords, Paul va vivre dans un petit appartement où il y rencontre des voisins détonnants : les soeurs Niemi, un vieux médecin solitaire et un prêtre lubrique. Il exerce aussi des petits boulots (distribuer des journaux ou tondre des pelouses). En bref, la vie de cet homme est des plus sordides, lamentables mais drôle !
Face à tant de débandade et de dérision, Paul ne se démonte jamais et livre au lecteur ses pensées les plus abracadabrantes. D'Anna, il reconnaît qu'elle était "une folle" qui a bousillé son semblant de vie. De ses fils, ce sont tour à tour des anguilles, des blattes et des orphelins !
Paul est insensible, cynique et tourmente ses voisins (un peu). Son machiavélisme avec le prêtre Joseph Winogradov est une ingéniosité en rouerie et perversité. Personnellement, j'en ris ! Pour le reste, on peut reprocher à l'histoire d'être glauque et plombante. Pourtant, j'aimerais qu'on fasse le tri dans le portrait de cet homme : ses fantasmes, ses obsessions ou sa vengeance sur "la folle" révèlent un personnage sarcastique et débonnaire, conscient de ses faiblesses, inapte d'accomplir le moindre mal.
"Je suis fatigué de toutes ses luttes improductives. Je ne possède pas la fureur et les vertus d'Anna. Je ne vais pas au bout des choses. Je n'aurais jamais été capable d'être bourreau. Je peux tourmenter une âme, je suis incapable de couper une tête." Toutefois, il réussira à garder le silence, jusqu'au bout ! Prêt à rendre chèvre son psychiatre, ses voisins ou ses fils. Paul se régale, seul, dans sa tête, même la toute dernière phrase tire le sourire. Voilà pourquoi j'ai pas mal aimé ce roman !
183 pages / points
Paul Klein se trouve à Jérusalem, interné dans un hôpital psychiatrique. Comment, pourquoi ? Ses confidences sur papier vont ouvrir la porte à un secret de famille. Paul se croit l'otage de son frère jumeau, Simon. Jusqu'alors, la vie de Paul était limpide, chaotique, mais simple. Il a été marié à Anna, le couple a eu deux enfants, il était spécialiste en météorologie, menait une petite vie idyllique près de Toulouse. Puis il est parti à la conquête de Montréal, aux trousses d'une chasseuse d'ouragans. D'un autre côté, Simon, son frère, semble l'avoir toujours jalousé, du moins lui a toujours reproché d'avoir renié ses origines juives. La brouille entre les jumeaux va durer des années, aidée par l'exil de Simon à Jérusalem, pour un même internement.
Alors ?.. Que s'est-il passé dans l'existence de Paul Klein pour être tombé si bas ?
Autour du personnage de Paul Klein, on s'attache à une kyrielle de caractères secondaires, qui sont autant d'éléments nécessaires au portrait du héros et de son histoire ! La relation entre Paul et son frère, ou Paul et les deux femmes de sa vie, et même Paul et son beau-père, est à chaque fois maîtrisée, aiguisée, jamais tirée à gros traits, tantôt cynique, cruelle ou malicieuse. Dubois est au plus juste ! Poilant, honnête, touchant et captivant !
Dans "Je pense à autre chose", on retrouve (pour ma part) du bon, du vrai, du grand Jean-Paul Dubois ! Celui que j'ai aimé dans des romans comme "Kennedy et moi". Une nouvelle fois l'auteur s'attache à la formule payante de chapitres courts et incisifs, et à une saga familiale teintée de suspense et d'humour. C'est tout bon, j'ai dévoré !
265 pages / points