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Chez Clarabel
10 mars 2007

Fenêtre sur Cour (1954)

Fenetre2Greenwich Village, appartement au 2ème étage. Un homme fait la sieste, sa jambe gauche dans le plâtre. C'est un reporter-photographe. D'être coincé chez lui le rend nerveux, et ça l'ennuie. Il passe le temps à regarder par la fenêtre ses voisins. Progressivement, il s'y attache : la danseuse sexy, le compositeur de musique, la vieille fille solitaire, le couple sur son balcon, les jeunes mariés...
Une nuit, Jeffries est réveillé par un cri de femme. Effrayant. Pourtant, aucun signe dans le voisinage.
Au petit jour, il se surprend à observer son voisin d'en face, sa femme qui passait ses journées au lit semble absente. L'homme a un comportement étrange. Il sort la nuit sous une averse orageuse en allant et venant avec des valises. Il enveloppe une scie, emballe tous les vêtements de son épouse dans une grosse malle.
Jeffries songe à un meurtre. Il en parle à son infirmière, à sa fiancée (la ravissante Lisa interprétée par Grace Kelly) et à un détective mais tous le déboutent. Et puis il est critiqué pour son voyeurisme déplacé. C'est une grave atteinte à la vie privée d'autrui.
fenetre6Et pourtant, le dénommé Thorwald est inquiétant. A bien l'observer, oui, Lisa pense que la théorie de Jeffries est plausible !

Pendant presque deux heures, on assiste auprès du personnage de James Stewart à espionner son voisinage, à suivre ses regards, à partager ses pensées, à trembler pour lui.
Hitchcock a restitué un plateau de tournage à la hauteur de ses ambitions. Ce Greenwich Village façon années 50, on y croit, on s'y sent comme chez soi, on swingue en écoutant du jazz, on butine en prenant un bain de soleil, on se regarde de coin, derrière son volet, même si chaque appartement affiche sans pudeur son intérieur. Peut-on blâmer James Stewart de prendre ses jumelles (puis son appareil photo avec zoom hyper puissant) pour tromper son ennui ?
fenetre8Comme le souligne Hitchcock, nous sommes tous des observateurs, ce n'est point un défaut, cela dépasse la curiosité. Sa technique pour "Fenêtre sur Cour" impliquait la théorie : "Le cinéaste n'est pas censé dire les choses. Il est censé les montrer." Et il faut reconnaître ce génie, Hitch sait nous raconter une histoire, il nous captive, il badine avec un peu de sentiments (la bluette entre Jeffries et Lisa), mais surtout il introduit le doute, l'angoisse et exploite le voyeurisme pour déjouer un meurtrier potentiel.

C'est du grand Art ! "Fenêtre sur Cour" comporte plusieurs éléments qui sont aujourd'hui décortiqués, analysés, référencés, etc. Une recherche sur le net vous en donnera tout le poids, c'est flagrant. Ce film figure parmi les oeuvres majeures de son réalisateur, notamment parce que l'histoire est du jamais-vu, parce que les acteurs Lonelyhearts1sont étonnants, parce que l'ambiance mêle l'insouciance et la tension suspecte...

A noter aussi la lecture du roman de Sébastien Ortiz  "Mademoiselle Coeur Solitaire" (Gallimard) qui donne une vraie vie à un personnage secondaire de ce voisinage, Miss Lonely Hearts ! Très bon roman !

Fenêtre sur Cour, film d'A. Hitchcock (1954) - avec James Stewart, Grace Kelly, Thelma Ritter, Raymond Burr, Wendell Corey, Judith Evelyn... Titre vo : Rear Window.

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9 mars 2007

Le livre du Temps, Tome 1 : La pierre sculptée - Guillaume Prévost

livre_du_temps_1Samuel Faulkner vit chez ses grand-parents depuis la mort de sa mère, il y a 3 ans. Son père Allan, surnommé “le prototype de l'original”, a ouvert une librairie de livres anciens dans un quartier plus reculé de la ville. Quand dix jours passent sans avoir la moindre de ses nouvelles, Sam commence à s'inquiéter. Il se rend alors jusqu'à la librairie et découvre dans la cave une étrange statuette avec des jetons autour. Il touche à tout, puis ressent une sensation de chaleur... L'instant d'après, il se retrouve sur l'île d'Iona en l'an 800, chez une communauté de moines. L'aventure n'en finit pas. Et de chapitre en chapitre, Sam voyage dans le temps, débarque dans des situations épineuses. Il n'a toujours pas trouvé son père et tente malgré tout de rentrer chez lui. 

Ce tome 1 d'une saga absolument passionnante est une introduction fort habile et enthousiasmante. On y fait la rencontre d'un adolescent taciturne qui deviendra le héros d'aventures incroyables. Intrépide et futé, Samuel Faulkner se dévoile au fil des épisodes, à travers une épopée jubilatoire. On passe du Moyen-Age à l'Egypte ancienne sans moufter, puis retour dans le présent avant de reprendre l'enquête. C'est passionnant. Même le livre en lui-même est esthétiquement parfait, il se présente comme un grimoire, avec une couverture cartonnée et une jaquette étonnante. Ce début de trilogie est plus que prometteur ! 

Gallimard Jeunesse, 237 pages (2006)

  • Clin d'oeil : « Sam essaya de rassembler ses maigres connaissances sur l'alchimie : il avait entendu parler de la pierre philosophale - merci Harry Potter - , de la fabrication de l'or à partir du plomb ou du mercure - il ne se souvenait plus - et puis c'était tout. Il faudrait y aller à l'instinct... »

8 mars 2007

Les fantômes de Century - Sarah Singleton

centuryDans un manoir grisâtre, deux soeurs coulent dans une molle torpeur, aux journées toutes rythmées selon le même rituel, sous la coupelle acariâtre de leur gouvernante Galatée.
Mercy et Charity commencent à s'ennuyer. Un jour, Mercy a vu une femme prise dans les glaces et a couru prévenir sa jeune soeur. Cela signifie certainement quelque chose, à ceci près qu'une autre étrange circonstance était survenue peu de temps auparavant, quand Mercy avait trouvé un perce-neige sur son oreiller.
En fait, Mercy voit des fantômes. C'est une particularité qui n'est pas exceptionnelle dans sa famille. Les Verga viennent d'Italie, ils se sont installés en Angleterre, et aujourd'hui Mercy et Charity sont seules avec leur père Trajan. Aussi bizarre que cela puisse paraître les jeunes filles n'ont plus le moindre souvenir de leur mère Thécla.

Un autre jour, Mercy croise un homme près de la chapelle. Il se prénomme Claudius et lui demande son aide. Selon lui, seule Mercy est capable de les sortir de ce sommeil où ils sont tous cloués depuis une éternité, et en perçant ce mystère Mercy pourra également ... revoir sa mère !
La jeune fille est troublée, mais elle décide de fouiller les couloirs plongés dans les ténèbres de Century. Leur manoir est poussiéreux et renferme des couloirs qui la plongent dans des voyages à travers le temps. Apprenant l'initiative de sa fille, Trajan tente de la dissuader de débusquer cette fausse vérité promise par Claudius. Or, ce dernier a aussi affirmé que le père de Mercy tiendrait des propos mensongers.
Qui croire ? Pour Mercy, le chemin vers "la lumière" s'annonce houleux, rebondissant et prometteur de délicieux frissons.

Oui, vous avez bien lu : dans ce roman destiné à la jeunesse (mais pas seulement, moi je vous le dis !), on y croise un manoir plongé dans la pénombre, un temps infini, des fantômes, de la sorcellerie, une jeune héroïne fougueuse, bref des ingrédients qui rappellent la sacro-sainte recette des romans victoriens, dont Wilkie Collins en tête de liste !
Honnêtement, l'histoire est palpitante. Au départ, l'histoire commence de nos jours. Un antiquaire fait la trouvaille dans un grenier d'un manuscrit intitulé "Century" rédigé par Mercy Galliena Verga, 1890.
L'instant d'après, le lecteur plonge dans un autre temps, une autre dimension. Qu'on puisse y adhérer ou non revient à discuter des goûts et couleurs des uns et des autres, mais il faut absolument saluer un point de réussite des "Fantômes de Century" pour son ambiance. C'est complètement abouti, on y croit, on s'y laisse absorber. C'est passionnant !
Ce roman a été couronné "Meilleur livre pour la jeunesse" en Grande-Bretagne.

Plon jeunesse, 282 pages (2007). Trad. par Myriam Borel.

7 mars 2007

Les beaux jours ~ Jean Christophe Millois

Les Beaux Jours est un roman à double voix entre père et fils. L'un est éleveur de chiens et chauffeur de car scolaire, l'autre est un adolescent en crise. A tour de rôle, ils prennent la parole pour commenter leur vie qui nous sonne presque insipide, glauque et misérable. Tous ont le mal de parler d'amour et de comprendre l'autre, ou alors trop tard... les gestes d'affection sont des claques pour masquer l'angoisse. Mais le père est lui aussi un fils qui se souvient de son enfance assez péniblement, il s'en veut de ne pas être un "bon fils" pour son père qui est désormais veuf. Quand le drame les frappe, tout ce monde sera hébété mais la parole ne découlera pas pour autant...
Franck, l'adolescent, vivote avec son loser de copain: ils fument, boivent, vadrouillent dans une vieille voiture pour draguer des filles. Au bord de l'échec scolaire, il se pose toutes ses questions qu'on a à l'âge de dix-sept ans. Ses parents ont divorcé, sa mère est une ombre et son père un mur. Il est l'héritier d'un tempérament impulsif mais pas mauvais.
Oui, les femmes sont de passage: entre la tante qui se soucie de tous ces garçons en oubliant presque de penser à elle, une mère transparente, une soeur solidaire mais distante, et la nouvelle fiancée du père...
Les Beaux Jours est un roman masculin, qui parle de la difficulté d'être un père et un fils. L'écriture est sobre et classique. Jean-Christophe signe un premier roman déroutant mais bougrement attachant.

mars 2004

7 mars 2007

Les poupées lisent aussi !

IMGP3313

IMGP3323Lulu est une petite fille bien décidée. Pour la quarantième fois, elle demande à ses parents un chien, et pour la quarantième fois ils lui opposent un "non!" ferme et définitif. Par contre, ils décident de lui offrir un chien... en peluche. Un compromis qui n'est pas du tout du goût de la demoiselle ! De colère, elle envoie balader l'animal à l'autre bout de sa chambre.

Or, dans la nuit, une voix la réveille. Quel n'est pas son étonnement quand elle s'aperçoit qu'il s'agit de son Harry l'animal en peluche qui jappe pour de vrai. Non, Lulu n'y croit pas. Alors Harry décide de lui parler ! Encore plus improbable. Lulu conteste le fait qu'il prétend être un vrai chien, elle est sûre et certaine qu'il n'est qu'un animal en peluche. La preuve : Harry refuse les biscuits pour chien qu'elle lui propose (il préfère dévorer les petits pains ronds). Non, vraiment pas normal !

IMGP3325Vexé comme un pou, Harry décide de rentrer chez lui ... en France ! Ok, dit Lulu, je t'accompagne. (Non ?? - eh bien ouiii, je vous dis !). Lulu a beau dire, a beau faire, même à Paris elle n'a pas changé et son caractère de petite peste refait surface. Jusqu'à un coup de théâtre sous forme de klaxon retentissant et plongeon dans la Seine... là Lulu doit admettre qu'elle tient à son Harry et que c'est SON chien à elle et personne d'autre.

Mais les parents, eux, y voient-ils autre chose qu'une petite fille endormie avec dans les bras son jouet préféré ? S'ils savaient...

Honnêtement, ça ne vous rappelle rien ? Oui, un certain couple infernal déjà évoqué par Miss C. ...

Et c'est vrai que Lulu et son chien peluche Harry nous rappelle une histoire d'amitié envers et contre tout, en dépit du IMGP3328caractère insupportable et capricieux de l'une, du flegme de l'autre... Harry et Lulu est une histoire incroyablement drôle et très pertinente. Qu'importe que la petite fille soit un tantinet impossible, elle parvient aussi à nous toucher. Et puis, c'est son histoire aussi. Sa façon à elle de nous inviter dans son imaginaire, dans son rêve...

Mais l'enfant y croit complètement à ce chien qui parle, qui se comporte en gentleman, qui emmène sa jeune maîtresse jusqu'à Paris pour la convaincre qu'il est ce qu'il prétend être. Oui, petits et grands n'ont qu'à bien s'accrocher et faire une place à ce couple attendrissant, qui deviendra inséparable, après une suite d'aventures surprenantes et comiques.

L'histoire d'Arthur Yorinks est servie à merveille par les illustrations de Martin Matje. Encore un album coup de coeur de Miss C.  Publié chez Gallimard jeunesse, 1999.

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6 mars 2007

Caïn & Adèle - Régis Descott

cain___adeleCe deuxième roman de Régis Descott est dans la ligne directe de son "Pavillon 38", thriller époustouflant qui plonge le lecteur dans les méandres du milieu psychiatrique et du tueur en série. Cela se passe en France, le personnage principal est le docteur Suzanne Lohmann qui a découvert, en pistant l'Anaconda, qu'elle était attirée vers les sombres abîmes de la folie humaine.

C'est son métier, c'est ainsi. Elle a quitté son poste à l'hôpital des malades difficiles pour ouvrir son propre cabinet. Elle est encore marquée par les douloureux événements qui ont été liés à l'enquête précédente, forte d'avoir contribué à l'arrestation de ce tueur en série, non sans avoir payé son propre tribut. Elle est désormais seule avec ses deux filles, tentant de renouer des rapports plus apaisants, malgré les cicatrices encore importantes.

Un jour, Suzanne est accrochée par une voiture de sport. Un homme l'aborde, l'invite chez lui et elle le suit. Abel Frontera est un individu au charme inquiétant, pourtant Suzanne est séduite. De toute façon, elle n'a guère le temps de s'épancher : une nouvelle série de crimes atroces appliqués selon le même rite barbare monte à la surface, suivie de peu par l'annonce d'une évasion, celle de l'Anaconda. Suzanne est menacée.

En tant qu'expert psycho-criminologique, le docteur Lohmann va participer aux enquêtes, de même qu'elle tente de faire front dans son rôle de mère et d'entretenir un semblant de vie sentimentale. Sans oublier non plus qu'elle vient de recevoir la visite troublante d'une femme "étrange" dans son cabinet, qui lui fait des confidences tout aussi douteuses.

L'histoire se voit donc partagée entre de multiples intrigues, qu'on estime ficelées, et qui plonge non seulement l'héroïne mais aussi le lecteur au bord du précipice. La tension est palpable, grossie au fil des chapitres. Les éléments s'enchaînent, la course du tueur fou se poursuit à perdre haleine, les scènes de crimes sont frappées du sceau de l'infamie. Le scénario est efficace, glaçant mais redoutable. On s'y engouffre avec une affligeante fascination chevillée au corps. Impossible de relâcher la pression. C'est tenace !

Avec "Caïn et Adèle", thriller au coeur du transsexualisme et de la gémellité, Régis Descott livre une version moderne et hallucinante du mythe biblique de Caïn et Abel. J'ajouterai aussi que l'auteur parvient, à s'y méprendre, à se glisser dans la peau de Suzanne Lohmann, lui offrant une dimension altruiste et vulnérable. C'est très souvent observé avec minutie, la psychologie devenant un atout imparable pour démêler les fils de cet imbroglio macabre. Enfin bref, ce livre sera le compagnon de vos nuits blanches !

JC Lattès - 327 pages  (2007)

5 mars 2007

La première marche - Isabelle Minière

premiere_marcheCela commence par une histoire de photographie. La petite demande à sa mère un cliché d'elle pour une surprise à l'école, elle l'obtient et se réfugie sur une marche de l'escalier pour admirer et embrasser cette photo, à l'abri des regards noirs et de la voix dure. Oui, la mère n'est pas commode, elle est parfois gentille, mais elle est très sévère.
C'est bien simple, la petite ne sait plus comment s'y prendre pour attirer un sourire, une amabilité, une tendresse. Quand survient le passage de l'orange, cadeau du ciel, la petite est au bord de tomber en apoplexie. C'est dire !...

Le temps passe, mollement. La petite est exaspérée des mimiques de son petit frère, le mignon de la famille, qui fait diversion avec ses singeries, et pourtant ce n'est pas assez aux yeux de la petite. De toute façon, personne ne la voit. Elle est si discrète, si timide, elle en devient invisible ! Seule la mère ne l'oublie pas, elle rouspète à pas d'heure, lui inflige des robes au tissu qui gratte, lui coupe ses longues boucles pour chasser les noeuds définitivement, s'emporte après cette femme médecin qui la prend pour une incapable, râle sur sa fille qui fait ses comédies pour dormir, des cauchemars ? quels cauchemars ?!
Décidément, le quotidien de cette petite n'est pas bercée par les cajoleries. Au contraire, elle se sent incomprise, soucieuse, on dit aussi d'elle qu'elle est boudeuse. Parce qu'elle aime se réfugier sur les marches de l'escalier, où elle prend le temps de réfléchir, de mettre tout en place dans sa tête, de jouer avec sa poupée, bref "à partir du moment où l'on s'installe sur une marche d'escalier, on boude peut-être automatiquement, sans s'en apercevoir. Peut-être... ?".

Il y a beaucoup de pointillés dans l'histoire de la petite, beaucoup de questions sans réponses, d'anecdotes qui glacent le sang, de petits riens sur la routine familiale qui est stérile et figée comme du marbre. "La petite voudrait se sauver de cette enfance, interminable. C'est son espoir, c'est sa prière, c'est une lumière qui brille dans le noir, très éloignée, accrochant le regard, vous maintenant debout, vous protégeant du pire, c'est une promesse : toute enfance finit un jour."
En attendant, il faut se contenter de palliatifs et croire que le miracle surviendra. Oui, de manière totalement imprévisible, la voix sonore peut résonner, les tac-tac-tac sur le plancher peuvent marteler de plus belle, la petite va gagner "son billet, valable à vie, pour voyager dans d'autres vies". Formidable sauf-conduit ! La fin réconcilie l'impression morose d'une enfance pas toujours rose, d'une petite mal dans sa peau, en quête d'une caresse ou d'un mot gentil. Isabelle Minière ne taille pas la pierre avec rogne, elle évite les pièges du misérabilisme et trace un portrait criant de tendresse foulée au corps. Le fait que ce soit la petite qui raconte son histoire fait de "La première marche" un roman moins lourd et compassé sur le sujet de l'enfance tristounette et privée d'affection. C'est délicat et éclairé, au bout du compte.

Le Dilettante - 2007 - 188 pages

5 mars 2007

Isabelle Minière en romans

Bon, j'avais promis de faire un "topo" sur les romans d'Isabelle Minière à l'occasion de la parution de son nouveau roman "La première marche"... Voici donc quelques points de repère.

cette_nuit_laLa très grande particularité de "Cette nuit-là" est la narration en " Tu " de bout en bout du roman. Grande audace ! L'auteur use cette forme pour interpeller l'héroïne, Lisa, victime d'un mari violent. Car Lisa est mariée à Clément, homme charmant, aux boucles dorées, très intelligent, aimé et respecté de tous. Un homme irréprochable. Sauf que cet homme-là a deux faces : un côté pile pour la ville, et un côté face pour son foyer. Clément n'est plus Clément, il devient un individu au regard noir, qui jette des éclairs et annonce l'orage. Un homme redoutable. Qui ne lève pas la main sur Lisa, non. Sa perversion va plus loin : il use des mots, il retourne les accusations, il insinue que c'est sa faute à elle, qu'elle le rend aggressif par sa faute. Lui est juste un peu coléreux. Sans plus. Alors, Lisa ? Coupable, responsable, victime consentante ?..
Isabelle Minière en dénoue tous les rouages, livre une spirale infernale. L'homme marié ne peut disposer de son épouse comme d'un objet. Abuser d'elle sans son consentement. C'est voler. C'est violer ! L'auteur fait mouche en déployant l'esprit retors du pervers contre la vulnérabilité de la jeune femme. Se taire, c'est consentir. La coupable, c'est elle. Elle ne peut priver d'un père à son enfant. Etc... "Cette nuit-là" est remarquable : la mécanique de la manipulation mentale est saisissante d'effroi. C'est écoeurant, mais hélas si réel. Cette lecture est dérangeante, certes, mais ça existe.   Le dilettante, 2004

soupirantCe livre est drôle ! Oui, malgré son thème d'abord presque morbide (un père qui se meurt), on sourit beaucoup au soliloque de la narratrice, sans prénom, si ce n'est celui qu'on a décidé de lui coller : Elodie. Parce qu'elle est née le même jour qu'une jeune fille morte, elle a instantanément été prise sous l'aile de son employeuse, quitte à la couvrir de cadeaux - toutes les affaires de la jeune défunte !
Bref, c'est une histoire où on s'intéresse de près aux morts. D'abord, prenons place autour de cette famille presque éplorée d'assister aux énièmes soupirs d'agonie du patriarche, suite à son déjeuner d'anniversaire. Car le problème, c'est que toute la famille n'est pas nouvelle de ces crises de "va-t-il bientôt mourir, ou pas ?". Donc, à la longue, ça plombe un peu toute cette assistance : la mère qui radote et s'invente des souvenirs, le frère qui compte les soupirs du mourant, la soeur aînée qui songe au sens de la vie, de l'argent, de l'amour etc. et la narratrice, sans identité définitive, silencieuse, butée dans un manque de sensibilité qui heurte sa mère. Mais silencieuse, elle ne l'est qu'en apparence car dans ses pensées elle ne cesse de parler, de raconter sa vie et celle de sa famille. Et il n'y va pas avec le dos de la cuiller ! Elle n'épargne personne ! Elle adopte volontairement un ton drôlatique, cynique et auto-dérisoire qui fait merveilleusement mouche. On adore, ou pas. C'est sûrement un roman qu'on parcourt d'une traite et qu'on ne regrette pas d'avoir parcouru ! 
JC Lattes, 2001

couple_ordinaire_2Ce n'est sans doute pas utile de revenir sur Un couple ordinaire dont j'évoquais la sortie en poche dans ce billet . Mais la couverture mérite le coup d'oeil, donc je la glisse... Le dilettante, 2005.

J'espère que ce petit tour d'horizon vous permettra de mieux cerner cet écrivain. Son univers est finalement varié. C'est étonnant comme elle parvient à se renouveller roman après roman, jamais elle ne s'enferme dans un créneau. Et à chaque fois, c'est très intéressant ! (Il me reste deux autres livres à découvrir encore.)

4 mars 2007

L'ombre d'un doute (1943)

shadow_9Le film s'ouvre sur un plan d'un homme allongé sur son lit, quelque part dans le New Jersey. Cet individu est prévenu d'être suivi par deux autres hommes. Qui sont-ils ? Que lui veulent-ils ? On continue de suivre notre type qui envoie un télégraphe de la part d'Oncle Charlie annonçant son arrivée imminente.

Au même moment, dans une maison cossue d'une banlieue moyenne de Santa Rosa, en Californie, une jeune fille rêvasse sur son lit. Elle s'ennuie. Quand soudainement, l'idée lui vient de prévenir son Oncle Charlie de leur rendre visite pour égayer leur quotidien.

La coincidence est troublante et ne fait que commencer. Car dans ce film, Hitchcock a décidé d'emmêler de très près les faits et causes de la coincidence et du hasard, notamment entre la nièce Charlotte et son oncle Charles. Tous deux se surnomment Charlie. L'homme est accueilli avec effervescence dans cette famille, son arrivée comble de bonheur la jeune fille. Pourtant certains signes troublants commencent à apparaître. La petite dernière, Anne, semble plus au fait de l'opacité de son oncle. Il leur cache quelque chose, mais qui peut prendre au sérieux une gamine qui babille à tout rompre ?
shadow_6La tête pensante de la famille, c'est Charlotte. Elle est radieuse, éblouie, séduite par son oncle. Quand le doute commence aussi à la gagner, le scénario du film monte encore d'un cran. La tension enfle, le doute est de moins en moins permis.
On murmure qu'un criminel est en fuite, recherché pour avoir étranglé des veuves richissimes. S'agit-il de l'oncle Charlie ? est-il ce criminel pourchassé ? Un couple d'inspecteurs aborde Charlotte pour lui mettre leur sort entre ses mains.

"L'ombre d'un doute" prend alors les tournures d'un drame psychologique latent. La jeune fille retire ses oeillères, pourtant elle ne peut admettre de dénoncer son oncle. Un adage d'Oscar Wilde dit : "On ne peut tuer que ce qu'on aime". Hitchcock s'en est inspiré. Il démontre avec son habileté coutumière que les rouages de la suspicion sont pris en étau par le poids de la dénonciation, la lourde responsabilité de faire face à la vérité.
shadow_3Quand les deux Charlie se trouvent face à face, prêts à découdre l'un de l'autre, le spectateur devine qu'il finira le film à bout de souffle. Deux Charlie dans une même maison, c'est beaucoup trop. Il faut en supprimer un !

"L'ombre d'un doute" est présenté comme le film préféré de son réalisateur. Et il faut admettre que la puissance du scénario est bluffante, sous la façade d'une famille modèle, au coeur d'une petite ville tranquille, le drame est possible. Un criminel peut s'y nicher. Joseph Cotten, qui interprète l'oncle Charlie, a su jouer cette ambivalence et pousser le paradoxe de sa personnalité séduisante et inquiétante à un point innommable. Sa performance est l'une des pièces maîtresses de la réussite du film ! 

(Lien Video Click )

L'ombre d'un doute, film d'A. Hitchcock (1943) - avec Joseph Cotten, Teresa Wright, Henry Travers, Patricia Collinge, Hume Cronyn, MacDonald Carey. Titre vo : Shadow of a Doubt. 

4 mars 2007

Caresse de rouge ~ Eric Fottorino

Vraiment ce livre a pesé sur mon coeur, je l'ai senti si lourd !!! Pourtant l'histoire n'est pas un étalage d'émotions morbides ou exacerbées, non... Toute la beauté de cette histoire est justement la justesse des sentiments contenus, la pudeur du narrateur et la bouleversante confession de cet homme qu'on devine déchiré, écorché à jamais. J'ai lu ce livre d'une traite, pourtant je devais m'en échapper car j'étais bouleversée page après page. Pourquoi je me laisse emportée par tous ces mots? après tout, ce n'est qu'un roman ! Et bien, sans doute la grande force d'Eric Fottorino est d'inclure son lecteur dans l'histoire de Félix, responsable d'une agence d'assurances, homme sans histoires et sans relief. D'abord on plonge dans ce livre qui s'ouvre sur l'incendie d'un appartement où vivaient seuls une jeune femme et son fils de huit ans. Mais ces deux personnes ont disparu et tous les propos farfelus courent à leur encontre. Félix s'intéresse étrangement à cette affaire, de manière presque obsessionnelle. On suppose qu'on va le suivre dans son enquête. Et bien non. Au détour d'un chapitre, on apprend le drame de cet homme et lentement on s'immerse dans son histoire. Félix devient un être non plus de papier, il nous apparaît cruellement vivant, même si au fond de lui on sait qu'il se consume à petit feu... S'ouvre sa bouleversante confession du papa qui a élevé son petit garçon pendant deux années, loin d'une maman qui avait volontairement pris son envol dès que l'enfant serait en âge de marcher. On lit cet homme dévoué, qui en fait trop pour son garçon -- et se le voit reprocher. Mais en fait-on trop pour un petit bonhomme qui nous regarde avec des yeux d'amoureux et qui réclame tous les soirs sa maman ??? je ne pense pas.
Ce livre nous transporte, nous bouleverse, nous écorche. Sa lecture nous transperce et nous marque pendant longtemps. Merci pour cette belle lecture, monsieur Fottorino.

mars 2004

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