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Chez Clarabel
7 janvier 2007

La tranchée d'Arenberg et autres voluptés sportives - Philippe Delerm

tranchee_d_arenbergJusqu'à présent, il ne m'était jamais venu à l'esprit que le sport pouvait être considérée comme une discipline "voluptueuse", ainsi semble le suggérer ce cher Philippe Delerm qui livre en cru 2007 un nouveau recueil de petits textes, dont lui seul a le savoir, l'art et la manière.

"La tranchée d'Arenberg et autres voluptés sportives" est la nouvelle signature de l'écrivain qui dédie à sa passion un hommage à vous rendre béat d'admiration, non mais c'est impensable d'avoir cette culture du Sport en général et de savoir si parfaitement la travailler et la mettre en avant, la rendre si limpide et pleine de grâce. Moi qui pensais ne trouver aucune élégance dans une paire de baskets, un justaucorps ou un simple survêtement, je remballe sur le champ mes mauvaises pensées.

Oui, c'est aussi vrai que je suis une grande lectrice fidèle des écrits de Philippe Delerm, que chacune de ses nouvelles productions rencontre entre mes mains et à mes yeux une clémence dont on peut douter de l'objectivité... Soit !

N'empêche que c'est juste quand j'affirme qu'il y a dans ce livre une finesse remarquable, que ce n'est pas simplement un aveuglement bête et inepte d'une amoureuse passionnée. Pour preuve de mon honnêteté, je reconnais que parmi les 49 textes il se trouve quelques-uns dont l'intérêt n'est pas folichon, mais dans l'ensemble c'est excusable, cela se noie dans la masse, et puis c'est digeste à encaisser, étant donné que chaque texte fait une ou deux pages, en 110 pages de livre ... le tour de piste peut s'accomplir en deux vitesses : un sprint, par gourmandise, ou une course de fond, pour savourer. Au choix !

Ce qu'il y a dans ce livre, c'est cette immersion totale dans les émotions de l'auteur, ou le goût de la nostalgie, l'impression vivace de vivre des moments forts, à jamais marqués dans l'anthologie du sport. Et c'est frappant comme la culture est grande, tous les domaines du sport sont évoqués, à de très rares exceptions (et encore, lesquelles ?!), jusqu'à des souvenirs plus personnels de l'auteur.

Au programme : la balle de match de Forget contre Sampras pour la Coupe Davis, les Reds de Liverpool avec Steven Gerrard, "You'll never walk alone", Séville 1982, Battiston couché et Platini bouleversé,

A la cinquante-sixième minute de la demi-finale Allemagne-France meurt la France de Poulidor, celle où le coeur bat plus fort pour celui qui perd en beauté. On n'ira jamais plus loin dans la tristesse que ce soir-là, alors...

les titres de l'Equipe, les coups de maître de Zidane,

Combien de joueurs laissent-ils ainsi une trace non seulement dans les mémoires, mais aussi dans les gestes ? Bien sûr, Pelé, Maradonna ou Platini ont eu leurs coups de génie, liés à des séquences de jeu qu'on rediffuse à l'envi. Mais pour Zidane, c'est différent. Il a laissé l'exploit, mais aussi un mode d'emploi, une possibilité de s'inspirer de lui pour essayer de reproduire. Son tutoiement avec la balle peut se détacher syllabe par syllabe, comme un manuel de lecture du cours préparatoire, quand on a renoncé à la méthode globale. Des coups de maître.

le coup de fouet pour Armstrong,

... celui-là n'aura pas été le premier à triompher par le dopage, mais il l'aura fait avec une froideur de despote, liée à une désagréable utilisation médiatique de son cancer pour faire vibrer la corde sensible.

le multiplex,

Tout ce cérémonial de voix apoplectiques, d'engouements pathétiques pour célébrer le presque prévisible, le tout à fait infime...

Vikash Dhorassoo l'éternel incompris,

... je l'imagine bien drapé dans un sari, au bord du Gange, silencieux, retiré, laissant couler le flot de l'incompréhension. Il est très beau mais différent, un peu à côté du monde du football.

le football de la mélancolie, la mort de Colette Besson,

L'incarnation d'une forme de pureté, une de ces personnalités auxquelles on se raccroche pour croire au sport, avec en mémoire l'intégrité d'une longue ligne droite à Mexico où Colette remontait toutes ses adversaires, sans dopage, sans fric en perspective, sans même une titularisation dans l'enseignement.

le match Lendl contre Chang, la fameuse tranchée d'Arenberg,

... une bouffée de belgitude où dormiraient des connotations germaniques. Le râpement dans le gosier a des arrière-goûts de bière, de no man's land guerrier. Les commentateurs n'ont pas besoin d'en rajouter : "Dans dix kilomètres, nous serons dans la tranchée d'Arenberg !"  Fini de rire.

Et l'on découvre ainsi avec Philippe Delerm que le sport, c'est beau et aussi tragique ! ...  Un monde à part, insoupçonné.

Le sport, c'était ce qu'on n'expliquerait pas en classe, et devenait du coup si désirable. Un monde pour moi seul. Des mythes à enfourcher, à amplifier au creux de soi. Des silhouettes en noir et blanc, des phrases. La gloire et la tristesse. Toute la vie devant pour aimer ça.

Panama

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14 décembre 2006

Le saint cleptomane et la fille au vagin doré - Pablo Krantz

saint_cleptomaneAvec un titre à coucher dehors, Pablo Krantz réussit le tour de force d'imposer son "provocant" recueil de nouvelles avec malice. Point ne faut d'être racoleur, il faut également assurer les arrières. Là Pablo Krantz, jeune argentin d'une trentaine d'années vivant en France depuis 2002, a su retrousser ses manches, a écrit ses textes en français (chapeau !) et peut s'enorgueillir d'être culotté, drôle, original et bon écrivain ! Bah oui, ce jeune homme a du style, un humour bien mordant et ne s'embarrasse pas d'écriture pompeuse et de crocs-en-jambe déplacés pour qu'on le salue.

L'imagination, associée à une âme d'enfant, est certainement l'engrais le plus puissant que la science botanique puisse concevoir. (Là, c'est le site Evene qui le dit, et je suis de son avis !) Car dans la plupart des nouvelles, Pablo Krantz a mis en scène un jeune garçon ou un adolescent, bien souvent dans les rues de Buenos Aires, qui suit son bonhomme de chemin, nez au vent et les mains dans les poches, séduit et étourdi par quelques petites beautés (au puissant parfum de tentation), mais bien souvent trompé, éconduit ou abruti par ses fantasmes, et sans l'emprise d'hallucinogènes !

A noter aussi : les titres des nouvelles sont particulièrement poétiques et exagérés, genre "histoire d'amour sur fond de fourmis", "la chanson de la pluie argentée de poisson frit", "cycles migratoires" ou "mon père était un officier nazi". Dans cette dernière, l'ami d'un écrivain lui suggère de se créer une image sulfureuse pour créer la sensation, il n'hésite pas à nommer quelques grands noms pour argumenter sa position... Les nouvelles dans l'ensemble sont très courtes, à part deux ou trois exceptions. Le recueil aurait pu être "excellent", s'il n'avait fallu sacrifier à la sacro-sainte règle du recueil de nouvelles où la qualité n'est jamais indéfectible, et personnellement j'ai trouvé les derniers textes moins jubilatoires qu'au commencement. Mais ce n'est pas grave du tout, ça peut se mélanger et ça ne change en rien mon avis déclamatoire sur cette lecture ! "Car, enfin, je crois que vous êtes déjà en âge de savoir que, dans ce bas monde, tout est dans la manière, les faits importent peu."

Les petits matins

4 décembre 2006

Des nouvelles de dingues !

La nouvelle est un genre littéraire trop souvent décrié et sujet à un sentiment de frustration bien légitime... (sujet évoqué dans le sémillant Cuneipage). Pour ma part, je tenais à présenter deux jeunes noms de la scène française, deux gonzesses au caractère affirmé et talent assuré : Céline Robinet & Dorine Bertrand. Elles ont toutes deux publié fin 2004/début 2005 un recueil de nouvelles plutôt décoiffant, visez donc :

celine_robinetVous avez le droit d'être de mauvaise humeur (mais prévenez les autres !) : Céline Robinet n'a pas 30 ans, elle vit à Berlin et vient d'une petite ville du Nord de la France, près de Valenciennes. Une petite ville très calme, tranquille et silencieuse. A tel point que l'héroîne de la nouvelle en question (Vous brendez bien un bruit en désert?) est prête à faire un massacre pour préserver ce silence de mort ! Comme très souvent dans l'ensemble des nouvelles, la chute est fatale, inattendue, fracassante. Proche de la frayeur, du dégoût et de la nausée, oui, oui ! Céline Robinet ne met vraiment pas de gants, elle dit les choses droit devant, l'ambiance baigne avec délectation dans le graveleux, la scatologie, le trash, mais jamais platement. Sa grande force est, avant tout, d'avoir un humour - grinçant - et un penchant pour les bonnes blagues potaches ! D'où cette apparente facilité à conclure ses nouvelles de manière complètement désopilante ! (mais glauque).  *sourire*
Dans son recueil, on passe du tout au tout : souvent ses héroïnes sont déséquilibrées, avec la tête grosse comme un melon ou la tête en moins, elles aiment la viande au stade de finir cannibale, elles ressentent la folie de faire un bébé avec un maniaque de la propreté, elles ne sont pas copines avec les dames pipi, elles souffrent de coliques aigues, s'inscrivent à l'Ecole nationale d'écrivains, goûtent le lait maternel, vénèrent les petits vieux et la radinerie (dans Avide au pays des merveilles et Mesquin l'enchanteur!), mijotent des histoires coquines entre  le culiste et l'aimée trop peu (occuliste et emmétrope) etc  etc...
Audacieuse et déjantée, Céline Robinet explose un potentiel non négligeable mais assez dérangeant. A lire ce recueil, il est parfois recommandé d'avoir le coeur solide, de prendre beaucoup de recul et de cultiver un humour décalé et désopilant pour ce qui rime avec absurde et licencieux. Blurps.

dorine_bertrandLa preuve par neuf : Après avoir lu Céline Robinet, tout lecteur aura le sentiment de trouver Dorine Bertrand bien sage et raisonnable. Première impression... vite erronée ! Au programme : 9 situations saugrenues, 9 portraits d'hommes et de femmes ordinaires, frappés parfois par le vent de la folie, sinon du fantasme. Neuf occasions de ricaner, de grincer des dents et de compatir, d'enrager ou s'apitoyer. Honnêtement, ce livre a la pêche ! Même si toutes ne sont pas égales en qualité, elles sont particulièrement drôles.

Une femme s'interdit de faire l'amour plus d'une fois par semaine - et alors ?.. Une autre s'imagine que son mari la trompe, ou négocie avec son côté midinette pour fréquenter les hommes, ou souhaiterait s'ôter l'odorat pour chasser l'idée de la mort... ça paraît simple, banal mais en fait c'est très tonique et sarcastique. Dorine Bertrand, comme Céline Robinet, possède une verve proche de l'excentricité. Mais d'un autre côté ça parle de choses tellement "ordinaires" que finalement on s'y retrouve presque dans ces épinglages proches de la blague potache ou de la répartie ironique.

Tentez le coup, ça change ! Ces jeunes femmes ont la langue fourchue, la langue bien pendue, et surtout une imagination débridée.

vous_avez_le_droitpreuve_par_neuf

Au diable vauvert  -  Le dilettante

18 novembre 2006

Week-end en couple avec handicap - Nicolas Richard

weekend_en_coupleOn avait dit qu'on se reverrait... tout était urgent et prétexte à d'interminables discussions... je voulais présenter une galerie de personnages ridicules ou touchants... j'avais l'intention de développer une réflexion sur les décalages entre le passé et le passé dans le passé. Mais, au final... hein, cela donne un concentré de 13 nouvelles sans colorants ni conservateurs, un recueil frais moulu par un ancien bûcheron dans le Valais, entre autres considérations* sur le parcours de l'auteur, traducteur, romancier, et patati et patata...

"Week-end en couple avec handicap" reprend les instants souvent passés dans la vie du narrateur et qui se manifestent dans son présent sous forme de souvenirs déplaisants, honteux, nostalgiques, gênants mais bienheureux aussi. La rencontre d'une machine à caresser, d'une machine à anticiper, à faire l'amour, à broyer la matière pour en obtenir une autre.. par exemple. Une bonne gifle bien sentie pour cueillir la journée qui commence... L'essence d'un jeune écrivain qui se découvre dans ses lendemains dégrisés d'alcool et de nuits blanches auprès d'une inconnue de passage... Une jolie camarade qui sème la zizanie au sein d'une bande de copains virils, une journée de Saint Valentin noyée par les larmes, la paternité d'une oeuvre aux prises avec les effets de la caféine, le bon fils et la méchante petite amie trop franche, une jeune correspondante intrépide, le doux souvenir des cafés du centre-ville, une bluette sentimentale qui s'échappe, la vengeance d'une femme est un plat qui se mange froid, même cinq ans plus tard... Voilà au menu. Appétissant ? Oui, un régal.

"Peut-être garde-t-on intacte en soi une capacité d'émerveillement d'autant plus importante qu'on s'en est peu servi pendant ses jeunes années ? Un SEP (Stock d'émerveillement potentiel), en quelque sorte, qui se conserverait indéfiniment sans rien perdre de son éclat initial." - C'est, pour simplifier, la sensation que j'ai éprouvée en lisant ce recueil de nouvelles. Un plaisir simple, honnête pour un travail d'écriture tout aussi sincère et transpirant l'enthousiasme.. allez, on s'éponge et on s'y plonge.

*Biographie de l'auteur
Nicolas Richard a publié un roman, Les Cailloux sacrés (Flammarion), et des nouvelles dans des revues (Les Épisodes, Rue Saint Ambroise). Il a traduit Richard Brautigan, Stephen Dixon, James Crumley Harry Crews, Richard Powers, Nick Hornby Thomas McGuane, H. S. Thompson. Il a aussi posé nu pour des étudiantes, retapé des appartements à Brooklyn, fait la vaisselle à Bâle, a été bûcheron dans le Valais et manager de groupes de rock.

Les petits matins

17 novembre 2006

A conserver au frais - Isabelle Sojfer

A_conserver_au_fraisReprenons la présentation de l'éditeur : Blanche-Neige est une emmerdeuse égocentrique. Cendrillon se fait piquer son prince par sa demi-sœur. L'ogre tue par erreur son fils prodige et se résout à le manger. Une famille vend un par un les organes de la grand-mère pour s'équiper en électroménager. Un yaourt en son frigo médite sur sa fin prochaine...

... goûtez-vous la mise en bouche, sentez-vous cette odeur alléchante ? Personnellement j'ai savouré, un vrai régal, ça se lit juste un peu trop vite, dommage. Isabelle Sojfer a constaté assez finement que l'époque actuelle ne dénaturait guère du temps des contes de notre enfance. Les personnages ont juste une nature plus pernicieuse, des travers davantage soulignés pour révéler la cruauté de l'existence, la tragédie qui enfle, toujours et encore. Ce n'est pas nouveau, mais c'est poussé à outrance et fatalement en dérision. Cendrillon n'a guère trouvé chaussure à son pied, par contre elle en collectionne des paires. Le roi Lear est chassé de sa tour capitaliste et devient un vieux fou aigri. Le Père Noël est sérieusement déprimé, le Chaperon rouge a perdu de sa candeur et Poucet a été abandonné au royaume du Bon Marché... L'auteur a mis au placard le ton emprunté des contes classiques, elle a brandi en étendard la facétie, l'anti-conformisme, l'absurdité du destin. En tout, 13 nouvelles déjantées et hilarantes, à tenir éloignées des enfants sages...

Les petits matins

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17 novembre 2006

Douze histoires d'amour à faire soi même - Lola Gruber

douze_histoiresCe recueil est la première publication de son auteur, Lola Gruber, jeune trentenaire parisienne, qui a su gagner la confiance d'une maison d'édition débutante, Les Petits Matins. Essentiellement pour cette raison, je vous conseille de découvrir ce livre rose flashy, qu'on confondrait presque avec un roman-photos. Le contenu est également enchanteur : prometteur, enjoué, acerbe et critique. Il y a certes un ensemble hétérogène, avec des nouvelles de qualité disparate. La première qui ouvre le recueil est particulièrement jubilatoire : L'ultime souper met en scène un couple qui est au bord de la rupture car la jeune fille a préparé un repas pour son chéri, mais avec un peu trop d'amour se dit-elle, elle est horrifiée de ce constat, tout soudain l'écoeure et lui donne envie de fuir. J'ai particulièrement apprécié l'acuité dans la présentation des personnages: tendresse et férocité se donnent la main. Et c'est d'ailleurs, et assez vite, une donne générale. Lola Gruber a probablement beaucoup lu Dorothy Parker pour s'inspirer de la sorte ! Un nom à suivre de près.

Les petits matins

16 novembre 2006

La soupe de Kafka - Mark Crick

soupe_de_kafkaDe la bonne soupe, des oeufs à l'estragon, un coq au vin, du gâteau au chocolat ou un clafoutis grand-mère... oui d'accord, mais n'est-ce qu'un simple livre de recettes composé par un Londonien créatif, ancien étudiant du lycée Condorcet ? Non, bien entendu ce n'est pas qu'un simple livre de recettes, c'est beaucoup plus croustillant.

Ce sont en fait 16 recettes à la manière de grands écrivains, pas leurs trucs et astuces, mais une idée plus grandiose : écrire des pastiches littéraires sous forme de recettes, et des vraies recettes originales, en reproduisant la touche de chacun (thèmes, obsessions, atmosphères). Mark Crick prend donc son plume "à la manière de" Chandler, Jane Austen, Kafka, Proust, Steinbeck, Virginia Woolf, Chaucer ou Irvine Welsh... (pour ne citer qu'eux). L'anglais s'est complètement mis dans la peau de ces auteurs, il a concocté ses petits textes, en partant du principe qu'il présentait également une recette, et le texte s'envole, sort de sa casserole et embaume le lecteur pour le mettre dans le bain de l'écrivain dont la recette est faite "à la façon de". Ingénieux, époustouflant et remarquable. On dévore littéralement cette Soupe de Kafka ! De plus, chaque texte s'accompagne d'une illustration ou d'une photo en forme de pastiche (encore!), des oeuvres de Mark Crick qui cette fois s'est amusé à créer à la manière de Warhol, Hockney, Matisse, etc.

C'est très bon, très respectueux et bluffant de concordance, de quoi perdre la tête ! Le mot de la fin, façon Chaucer : "Vous nous avez présenté un délice, Expert que vous êtes en art culinaire, Et votre prestation avait bel air. Bien sûr, ami, les astuces de traiteurs Ont été déjà dites par nos prédécesseurs Mais le style du diseur est la vraie création Alors qu'on oubliera sa profession." - Et toc !

Flammarion

13 novembre 2006

Ainsi mentent les hommes - Kressmann Taylor

ainsi_mentent_les_hommesQuand j'ai commencé la lecture de ce livre de Kressmann Taylor, je m'attendais à de nouvelles illustrations de fourberie orchestrées par des enfants ou des jeunes adolescents, comme l'annonçait la quatrième de couverture. Un peu comme le recueil de Julie Orringer ("Comment respirer sous l'eau"). Mais finalement, non.

Dans la première nouvelle, par exemple, un jeune garçon est partagé entre le désir de plaire à son père, l'archétype du mâle qui trime toute la semaine pour élever un toit convenable pour sa famille, et celui de ne pas décevoir sa mère, douce, souriante, confiante et prophétesse sur les mystères de la nature, des poissons notamment. Dans la deuxième histoire, un gamin vit dans une ferme, dans un coin assez conservateur, ses parents sont des gens de la ville, diplômés de l'université, et pourtant ce garçon est le souffre-douleur de son professeur d'histoire, qui l'abreuve de sarcasmes au point de faire rugir une envie de meurtre et de violence.

La façon d'écrire chacune des histoires est limpide et sensible. Le portrait du couple Tevis (dans la 4ème nouvelle) est honnête et touche en plein coeur. A tout moment, on ressent beaucoup d'affection pour les protagonistes, trop souvent blessés par les affrontements, les "petites choses de la vie" (référence au personnage de  Stella Tennant dans "Mélancolie" dont l'histoire est douce, cruelle et ironique à la fois). Ces textes avaient été publiés dans les années 50, ceci pouvant certainement expliquer ce petit côté "charme désuet" dans sa peinture si parfaite de la société de l'époque. J'ai beaucoup aimé le portrait d'ouverture de l'épouse dans son potager sous l'oeil légèrement méprisant et agacé du mari, le "gouverneur du foyer" ! Aaaah, si cruel si pervers et pourtant si perspicace... Je n'ai qu'un mot à ajouter : lisez-le !

Le livre de poche

12 novembre 2006

Enregistrements pirates - Philippe Delerm

enregistrements_pirates"Enregistrements pirates" est un diaporama d'instants saisis sur le vif, des polaroïds qui matraquent les petits riens de la vie alentour. Et il s'en passe des choses sans qu'on s'en aperçoive : une personne qui promène son chien, les messages texto délivrés par téléphone portable, les rappels interminables au chanteur qui ne cesse d'aller et venir des coulisses à la scène, la lettre d'une étudiante suédoise, un graffiti planté sur un mur ou des jonquilles sur le quai. Etc...
"Enregistrements pirates" est un recueil de textes qui s'ouvre et se ferme avec un clin d'oeil aux peintures de Pietro Longhi. Pirate de l'instantané, Philippe Delerm démontre une nouvelle fois son talent des textes concis, qui font mouche et touchent le public - imparable.

Folio

5 novembre 2006

Perspectives de paradis - Bénédicte Martin

perspectives_de_paradisTrois ans après son sulfureux "Warm Up", Bénédicte Martin revient sur la scène littéraire avec des "Perspectives de paradis" beaucoup plus raisonnables, remisant au placard l'érotisme débridé du précédent recueil. Dommage ? Oui, un peu. J'ai personnellement trouvé qu'il manquait un peu de cette fraîcheur et légèreté, si caractéristique au ton de miss Martin, bien loin de labourer son champ dans le lexique porno-chic refoulé, non c'était écrit avec la saveur et la gourmandise d'une amoureuse des mots et de la langue onctueuse, oui c'est vrai, qui rappelle le style de Colette.

Bref, dans "Perspectives de paradis", livret bien maigrichon de 135 pages, on y découvre avec stupeur et tremblements qu'il y a tout de même 25 nouvelles au compteur ! Alors, quoi ? Elles ne sont pas bien consistantes, à peine deux ou quatre pages (au plus), elles s'enfilent comme des perles pour en faire un collier, l'écrin n'est pas de velours, mais pourrait-on reprocher à Bénédicte Martin de varier son registre ? Non, reconnaissons-le.

Cette fois-ci, Eros se porte pâle, à peine quelques (rares) fois est-il sonné pour pondre quelques éclats de lecture, du style : "on lui a parlé de crème anglaise qui perlerait sur le bout du sexe des hommes" ou "il commence à la lécher comme le beurre d'une tartine". Rien de folichon, j'en conviens. La coquette n'est-elle donc plus frivole ? Elle a rangé au placard ses talons aiguille et ses mini-jupes sexy, elle est décidément plus sombre et sobre (elle évoque la folie, la mort, le meurtre), elle ose aussi l'humour, le cocasse et la roublardise ("j'en ai marre de tes caresses en spirales et de ta tête d'obsédé. Tu t'éparpilles sous les oreillers et sur moi. Ras-le-bol. Chaque fois, c'est pareil, sous la blancheur du drap, une stalagmite apparaît et tu rêves que je la suce. Pour ton plaisir, je fais des oh et des ah, mais qu'est-ce que tu m'agaces").

Il y a de la mutinerie dans l'air ! Les héroïnes de Bénédicte Martin ne sont désormais plus (que) des dévergondées, elles sont modérées, avides, exigeantes, parfois impudiques. Il y a un panel beaucoup plus large, on s'expatrie à leurs côtés, on passe de Shangai, du Palais Royal, de Londres, de Baden-Baden, de Hongrie, du Bosphore, de Dunkerque et de Paris 44 en moins de deux.

Mais il reste cette grâce dans l'écriture, ronde et douce, poétique en diable. Bénédicte Martin n'a pas changé d'un gramme, elle n'est pas qu'un minois ravissant qui griffonne des contes coquins en montrant sa culotte, c'est (ainsi le prouve ce deuxième livre) une jeune femme toujours charmante et qui se dévoile autrement... A suivre !

Flammarion

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