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Chez Clarabel
24 mars 2009

Un temps fou - Laurence Tardieu

« J'écrirai mon amour pour vous, non pour le rêver, mais pour m'en envelopper. Pour le faire vivre. »

 

 

laurence_tardieu

« Je vais revoir l'homme qui m'a désarmée toute une nuit, celui que j'aurais suivi à l'aube jusqu'au bout du monde, jusqu'au bout du temps. Très simplement je me serais levée et je l'aurais suivi, le reste n'aurait plus existé, le reste se serait annulé, d'un coup, comme enseveli sous la neige. »

Il y a six ans, la narratrice - Maud - a passé toute une nuit auprès d'un homme avec qui il ne s'est rien passé, sauf un courant électrique, un frisson d'attirance, la certitude absolue d'avoir croisé l'autre moitié d'un tout. Mais au matin, chacun est parti de son côté et la vie a filé doux. C'est en recevant son coup de fil, six ans après, que Maud comprend son manque de lui, la longue absence, le poids du désir et la conviction intime d'avoir peut-être manqué quelque chose. Cet homme aux yeux gris est cinéaste, il propose un déjeuner car il a envie de travailler avec elle. Elle est romancière, depuis huit mois elle n'arrive plus à aligner le moindre mot, c'est la page blanche. Leurs retrouvailles permettent de débloquer la panne, de même tous deux constatent en silence que leur attirance est toujours aussi vivace. Maud est mariée et mère d'une petite fille, mais elle tend son corps vers lui, impatiente et gourmande, prête à tout.

Ce roman parle d'une femme, d'un homme, de leur désir et de la vie qui s'échappe.
C'est très difficile d'en dire plus, d'abord parce que c'est un livre qu'il faut lire pour comprendre, il se suffit ainsi, en dire quelques mots serait très maladroit. Et puis, c'est au fond une trame assez lente, pleine d'introspection, où on aborde la pudeur des sentiments, l'émotion d'avoir saisi l'imperceptible et où on se glisse dans la peau d'une femme forte de sa sensualité, à l'écoute de ses désirs et ses sensations.
C'est beau, c'est vrai, parfois un peu long, j'ai trouvé. L'écriture de Laurence Tardieu fait toujours des merveilles, elle touche instantanément, elle comprend ce qui s'entend, ou se vit. Elle trouve les mots justes, elle cerne avec brio ses personnages, lesquels peuvent parfois nous ressembler. C'est remarquable, et à chaque fois un plaisir de découvrir un nouveau roman de cet auteur !

« Qu'y a-t-il de plus intime que la lecture ? Ce chuchotement qui nous atteint au plus profond de nous, comme si, tout autour, une nuit accidentelle était tombée sur le monde et l'avait rendu silencieux. Soudain, il n'y a plus rien. Il n'y a plus que le texte, qui résonne en nous. »

Stock, 2009 - 236 pages - 17€   

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20 mars 2009

J'aimerais tant te retrouver ~ Fanny Brucker

fanny_brucker_2Claire, Rose et Nicolas ont en commun ce besoin de fuir, de s'enfermer dans leur coquille, de se protéger et de chercher. Quoi ? Le bonheur, l'amour, la sécurité. C'est ça, et plus encore.
Claire a quitté son compagnon car elle ne supportait plus cette vie qu'elle menait avec les enfants d'une autre et où elle ne trouvait plus sa place. Rose a perdu son mari et s'est réfugiée dans sa maison qui ressemble à un ranch, elle mène une existence tranquille, coupée du reste du monde. Nicolas vient d'apprendre qu'il n'est pas le père de l'enfant de sa partenaire, cela réveille sa blessure secrète : être un orphelin, né sous X. Il a choisi de placarder une petite annonce dans les journaux locaux de Rochefort pour retrouver sa mère. Quarante ans après.
En Charente Maritime, ces trois âmes en peine vont se croiser, se toucher, se comprendre et bouleverser tout lecteur qui va vouloir s'intéresser à leurs histoires. Forcément, l'attirance est totale, la séduction imparable. Il y a un charme indéniable derrière ces parcours, les personnages sont remplis de générosité. Ils sont bancals, ont besoin de raccomoder leurs cicatrices, portent un regard lucide et triste sur ce qui les entoure.
Mais c'est poignant, c'est très beau, raconté avec justesse, sans pathos. On sent comme une famille de bras cassés qui se serre les coudes parce qu'ils ont compris qu'ensemble c'est tout, et la beauté des paysages, la chaleur derrière les rapports humains, l'espoir de se tendre vers un inconnu meilleur rendent forcément ce roman tendre et attachant.
Inutile de préciser que j'ai beaucoup aimé. Voici typiquement le genre de lecture réconfortante, qui inspire mille pensées et qui provoque milles soupirs. J'en avais vraiment besoin, j'ai franchement savouré !
« Cet endroit était merveilleux comme un dessin d'enfant. Un dessin qu'elle avait fait, ou qu'elle avait vu, elle ne se souvenait plus. Séjourner ici revenait à s'installer dans un livre. Un album aux grosses pages en carton colorées, avec des animaux partout dont on retient les noms, des fleurs, un arrosoir, des pommes rouges et des papillons. »

JC Lattès, 2009 - 334 pages - 18€

l'avis de Cathulu

Premier roman de Fanny Brucker : Far-Ouest  (JC Lattès, 2008)

16 mars 2009

Les Carnets de Douglas - Christine Eddie

carnets_de_douglasRomain Brady est né avec une cuillère d'argent dans la bouche mais il a aussi eu une enfance malheureuse. A dix-huit ans, il décide de quitter son palais doré, s'enfuit dans la forêt et ne donne plus signe de vie à sa famille qui le croit mort. De son côté, Eléna Tavernier est la fille unique d'un couple qui se chamaille souvent, la mère décède très tôt et l'enfant va trouver refuge dans un monastère avant de prendre son envol en travaillant près d'un médecin où elle cultive son amour des plantes. Un jour, dans la forêt, elle rencontre Romain  qui se fait appeler Létourneau, avant d'adopter le nom de Douglas (qui symbolise l'arbre le plus solide), suggéré par Eléna.
De leur amour, va naître une petite Rose. Puis une tragédie vient les frapper. Douglas va retourner dans ses bois, confier son amour à un mélèze et parcourir le monde. De son côté, Rose va grandir auprès du docteur Patenaude et d'une institutrice juive, Gabrielle Schmulewitz. Et j'arrête d'en dire plus !

C'est comme un conte qu'on nous raconte, il était une fois deux pères, deux mères, un enfant et un arbre. Une histoire qu'on pourrait nous lire le soir, qui parlerait donc d'amour, de nature et de musique. Le rythme, soutenu par des chapitres courts, rend la lecture agréable et virevoltante. (Et l'expression 'comme dans un film' est d'ailleurs très appropriée !)

En fait, le roman de Christine Eddie est tendre, beau et dramatique, il cache aussi une profonde richesse. J'avoue qu'au début j'étais moyennement emballée, j'avais un peu le souffle court d'entrer dans cette histoire qui dégainait son débit à cent à l'heure. D'ailleurs j'ai largement préféré la deuxième partie du roman, une fois les présentations faites, les personnages échappés de leur prison et enfin installés à Rivière-aux-Oies (j'adore ce nom !), un petit coin perdu, qui a aussi son importance, et qui va connaître son lot de mutations.

J'ai aimé également le côté sauvage, fou et amoureux des personnages. Leur choix. Leur sacrifice. Leur abnégation. Car finalement ce livre est une agréable surprise, un roman captivant, sans parfum à l'eau de rose, où l'histoire est simple, et en même temps elle est épanouissante, elle apaise et elle donne des envies de déployer les ailes. C'est un ouvrage qui ne manque pas de charme, et qui se révèle un compagnon idéal pour quelques heures de lecture-plaisir.

Editions Héloïse d'Ormesson, 2009 - 188 pages - 18€

- Gagnant - Prix France-Québec
Le roman de la québecoise Christine Eddie recevra jeudi 19 mars le Prix littéraire France-Québec remis par Patrick Poivre d'Arvor.
Créé en 1998, le prix littéraire France-Québec souligne l'excellence du roman contemporain québecois.

- Finaliste - Prix des libraires du Québec
- Finaliste - Prix de création littéraire de la Ville de Québec
- Finaliste - Prix des abonnés du réseau des bibliothèques de la Ville de Québec

 

Les avis (nombreux) de Caro[line], Venise, l'Abeille virevolte de page en page, GeishaNellie (qui ont lu l'édition québecoise)... Paul Proulx parle de Love Story sylvestre pour couventines sentimentales ! :))

16 mars 2009

Délit de fuite - Dominique Dyens

delit_de_fuiteAnne Duval, trente-six ans, est une femme accomplie, qui a réussi sa carrière professionnelle. Hélas, sur le plan sentimental, c'est le désert. Douze ans auparavant, elle croyait encore en ses chances mais ses échecs successifs ont fini par assécher son coeur. Elle se donne une dernière occasion d'espérer, elle jette toutes ses affaires dans un sac et roule vers l'inconnu.
Extrêmement fragilisée, épuisée aussi, Anne fuit ses souvenirs, sa mère malade et son père qui s'est suicidé quand elle n'était qu'une petite fille. On commence alors à apercevoir une autre femme, moins sûre d'elle, plus trouble. Car Anne est une mythomane, elle s'est construite une vie rêvée qu'elle raconte à sa mère pour la consoler, mais toutes deux sont tenues par des liens retors et qui datent de la mort du père.
Tout est mêlé, moins clair qu'au début. Et surtout un autre profil fait son apparition, un médecin qui écrit un roman, en s'inspirant d'un fait divers des années 90, il est marié à une femme déséquilibrée, il a une maîtresse qui est aussi son éditrice. Sans effet de style, ni brouillard apparent, un roman dans le roman est en train de se créer.
C'est au départ l'histoire d'une femme qui approche de la quarantaine, qui souffre du manque d'amour et qui associe la passion à la mort. Progressivement, le roman s'étoffe et laisse naître une autre trame plus machiavélique. Le mélange donne un bon livre, facile à lire, qui ne pose aucun problème de compréhension. Intriguant, sans être trop étouffant. La psychose des personnages est bien étalée, bien rendue. Et puis la fin est piquante, du genre à chatouiller le lecteur...

Editions Héloïse d'Ormesson, 2009 - 184 pages - 17€

L'avis de Laure

15 mars 2009

L'assassinat - Christophe Dufossé

assassinatMe voici bien en peine, car j'ai été déçue par le roman de Christophe Dufossé. Je m'attendais à un semblant de thriller, un roman captivant, bourré de suspense... en fait j'ai eu droit à une fiction politique, un texte court et rapide, où j'ai senti grimper une réaction épidermique à cause du caractère principal. Le personnage du roman, un homme dont on ignore le nom, cela pourrait être monsieur-tout-le-monde donc, est un individu froid, obstiné. Déçu et dégoûté par l'homme qui été élu à la présidence, il a choisi de l'éliminer, au nom de tous les opprimés qui souffrent en silence et qui entendent les discours sans pouvoir lever le petit doigt. L'homme est convaincu de marquer l'Histoire par son geste, il s'identifie également à d'autres criminels comme Lee Harvey Oswald, et il se sent porter par l'assentiment (muet) de l'opinion publique (croit-il). Il est donc en visite au salon de l'agriculture, l'arrivée du président est annoncée pour seize heures tapantes, le compte à rebours a commencé (il est 15 heures, en début de roman). Le type a un colt dans sa poche, et là je me demande comment a-t-il pu entrer dans le salon, lors d'une journée classée à risques, sans avoir été inquiété par les vigiles ?
En fait, je suis plutôt déçue de moi-même parce que j'avais vraiment attendu ce roman avec impatience. Rendez-vous loupé, pour cette fois. Mais ce n'est que partie remise. Je vous conseille aussi de lire les romans de Christophe Dufossé comme L'Heure de la sortie (prix du premier roman 2002), Dévotion ou La Diffamation (celui que j'ai préféré !).
Ce fut un roman court, efficace mais agaçant.

Buchet Chastel, 2009 - 138 pages - 13€

l'avis plus positif de Lily

C'est tout. Je ne me foule pas trop aujourd'hui, désolée. Sur ce, je retourne me plonger dans The Tudors.
Au revoir !

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11 mars 2009

Et qu'on m'emporte - Carole Zalberg

31_N_nEp21L__SS500_Emma, coincée sur son lit de malade, sent que la vie est en train de la quitter. A bout de souffle, et de forces, elle s'adresse à sa fille disparue et lui raconte son parcours, ses choix, sa vie de femme, d'épouse et de mère. Mariée très jeune, mère dans la foulée, Emma a longtemps eu le sentiment de traîner un boulet, alors qu'elle était ivre d'une chose : de liberté. Ivre d'amour, également. D'aventures en aventures, Emma va rencontrer un homme qui lui donnera le coup de pouce pour tout quitter et tout recommencer. Sans un mot, sans une explication, elle va prendre la fuite. Son amour en bandoulière. Abandonner ses enfants. Ni remords, ni regrets.

Emma incarne la femme féminine, sensuelle, animale par excellence. C'est un portrait qui fait sortir les griffes, qui inspire l'admiration ou l'incompréhension, car en tant que mère, elle est à blâmer. Egoïste et amoureuse, tout le temps dans la démesure, incapable de sacrifice, à fond dans ses goûts et ses choix, n'hésitant jamais une seconde, Emma a toujours foncé. Traumatisée par une mère qui n'était pas exemplaire, et l'image du couple usé que renvoyaient ses parents, Emma s'est jurée d'en finir, d'en sortir, de ne jamais abdiquer. Ne jamais plier.

Sa liberté, précieuse et choyée, lui sera longuement reprochée par sa propre fille, la disparue. Il aura fallu que celle-ci soit également à l'article de la mort pour qu'Emma retrouve son amour in extremis, pour que le miracle se produise. Non, elle n'a jamais été maternelle, ce n'est pas un secret. Mais qui sommes-nous pour juger ? Aujourd'hui Emma est en train de mourir, elle ne s'apitoie pas sur son sort, elle lance un regard par-dessus son épaule et elle ne regrette rien. Elle reste toutefois fixée sur le petit caillou rose, symbole de sa relation conflictuelle avec sa fille. Mais impossible de le retrouver. Comme si, de toute façon, il était impossible de renouer avec le passé, de réparer les erreurs. Elles ont été bues et jugées, en somme.

C'est en cela un roman profond, sensible, parfois délicat, qui ne verse jamais dans le pathos. Carole Zalberg reprend le miroir d'une histoire déjà racontée dans La mère horizontale, que je n'ai cependant pas lue. Il doit être très intéressant d'avoir ce jeu des miroirs, de prendre un bout d'histoires et de le revoir sous un autre jour. Le récit d'Emma a su me toucher en même temps qu'il est venu me troubler, la femme en moi est bouleversée par ce portrait d'une féminité pleinement endossée, d'un choix de vie qui ne se discute pas, « le sacrifice, le renoncement au nom de l'amour, au nom de la responsabilité à l'égard de ses enfants, merci bien ». Le titre dit déjà beaucoup, « Et qu'on m'emporte », envie d'aller voir ailleurs, de rêver grand. Pourquoi pas ? N'être femme, après tout.

Albin Michel, 2009 - 130 pages - 12€

Léthée en parle...

J'avais lu :  Chez eux, un autre roman de Carole Zalberg (Phébus, 2004)

http://www.carolezalberg.com/

4 mars 2009

Dis oui, Ninon - Maud Lethielleux

« A ce moment-là, j'ai une drôle d'impression, une image violente traverse ma tête : je devine qu'Agathe sera riche un jour, quand elle sera une adulte, je la regarde et je la vois en grande, sans son pouce dans la bouche. Je sais qu'elle sera riche et belle et tout comme il faut et qu'elle articulera bien tout ce qu'elle dit. Et moi, en même temps, je me vois aussi, mais c'est une image qui bouge et qui fait du bruit, je danse avec une grande robe rouge, je tourne et derrière moi il y a une roulotte et mes cheveux très longs soufflent les bougies. »

DisouininonNinon est un amour de petite fille, même si elle n'a pas la vie facile. Enfin, ce sont les grands qui le disent, qui l'appellent tout le temps « Mon dieu » et qui lui trouvent aussi la langue bien pendue et les idées délurées. A neuf ans, Ninon a choisi de vivre avec son papa, séparé de Zélie, la maman qui jure qu'elle a perdu son adolescence - deux enfants, un passé compliqué, mais aujourd'hui elle se reconstruit, « elle a des projets » qu'elle partage avec L'autre. Celui-là prend trop de place, et ça dérange les fillettes.

Car un jour, Ninon a pris conscience d'une chose très importante. « Mon papa a besoin de moi et je ne le quitterai plus. » Elle décide de vivre avec lui, de l'aider car Fred est débordant d'idées. Il veut construire une maison, il veut vendre des fromages de chèvre, il veut gratter sa guitare et chanter l'amour. C'est sûr, son papa est le meilleur, c'est lui le plus fort. Les copines de Zélie peuvent soupirer et la plaindre, c'est pas acceptable d'être un type violent, ça ne s'excuse pas, mais Ninon se pose des questions.

A force d'observer son monde et d'imprimer les mots qu'elle écoute, l'enfant se mélange les pinceaux et le tableau dans sa tête ressemble à un Picasso éclatant de couleurs et de vie, mais parfois les plus belles choses cachent aussi les histoires les plus tragiques et les plus tristes. 

« C'est drôle, j'ai l'impression d'avoir grandi tout à coup. Ça fait mal au ventre de grandir, ça fait un noeud tout serré au milieu du ventre, c'est à cause des intestins qui grandissent aussi. C'est très triste de grandir, ça donne envie de pleurer sans larmes. »

Je me sens toute pataude à parler de ce roman, surtout après avoir avalé les mots de Ninon, grande musicienne d'amour, qui possède « le sens des mots et l'intelligence du coeur ». Les adultes pourront penser d'elle ce qu'ils veulent, « il ne faut pas écouter les jaloux ou les frustrés, il faut faire comme on aime ».  Alors souvent le chat se glisse dans la gorge et fait le dos rond pour empêcher les mots. Comme en ce moment. Mais tant pis. Ecoutez Ninon, sa petite voix naïve et touchante, ses problèmes « de disques et de lexique » et son grand cri d'amour pour Fred. C'est beau. C'est l'histoire d'une princesse dans sa cabane, d'une souillon sur goudron et d'une guenon éprise de liberté.

Stock, 2009 - 240 pages - 17,50€

Merci à l'auteur !

Le blog de Maud Lethielleux : http://maudetlesmots.blogspot.com/

d'autres avis :  Lily - Cathulu - Marie - Antigone

 

 

 

 

3 mars 2009

Est-ce ainsi que les femmes meurent ? - Didier Decoin

41wH_Uw867L__SS500_A la base, le meurtre de Kitty Genovese n'est qu'un fait divers parmi d'autres. Nous sommes en mars 1964, dans un quartier paisible de Harlem. Une femme a été tuée. La police a rapidement arrêté le coupable, lequel est passé aux aveux. Et pourtant l'affaire reste lourde et gênante. En effet, un point a été soulevé. La jeune femme a été poignardée à mort, sous les yeux de ses voisins. Son martyr a duré plus de trente minutes, personne n'est intervenue dans l'intervalle.
Durant l'enquête, ils sont trente-huit à témoigner des cris, des appels au secours entendus, du suspect aperçu sur la scène du crime, du calvaire de la jeune Kitty. Un journaliste du NY Times s'interroge, trente-huit témoins et une passivité commune, comment est-ce possible ?
L'affaire secoue l'Amérique. Plus que l'horreur suscitée par le meurtrier pervers et nécrophile, c'est bien l'impassibilité des habitants d'Austin Street qui provoque l'incompréhension et la révolte. La presse va se jeter sur eux, ce sont des gens comme vous et moi, ils sont respectables et respectueux de la loi. Leur silence nous fait tomber des nues.
L'affaire a eu des retombées, c'est devenu un cas d'école, car on parle désormais du syndrome Kitty Genovese. Il s'agit de la diffusion de la responsabilité, plus les témoins sont nombreux et moins ils se manifestent pour porter secours, chacun pensant que l'autre va bouger le petit doigt.

Comme le souligne l'éditeur, le roman de Didier Decoin se lit dans un frisson. Ce sont plus de 200 pages glaçantes, rapportées avec un sens du détail quasi chirurgical par le narrateur, Nathan Koschel, un voisin qui n'était pas présent ce soir-là. « Sommes-nous curieux jusqu'à l'impudence, jusqu'à l'irrespect ? » Une part de ressenti face à cette lecture me pousse à répondre positivement.
J'ai été un peu dégoûtée par ce livre, que je trouve trop froid, trop dérangeant, trop scandaleux. Il bouleverse, il force à se remettre en question, à se demander qu'aurions-nous fait à la place. Car bientôt, à lire cette histoire affolante, le sentiment de culpabilité se déplace. Il y a le monstre sanguinaire et sans état d'âme, qui trouve sa place toute justifiée à la barre des accusés, mais on sent que la justice trébuche, a envie de marquer le coup. C'est toute une opinion publique qui s'émeut, qui ne comprend pas.   
Un roman terrible, pénible et qui met mal à l'aise.

Grasset, 2009 - 227 pages - 17,90€

l'avis de Jules

3 mars 2009

Tu devrais voir quelqu'un - Emmanuelle Urien

41eYAzyiDKL__SS500_Sarah, trente-quatre ans, célibataire, a une passion : l'écriture. Mais jusqu'à présent ses écrits sont raillés, détestés, jetés et cachés. Personne ne peut juger. Et puis un matin, elle se réveille et trouve un homme, assis, immobile, chez elle. Il ne parle pas. Il porte un chapeau et un complet usé. Qui est-il ?

Personnage à la recherche de son auteur ! Voici un peu comment résumer ce livre impossible à raconter. Avec ce premier roman, Emmanuelle Urien (qui n'avait publié que des nouvelles) s'essaie à un exercice difficile, celui de la création littéraire. Le résultat donne une lecture étrange, où la folie et la violence se donnent la main. L'intrigue est brillante et sordide à la fois, l'humour grinçant, et la fin totalement inattendue. Le lecteur est manipulé, mais par qui, c'est une question qu'on se pose longtemps.

(version courte) 

Gallimard, 2009 - 166 pages - 15,90€

le non-blog d'emmanuelle urien : http://www.emmanuelle-urien.org/Tantpisjelaisse/

3 mars 2009

Tu devrais voir quelqu'un - Emmanuelle Urien

41eYAzyiDKL__SS500_

(version bavarde)

Au début, cela ressemble à une histoire gentille et convenue, qui en rappelle d'autres. On y découvre Sarah, trente-quatre ans, célibataire. Elle est amoureuse du mari de sa meilleure amie. Et elle écrit, beaucoup. Des griffonnages qui la laissent mécontente et insatisfaite. Qui parfois finissent en miettes dans le bain. Avalés par les égouts. Elle est comme ça, Sarah. Sauvage, entière, exaltée et secrète. Car ses écrits sont personnels, ils remplissent son jardin dont la porte est bien verrouillée.

Et puis un matin, Sarah se réveille et trouve un homme, assis, immobile, chez elle. Il ne parle pas. Il porte un chapeau et un complet usé. Qui est-il ? Elle est seule à voir cette ombre, elle jure qu'elle n'est pas folle, elle préfère se croire malade et supplierait presque que la médecine lui trouve une tumeur pour lui curer le cerveau et lui ôter cette tâche qui l'indispose. Son entourage s'inquiète, le comportement de Sarah a changé. Elle fait peine à voir, elle est incohérente et fuyante. Elle refuse les coups de téléphone, ne répond plus à son amie et fait une croix sur son amant.

Quand elle comprend l'utilité de l'homme en noir, elle choisit son arme : un papier, un crayon. Il faut qu'elle aille au bout, il faut qu'elle écrive pour vivre. Pour survivre. C'est une façon de revisiter le mythe de Prométhée, une créatrice bordeline et sa créature incontrôlable, un rapport malsain, qui rend chèvre. Un truc de zinzin.

On a depuis longtemps dépassé le cadre strict de la bluette sympathique et déjà lue, on pénètre dans l'antre de la folie, et la violence a pris le pas. C'est bien assis et les yeux hallucinés qu'on lit cette intrigue, tantôt sordide, tantôt brillante. L'humour y est grinçant. La tromperie, énorme. On casse sans cesse les contours, les repères deviennent flous... il faut reprendre son souffle, ne pas s'attacher, mais se détacher et tuer. Au centre, c'est la mare aux canards. Ils se débattent tous, ils veulent vivre, ils réclament un bout d'existence, ils hurlent, ils sourient, ils s'aiment ou se quittent. Il n'y a toutefois qu'un maître à bord, quel est-il ? le lecteur ? l'auteur ? le personnage ? Qui manipule qui ?
A vous de le découvrir ! 

Gallimard, 2009 - 166 pages - 15,90€

le non-blog d'emmanuelle urien : http://www.emmanuelle-urien.org/Tantpisjelaisse/

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