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Chez Clarabel
passion des livres
6 décembre 2008

Êtes-vous passés à côté de... En poche ! #17

Millefeuille de onze ans, d'Isabelle Jarry ?

51uFmSpLJBL__SS500_Après le refus d'un manuscrit par son éditeur, Isabelle Jarry a eu l'impression que sa vie d'écrivain s'arrêtait, cette vie qui est la sienne depuis si longtemps. "Millefeuille de onze ans" est né de cette terrible déception, du doute et de l'incompréhension d'un auteur face à l'échec.
Isabelle Jarry décide de replonger dans l'année de ses onze ans, lors de son entrée au lycée Jules-Ferry, où elle fit la rencontre de Viviane Der Tomassian, une jeune camarade aux idées révolutionnaires, figure atypique et flamboyante, qui a bien inconsciemment guidé la jeune fille vers sa "révélation" (être écrivain !).
Dans ce livre aux 46 chapitres, l'auteur fait son portrait de jeune lectrice et d'apprenti scribouillarde, forte en contemplation, entichée de grec et latin, papivore convaincue et étudiante rêveuse et romantique, selon les critères de son amie Viviane...
C'est honnêtement un portrait en finesse, écrit avec ce souci des mots justes et simples, qui peut faire écho chez toute jeune fille aspirant aux mêmes affinités (le goût des mots, des livres, la curiosité de l'écriture). C'est surprenant le nombre de passages qui interpelle, qui semble avoir été écrit par et pour soi. Même si nous ne souhaitons pas tous écrire (ou "gribouiller"), ce "Millefeuille de onze ans" semble être destiné à tous les lecteurs qui se reconnaîtront ! Cela se déguste avec appétit, moi j'adore les millefeuilles ! Et ce livre donne en aperçu toute la sincérité d'un auteur qui se questionne et revient aux origines de sa passion. Infiniment attachant et authentique, un beau livre sur les livres et le goût des mots, tout comme j'aime !

A noter, une très jolie couverture pour cette édition folio !

Folio, décembre 2008 / 6,50€

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13 octobre 2008

Quand elle sera reine - Rachel Hausfater

Mira n'est pas une petite fille comme les autres, son tempérament est vif, son air busqué, le port hautain. Elle porte les cheveux longs, avec des mèches rousses, en une crinière folle. C'est une enfant sauvage, l'aînée du père, qui vit aujourd'hui avec l'autre mère. Elle grandit auprès de deux autres enfants mais Mira se sent seule et incomprise, jusqu'au jour où elle rencontre Mme Katish, l'institutrice de l'école. Elle va lui apprendre les mots et lui ouvrir les portes de la lecture. Son goût des rêves et des histoires qui la transportent vers un ailleurs plus beau prend enfin forme. Puis, tout s'arrête avec la perte de l'autre mère. C'est brutal, inopiné. Mira est séparée de sa vie d'avant et doit grandir en un claquement de doigts.

Elle était habituée à la vie difficile et rudimentaire, mais ce qui l'attend sera encore plus austère. Une petite éclaircie s'offre à elle par la découverte de l'amour. De pleines pages de désir et de sensualité irradient tout le livre, c'est fou ! Mais les nuages gris et menaçants reviennent vite à la charge : c'est la guerre et Mira doit fuir. Trop différente, trop brune aux mèches rousses, et des yeux trop noirs, bref son passé la rattrape, on lui fait payer l'histoire de sa vraie mère qui n'était pas du même pays, qui est venue un jour puis est repartie avec ses charmes de sorcière. Bref, on s'acharne sur elle au nom de tous les embrigadements bêtes et méchants.

Ce roman est un mélange d'amour fou, de passion et de révolte, c'est violent, fascinant et ça ne brode pas dans la dentelle. Ce texte demande du temps, de la patience, de l'écoute pour être apprivoisé. Le reste, ensuite, accomplira son travail de séduction. C'est fatal. Tout est terriblement beau, même si le fond est dur et impitoyable pour Mira. Son histoire nous émeut, nous bouleverse et nous renverse. C'est un portrait étincelant, une fille forte et fragile à la fois, aux prises avec le doux, le rire, les mots et les idées. Entre prose et poésie, se dessine une personnalité farouche, entière et furieusement vivante.

A découvrir sans attendre !

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Ed. Thierry Magnier, février 2008 - 165 pages - 8,50€
Dès 15 ans.

12 octobre 2008

Echappée belle

Un nouvel album de Dido - Safe trip home - à sortir le 3 novembre. Chouette !

« L'envie de lire est brute, c'est une voracité. Quand elle tient dans ses mains un livre et ses promesses, elle voudrait s'y vautrer, le mordre, s'en gaver. Mais a si peu de temps et si peur de finir qu'elle se retient et lit par petites bouchées, petites cuillerées, comme une voleuse d'histoires, une braconnière de mots, entre deux tâches brutes ou le soir tard avec l'écrasement de la nuit. Quand elle ne lit pas, presque tout son temps, elle rumine et digère ce qu'elle vient d'ingurgiter et salive d'anticipation. Dans sa tête elle malaxe et touille les mots, les phrases, les bouts d'histoires. Cela fait une sauce riche et onctueuse qui enrobe ses heures décharnées, nourrit sa vie trop creuse et la maintient vivante, alerte, en appétit. Chaque livre lui fait de l'usage : elle profite. »

Quand elle sera reine, Rachel Hausfater (Ed. Thierry Magnier, 2008)

3 octobre 2008

La petite cloche au son grêle - Paul Vacca

Attention, pépite ! Gros coup de coeur pour ce roman.
D'ailleurs, il est tellement incroyable que c'est presque lui faire injustice d'en parler, mes mots n'arriveront jamais à la cheville d'une telle histoire. Mais je vais essayer, par souci de vouloir partager mon amour pour ce roman. Et puis, comme il est écrit à un moment dans le livre : "Quel bonheur de partager un secret ! Maintenant, ils savent comme nous que ce livre est un grimoire empli d'heureux sortilèges."

L'histoire se passe dans un petit village du Nord de la France, au charme bucolique rafraîchissant et enchanteur. La Solène coule le long d'un sentier herbeux, à travers les sous-bois. Là, le jeune narrateur de 13 ans et sa mère Paola ont trouvé leur refuge et butinent l'air fleuri en laissant éclater leur bonheur. Il y a une vraie complicité entre eux, un amour grand comme le monde. Le père est témoin passif, mais pas totalement en retrait non plus. Il est le cafetier du village, il voue à son épouse une admiration sans bornes. En gros, tout le monde est beau, tout le monde est gentil et c'est la belle vie.

Non, bien sûr. La belle Paola est malade et doit se rendre à Paris pour des examens. Surtout ne pas inquiéter le garçon et prétendre qu'elle rend visite à une vieille tante. C'est juste une histoire de quelques jours... En attendant, notre jeune héros est amoureux d'une demoiselle qui le snobe. Avec son copain Mouche, il échafaude des plans tordus pour attirer son attention, mais le résultat n'est pas à la hauteur des attentes. Et puis, il y a aussi la prof de français, la terrible Mlle Jeannin, qui vante les barbaries et autres solécismes dans lesquelles se noient ses rédactions avec un sadisme écoeurant, et ce, devant toute la classe !

C'en est trop pour la mère. C'est vrai que son fils n'aime pas les livres et risque mal de devenir un grand écrivain. Sauf qu'elle ignore que ce même fiston est plongé, tous les soirs, dans un pavé aux longues phrases sinueuses, qui éveillent en lui des sentiments nouveaux et vertigineux. En rentrant d'une promenade, le garçon a trouvé un livre abandonné, qui appartenait à une femme belle comme le jour, il s'en est emparé et le cache sous son oreiller. Il s'agit de Marcel Proust, Du côté de chez Swann. "Je ne sais pas encore à quel point ce livre va changer notre vie."

La suite est une valse étourdissante entre les éclats de rire, la tendresse, l'envie et le désespoir. C'est beau à en pleurer ! J'ai longtemps cru qu'on allait échapper au chagrin tant l'auteur s'ingéniait à faire basculer les passages tristes avec ceux plus joyeux. Bien entendu, j'ai versé ma petite larme. Pourtant je ne voudrais pas qu'on charge ce roman d'un pathos gluant et déplacé, c'est tout le contraire. C'est une histoire d'admiration, d'amour et de grandeur. On peut aussi y voir un hymne formidable au pouvoir des mots et de la lecture, à son bienfait fédérateur (tout un village se mobilise pour créer un spectacle). Ne passez pas votre chemin et dévorez ce livre... il est magnifique !   

un grand merci à l'auteur de m'avoir fait partager ce plaisir de lecture ***

Philippe Rey, mars 2008 - 180 pages - 16€

L'avis de Cathulu

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22 septembre 2008

L'excuse - Julie Wolkenstein

Je tâtonne pour parler de ce livre, parce qu'il est remarquable et trouver les bons mots pour le décrire n'est pas chose facile ! Pour le résumer en quelques mots, dirons-nous, ceci n'est pas qu'un roman, c'est une enquête littéraire, un jeu de pistes. On suit l'héroïne - Lise Beaufort - dans sa collecte de sources (ou ressources) cachées lorsqu'elle prend possession de son héritage : une maison sur l'île de Martha's Vineyard, léguée par son cousin Nick, après le décès de la tante Françoise. Elle va y découvrir trois boîtes remplies de photos, de cassettes et d'un manuscrit intitulé Déjà-Vu.

Ce récit, écrit par Nick, entend démontrer que la vie de Lise a été copiée sur celle d'Isabel Archel, l'héroïne du roman de Henry James - Portrait of a Lady. Une relecture s'impose, décortiquant point par point ce fait avéré par Nick. De son côté, Lise pinaille. Elle lit cette longue dissertation en prenant des pauses, le temps de fumer, de boire du champagne et de flirter avec le skipper. Elle songe, soupèse et complète les passages brumeux. Car ils sont nombreux - Nick a beau prétendre avoir joué le rôle du cousin Ralph, secrètement amoureux d'Isabel Archer, il n'est pas autant l'observateur avisé et confiant !

A sa façon, Lise veut lui rappeller qu'il se trompe. Elle rembobine le film de sa jeunesse - exilée française, orpheline et riche d'un joli pécule, érudite, prétentieuse et effrontée, elle n'a jamais cessé de tracer son bonhomme de chemin par la force de son indépendance, son audace et son amour pour un certain Gilles (Gilbert Osmond ?). Au diable les coincidences - la maladie de Nick / Ralph Touchett ; la rencontre avec Marie / Madame Merle ; l'adoption d'Alabama / Pansy et l'inclination de Charles / Lord Warburton. Et j'en passe !

L'exposé de Nick est prodigieux, éloquent et tient parfaitement la route. La contre-attaque de Lise est à la hauteur de la verve de cette femme sensationnelle. Nos deux protagonistes sont quasiment ex-aequo. Et pourtant, l'histoire va connaître un singulier rebondissement : prise de doutes, Lise va vérifier si sa vie a vraiment été écrite par un autre, et si elle n'a fait que subir cette histoire, malgré elle.

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L'Excuse est un incroyable roman à tiroirs ; c'est un brillant exercice de style, un commentaire de texte instruit, le portrait d'une femme par le truchement d'une figure fictive, une chasse au trésor littéraire, une chronique sociale au charme Fitzgeraldien. C'est limpide, cultivé, mélancolique, construit comme un vrai labyrinthe, on aime s'y perdre, tracer son chemin, suivre des sentiers battus et battre la mesure avec ravissement. On sort étourdi, mais ravi.

Julie Wolkenstein, professeur de littérature comparée, auteur de l'essai "La Scène Européenne, Henry James et le romanesque en question" * met en application des années de passion au service de la littérature grâce à ce roman captivant et exceptionnel.

Je vous le recommande fortement !

Question subsidiaire : Faut-il avoir lu James dans sa vie pour plonger dans ce livre ? Je vous le conseille, chers amis lecteurs, mais ce n'est pas obligé que cette lecture remonte à la veille non plus. ;o)

L'Excuse

P.O.L, août 2008 - 345 pages - 20€

* éditions Honoré Champion, 2000.

Pour compléter vos achats : 

 

 

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21 septembre 2008

^Avant-première : roman coup de coeur ^

Il y a deux-trois ans, j'étais lectrice pour France Loisirs. Cela consistait à recevoir des manuscrits en v.o et de renvoyer des notes de lecture. Facile ! Dans l'ensemble, j'ai toujours eu une bonne pioche. Mais un jour, j'ai eu LA révélation de l'année et je suis très contente de vous apprendre que le roman est enfin proposé dans le catalogue de France Loisirs, en avant-première :

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Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates

(en vo : The Guernsey Literary and Potato Peel Pie Society)

Son histoire :

Janvier 1946. Tandis que Londres se relève péniblement des drames de la guerre, Juliet se demande quel va bien pouvoir être le sujet de son prochain roman. Lorsqu'elle reçoit une lettre d'un habitant de Guernesey, cette petite île anglo-normande oubliée, lui parlant d'un cercle littéraire et de tourtes aux pelures de pommes de terre, la curiosité de Juliet est piquée.
Au fil des lettres qu'elle échange avec les habitants - aussi fantasques qu'attachants - de Guernesey, Juliet découvre l'histoire d'une petite communauté sans pareille sous l'Occupation et le destin héroïque et bouleversant d'Elizabeth, une femme d'exception...

Rédigé sous la forme épistolaire, ce roman se lit d'une traite. C'est savoureux ! Au début, on pense vaguement à Helene Hanff et son 84, Charing Cross Road pour très vite l'oublier ! C'est encore mieux ici. On s'embarque rapidement dans une aventure insulaire, à Guernesey, au sein d'une communauté bougrement attachante. Ses habitants ont connu la guerre, en plus de leur isolement. Bien entendu ils se sont serrés les coudes, ont trouvé le moyen de se divertir en créant un cercle littéraire pour parler de leurs lectures. Mais en fait ses réunions servaient d'alibi pour des actes de résistance (han-han). Je n'en dis pas plus !

Vous allez adorer !

La page de présentation sur le site de France Loisirs (avec extrait)

Et pour celles & ceux qui me trouvent abominablement injuste (tout le monde n'est pas adhérent !), je ne peux que vous conseiller la lecture en anglais (ce site, play.com, propose le livre au prix de 11,49€  ICI ). Sinon le roman va paraître chez Nil en avril 2009.
Traduction de l'anglais par Aline Azoulai-Pacvon et c'est très bien rendu !

Avé, les lecteurs ! 

10 septembre 2008

Notre petite vie cernée de rêves - Barbara Wersba

Albert Scully est un garçon quelconque,  "un individu très ordinaire qui a des problèmes avec son âme". Il se sent étranger avec lui-même, différent des autres, bref ça le gonfle. Il ne sait plus où se situer, n'est pas soutenu par ses parents. Sa mère est une mordue de Bette Davies et n'a qu'un rêve : vivre à Beverly Hills. Elle passe la majeure partie de son temps à râler. Le père est un pauvre type qui boit de plus en plus, pour tromper son ennui et oublier ses soucis. Ils vivent dans un lotissement, dans le New Jersey, roulent en Ford et ont plusieurs dettes.

Je ne voudrais pas casser la baraque en plombant le moral des lecteurs de suite, parce que ça serait une erreur de penser que ce roman est glauque et déprimant. Bien loin de là ! On suit un garçon attachant, intelligent et réfléchi, qui pose un regard trop mature sur son petit monde. Il est conscient d'être un adolescent avec des goûts hors du commun (il aime les longues promenades, Shakespeare, collectionner les recettes de cuisine et le jardinage). Il n'est pas bête, il sait que ça cloche avec ses petits camarades. D'ailleurs il n'a aucun ami.

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Un beau jour, Albert fait la rencontre de Mme Ophra Woodfin, une dame âgée de 80 ans, qui vit à deux pas de chez lui, dans une maison qui ressemble à un décor des romans de Dickens. C'est une ancienne actrice, elle a grandi à Bloomsbury, voyagé à travers le monde et boit du xérès au coin du feu en offrant une tasse de thé à son invité. Pour la première fois, Albert se sent écouté et compris. Il n'arrête plus de parler et il ne se lasse pas d'entendre les souvenirs de Mme Woodfin. C'est comme ça qu'il comprend la valeur de sa différence et la possibilité de rêver pour mieux égayer sa vie.

Ce roman devrait se lire à tous les âges, car il vous redonne une confiance en vous et vous ouvre les yeux sur ce qui est bon et beau. La relation naissante entre Albert et sa voisine met du baume au coeur, cela rappelle Harold et Maud. On assiste à des échanges passionnants sur la littérature et le théâtre, c'est grandiose. Et en-deçà il y a la petite vie étriquée du garçon et de sa famille. C'est petit, assez triste et pathétique mais cela apporte du poids à l'ambition cachée de Mme Woodfin, qu'on retrouve dans la citation de Rilke : "Si ta vie quotidienne te semble pauvre, ne l'accuse pas, accuse-toi plutôt ; dis-toi que tu n'es pas assez poète pour en convoquer les richesses..."

traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Jean Esch

Editions Thierry Magnier, août 2008 - 187 pages - 9,50€

27 août 2008

La tête en friche - Marie Sabine Roger

 

Germain, quarante-cinq ans, "cent dix kilos de muscles et pas un poil de graisse, un mètre quatre-vingt-neuf sous la toise, le reste à l'avenant", est inculte et analphabète, pas très futé mais pas débile pour autant. Toute son enfance, il a manqué de signes démonstratifs d'affection. A l'école, le maître le traitait comme un abruti et prenait plaisir à l'humilier. Très tôt, donc, il a renoncé aux études, à l'amour. Il exerce des petits boulots, est très habile de ses mains et aime tailler le bois avec son Opinel. Après une cohabitation difficile avec sa mère, Germain a choisi de vivre dans une caravane... au fond du jardin où il cultive ses légumes.

Un jour, dans le parc, il fait la rencontre de Margueritte, une petite vieille qui passe son temps à compter les pigeons. Ce détail les touche ; débute alors un timide rapprochement. Presque tous les jours, ils se retrouvent sur le même banc et discutent du bout de gras. De suite, Margueritte lui apparaît épatante, érudite, pleine d'éducation mais qui n'en étale pas. Elle est douce, l'écoute et commence à lui apporter des livres. Germain n'ose pas lui avouer qu'il n'aime pas ça (parce qu'il ne sait pas), par contre il prend plaisir à l'écouter lui faire la lecture à voix haute. Et de fil en aiguille, il imprime et se passionne, en redemande.

Depuis sa rencontre avec Margueritte, les choses ont bougé dans la vie de Germain. Il réfléchit beaucoup, il pense à sa mère, à ses potes de boisson, à sa petite copine Annette, à son père qu'il n'a jamais connu et à son manque de culture. Ce n'est pas qu'il se sent bête, mais floué de n'avoir pas reçu le décodage. Les heures passées à écouter Margueritte lui apprennent la puissance des mots, la liberté que cela offre et toutes les ouvertures possibles.

Sur ce constat, où jamais ne reflète la moindre pointe d'amertume, le roman devient un domaine de connaissances qui prouve qu'on a toujours besoin de labourer son champ de savoir. Le narrateur est un brave type qui n'a pas inventé l'eau chaude, on ne sent aucune pointe de misérabilisme derrière son histoire. Au contraire. Son franc-parler donne du peps au récit, c'est aussi assez drôle, avec des réparties pas mal balancées.

Et puis, je ne sais pas si on peut nommer "amitié" ce qui se tisse entre Germain et Margueritte, peut-être une adoption est-elle en cours, après un lent apprentissage. Mais c'est très joli, plein de tendresse et absolument extraordinaire. Cette histoire rappelle aussi la magie des livres et de la lecture - rien que ça, cela ne vous donne pas envie ?

La tête en friche

Editions du Rouergue, août 2008 - 237 pages - 16,50€

Marie-Sabine Roger est un auteur très connu pour la jeunesse. Ce titre est le premier pour "adultes", mais il peut également être lu par l'étiquette "adolescents - jeunes adultes".

 

 

23 mai 2008

Un Monde sans rêves - Nicola Morgan

un_monde_sans_r_vesDans un futur proche, au coeur de la société anglaise, le libre arbitre a été totalement effacé de la conscience des humains, désormais divisés en Citoyens ou en Exclus, ceux qui refusent l'implant d'une puce dans leurs cerveaux pour inhiber toutes émotions. Imaginez une vie sans imagination, pré-programmée, sans la possibilité de rêver, d'espérer ou d'étonner. Un monde sans rêves. Dans cette Cité, la fiction a été interdite, l'émotion proscrite et l'espérance totalement évanouie. Pourtant, il y a les résistants, avec le Poète et Milton parmi les têtes pensantes. Le premier a choisi de s'exiler à Balmoral et recueille les nouveaux-nés que lui confie son camarade qui vit dans les tunnels de la Cité. Plus qu'un meilleur cadre de vie, le Poète offre à ces enfants une motivation pour boucler un projet élaboré de longue date. Et seize ans plus tard, trois adolescents, Livia, Marcus et Tavius, sont rappelés auprès de Milton pour venir en aide à la communauté des Exclus, frappée par une épidémie de peste.

J'ai vraiment beaucoup apprécié ce roman, totalement transportée dans cet univers que je pensais implacable et difficile de prime abord. Je me suis trompée, car j'ai découvert, certes, un monde terne et figé, où les Gouvernants aspirent les expressions de vie chez les Citoyens. Et ceux qui refusent une totale soumission, les Exclus, doivent endurer une vie clandestine et misérable dans les souterrains. Malgré tout cela, l'ambiance de ce livre n'est pas du tout glauque. L'oppression régnante et l'injustice flagrante poussent à encourager nos trois jeunes "soldats" à accomplir leur mission quasi désespérée (se rendre à la Tour centrale pour corrompre le système en place). C'est entre leurs mains que repose l'avenir de leur société, il leur faudra du courage et de l'intelligence, en plus de la bravoure pour affronter les Pols, cette milice qui abat de sang-froid tous les récalcitrants. Et je vous garantis une bonne dose de tension et de rebondissements, ça se lit très vite, c'est prenant. Ce roman de science-fiction n'est pas un produit pur jus, il élabore des théories mais ne s'embarque pas dans des phénomènes étranges et difficilement explicables. C'est simple, l'explication de la fin est même époustouflante, voir très séduisante. Cette histoire a pour atout majeur d'être truffée de clichés littéraires, parfois même c'est la clef pour résoudre l'énigme de ce Monde sans rêves. Oui, ce roman est totalement surprenant, vraiment enthousiasmant.

Albin Michel, 2008 - Coll. Wiz - 230 pages - 12€

Traduit de l'anglais par Raphaële Eschenbrenner. Titre vo : Sleepwalking.

 

A également été lu par Mélanie

14 mai 2008

Echancrure - Michel Le Bourhis

echancrureThomas, dix-sept ans, est un écorché vif qui ne croit pas en l'avenir. Il traîne ses savates au lycée professionnel, sèche souvent les cours, vit dans un modeste appartement avec sa mère, qui est caissière au Leclerc, et son petit ami qui glandouille toute la journée devant la télé. La perspective d'un lendemain meilleur lui est complètement illusoire. Il est aussi secrètement amoureux de sa voisine, Sandrine, qui sort avec son meilleur copain, Tony. Et il rêve de cogner le père de celle-ci, pour la venger des coups qu'elle reçoit tous les soirs. C'est la misère, pensez-vous...

Thomas a cependant trouvé un refuge dans cette vie de brutes : il entretient une véritable passion pour la littérature et les belles éditions, qui le fascinent, le séduisent. Un jour, dans une librairie, il s'apprête à chiper un exemplaire de Maupassant dans la Pléïade mais son geste est arrêté par une femme d'un certain âge, Micheline Gayet. Au lieu de le sermonner ou de le dénoncer, elle préfère lui payer le livre et lui offrir. Ce geste étonne nos deux personnages, qui se font face, un peu abrutis et maladroits. Thomas est incapable de comprendre la gratuité de ce geste, Micheline ne l'explique pas non plus et ne comprend pas cette soudaine obsession pour ce garçon, qui lui rappelle une autre époque de sa vie de prof.

A travers le monologue de l'adolescent et les extraits du journal de Micheline, l'histoire d'Echancrure est une remarquable description du désarroi d'un gamin très en colère et écoeuré par la vie qui l'entoure. Seuls les livres lui offrent une échappatoire, sans quoi la réalité de son quotidien est oppressante, lourde, poignante et déprimante. Au fil des pages qui s'enchaînent avec une rapidité étonnante, le lecteur ressent cette urgence et le sursis qui s'annonce. Car un drame va boucler cette comédie humaine, dès le départ le lecteur en a l'intuition. Et pour accentuer le tout, le rythme qui s'accélère dans les derniers chapitres va donner le tournis, fait retenir le souffle. Puis le couperet tombe.

Ce livre n'est décidément pas tendre mais force l'empathie du lecteur. Cette réalité désoeuvrante que vit Thomas nous rend amer et seuls les passages écrits par Micheline apportent une bouffée d'oxygène, surtout à travers la perspicace description du bienfait des livres dans une vie. Elle offre un passage extrêmement juste sur la difficulté de ces jeunes de s'arracher à eux-mêmes, de se frotter aux mots, aux textes, à des vies qui ne leur ressemblent guère, et qu'ils regardent filer, envieux parfois, respectueux aussi, mais sans désir véritable de les rejoindre, d'essayer de les partager, confortés dans leur certitude que ces deux mondes s'opposent violemment. Un beau texte, pas très gai mais poignant.

Editions du Seuil, 2007 - Coll. karactère(s)

139 pages - 8,50€

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