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Chez Clarabel
30 mars 2008

North & South (la série BBC, 2005)

Chose promise, chose due : voici une bafouille sur la série BBC adaptée du roman de Mrs Gaskell (oui, encore ! ce fut un week-end totalement dédié à la dame !). North & South, ou la confrontation entre deux mondes que représentent le nord industriel et le sud bucolique et nonchalant, et à travers ces deux antagonismes c'est l'histoire impossible entre John Thornton et miss Margaret Hale, qui vient d'arriver à Milton avec sa famille, directement du Hampshire.

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Pourquoi un tel déracinement ? Mr Hale était clergyman à Helstone, menait une vie cosy et paisible au coeur d'une nature verdoyante, mise en beauté par des buissons de rosiers. Sa décision de tout quitter lui est propre, une question d'honneur et de formalité, selon lui, mais ce choix affecte profondément son épouse, incapable de s'adapter à sa nouvelle vie. Il est vrai que Milton, dans le Lancashire, est une ville bruyante, sale, peuplée d'une faune accaparée par le gain et l'argent - le regard des Hale est sans appel. Margaret et sa mère gardent une image terriblement romantique de leur Sud, refusant de s'astreindre à la moindre indulgence pour des hommes comme Thornton, qui ont en charge de diriger les filatures de coton, soumises à des règles du marché impitoyables et aux mouvements de grève de leurs ouvriers.

ns7John Thornton est dur, âpre au travail, exigeant avec lui comme avec les autres. Il force l'admiration, le respect et le dégoût. Margaret Hale est aussitôt choquée par son attitude. La première rencontre résonne encore des échos de leur vive discussion, passée l'instant de grâce d'un coup de foudre annoncé. L'enfer à Milton est blanc, la couleur du coton. Cela vole en poussières dans les manufactures, cela empoisonne les poumons des plus faibles, cela nourrit des centaines d'employés, cela semble improbable de surpasser le lin, selon Margaret et ses proches. Thornton mène son affaire d'une main de fer, aidé par une mère aussi coriace et qui voue à son fils une dévotion aveuglante. Elle perce chez John et Margaret un lien dont ils sont encore ignorants, doutant que cette fille au caractère impossible viendra lui voler son fils, tôt ou tard.

Pour l'heure, miss Hale est préoccupée à comprendre les motivations des pauvres gens, comme les Higgins, qui revendiquent à juste titre une augmentation de salaires et du pain sur la table. Elle soutient en son for intérieur leurs prétentions à mener une grève, et excuse leurs actes désespérés qui sonnent comme des insultes aux yeux de Thornton. L'homme, devenu ami avec Mr Hale, se sent poussé à justifier chacune de ses positions pour répondre à l'obstination de Margaret, mais son discours devient davantage une flèche contre lui, par la faute de son tempérament explosif et son orgueil démesuré. Margaret est également coupable de son opiniâtreté, en plus d'être enfermée dans son image idyllique d'un Sud irréprochable et supérieur en manières.

ns5Ce combat des préjugés rappelle incidemment Pride & Prejudice de Jane Austen, la conscience sociale en plus, mise abruptement au coeur du récit par cette confrontation entre les sensibilités existant au Nord et au Sud. Un autre élément de comparaison entre en scène, à mi-parcours, avec la demande en mariage qui est refusée par la demoiselle. Cependant, Margaret et Thornton ne remplaceront pas Elizabeth Bennett et Darcy, et n'ont pas la prétention de le faire non plus ! North & South possède ses propres qualités et un charme sans égal qui saura tout autant enchanter les fans de Jane Austen !

Mrs Gaskell avait ce talent indéniable de créer des personnages féminins dynamiques et acteurs de leur propre destin. Margaret Hale en est un exemple, puisqu'il s'agit de son parcours initiatique durant lequel elle apprendra à modifier son jugement, à évaluer sa propre conscience et à accepter le changement. Cette notion revient très souvent chez l'auteur, également soucieuse de décrire le contraste entre les couches sociales et dépeindre un contexte historique très pointu. North & South est plus qu'une simple romance entre Thornton et Margaret, c'est une dénonciation des enjeux économiques, un forum pour les plus démunis, une conscience collective qui implique que tous sont impliqués dans une chaîne humaine inextricable.

Margaret elle-même va revoir ses appréciations, se révélant plus sévère à considérer Helstone et le faste d'une vie à Londres. Implicitement, elle va se mordre les lèvres d'avoir repoussé Thornton et, surtout, de l'avoir fait douter sur son caractère droit et honnête (en effet, elle a été surprise dans les bras d'un autre homme, forcée de mentir sur sa présence sur les lieux où a eu lieu un crime, retenue de ne pouvoir dévoiler ce qui représente un secret de famille !). Leur relation devient aussi fine et fragile qu'un fil de toile d'araignée. Toutefois la mise en scène demeure impeccable, jouant avec un idéal romantique qui cache une autre noirceur, la caméra s'appuie sur les regards que tous deux se lancent ou le scénario s'amuse de cette attraction physique qui les horripile, ne pouvant la contrôler.

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Je ne crois pas me tromper en affirmant que Richard Armitage interprète un John Thornton plus vrai que nature ! Sa raideur, ses yeux bleus, son flegme et sa virulence font de lui un être captivant. On pourrait se méprendre sur lui, dès les premières minutes, avant d'en apprendre davantage sur son passé, ses souffrances et sa relation si ambivalente avec sa mère. Sa rencontre avec Margaret va contribuer à faire douter de lui et le conforter que la jeune fille n'a cure de lui. Plusieurs fois, il insiste là-dessus, comme pour se faire violence. Est-ce un moyen pour se rassurer ou se voiler la face ? Les rebuffades de Margaret vont profondément l'ébranler, et surtout lorsqu'elle refuse sa demande en mariage, il en sortira agacé, vexé, soulagé et/ou blessé. (A noter, cette scène n'a pas à rougir de LA fameuse scène entre Darcy et Liz !)

De manière générale, la réalisation est superbe, irréprochable (à un détail près) et signe là une adaptation réussie, tour à tour poignante, sensible et sentimentale, sans paraître trop fleur bleue. North & South doit être vue pour x, y raisons. C'est dit, c'est ainsi, ça ne se discute pas ! 

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North & South, d'après l'oeuvre de Mrs Gaskell. Réalisé par Brian Percival, sur un scénario de Sandy Welch. Série en 4 épisodes d'approximativement 60 minutes.

Casting : Daniela Denby-Ashe (Margaret), Richard Armitage (Thornton), Sinead Cusack (Mrs Thornton), Leslie Manville (Mrs Hale), Tim Pigott-Smith (Mr Hale), Pauline Quirke (Dixon), Brendan Coyle (Nicholas Higgins), Anna Maxwell Martin (Bessy Higgins), Jo Joyne (Fannie Thornton), Brian Protheroe (Mr Bell), William Houston (Boucher), John Light (Henry Lennox)... 

La série est en anglais exclusivement, avec sous-titrages anglais.

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A voir : Lilly a également vu cette série. Isil également.

Et ce serait un crime de lèse-majesté de ne pas inclure le lien suivant : http://the-inn-at-lambton.cultureforum.net/index.htm (véritable lieu de pélerinage pour tous les amateurs d'auteurs anglais du XIXème, etc.)   

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29 mars 2008

Cranford

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Cranford est une délicieuse bourgade du Cheshire, typique des petits villages anglais. La communauté, essentiellement féminine, est ancrée dans sa routine, son désir de calquer la tradition, de ne pas modifier des valeurs réconfortantes. Les dames de Cranford (autrement appelées les Amazones, par Mrs Gaskell) sont des cancanières, mais aussi des observatrices d'une société qui bouge et qui s'apprête à changer avec l'arrivée du chemin de fer. Elles sont farouches au changement, mais elles s'y accommodent avec intelligence (et aussi parce qu'elles n'ont pas le choix !).

Mary Smith vient d'annoncer son arrivée chez les soeurs Jenkyns, fuyant un foyer familial étouffant à Manchester. Elles trouvent auprès de Deborah et Mathilda ("Matty") un havre de paix réconfortant, mais très déroutant : les petites économies de ces deux vieilles filles avec leur bout de chandelles, leur rituel entre midi et trois heures, pas plus de quinze minutes pour accueillir leurs visiteurs, la problématique de manger une orange, leur amour du Dr Johnson et leur exaspération du trop populaire Dickens. Elles sont les piliers de la communauté, qui s'attache également à des Miss Pole, Mrs Jamieson, Mrs Rose, les soeurs Tomkinson... Imaginez-les autour d'une tasse de thé à papoter sur untel, supputer telle autre chose ou se concerter sur l'attitude à adopter, bref faisant front commun devant la nouveauté qui semble trouver pied à Cranford.

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Il y a, d'abord, l'arrivée d'un jeune docteur célibataire, Dr Harrison, le fils d'un cousin du Dr Morgan, un médecin académique qui aspire à prendre sa retraite. Ce jeune citadin devra composer pour se coller aux us et coutumes de la petite ville, déployant charme et maladresse, qui pourront donner de l'élan à son infatuation pour Sophie Hutton, la fille du Révérend.

Autre remue-ménage dans la rue des soeurs Jenkyns : l'emménagement du Capitaine Brown, et ses deux filles (l'aînée est gravement malade). Cet homme, fort galant, met souvent les deux pieds dans le plat, faisant fi des règles de base, ce qui aura don d'exacerber l'irritation de Deborah Jenkyns. Mais l'homme est bon, et surtout Deborah sera fort sensible à la détresse de Jessie Brown.

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Ce qui survient à Cranford n'est qu'une succession de petites et grandes choses qui font le sel de la vie. Il y a des instants cocasses (la poursuite de la vache Bessie, la purge du chat qui a avalé un morceau de dentelle rare, la peur excessive de Miss Pole qui pense être la prochaine victime des vols en série et veut à tout prix cacher son argenterie). Et puis il y a de jolis moments de tendresse (entre Sophie et le jeune docteur, ou quand Matty retrouve son amour de jeunesse), un soupçon de romance, souvent contre-carrée par des situations ubuesques, une série de cartes pour la Saint-Valentin venue mettre du bazar dans les coeurs de ces gentes dames... Et puis il y a des passages rares, dramatiques et inattendus, la perte frappe souvent, au tournant d'un chapitre guilleret. Elle survient alors qu'on ne s'y attend pas. Et ça fait mal.

Pour symboliser les deux mondes en opposition dans cette Angleterre des années 1840, on a d'un côté un garçon de 10 ans, Harry, fils d'un braconnier, et de l'autre on trouve Lady Ludlow, une aristocrate qui vit seule dans son domaine de Hanbury Court, géré par Mr Carter. Ce dernier prendra d'affection le jeune Harry et lui apprendra à lire et à écrire, ce qui entre en totale opposion avec les idées de Lady Ludlow. Cette femme incarne cette volonté de maintenir le monde qu'elle a toujours connu, et qui pourtant s'éteint, mais malgré tout elle refuse d'accepter le tournant qui s'effectue, étant née dans le siècle précédent. Elle cache un drame personnel, absolument touchant, qui fera d'elle une personne plus humaine et moins sèche qu'elle n'y paraît.

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La série Cranford est décomposée en cinq épisodes de 60 minutes approximatives. Cette fresque est historique, dramatique (comique, aussi) et démontre cette invisible résistance d'une communauté archaïque qui s'accroche pour tenir tête au progrès qui gronde à la porte du village. C'est charmant, formidablement reconstitué, absolument attachant (la peinture des personnages, avec en tête les Amazones nous fait prendre fait et cause pour leur combat mineur !). L'année qui s'écoule à Cranford (1842-1843) est tumultueuse, riche de naissances, de secrets, de potins, de ruines et de reconsidérations. Mrs Gaskell possédait un véritable don pour décrire la personnalité de ses personnages, pour s'attacher le détail crucial qui vaut tous les commentaires, et pour sympathiser l'opinion à respecter les traditions, à se coller au développement en mouvement, l'heure de la mécanisation va sonner et cela ne signifie pas la perte des idéaux, mais un autre formidable essor. Que deviendra Cranford ? On souhaite à cette communauté d'Amazones d'autres beaux jours, synonymes de renouveau et d'attachement au folklore et aux coutumes. A n'en pas douter !

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Un site : http://www.cranfordchronicles.com/

A voir : Isil a lu Cranford et Lady Ludlow. Elle a également vu la série !

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cranfordCranford

Réalisé par Simon Curtis, scénario de Heidi Thomas

D'après trois romans de Mrs Elizabeth Gaskell : Cranford, Lady Ludlow et Mr Harrison’s confessions
 

Avec Judy Dench (Miss Matty Jenkyns), Eileen Atkins (Miss Deborah Jenkyns), Lisa Dillon (Mary Smith), Simon Woods (Dr Harrison), Imelda Staunton (Miss Pole), Philip Glenister (Mr Carter), Francesca Annis (Lady Ludlow), Julia Sawalha (Jessie)

La série est en anglais, exclusivement. Avec sous-titrages anglais, aussi.

28 mars 2008

Rebelles - Anna Godbersen

Voici le roman qu'on nous présente comme le nouveau phénomène littéraire qui connaît un gros succès à New York (normal, l'auteur est l'ancienne éditrice de la revue américaine Esquire, aujourd'hui critique littéraire pour le New York Times Book reviews) ; le roman arrive avec l'étiquette « insolent et glamour » en bandeau rose (glamour, je veux bien ! mais insolent ? ...), en plus d'être chargé d'une quatrième de couverture peu amène. Bref, ça sent à plein nez le merchandising facile et la bluette façon Harlequin. Détrompez-vous !

Nous sommes à New York, à l'automne 1899. Le roman s'ouvre sur les funérailles d'Elizabeth Holland, une beauté de vingt ans, promise à un riche parti et fauchée en pleine gloire. Toute la bonne société est réunie pour pleurer cette perte tragique, et déjà se dessine le décor d'un théâtre où se joue une comédie romantique, acerbe et faussement dramatique.

Pour comprendre ce qui se trame derrière cette belle mascarade, il faut remonter à quelques jours plus tôt. Elizabeth est informée par sa mère que la famille est sans le sou et qu'il est donc bienvenu pour l'aînée des Holland d'accepter avec emphase la demande en mariage du fils Schoonmaker. Ce dernier, prénommé Henry, fait la une de toutes les gazettes à scandales : c'est un coureur, un briseur de coeurs. Or, il est également sommé de se plier à cette union de raison pour servir l'ambition politique de son père. Henry sort d'une liaison tapageuse avec Penelope Hayes, la meilleure amie d'Elizabeth, et tombe sous le charme de la cadette des Holland, Diana, le jour de ses fiançailles. De même, Elizabeth vit une impossible histoire d'amour avec Will, le cocher de sa famille.

Tout ceci annonce un cafouillage monstrueux, bien évidemment propice à créer des situations romanesques bouillonnantes et palpitantes de rebondissements. La palette des personnages, bien portraiturée, sert également à placer l'histoire et son lot d'intrigues, il n'est pas excessif de citer que mensonges, secrets, vengeances et scandales sont de la partie. La peinture de cette société new-yorkaise, engoncée dans ses carcans, rend également l'histoire plus passionnante. On pense vaguement à Edith Wharton, citée en épigraphe, mais la comparaison n'ira pas plus loin. Le style d'Anna Godbersen est simple, agréable et facile à ingurgiter. Cela se lit d'une traite, pas la peine de chercher midi à quatorze heures ! Et c'est très distrayant, raconté de sorte qu'on s'y laisse totalement absorber.

rebellesCertes, l'auteur s'adonne à quelques clichés faciles, notamment dans la description des personnages (l'héroïne a un visage en forme de coeur, le teint d'albâtre), la moue s'affiche instantanément sur le visage du lecteur qui chipote. Il y a d'autres défauts mineurs (un début sur une pente glissante, une fin prévisible) mais ce serait se refuser un agréable moment de détente que résister davantage à la découverte de ce livre. Car en fait, l'aventure ne s'arrête pas là : Rebelles (titre vo : The Luxe) s'inscrit dans une saga romantique, la suite est prévue courant juin 2008 (titre annoncé : Rumors) et personnellement j'ai bien hâte de savoir la suite ! N'hésitez plus.

Rebelles - Anna Godbersen

Albin Michel - 453 pages - 17 €

Traduit de l'anglais (américain) par Alice Seelow

www.rebelles-lelivre.fr

27 mars 2008

L'amant de la ligne 11 - Rina Novi

Amant_de_la_ligne_11Veuve précoce, Cécile arbore malgré tout une trentaine épanouie ; bien qu'un peu frustrée, elle se sent désormais prête à croquer la vie à pleines dents. Son corps crie famine, ses entrailles ronronnent, l'appel au désir réveille ses sens mis en berne. Et c'est dans le métro qu'elle va vivre une rencontre étonnante. Après une journée de boulot, compressée parmi la foule, elle sent soudain un doigt effleurer le téton de son sein. Elle pense d'abord à une maladresse, puis hésite à crier au scandale, et finalement préfère être étourdie par ce toucher coquin, émoustillée par l'idée, pensant que ça en resterait là. C'est alors qu'un véritable jeu de cache-cache va se jouer entre elle et cet inconnu de la ligne 11, cet homme indolent et ondulant tandis qu'il se déplace, ne paraissant connaître aucune entrave. Il plonge sur elle, comme un faucon fond sur sa proie. Et elle, avec une expectative totale, y répond avec gourmandise, caprice et plaisir. Un véritable érotisme se dégage, saucé d'un brin de romantisme et de suspense (qui est cet homme ? que veut-il ? vont-ils échanger une parole ? une liaison est-elle envisageable ? comment tout ça va se terminer ? et vont-ils se revoir ? ...). On parcourt ainsi 226 pages empreintes d'une sensualité débridée, chargées d'électricité dans les airs, il y a des étincelles, des étoiles, bref un feu d'artifice ! Une lecture qui invite à l'évasion et aux fantasmes... le temps d'un trajet dans les transports en commun. À méditer. 

Buchet / Chastel - 226 pages - 14,50 €

26 mars 2008

Tout d'abord, il est temps de rappeler à tous que

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Tout d'abord, il est temps de rappeler à tous que nous sommes au printemps, la douce saison du renouveau, des bourgeons, du ciel bleu et des gazouillis de bon matin... (Pas facile à imaginer quand on sort à peine d'un week-end enneigé et frigorifié !)

Bref, l'idéal pour se rafraîchir les idées, c'est de feuilleter l'album de Véronique Massenot : Grand ménage de printemps. L'histoire commence benoîtement quand, dans la forêt, quelque chose semble avoir changé. Il y a du nouveau dans l'air, mais quoi ? Les petits habitants s'activent, les uns à aiguiser leurs outils, les autres à faire la lessive... Cela annonce l'arrivée du printemps !

grand_menage_de_printemps 

Petites histoires et comptines convient le jeune lecteur à découvrir la forêt au printemps, à travers des personnages de contes traditionnels tels que Boucle d'Or, le Petit Poucet, le Petit Chaperon rouge, Hansel et Gretel ou encore l'Ogre, qui se font guides pour l'occasion. Un formidable exercice, mis en illustration par Lucie Minne (beaucoup de fraîcheur et de douceur dans ses pinceaux !) et servi par la plume de Véronique Massenot.

Grand ménage de printemps :  Véronique Massenot (texte) - Lucie Minne (illustrations)

Gulf Stream junior, Nantes / Collection : Les p'tites balades

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Au début, c'est une graine d'un petit arbre qui tombe là par hasard, à l'automne. Peu à peu un autre petit arbre sort de terre, un jour de très grand vent. Et le vent le pousse, si fort que le petit arbre grandit tout de travers. Il fait un coude mais ne se casse pas. Un animal vient s'y nicher, et... A plusieurs reprises, la même opération se répète : le petit arbre grandit, pousse de travers, fait un coude, recueille un animal, et rebelote. A la fin, le petit arbre, devenu le refuge des animaux (un chaton, un grillon, un oiseau), entend le chant de ses locataires et comprend qu'il est désormais devenu un arbre qui chantait.

Une histoire poétique qui aide l'enfant à dépasser ses complexes et trouver sa force. Mais pas seulement, car au-delà de l'aspect pédagogique, ce livre est aussi très joli à regarder ! Il avait été conseillé par Lili Oregane qui soulignait également tout le charme et l'incroyable beauté des illustrations (ça mérite un album, selon elle).

Le petit arbre qui chantait : Nadine Brun-Cosme (texte) - Muriel Kerba (illustrations)

Nathan Jeunesse, Mes p'tites histoires

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Diop, le maître d'école, a inventé le Grand concours des idées extravagantes pour donner à ses élèves l'occasion de montrer leur intelligence et leur imagination. Depuis trois ans, Eugénie gagne à tous les coups. Mais cette fois, elle n'a pas d'idée et voudrait déclarer forfait. Au même moment, arrive à l'école une nouvelle - Malinka. C'est Eugénie qui est désignée pour la guider à trouver ses repères, et très vite les deux filles deviennent amies et se découvrent une terrain d'entente : le bricolage. A l'instar d'Eugénie, Malinka a les rouages de sa boîte crânienne en constant remue-ménage. Cependant, la fillette a un souci car elle se sent incapable d'inventer quelque chose d'utile, puis elle aimerait connaître les recettes secrètes d'Eugénie, comment lui viennent toutes ses idées. Or, Eugénie n'a point d'explication et cela exaspère sa nouvelle camarade, qui boude ! Autre chambardement à l'école, monsieur Diop accepte de bouleverser le réglement du concours pour permettre aux enfants de faire équipe. Eugénie se retrouve avec Malinka, et toutes deux rêvent de décrocher la première place !

La fin du roman est cocasse, car elle n'est pas celle qu'on supposait au début. Mais c'est une façon décomplexante pour les enfants d'assimiler le simple fait qu'on ne peut pas gagner coûte que coûte, puis de comprendre qu'il est préférable de participer. Ce roman traite de la confiance en soi, en plus de l'amitié. Car Malinka, la nouvelle, est une demoiselle qui boude tout le temps mais cela exprime, autrement, ses crises d'angoisse (ne pas comprendre, ne pas réussir, etc.). Le duo formé avec Eugénie est une balance équitable, la relation entre les fillettes est bénéfique pour toutes les deux. On parle alors de partage, du plaisir à confectionner un projet pensé à deux et réalisé à quatre mains. Il faut dire, aussi, que ce livre est un vrai bouillon pour la folle du logis, on y trouve des idées extravagantes d'inventions qui sont drôles et farfelues. Et dernier point : les illustrations de Laetitia Le Saux sont un petit régal de finesse dans ce joli monde créé par Hélène Vignal !

Le grand concours : Hélène Vignal (texte) - Laetitia Le Saux (illustrations)

Ed. du Rouergue, Zigzag

Le site de Laetitia Le Saux : http://www.laetitialesaux.com/

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Credit illustration : Laetitia Le Saux

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25 mars 2008

Le pianiste de Trieste - Aliette Armel

pianiste_de_triesteCela commence par une rupture, une douleur qui frappe sans prévenir la narratrice, Anne Viseux. Amoureuse d'un chanteur italien, Nicola Bassano, cette femme est abandonnée la veille de son voyage pour Tel-Aviv car celui-ci lui demande de ne pas quitter Trieste pour le suivre (il va y accomplir une mission importante, avec un ami poète). Déboussolée, elle choisit de partir en Bretagne, dans la maison de son enfance, quittée dix-neuf ans plus tôt. Cette maison est un legs de son père, le célèbre pianiste Guido Turatti, où il avait trouvé refuge après son départ de l'Italie en 1946. L'homme s'était également illustré pour avoir refusé, dès 1940, de jouer en public pendant la guerre.

Mais l'histoire n'est pas simple, et le passé familial semble rattraper notre héroïne. Aujourd'hui, Anne est sollicitée pour retrouver la page disparue d'une partition unique écrite par son père Guido, peu avant sa mort. Fouiller dans les vestiges d'un temps révolu préoccupe la narratrice, soudainement confrontée à des secrets, à raviver une enfance dans ce village breton où tout semble différent, et pourtant peuplé des mêmes visages d'antan. Il est indiscutable que les mystères ont tous été emportés dans les tombes, du moins le pense-t-elle par lassitude. Car Anne est harassée par les turpitudes qui l'assaillent, elle se sent agressée, totalement empêtrée dans un écheveau d'intrigues qui ne la concernent pas, ou plus.

Au fur et à mesure que l'histoire progresse, l'ombre du père se faufile pour gagner les feux de la rampe, et permettre ainsi aux voiles du doute de se soulever. Le récit est construit avec minutie, il cerne la personnalité de la narratrice ; cependant un détail me chiffonne à son sujet, parce qu'elle accuse cinquante-quatre ans mais en paraît tellement moins d'après ses états d'âme ou ce qu'elle laisse paraître. Ce n'est que mon ressenti, peut-être me suis-je induite en erreur toute seule, inconsciemment. Je n'ai pas d'autres défauts à trouver sur ce livre, que j'ai trouvé simplement sensible et attachant. Cela raconte avec des mots justes et touchants le parcours d'une femme privée de ses racines, qui aujourd'hui revient sur les traces de son père et tente de tisser la trame de son passé avec rage et désespoir. D'un charme fou, indolent, ce roman sait nous transporter dans des endroits et à des époques différents. Sincèrement envoûtant...

Editions Le Passage - 266 pages - 17€

24 mars 2008

Des histoires de coeur, pour plus grands

rupturesRuptures de Andi Watson

Titre original : Dumped
Traduit de l'anglais par Sidonie Van den Dries

Une petite ville de province en Angleterre.
Au cours d'une soirée un peu trop arrosée, deux jeunes adultes, Richard Binfield dit "Binny" et Debby couchent ensemble alors qu'ils ne se connaissent pas.

Par la suite, les deux tourtereaux vont apprendre à se connaître, et rapidement déchanter en découvrant les petites manies de Binny, le mauvais caractère de Debby, et surtout la capacité de celle-ci à cacher l'existence d'un second petit ami.

Andi Watson nous livre avec cette "nouvelle graphique" une subtile chronique des petits malentendus et des gros mensonges au sein des couples qui se font et se défont.

Je n'avais jamais lu d'album d'Andi Watson jusqu'alors, et c'est en explorant le catalogue des éditions çà et là (qui publie le célébrissime Château l'attente) que j'ai fait cette découverte. C'est une bd ou un court roman graphique, au style totalement épuré et en noir & blanc, qui me plaît beaucoup. C'est très simple, même l'histoire en elle-même n'est pas révolutionnaire. Elle apporte un regard critique sur les amours actuelles, lorsqu'un couple se rencontre et cherche à coincider ses attentes. Ce que vivent Binny et Debby est une parfaite démonstration des petits mensonges, des agacements, des caractères différents au sein du couple qui voudrait que tout ne soit qu'osmose et communion permanente !

J'ai également apprécié la particularité des deux personnages à s'attacher aux vieilles choses, aux fringues de seconde main pour elle et aux livres chinés dans les bouquineries pour lui. Ces objets représentent pour eux plus que des rebuts, chacun a un passé, raconte une histoire, révèle quelque chose du précèdent propriétaire. Mais encore une fois, ils sont tout deux trop obstinés pour s'apercevoir qu'ils partagent la même vision. Par exemple, Binny a choisi de tester Debby en lui offrant une coupe de l'amour avec les initiales des amants, mais la jeune fille n'y voit qu'un vieux pot ébréché et sans valeur.

La petite histoire d'amour que propose l'anglais Andi Watson possède une touche délicate, un soupçon d'élégance dans cet univers sans couleur et un peu terre-à-terre. Quelle chance réserve-t-il à nos deux protagonistes ? Binny le rêveur arrivera-t-il à conquérir Debby la tête de mule ? ... A découvrir.

Ruptures, d'Andi Watson - 55 pages - ça et là - 9.50 €

Pour en savoir plus : http://www.caetla.fr/ruptures.html

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everydayMiho travaille comme vendeuse dans un magasin, pendant que son compagnon Seiichi se consacre à la musique. Même si elle repense souvent à son ex-petit ami, Hagio, elle est heureuse auprès de Seiichi. Le jeune ménage, pourtant, peine à joindre les deux bouts, et Miho doit prend un second emploi. Devenue hôtesse de bar, elle finit par céder, par besoin d’argent, aux avances d’un client. Lorsque Seiichi l’apprend, il ne la comprend pas et s’éloigne d’elle. C’est alors que Hagio ressurgit dans la vie de la jeune femme.

Certains diront que c'est plat et sans saveur, d'autres -comme moi- trouveront que c'est subtil, mélancolique et simplissime. (Pourquoi ce besoin, sans cesse, de surenchère et de fioritures ?!) C'est aussi une bd qui a tout du roman graphique, c'est du Kiriko Nananan, c'est-à-dire extrême sensibilité, niveau sismique à deux de tension et profondes interrogations sur la jeunesse nippone frappée par la confusion des sentiments.

Ce qui me touche dans ce genre de lecture, c'est la beauté du crayon et l'ambiance ordinaire, déjà prouvée dans d'autres albums. Everyday est moins glauque et moins oppressant, c'est un portrait de jeune femme tiraillée entre deux histoire d'amour. Miho n'est pas l'archétype de fille qui s'avère attachante et sympathique d'entrée de jeu. Ses valses d'hésitation et sa mollesse font d'elle une petite tête à claques. Mais tout ceci n'entrave pas le goût de connaître la suite, même si au final on en sort en croyant avoir tourné en rond... Bizarre, mais toujours très envoûtant !

Casterman, coll. Sakka. 204 pages.

Merci Gawou Nowel !!!

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rachelRachel cohabite avec Rose, barmaid, qui a, entre autres mérites, celui de garder la tête sur les épaules. Non que Rachel soit une écervelée, mais elle manque de confiance en elle et a, du coup, du mal à trouver ses marques : avec François, qui ne rêve que d'une chose : emménager avec elle ; avec son voisin, plutôt joli garçon, mais dont le côté intello lui fait peur ; avec Richard, musicien pilier du bar de Rose, qui passe sa vie à la taquiner, histoire de dissimuler la tendresse qu'il a pour elle et enfin avec sa mère, une psy à l'égocentrisme exacerbé, rendue encore plus imbuvable par son récent divorce.

C'est une histoire en 3 tomes, comme le stipule la quatrième de couverture. La présentation faite de Rachel dans ce volume est plutôt grinçante, car c'est une jeune femme butée et volcanique, assez immature dans ses rapports avec les autres. Je sais que c'est fait exprès pour donner du grain au moulin, mais le trait est exagérement grossi et, parfois, c'est un chouia irritant.

Je n'ai pas compris non plus le choix de ne pas dessiner de bouche pour exprimer l'expression abasourdie des personnages, mais ceci n'est qu'un détail sommaire. Car je crois que je vais apprécier de connaître la suite des aventures de Rachel, de sa copine Rose, du petit voisin intello et du raseur de service. Par certains côtés, cela me fait penser à la série des Julie, Claire et Cécile. Il faut d'ailleurs reconnaître le gros travail de Manboou à dessiner des détails infimes, dans la déco ou le look des personnages. J'étais soufflée. Bref, c'est sympa, ça se lit rapidement et ça ne prend pas le chou ! (Léger ahem pour le tempérament de la demoiselle ... sans quoi, c'est engageant !). J'attends la suite.

Le blog de Manboou : http://www.manboou.canalblog.com/

Dargaud - 128 pages - 9.50 €

22 mars 2008

La traversée du temps

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Avant d’être adapté pour le cinéma par Mamoru Hosoda (sortie en salle en juillet 2007) La traversée du temps était  une longue nouvelle rédigée par le romancier Yasutaka Tsutsui (Le censeur de rêves, Les cours particuliers du professeur Tadano…). Le livre paraît en 1965 et conquiert le coeur des jeunes filles et garçons pour devenir rapidement LE roman de la jeunesse japonaise. Près de quarante ans après, une nouvelle héroïne de 17 ans traverse le temps.

La Traversée du Temps est une histoire exceptionnelle. C'est une aventure qui voyage dans le temps (cqfd), un brin fantastique, et puis qui se révèle merveilleuse et magnifique. C'est une histoire d'amour, un grand souffle d'espérance, un récit allégorique...

Depuis janvier 2008, la version manga co signée avec Ranmaru Kotoku, a été publiée chez Asuka ... Lecture :

traversee_du_temps_mangaMakoto est une lycéenne bouillante de vie, vive et énergique, un peu garçon manqué sur les bords. Peu studieuse et sans cesse en retard pour les cours, elle prend davantage de plaisir à jouer au base-ball avec ses inséparables compagnons, Chiaki et Kôsuke. Mais à force de courir comme une folle, Makoto a un pépin avec son vélo, ses freins lâchent et la jeune fille a un accident.

Surprise ! elle n'est pas morte mais revenue dans le passé. Ce saut dans le temps lui permettra alors de s'épargner les petites erreurs déjà vécues, du moins le pense-t-elle. Car d'autres soucis se créent et se greffent à la pelote qui devient un embrouillamini de problèmes sans fin. Makoto pense qu'elle peut sans cesse traverser le temps pour réparer et recoller les morceaux brisés, mais sa tante cherche à la prévenir : ce don est temporaire, les sauts sont comptés. Et au moment où il lui devient crucial de réparer un quiproquo, le quota est dépassé !

Voilà votre ticket pour une histoire follement enthousiaste, très dynamique, guidée par une jeune héroïne qui n'est jamais à bout de souffle ! ...   

Editeur : Asuka - Collection : Seinen  *  Genre : Shonen / Aventure - Sentimental

traversee_du_temps_2

J'ai bien évidemment vu l'animé, pour un résultat tout aussi somptueux. La musique est très belle, l'énergie présente, les personnages fidèles à mon idée perçue dans le manga (bémol pour la voix grinçante qui double Makoto ; la version originale est louée, saluant la prouesse d'une jeune inconnue de 16 ans, Riisa Naka, choisie parmi une centaine de prétendantes. C'est en grande partie grâce à sa voix rafraîchissante qu'elle a attiré l'attention et obtenu le rôle. Le doublage français est plutôt décevant.)

Le film est à la hauteur des oeuvres géniales du studio Ghibli. Ici, Madhouse fait preuve d'une incroyable maîtrise de l'animé qui berce dans l'onirisme, le fantastique, la poésie et la comédie romantique et attachante. Il y a de l'humour, pas mal d'effusion et de précipitation (le tempérament de Makoto est explosif !). Bref, c'est une oeuvre sensationnelle, très fine, difficile à décrire car toute l'émotion passe par l'image.

A noter : Le personnage de Makoto n'apparaît pas dans l'oeuvre originale qui mettait en scène Kazuko, ici présentée sous les traits de la "tante sorcière", une célibataire de 30 ans, quelque peu énigmatique.

Le site : http://www.traverseedutemps-lefilm.com

Passons au livre, maintenant ...   

traversee_du_tempsLa salle de sciences naturelles ressemblait à un débarras rempli de choses horribles. Et puis soudain, au milieu des ustensiles de cuisine, des squelettes, des collections d'insectes, et des animaux empaillés, Kazuko se sentit envahie par une odeur douce et nostalgique, comme de la lavande. Elle crut voir une ombre, un fantôme, ou un voleur, et s'évanouit. A partir de ce moment-là, plus rien ne fut normal. Kazuko avait l'impression d'avoir fait un saut dans le temps, de savoir à l'avance ce qui allait se passer. En outre, les catastrophes se succédaient sur son passage, tremblement de terre, incendie, camion fou... Kazuko décida de se confier à quelqu'un de sûr, le gentil Masaru, par exemple, ou le professeur de sciences naturelles. Des discussions qui lui réservent de bien étranges surprises.

Mon avis :

Première impression de lecture, flagrante : l'histoire n'a pas pris une ride, pourtant elle date de 1965 ! C'est aujourd'hui un grand Classique pour la jeunesse nippone, et je comprends ce qui suscite un tel engouement. Toute la trame romanesque monte crescendo et connaît son apogée dramatique dans les dernières pages du livre, à l'instar de la version remodelée quarante ans plus tard. J'ai toutefois été peu surprise par ce qui arrivait à Kazuko, d'où l'inconvénient d'avoir suivi un ordre peu logique pour explorer une oeuvre nouvelle. Mais je reconnais que Yasutaka Tsutsui a su produire une histoire remarquable et prodigieuse en imagination. J'ai aussi été totalement imprégnée par les derniers chapitres, et durant la déclaration qui va secouer la vie future de la jeune fille de 15 ans, même si j'avais déjà connaissance de cette scène, j'ai encore une fois marché à fond. Voilà ce qui rend cette histoire époustouflante : au début cela ressemble à une épopée fantastique, puis d'un seul coup cela devient la plus incroyable histoire d'amour ! On peut découvrir La traversée du temps sous toutes ses coutures, à l'arrivée on en sort toujours ébloui(e) !

Neuf de L'école des loisirs - 104 pages - 8€

Traduit du japonais par Jean-Christian Bouvier.

21 mars 2008

Made in China - JM Erre

made_in_chinaToussaint Legoupil a été adopté il y a 25 ans à Shengdu en Chine, il a grandi à Croquefigue-en-Provence mais a pris la décision de partir pour retrouver ses racines. Le garçon est intrigué d'être natif de Chine alors qu'il est noir de peau ! Ses parents, Mado et Léon, sont opposés à ce projet, tentent de le retenir, font un ramdan du tonnerre dans la petite ville, ameutent amis et proches pour ficeler le garçon dans le giron familial. Las, Toussaint parvient à s'échapper, mais traîne à ses basques son amie d'enfance, Mimi Labrousse, également accompagnée de sa pipistrelle terroriste !

C'est le grand départ pour Toussaint Legoupil, qui est persuadé de découvrir qui il est vraiment dans le pays du Soleil-Levant. A peine sur place, il est aussitôt embarqué par M. Tao, un entrepreneur chinois, excellent francophone. Il devient son guide, son traducteur, son initiateur à des plaisirs exotiques peu recommandables (et avouables !). Parallèlement, l'enquête pour retrouver ses parents piétine un peu, puis connaît un sursaut de rebondissements, mais ces derniers vont s'accompagner d'une malédiction persistante qui plongerait notre Toussaint Legoupil dans une sacrée panade. Là où il passe, un crime s'inscrit dans son sillage ! La police est à ses trousses, mais la quête des origines n'est pas terminée - loin de là. 

Cocasse ou grotesque, la frontière est mince pour déterminer ce roman qui peut, à tout moment, basculer dans les deux tendances. Or, souvent en craignant le pire, le meilleur arrive au galop. Je me suis surprise à sourire à plusieurs occasions en dévorant ce livre - oui ! on le dévore tellement il est clair, limpide, vivifiant à découvrir !  De plus, c'est une histoire qui se présente comme un jeu de pistes, dans lequel l'auteur glisse des indications et des notes renvoyant à telle ou telle page, baladant le lecteur dans un univers joyeux et enchanteur. En un mot, c'est ludique ! L'histoire est burlesque, truffée d'exagérations et d'invraisemblances. Mais franchement, c'est vraiment drôle ! Imaginez, aussi, une espèce de secte qui porte aux nues Saint Cloclo, le vrai ... « - Grand Maître Jean-Marius !
- Oui, fidèle compagnon du MINOU ?
- Je voulais vous dire que les sirènes du phare d'Alexandrie chantent encore la même mélodie.
- C'est très bien... Saint Cloclo est fier de toi. Mais tu devrais peut-être prendre un peu de repos, non ?
- J'ai plus d'appétit qu'un barracuda !
- Je vois...
- Je boirais tout le Nil si tu n'me retiens pas !
- D'accord... Voilà ce qu'on va faire : tu vas prononcer un voeu de silence pour quelques mois. ça nous fera des vacances. »   
... et qui voit en Toussaint Legoupil l'Elu, soit celui qui va opérer le Grand Renversement, c'est-à-dire l'heure où chaque fidèle trouvera sa vraie place dans la réalité qui lui correspond. Grosse magouille à l'horizon, pour ne pas en dire plus !

Au début je pensais franchement que ça n'allait pas décoller plus loin, que j'allais vite me lasser de tant de loufoquerie. Et puis, c'est scotchant, ça vous colle aux doigts et ça vous change radicalement les idées. Envie de bonne humeur, de légèreté, d'anti-stress et d'une grande rasade de dérision, lisez Made in China ! L'auteur JM Erre confirme son gros potentiel déjà perçu dans Prenez soin du chien, son premier roman.

Buchet Chastel - 258 pages - 18 €

Illustration de couverture : Anne Bénoliel-Defréville

20 mars 2008

La Disparition d'Anastasia Cayne - Gregory Galloway

anastasia_cayneC'est au début une histoire simple et ordinaire autour d'une rencontre entre deux lycéens que tout séparait. Le narrateur est un garçon effacé, la jeune fille - Anna - vient d'arriver en ville et affiche une attitude qui la différencie d'emblée du reste du troupeau. Avec son look gothique, ses mèches blondes et son maquillage noir, elle impose son style, en plus d'être totalement imprévisible et foncièrement originale. Par exemple, Anna aime écrire des nécrologies, 1516 au total, soit le nombre de tous les habitants de la ville. C'est une fille qui cultive une curiosité insatiable : elle lit sans arrêt, écoute de la musique, regarde des tonnes de films et surfe sur le Net pour se chercher de nouveaux bouquins à lire, de nouveaux disques à écouter, de nouvelles choses à voir. Il n'existait rien au monde qu'elle n'ait pas envie de connaître. Le narrateur est rapidement séduit par Anna. Ils vont sortir ensemble, et la jeune fille pimente leur relation avec des cartes postales, des livres, des chansons, des codes secrets... Et puis un jour, Anna disparaît. Le narrateur va tenter de comprendre les messages codés qu'elle a laissés, persuadé que ce sont des indices pour la retrouver.

C'est un roman singulier, où règne une atmosphère étrange et indicible. La disparition d'une adolescente de 16 ans va plonger le narrateur dans un profond désarroi. Anastasia Cayne avait tout pour elle, mais était différente des autres. Rebelle, gothique, intelligente, atypique et frondeuse. Sa disparition est d'ailleurs étrange, car elle est parsemée d'indices, probablement abandonnés par la jeune fille elle-même.
Cela occupe toute la deuxième partie du roman, avant cela il faut passer par une lente mise en place qui implique l'arrivée d'Anastasia Cayne en ville, l'amitié naissante, et la personnalité complexe de cette fille qui aime écrire des nécrologies, par exemple.
Le roman ne répond pas à toutes les questions (pour cela, il me semble que des sites internet américains avaient été créés pour inviter les lecteurs à pousser leur soif de savoir). Anastasia Cayne est un micro phénomène, celui qui s'applique à ne pas juger sur les apparences, à jongler entre le réel et le fantasme.
Ce roman n'est pas sans rappeler Qui es-tu Alaska ? de John Green (Scripto Gallimard) pour le traitement réservé à la disparition subite d'une adolescente, et qui reste sans explication.
Un roman délicat et poignant, également fort déstabilisant. .

Albin Michel jeunesse, coll. Wiz Suspense - 362 pages - 15€

Traduit de l'anglais (américain) par Nathalie Peronny.

http://www.assimpleassnow.com

D'autres avis de lecture : Cuné ; Marie ; Chez Claire (bis) ; Citrouille ; Ricochet ; Sitartmag ; Les Minots

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