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Chez Clarabel
17 janvier 2009

Êtes-vous passés à côté de... En poche ! #18

Rêve d'amour, de Laurence Tardieu ?

C'est l'un de mes romans préférés de l'année 2008. Ne le loupez pas !

reve_damourPuissant dans son écriture et affolant par son style épuré, sensible comme de la soie, le livre de Laurence Tardieu renferme une quantité de passages que je souligne avec passion !
Tout me parle dans ce livre, notamment cette histoire d'une jeune femme de 30 ans qui a grandi sans maman, sans le souvenir de celle-ci. Vingt-cinq ans plus tôt, elle a été emportée par la maladie mais personne n'a prévenu la petite fille. Plus tard, elle comprendra. Cependant, aucun souvenir, aucune mémoire, aucun culte de la personnalité. Alice Grangé est élevée par son père, silencieux et imperméable, et qui lui soufflera le Grand Secret sur son lit de mort.
Ce court roman, en nombre de pages, est déstabilisant par sa justesse et son flot d'émotions. J'ai été émue aux larmes à maintes reprises, tout en soutenant l'entreprise d'Alice. Celle-ci apparaît fragilisée au début du livre, abrutie et désillusionnée. En fouillant le passé, elle cherche ainsi à redonner des traits au visage de sa mère, à cerner ce qu'est un amour fou. Ce qu'elle comprendra en chemin sera forcément bouleversant, et ne pourra que vous toucher (du moins, moi j'y ai été fort sensible).
« Le bonheur, c'est de se savoir appartenir au royaume des vivants, et d'en éprouver les innombrables frémissements. »
« Il n'y a pas de vérité, ni des êtres, ni du temps. Il n'y a que le présent, son éblouissement. »
C'est dans un cahier bleu qu'Alice Grangé raconte son parcours, et à la fin elle a cette formidable conclusion, que je m'approprie : « (...) j'ai compris que les livres étaient une des expressions les plus fortes, les plus troublantes et les plus vraies de la vie. »

Livre de Poche, 2009 - 5€

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16 janvier 2009

Au Bon Roman - Laurence Cossé

Des agressions successives, des victimes qui rapportent des faits hallucinants, des témoignages sur la présence de deux individus, et cette phrase « c'est pas du bon roman, hein? pas bon du tout », voilà comment tout débute. Pour Van le libraire parisien, c'est plus qu'un message, c'est une menace. Il avise aussitôt Francesca, son associée, pour porter l'affaire devant un policier érudit et passionné de littérature, Gonzague Heffner.

Tout a commencé avec l'idée d'ouvrir la librairie idéale, celle où on ne trouverait que les bons romans. Van et Francesca ont préféré confier à un comité d'auteurs contemporains, soit huit écrivains qui garderaient leur anonymat et prendraient un pseudonyme pour toute intervention, d'établir une longue liste de références incontournables. Ainsi naquit Au Bon Roman. L'entreprise est belle et honorable, elle connaît un franc succès dans le trimestre qui suit sa création. Puis, vient l'attaque. Elle est sourde, mesquine et laide. Elle se glisse parmi la clientèle, s'étale dans la presse et crée un débat vain. Que sont les bons romans ? Francesca et Van ont paré tous les coups, jusqu'à l'agression de trois de leurs grands électeurs. On ne joue plus dans la même cour. Ils pensaient accuser « un sous-ensemble de personnes qui ont en commun de considérer le livre comme quelque chose qui peut rapporter gros et la littérature comme un formidable filon », mais ils réalisent que l'ennemi est coriace, et deviennent amers à force de voir leur honnêteté traîner dans la boue. 

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Laurence Cossé signe un excellent roman qui débute comme une enquête littéraire, et se poursuit dans l'amour des livres, dans les pas de deux passionnés emportés dans leur tourbillon de projet fou, avant de sombrer lourdement dans la triste réalité. Après un démarrage sur les chapeaux de roue, portée par l'exaltation d'une intention louable, l'histoire va effectivement devenir plus profonde, passant de l'angoisse du débutant qui veut bien faire au revers de la médaille et la rançon du succès, révélant au passage les coulisses du monde des libraires et les rouages de la presse, de l'édition etc. Petit à petit, l'histoire s'appesantit. L'excitation du début s'est éteinte, les protagonistes sont usés, moins pêchus. Mais cela reste toujours incroyablement beau, touchant car sincère.

Parce que loin des tracas de gestion et d'organisation, s'inscrit aussi dans ce roman une très belle histoire d'amour. Enfin, n'hésitons pas à évoquer l'amour au pluriel. Ce sentiment est partout, derrière chaque étagère ou pile de livres. Il y a tout d'abord la relation si particulière entre Van et la jeune Anis, rencontrée au hasard dans le sous-sol de sa librairie de fortune, à Méribel. Mais aussi la belle amitié entre Van et Francesca, cette femme superbe, grande, mystérieuse, qui traîne un chagrin lourd comme deux valises pleines à craquer. Et enfin, il y a l'amour des livres, de la littérature. Tout court. C'est à travers la belle utopie du Bon Roman, une librairie de rêve et faite pour rêver, qu'on retrouve ce sentiment qui nous entraîne vers un être ou une chose.

En bref, c'est un bon roman, oui un très bon roman digne de ce nom. 

Gallimard, 2009 - 497 pages - 22€   

A votre tour, quels sont les bons romans que vous rangerez dans la librairie idéale ?

15 janvier 2009

Une femme sans qualités - Virginie Mouzat

Sous forme d'une lettre qu'elle adresse à l'homme qui la convoite, la narratrice se met à nu. C'est une très belle femme, qui attire le regard. Toutefois, son corps à l'intérieur est vide, creux, en béton. A dix-sept ans, elle apprend qu'elle est stérile. Cette nouvelle ne fait que conforter une prescience confuse, celle de pouvoir rompre avec « la race des femmes, avec les enceintes et les autres, et à travers elles avec la maternité, avec cet immense esseulement de l'enfance, avec les larmes et la défaite ». Un médecin lui prescrit des médicaments, pour tricher, pour donner une apparence féminine. Faire comme si. Car au fond d'elle, elle sait que rien n'est juste. Qu'elle ment. Elle est différente des autres femmes, elle se pose en retrait. Elle se retranche dans sa bulle de détresse.

A l'homme qu'elle vient de rencontrer en Chine, elle choisit donc d'écrire cette longue lettre où elle parle d'elle en expliquant son incapacité d'aimer, d'éprouver du désir, de jouir. Elle est impuissante.

En près de 200 pages, elle nous livre une facette inattendue, celle d'une femme en colère ou d'une femme amoureuse. Elle tient à distance, mais elle attend aussi cet homme mystérieux, qui s'éloigne d'elle et qui la rappelle toujours. C'est une histoire qui se construit, qui n'est pas évidente. C'est comparable à cette maison que la jeune femme a su dénicher sur Ibiza, c'est une fermette farouche, pas très belle, en marge du marché, mais que la propriétaire refuse de céder. Il faut alors du temps pour l'approcher, l'amadouer, la sentir.

En fait, j'ai beaucoup aimé ce premier roman. Je l'ai trouvé captivant, dérangeant aussi, mais pas choquant. Chaque propos glissé par cette narratrice, parfois de façon crue et brutale, ne ressemble qu'à un cri de douleur, d'agacement et de ras-le-bol. C'est violent, tantôt lyrique, tendre, doux et amer. Envoûtant, sûrement.

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Pour preuve de mon enthousiasme, je glisse une pelletée de bouts du roman... cela vous parlera mieux ! 

« Je suis infiniment seule, ça ne se voit pas. Enfin, je préfère croire que ça ne se voit pas. Et je suis plutôt douée pour ça. J'ai commencé très tôt à être seule, bien avant de découvrir que le monde se partageait en deux. J'avais découvert qu'il fallait un passeport pour être admise par le monde. Certaines préfèrent qu'on dise d'elles, c'est une salope, d'autres, elle est gentille. Pour la première catégorie, il faut des nerfs d'acier. Je ne les ai pas. Quoique. J'ai donc opté pour la gentillesse, un trait de caractère poreux, une qualité passe-muraille qui permet de distribuer des coups sans que ça se voie et qui ménage mon état nerveux. Le risque ? S'entendre dire qu'on est ennuyeuse. Mais si je n'étais pas ennuyeuse. Je ne le suis pas et ne veux pas l'être, je m'en vais avant. Je ne donne pas de mes nouvelles. Je n'appelle pas pour en demander. Je peux faire semblant de rire et de parler, de m'intésser, mais en vérité rien ne m'intéresse. »

« Lorsqu'on tombe amoureux de moi, on tombe sur du vide. On ne le sait pas tout de suite, et toi moins que les autres.  »

« Des phrases venues de très loin, de l'enfance, de ce temps où s'édifient les mythes que la vie rend amers, m'assaillaient de toute part. Surgissait un rêve de reconnaissance mutuelle que je savais être un leurre violent. Je m'imaginais des serments intenables, j'imaginais les mots que tu ne disais pas parce que tu étais prudent, parce que tu étais dans la vie, la vraie, et que tu savais que les mots engagent ceux qui les croient. Tu ne voulais pas me faire croire. Tu ne voulais pas cette responsabilité. Et je t'en ai voulu de ne pas me plonger tout de suite dans le vertige des promesses. »

« Les hommes plaquent sur moi la panoplie de la femme fatale. Je laisse faire. J'énerve. C'est comme ça et peut-être davantage lorsqu'on s'aperçoit que je suis encore plus perdue que narcissique. J'énerve aussi parce que je fais de mon silence une réserve de mystère que peu de gens comprennent. Je suis affligée d'une immense incapacité à me mêler, et la paresse sociale préfère trouver là la manifestation de mon arrogance. »

« Rien n'est naturel dans mon monde et j'en revendique l'immense liberté. Pour moi, la fille à part, le mot filiation est banni et il n'y a rien à redire à ce phénomène. En moi, ça ne ressemble à rien. C'est un contrat, une enveloppe physique fabriquée à coups de chimie, qui s'est avérée très efficace, puisque, m'affirme-t-on, je suis incroyablement féminine. Rien qui se voie. Un peu de drame greffé sous la peau, c'est tout. Et tenter de vivre, prétendre vivre et s'étourdir de parades pour que les autres n'y voient que du feu. C'est donc, pour le restant de ma vie l'attitude : rendre invisible ce qui me constitue. »

« Même morte aux désirs, je continue de proposer mes leurres. Sans m'en rendre compte, j'ai posé ainsi les bornes de mon enfer, puisque résister seule à ce que tout le monde veut pour moi, c'est résister au monde entier. Ce monde entier dit en me voyant, elle est sexy. Je ne sais pas bien ce que ça signifie. Mais les hommes et les femmes autour de moi me réduisent à des seins, du cul, du sexe, du plaisir. On raconte qu'on se casse le nez sur moi, que ma douceur est en béton. »

Albin Michel, 2009 - 178 pages - 14,50€ 

 

 

15 janvier 2009

Marre du rose ! ^__^

Et pourquoi dans la vie faudrait-il forcément faire ou ne pas faire ceci sous prétexte que c'est un truc de filles ou un truc de garçons ? Et qu'est-ce qui détermine les codes ou les règles à suivre ? Et pourquoi le rose est pour les filles, le bleu pour les garçons ? N'aurait-on pas le droit de tout bouleverser, de faire ce qu'il nous plaît ?

A bas les diktats, qui sont d'ailleurs écrits par qui ? On ne le sait plus, à force de nous les rabâcher, on oublie qui a commencé, et pourquoi, et comment... Voilà pourquoi l'héroïne de Nathalie Hense a choisi de crier :

Marre du rose !

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Marre du rose, c'est l'histoire d'une petite fille qui est un peu garçon manqué. Elle aime le noir, grimper dans les arbres, elle n'a pas peur des araignées, elle aime les dinosaures et les grues. Par contre, elle n'aime pas les tralalas de princesses, les rubans et les poupées. Et elle n'aime pas le rose.

Cela brise les idées reçues, aborde certains tabous (les garçons qui jouent aux poupées, par exemple). Et d'ailleurs, l'expression « garçon manqué » est injustement réductrice. Pourquoi « manqué » ? C'est un peu comme « raté ». La petite fille proteste, « moi, je trouve que je suis une fille réussie, même si je n'aime pas le rose. Ça m'est égal... On n'est pas obligé. ».

Tout simplement.

*** Un album qui remet les pendules à l'heure, qui raconte qu'être fille ou garçon ne veut pas dire forcément que c'est « comme ça ». On a le droit de faire comme il nous plaît ! D'ailleurs, cela signifie quoi, « comme ça » ? Des modes et des recettes, s'il vous plaît. ***

Très belles illustrations d'Ilya Green, que nous avions déja remarquées dans les aventures de Strongboy (le tee-shirt de pouvoir).

Marre du rose, texte de Nathalie Hense - illustrations de Ilya Green
Albin Michel jeunesse, 2009  /  10,90€

**********

Après cette lecture, j'ai aussitôt pensé à un autre texte écrit par Susie Morgenstern, en collaboration avec Jacqueline Duhême (par ses gravures en noir et blanc). Son titre : Comme il faut.

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Pour satisfaire le souhait de sa petite-fille de trois ans, une grand-mère s'est investie d'une mission qui se révèlera casse-tête : trouver « une poupée comme il faut. Une poupée garçon grand et costaud ». Parce que ce n'est pas si facile, les magasins de jouets rengorgent de poupons à la pelle, mais ils n'ont pas l'objet du désir, soit « un vrai garçon », qui cache son petit trésor sous la couche.

Il ne faut pas prendre les enfants pour des idiots ! Dès leur plus jeune âge, ils ont très bien compris les mystères de leur corps, ce qui les distingue du sexe opposé. Que dire de l'hypocrisie de notre société qui tente de camoufler, et de proposer des objets asexués ? L'histoire montre aussi une certaine critique de la consommation à outrance, notre société croit qu'elle peut répondre à tous les désirs, alors qu'elle ne propose qu'une représentation standardisée et édulcorée de la réalité. Une réalité « comme il faut ».

Ces deux histoires prouvent qu'il faut que ça change !

Comme il faut, texte de Susie Morgenstern / illustrations de Jacqueline Duhême
Le rouergue, coll. Varia /  13€

14 janvier 2009

La Reine des lectrices - Alan Bennett

De l'humour, de l'humour ! Ouf, ça fait un bien fou.
Imaginez la reine d'Angleterre en grande lectrice compulsive, du genre à nous ressembler (pour faire simple), et donc victime aussi de cette passion dévorante, car lire lui prend un temps fou, l'enferme dans un univers insoupçonné, lire toujours et encore plus, noter, gribouiller, et trouver à la vie courante un goût de plus en plus amer, voire agaçant...
Vous obtenez un roman d'une absolue et irrésistible causticité, taillé dans le roc de la flegme britannique, comprenez ainsi que c'est fin, très fin et d'une grande subtilité. Mais qu'est-ce qu'on s'amuse !

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L'aventure littéraire de la reine a commencé dans un bibliobus, c'était sans se douter le vertige que la lecture allait lui apporter. La reine va être prise d'une frénésie, aidée par son tabellion personnel, Norman, un ancien employé aux cuisines promu du jour au lendemain bras droit de la monarque. Tout ceci est bien beau, mais trop nouveau dans cette aristocratie guindée et enfermée dans son sacro-saint protocole. En clair, la passion dévorante de la reine n'est pas du tout appréciée, car son altesse néglige de plus en plus ses devoirs royaux. Alors, en douce et bien grossièrement, on tente de faire perdre le goût des livres à la reine. Tous les moyens sont bons (dynamiter le coussin sous lequel un livre avait été glissé, lors d'une procession en carrosse, ou détourner une caisse de livres en partance pour le Canada, cacher les réserves, éloigner Norman et le bibliobus, etc.). Rien n'y fait, la reine est accro !

N'attendez plus, découvrez ce livre car la suite des aventures de la royale passion littéraire sème une joyeuse pagaille à Buckingham et se conclue dans un sourire, en forme de croissant de lune. La reine y est décrite de façon sympathique, assez naïve mais perspicace. La lecture lui ouvre un champ de possibilités, elle qui pensait avoir tout vu, en voyageant à travers le monde, découvre un autre globe grâce à la lecture. Cette reine nous ressemble, quoi. Du moins, Alan Bennett nous la rend étonnante, plus humaine et proche de nous. C'est dire le pouvoir des livres !!!

Denoël, coll. & d'ailleurs, 2009 - 174 pages - 12€
traduit de l'anglais par Pierre Ménard

Les avis de Ys , Cathulu

 

Parmi les nombreux passages écrits sur mesure pour tout lecteur passionné, il y a celui-ci :

« Au début, il est vrai, elle lisait avec émotion mais non sans un certain malaise. La perspective infinie des livres la déconcertait et elle ne savait pas comment la surmonter. Il n'y avait aucun système dans sa manière de lire, un ouvrage en amenait un autre et elle en lisait souvent deux ou trois en même temps. Elle avait franchi l'étape suivante en se mettant à prendre des notes : depuis, elle lisait toujours un crayon à la main, moins pour résumer l'ouvrage que pour recopier certains passages qui l'avaient particulièrement frappée. »

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13 janvier 2009

Au rebond - Jean Philippe Blondel

51Dh_D1u4lL__SS500_Oui, encore Jean-Philippe Blondel ! Il s'agit de son deuxième roman qui paraît en ce mois de janvier, après A contretemps (robert laffont). Cette fois il signe une très agréable histoire pour la jeunesse (chez actes sud), celle d'un adolescent de quinze ans, Alex, qui va apprendre à mieux connaître sa mère et apprécier la chance qu'il a.

Alex a un très bon pote, Christian. C'est le rejeton d'un couple bourgeois, qui habite une belle maison, sans connaître le moins souci d'argent. Alex lui vit seul avec sa mère, dans un petit appartement sordide, au coeur d'un quartier de misère. Les fins de mois sont difficiles, l'entente entre la mère et le fils souvent tendue. Alex et Christian ont appris à s'apprécier sur le terrain de basket, où ils forment une équipe imbattable. Ils dribblent, ils se font des passes, ils ricanent, se poussent du coude, mais ça s'arrête là. Personne ne connaît la vie de l'autre, quand la porte est fermée à clef. Ou juste un peu, Alex est pauvre et Christian a une mère qui picole en douce. Puis, les vacances arrivent, et deux semaines suivent, Christian ne donne plus de nouvelles. Il ne répond plus au téléphone, mais le coach a cru l'apercevoir dans un supermarché, ce qui serait très étrange.

Un jour, après une discussion intéressante avec sa mère, Alex se rend chez son copain. La maison est fermée à double tour, aucun signe de vie, et pourtant Christian est bien là, tristounet et amer, en pleine galère. Ni une ni deux, Alex et sa mère se retroussent les manches pour venir en aide à cette famille désormais désarticulée.

Encore un roman qui parle d'amitié et d'entraide ! C'est simple comme bonjour, avec une recette déjà éprouvée dans d'autres lectures (le côté de la fratrie aux bras cassés qui forme un noyau, contre vents et marées). C'est, de plus, une histoire qui tord le cou aux idées reçues, comme les amitiés entre garçons taxées d'homosexualité, et qui vilipende l'irresponsabilité de certains hommes ! Bref, j'ai essentiellement aimé les dernières pages du roman, beaucoup aimé les femmes de ce livre aussi... Et le jeune narrateur en tire de bonnes leçons puisqu'il va apprendre à redécouvrir sa mère, à mieux lui reconnaître ses valeurs, à cerner ses qualités (nombreuses) au-delà de ses défauts (personne n'est parfait !).   

Très bonne lecture.

Le mantra du jour : « Ce qu'il y a de bien, c'est qu'après les moments de crises, il y a maintenant aussi des moments de répit. Des instants de tendresse. Et de rire. »

Actes Sud junior, 2009 - 100 pages - neuf euros.

l'avis de Gaëlle, également enthousiaste    

 

 

 

 

 

Disponible le 15 janvier : Au rebond

12 janvier 2009

Juste pour le plaisir - Mercedes Deambrosis

Ce n'est pas facile de trouver les mots pour ce roman, mais une chose est sûre : il est bon, très bon !

Au début, au risque de s'y perdre, on s'accroche, on suit à travers les époques et les lieux différents plusieurs personnages en de courts chapitres qui se suivent sans relâche, à vous donner le tournis. Il y a par exemple un commissaire avec quelques années en plus, qui n'oublie pas une affaire douloureuse survenue pendant la guerre, avec le meurtre de trois jeunes filles qui étaient des voisines à Montreuil. Le dossier a été trop vite rangé dans les placards, cela continue de le hanter. Eté 1942, la famille Meïer est arrêtée pendant la rafle du Vel d'Hiv, sur simple dénonciation - pense la mère, un peu dégoûtée de confier les clefs de son appartement au mari de sa bonne, Germaine, qui ne donne plus de nouvelles. Il y a aussi un homme brun, une anguille ou un caméléon, on le voit se faufiler sur tous les sites en ruine et en guerre, il n'a pas de patrie, il n'a aucune moralité, ce type appelé Zacharie file des frissons dans le dos. Fin des années 80, en Allemagne, dans une tour abandonnée de tous, est retenu un prisonnier hors du commun, un criminel de guerre jugé à Nuremberg - un certain Rudolf Hess.

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J'ai déjà lu deux livres de Mercedes Deambrosis, qui est d'origine espagnole mais écrit en français. L'un était un roman léger, acide et amer, sur deux copines qui se retrouvaient après bien des années, elles s'arrêtent prendre un verre et papotent allègrement, et la conversation vire doucement à l'aigreur, attention aux révélations finales qui font bing bang boum. (cf. Un après-midi avec Rock Hudson). L'autre était un recueil de nouvelles dans lequel l'auteur n'hésitait pas à régler quelques comptes avec son pays à l'histoire douloureuse, meurtrie par une guerre civile, et soldée par une tuerie inutile et bête. Comme souvent dans toutes les guerres. (cf. La promenade des délices).

Ce que j'ai souvent constaté chez Mercedes Deambrosis, c'est de pouvoir calfeutrer les dénonciations sous un vernis de douceurs et de paroles gentilles, le genre de politesses glissées dans un sourire, et pourtant elles ne font pas dans la dentelle. Avec ce roman, Juste pour le plaisir, on assiste à un livre « qui a le rythme d'un thriller », un vrai roman noir, où la palette des personnages réunit des gens laids, fourbes, arrivistes, ou opprimés, violentés, bafoués, (« petites gens, salauds, trouillards, naïfs, crapules, femmes violentes, femmes écrasées »). Des bourreaux et des victimes. Des menteurs et des héros. Les périodes les plus troubles révèlent les âmes les plus sombres.

C'est comme un puzzle immense qu'on bricole en plus de 400 pages, et cela tournicote pendant longtemps. Cela a trait à la guerre, à l'occupation et à la collaboration, et par-dessus tout, aux actes des hommes, du commun des mortels sous la couche duquel peut dormir un dangereux tortionnaire. C'est stressant, curieux, d'une absolue et irrésistible cruauté. C'est très bon. 

Buchet Chastel, 2009 - 461 pages - 21€

11 janvier 2009

Le soir autour des maisons - Murielle Levraud

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L'histoire s'ouvre sur un paquet de café, de bon matin, la figure enfarinée, et l'attitude outrée. Il y a le couple Solange - Paulet, elle est toute discrétion, il a un balai coincé dans le postérieur. Elle ne vit que pour lui, s'efface mais s'étiole. Heureusement son amitié pour Brune-Olive la tire de son quotidien terriblement ordinaire. Elles sont régulièrement aperçues toutes deux bras dessus bras dessous dans la forêt, elles pouffent comme deux gamines, Solange est heureuse. Son amie est une femme forte, au tempérament bien trempé. Elle est mariée à Roland, un ancien taulard, désormais passionné de pêche.

La petite vie à La Garde, tranquille bourgade, est un cocon pour ses habitants, on y croise aussi le couple Diane et Josefa, autres figures emblématiques. L'une est un peu siphonnée, suite au passage de la remorque et de la comète et des deux "m". Elle a été prise sous l'aile de sa voisine d'en face, au grand dam de l'époux qui piaffe, car le temps passant, la voisine refuse que l'épouse regagne son foyer, sous prétexte qu'elle est toujours fragile...

Cela grince joliment dans ce roman, quand arrive le drame. Brune-Olive apprend une douloureuse nouvelle, elle a peu de temps pour agir et écrit deux cartons de lettres à envoyer pour faire semblant, pour après, comme si la vie allait continuer de couler paisible. 

C'est un très joli roman, pas long, qui est tendre et attendrissant. Jamais il ne se prend au sérieux, il met en scène des personnages colorés et attachants, le tout sur une note pleine de verve.

Vous obtenez ainsi une histoire délicieusement déjantée, mais pas loufoque. Cela ressemble davantage à une comédie vaudevillesque, pas trop lourde et bien digeste. On se régale, c'est parfait pour la détente et puis ça change des ambiances moroses. De la douceur, de la légèreté, c'est bien aussi.

Julliard, 2009 - 148 pages - 17€

 

L'éditeur le dit très bien : On ne s'ennuie jamais avec Murielle Levraud. Dans cette comédie farfelue, elle multiplie pour notre plus grand plaisir les situations invraisemblables, les quiproquos surréalistes et les coups de théâtre réjouissants. De son écriture enjouée qui regorge d'ingénieuses trouvailles, Murielle Levraud compose un univers naïf (au sens pictural du terme), ludique, enfantin et léger (même lorsqu'il s'agit d'y dépeindre des sujets graves) qui n'appartient qu'à elle.

Pour moi, cela ressemble à du Barbara Constantine.

Du même auteur, son premier roman est disponible en poche (pocket, 2007) : N'allez pas croire qu'ailleurs l'herbe soit plus verte... : Elle est plus loin et puis c'est tout

Précommandez : Le Soir Autour des Maisons

10 janvier 2009

Seul dans le noir - Paul Auster

seul_dans_le_noirD'abord je tiens à saluer la très belle couverture du roman, des lettres noires sur fond rouge, une impression hivernale, quelques flocons et la solitude, au bout, avec la frêle silhouette d'arbres nus... Déjà je me sens dans l'ambiance, cordialement invitée et je m'installe.

August Brill, ancien critique littéraire à la retraite, est cloué dans un fauteuil roulant après un accident. Il vit chez sa fille Miriam, depuis la mort de son épouse, et passe ses journées à regarder des tonnes de films avec Katya, sa petite-fille qui a le coeur brisé. Son ex-fiancé est mort, il s'est fait tuer en partant à la guerre. Miriam est aussi inconsolable, cinq ans après son divorce. Parmi elles, August assume ainsi son rôle de tampon, il est présent, il écoute, il essuie les petites larmes, puis à son tour, seul dans sa chambre, dans le noir, il s'apitoie sur son triste sort. Sa biographie est laissée à l'abandon, il ne veut plus raconter sa vie et préfère créer des histoires dans sa tête. Apparaît alors Owen Brick, un magicien new-yorkais qui a bientôt 30 ans. Il est marié à Flora, ils s'aiment, se disputent, et ils veulent un bébé. Un matin Owen se réveille et découvre qu'il est dans une autre Amérique, un pays en pleine guerre civile, mais qui n'a jamais été frappé par le 11 septembre. Owen retrouve un ancien amour de jeunesse, mais apprend également qu'il a une mission pour sortir l'Amérique de l'enfer, il va retrouver Flora et sa petite vie ordinaire, en échange il devra tuer son créateur.

Et cela continue de fourmiller de partout, des petites histoires et des anecdotes, des clins d'oeil aussi. C'est de la vraie fiction, ou une leçon par excellence pour mettre les pendules à l'heure : voilà comment on embarque un lecteur, voilà comment la folle du logis entre en action, et voilà comment on mène celui qui suit par le bout du nez. Paul Auster est un maître, il ne pose pas, il raconte et cela fait toute la différence. C'est moins enlevé et plus mélancolique que jamais, influencé par la guerre et les récits de pertes, de drames et de conséquences irrémédiables. En revanche c'est aussi un texte éclairé, sensible, intelligent.

On a souvent l'impression de sauter du coq à l'âne, d'avoir plusieurs histoires dans un seul roman, au risque de paraître entortillé. A mon goût c'est une sensation de vagabondage plaisante. Rien n'est linéaire, cela casse la routine. C'est sans cesse surprenant, parfois désappointant. La façon de couper court au chapitre d'Owen Brill, par exemple, est brutale car elle survient lorsque cela devient capital. Là, j'avoue que c'est un peu dommage... mais pas le temps de s'émouvoir, on rebondit déjà sur une autre aventure, un nouveau chapitre, on fait la connaissance d'autres personnalités auxquelles on s'intéresse à nouveau. Bref, c'est à ces petits détails qu'on reconnaît un grand souffle romanesque, non ?

Très bon roman, qui vous embarque et qui sait raconter une vraie histoire. A conseiller fortement.   

Actes Sud, 2009 - 324 pages - 19,50€
traduit de l'anglais (USA) par Christine Le Boeuf
 

9 janvier 2009

L'homme sans lumière - Richard Andrieux

418S7fqKBPL__SS500_C'est l'histoire d'un homme triste et usé - il s'appelle Gilbert. Il vit seul, sa compagne vient de le quitter, après 7 ans d'une liaison sans saveur ni odeur. Aujourd'hui Gilbert a choisi d'écrire pour décharger le poids de son fardeau, soulager sa rancoeur, libérer son trop-plein de désespoir. Il s'adresse à un inconnu, croisé dans la rue, aperçu dans un café, suivi au cimetière, observé à la loupe. Gilbert sait pratiquement tout de cet individu, son train-train quotidien, son passé, celui du père collabo, sa solitude et son veuvage. Pas de doute, c'est un compagnon d'infortune. Gilbert peut lui écrire, tout lui dire, cet homme va comprendre. Ils ont des points communs, et seules deux années les séparent. Ils sont vieux avant l'heure, accablés et dégoûtés.

C'est l'histoire d'un petit homme qui a toujours eu peur, qui n'a jamais su briller. C'est un roman composé de lettres envoyées dans le vide, sans accusé de réception. Ce sont des balles perdues, dégainées comme pour clamer tout ce qui fait horreur, pour « cracher sur ce monde qui est aussi laid que lui ». C'est une vision sombre, pleine d'amertume et rongée par le désespoir, d'un homme cassé, brisé et sans illusion. Jusqu'au bout, on attend qui répondra à ses lettres. Existe-t-il, cet alter ego, cet inconnu compatissant ? Lui, Gilbert, n'a jamais cessé de « vomir sur ces gens qui se disent généreux, sur ces princes du paraître, sur ceux qui se couchent tous les soirs en tremblant sous des draps en soie maculés de la peur de tout perdre ». On ne se brise pas les côtes à trop rire, ce texte n'est pas follement réjouissant. Gilbert nous saisit vite par la gorge pour nous plonger dans son univers. Impudique, mais touchant. Presque insoutenable. Richard Andrieux n'a pas la prétention d'être le bouffon de service, on l'a bien compris.

Editions Héloïse d'Ormesson, 2009 - 128 pages - 16€
Son roman « José » sera disponible en poche, chez Pocket, début février 2009.

« Il y a des gens comme ça qui vous donnent l'impression que leur vie est une évidence heureuse. Comme si pour eux le seul fait de vivre, de respirer, suffisait pour que chaque instant ait un sens. On dirait qu'ils n'ont besoin de rien pour se sentir bien. Comment font-ils ?
La vie n'est faite que pour les gens heureux. »

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