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Chez Clarabel
scripto
11 mai 2012

♪♫ Rockoholic ♪♫

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Le roman s'ouvre sur un enterrement, celui du grand-père de Jody. C'était un type original, rock-n-roll dans sa façon de vivre et de penser. C'était un modèle pour la jeune fille. Aussi, elle tire une tronche de vingt kilomètres au cours de la cérémonie trop traditionnelle et pompeuse. Jody est en guerre avec sa mère, alors elle décide de pirater les ondes et de semer la zizanie en mémoire de son aïeul.

Résultat, Jody est punie et interdite d'aller au concert de son groupe préféré, The Regulators. Elle s'enfuit de chez elle et se réfugie chez son meilleur pote, Mac. Celui-ci lui offre son billet pour qu'elle puisse vivre son rêve pour de bon, car Jody est folle amoureuse du leader du groupe, Jackson Gatlin.

Elle est prête à tout pour attirer son attention, et c'est de bon matin qu'elle se rend dans la file d'attente pour être placée au premier rang. Le temps s'écoule lentement, alors Jody fait preuve de sarcasmes en observant la foule des fans. Mac vient de temps à autre lui tenir compagnie, parce qu'il faut tout de suite le souligner, ce garçon est génial ! Un vrai soutien. Un amour de copain. Une patience du tonnerre. Une écoute sans faille. Une présence sûre. Bref, spécimen à adopter de toute d'urgence.

Jody se sert honteusement de son amitié, sans réaliser qu'il y a peut-être un petit quelque chose derrière. Elle est aveuglée par Jackson Gatlin, complètement mordue par cet inconnu qu'elle croit connaître à travers les coupures de journaux. Et lorsque l'occasion se présente, elle + lui seuls au monde, la jeune fille prend une décision radicale. Elle embarque Jackson loin de son monde de pacotilles, le rockeur est épuisé, usé, drogué par les amphétamines, en mode zombie sous hallucinogène.

Cette rencontre providentielle va vite ressembler à un cauchemar sans nom, puisque Jody va découvrir une autre facette de son idole... et la déception est rude. De plus, la presse fait les gros titres sur la disparition du chanteur, il va falloir trouver une solution, finir de jouer la comédie et forcer Jackson à sortir de sa coquille.

Le situations les plus cocasses vont se succéder, Jody est une héroïne tordante à sa façon, qui ne manque jamais de ressources et qui fait face sans rechigner, cette parenthèse dans sa vie va lui apporter beaucoup, comme de calmer ses relations tendues avec sa mère. Et puis le roman ne cache rien de l'envers du vedettariat et de la folie adolescente et du sentiment jusqu'au boutisme qui frappe un peu tout le monde lorsqu'on cherche à échapper aux contraintes. Enfin bon, ça reste une lecture traitée sur le mode humoristique, mais qui se révèle assez conventionnelle à la longue.

Rock Addict, par C.J. Skuse
Gallimard jeunesse, coll. Scripto, 2012 - traduction d'Alice Marchand 
illustrations de couverture : Anne Simon 

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1 février 2010

Scarlett, Spencer, Lola, Marlène. New York. Et moi !

Voici un roman absolument charmant, délicieux, à déguster la bouche en coeur. Il plaira aux lectrices dès 13 ans, qui savoureront l'histoire de cette famille new-yorkaise qui vit dans un hôtel Art Deco, lequel hélas tombe un peu en décrépitude. 

Les finances de la famille Martin sont au plus mal, Scarlett le découvre le matin de son quinzième anniversaire, en recevant la précieuse clef de la Suite Empire, attribuant ainsi à l'adolescente la pleine responsabilité de cette chambre. Cet été, Scarlett est priée de rallier les rangs familiaux pour donner un coup de main à l'hôtel. Ses amis ont tous quitté la ville, occupés à d'autres projets plus palpitants, Scarlett traîne les pieds mais ne sait pas encore que ses vacances seront riches, très riches et excitantes !

Suite_Scarlett_de_Maureen_JohnsonCela commence par la venue d'une cliente, Mrs Amberson, qui occupe la Suite Empire. Avec elle, c'est un vent chaud, exotique, léger, aérien, déchaîné qui s'installe à Hopewell. Mrs Amberson est une femme excentrique et mystérieuse, un peu casse-pied sur les bords, elle harcèle Scarlett de coups de fil à répétition et la jeune fille se plie à ses moindres caprices. Toutefois, cette Mrs Amberson est aussi une personne formidable et pleine de ressources. Elle le prouvera lorsque le frère aîné de Scarlett, Spencer, qui rêve de devenir comédien à Broadway et répète actuellement la pièce de Hamlet avec une troupe de débutants, connaîtra bien des galères pour mener son projet dans les meilleures conditions.

Les deux autres soeurs de Scarlett, Lola et Marlène, sont aussi très présentes, elles butinent, elles minaudent, elles sont volubiles, excessives, discrètes et cachottières. Les anecdotes ne manquent pas non plus en ce qui les concerne.
Le roman raconte définitivement l'histoire d'une famille, avec des hauts et des bas, des moments d'euphorie, d'entente à merveille, de combines et de débrouillardises, des journées magiques où tout se goupille comme dans un rêve, les bonnes rencontres, les nouvelles qui font du bien, les intentions les meilleures. Puis, les nuages viennent obscurir ce ciel si beau, les doutes et la jalousie sont de sortie, les jolis garçons deviennent fuyants, colériques, compliqués, les filles sont minées, compliquées, soucieuses, malheureuses. Mais sous le ciel de New York, les beaux jours sont toujours de rappel !

Les aventures de la famille Martin me rappellent quelque part celles de la famille des Jean Quelque-chose (la série de Jean-Philippe Arrou-Vignod) pour son côté optimiste, joyeux et solidaire. Même dans les coups durs, même si l'argent fait défaut, même si les petits copains se font la malle et même si les clients sont étranges et fantastiques à la fois, l'histoire montre énormément de complicité, de bonheur, de gaieté et fait preuve d'humour.
C'est vraiment un petit roman très chouette, comme dirait ma fille.

Suite Scarlett ~ Maureen Johnson
Gallimard, coll. Scripto, 2010 - 384 pages - 13,00€
traduit de l'anglais (USA) par Cécile Dutheil de la Rochère
illustrations : Dominique Corbasson

Une suite va paraître en février 2010 aux USA sous le titre : Scarlett fever.

 

16 octobre 2009

Mortelle mémoire ~ Jean-Paul Nozière

Scripto de Gallimard, 2009 - 165 pages - 8,50€

mortelle_memoireA Vron, petit village français, l'arrivée de l'allemand Tobias Grüber suscite murmures et ragots quant à la motivation de son installation dans une ferme isolée, avec ses chevaux et sa solitude sauvage. Ariane, quinze ans, découvre un cow-boy au regard triste, vingt-sept ans dans les bottes, un silence de plomb qui l'enferme car Tobias est rentré au pays pour solder un crime commis dix ans auparavant. Sa jeune soeur Lotte, qui travaillait l'été à Vron, a été violée et assassinée. Jamais le coupable n'a été inquiété.
Tobias ne vient pas fouiller le passé pour déranger et régler ses comptes, ses intentions sont plus personnelles, il les explique à Ariane qui reçoit également une place de lad dans sa ferme, avant de comprendre qu'elle devra assister l'allemand dans son pèlerinage.
C'est un été particulier et morbide qui s'annonce, deux mois durant lesquels les sentiments d'Ariane seront à vif et serrés dans un étau. « Vous vous tromperiez davantage encore en pensant que je m'apprête à raconter une histoire d'amour entre une fille de quinze ans et un homme de vingt-sept. Jamais il n'y eut d'amour entre Tobias et moi. Du moins, c'est ce qui me semblait, à l'époque. Et, évidemment, pas de sexe non plus. Pourtant, au cours de l'été, beaucoup d'habitants de Vron furent persuadés que nous couchions ensemble. »
J'ai trouvé ce texte particulièrement âpre et sec. La sensation accablante de la chaleur estivale ne m'a pas frappée, j'ai davantage ressenti le poids lourd des deux personnages - entre l'allemand, fermé et mutique, et la jeune française, qui lui rappelle sa soeur morte, paralysée par sa fascination pour l'histoire, le jeune homme, le passé et le fantôme de Lotte.
C'est un roman très étrange, prenant du début à la fin, et qui se lit d'une traite. Un roman où il est question de mémoire, au sens très large. J'avoue que cette lecture laisse un arrière-goût amer, pas désagréable, mais l'illusion par la couverture guillerette d'un instant rafraîchissant serait honnêtement trompeur. (Après tout, il est question de mortelle mémoire !)
C'est du très bon Jean-Paul Nozière, bien sûr !

> l'avis de Jean de la Soupe de l'Espace et d'autres infos sur le site de l'auteur

21 septembre 2009

La face cachée de Margo ~ John Green

Gallimard Scripto, 2009 - 390 pages - 14,00€
traduit de l'anglais (USA) par Catherine Gibert

« Margo était le seul mythe vivant habitant à côté de chez moi. Margo Roth Spiegelman, dont le nom aux six syllabes était souvent prononcé avec une sorte d'admiration muette. Margo Roth Spiegelman, dont le récit des aventures épiques traversait le lycée, tel un orage d'été : un vieil homme de Hot Coffee dans le Mississippi lui avait appris à jouer de la guitare dans sa masure. Margo Roth Spiegelman avait passé trois jours dans un cirque qui lui avait trouvé un don pour le trapèze. Margo Roth Spiegelman avait bu une tisane en coulisse avec les Mallionaires à l'issue d'un concert à Saint-Louis, quand tout le monde était au whisky. Margo Roth Spiegelman avait réussi à assister au concert en racontant aux videurs qu'elle était la copine du bassiste. Mais enfin comment se faisait-il qu'ils ne la reconnaissaient pas, franchement les mecs, je m'appelle Margo Roth Spiegelman, si vous pouviez retourner en coulisse demander au bassiste de venir voir à quoi je ressemble, il vous dirait que si je ne suis pas sa copine, il rêverait que je le devienne. Alors les videurs y étaient allés et le bassiste avait dit : Oui, c'est ma copine, laissez-la entrer. Et plus tard, il avait essayé de la brancher et elle avait repoussé le bassiste des Mallionaires ?
Ces histoires, quand elles étaient racontées à d'autres, se terminaient invariablement par des Tu le crois, ça ?
Ce qui était effectivement difficile, bien qu'elles se soient toutes révélées vraies.
»

la_face_cachee_de_margoA l'approche du bal de fin d'année, Quentin et ses camarades se cherchent des petites copines pour les accompagner au grand raout. Q. a pourtant dans le coeur et la tête une seule fille qu'il aime depuis toujours : Margo, sa voisine et son amie d'enfance. A neuf ans, ils avaient découvert un macchabée dans une mare de sang, de quoi les chambouler l'un et l'autre, même la nuit, nourrir leurs cauchemars et faire dire à la jeune fille, un truc du style, « Si ça se trouve, toutes ses cordes intérieures ont cassé. ». Le temps a passé et les deux amis se sont éloignés, sans plus jamais évoquer cette histoire. Jusqu'à ce dernier événement : Margo débarque en pleine nuit chez Q. et l'entraîne dans une virée de règlements de compte. Trompée par son petit ami, la demoiselle a établi un plan de vengeance qui concerne tout son joli monde hypocrite. Quentin demeure son seul complice, ce qui le comble de joie, malgré son tempérament petit garçon modèle et consciencieux. Le lendemain, le coeur battant la chamade, Q. s'attend à retrouver son amie Margo... qui est portée disparue. Plus de nouvelles de la belle, elle s'est volatilisée, on parle même de suicide et de drame, bref c'est un monde pour Q. qui refuse de croire à cette théorie.

« Margo a toujours adoré les mystères. Et la suite des événements n'a cessé de me prouver qu'elle les aimait tellement qu'elle en est devenue un. »

Ce roman m'est apparu tellement proche de Qui es-tu Alaska ? (le premier livre de John Green) qu'il m'a semblé étrange de le dissocier et de le considérer à part. On y trouve les mêmes thèmes : le narrateur érudit, intelligent, posé et fasciné par une jeune fille, d'où Margo, personnage quasiment fantasmé, à la personnalité tourbillonnante, stellaire, envoûtante, et pourtant qui cache des failles, des blessures, etc. Sa disparition entraîne le narrateur dans une quête, plusieurs masques vont tomber, la vérité apparaître, mais de bien étrange façon, et pour une conclusion pas forcément attendue. Le style y est, impeccable, bien écrit, drôle, brillant. C'est un très bon roman, aucun doute. Pourtant, j'ai ce sentiment d'avoir relu une histoire que je connaissais déjà. J'avais aimé Alaska, alors j'ai aimé Margo... mais j'espère que l'auteur ne va pas répéter sans cesse le même schéma mais nous proposer une prochaine fiction totalement différente, si ce n'est ce ton excentrique, singulier, riche en humour et suspense que j'affectionne particulièrement.

A tenter.

> lu aussi par l'accro des livres   

 

20 juin 2009

On s'est juste embrassés ~ Isabelle Pandazopoulos

on_sest_juste_embrasses"Je m'appelle Aïcha Boudjellal. Mais c'est seulement mon nom qui est arabe. Moi, je ne le suis pas." Adolescente de quinze ans, Aïcha partage un petit appartement avec sa mère, qui l'élève seule depuis le départ du père sept ans auparavant. Elle fréquente également le collège du quartier où toute la cité voisine est inscrite, de même elle a pour meilleure amie Sabrina, contre l'avis de sa mère qui ne souhaite pas que sa fille se mélange avec les habitants de cette cité. Mais chez Sabrina, Aïcha apprécie l'ambiance familiale, vive, bruyante, animée. Elle est aussi secrètement amoureuse du grand frère, un type sûr de lui, machiste et autoritaire, quand le scandale lui éclate en pleine figure. Son amie Sabrina l'insulte au collège, devant tout le monde, alors que la question d'honneur et de réputation est primordiale dans le quartier. Elle est accusée d'avoir couché avec Walid ! Aïcha se défend du contraire, "on s'est juste embrassés", mais la machine infernale est en marche.

Le roman raconte plus généralement la crise d'identité de l'adolescente, en mal de repères, qui a longtemps souffert des silences de sa mère, fâchée avec sa famille, séparée du père. Tant de questions n'ont jamais trouvé leurs réponses, et Aïcha s'est nourrie de ces non-dits, à tel point qu'elle est aujourd'hui désarçonnée par l'attaque surprise de sa meilleure amie, qui signifie autre chose, on l'apprendra plus tard. En attendant le cataclysme est énorme, cela déclenche une révolte entière, un ras-le-bol général. Et Aïcha va aller de mal en pis. Sa haine au corps est déconcertante, à plus d'un titre, toutefois le roman y a puisé sa force. Profond, subtil, qu'on ne peut plus lâcher et qui reste dans le coeur. Voilà pour le roman. L'histoire d'Aïcha est, quant à elle, touchante et agaçante, je ne cache pas mes soupirs au fil des pages, parce que j'avais du mal à la suivre, à la comprendre, enfin... à expliquer ses sursauts d'orgueil, ses mensonges. La pilule peut être amère, elle reste cependant douce à avaler grâce à la plume d'Isabelle Pandazopoulos, pour moi, une formidable révélation. Un uppercut qui vous met k-o. Pour un livre authentique, pudique et positif, qui plaira aux filles et aux garçons, adultes compris !

Gallimard, coll. Scripto, 2009 - 155 pages - 8,00€

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4 mai 2009

Le coup passa si près que le félidé fit un écart ~ Louise Rennison

georgiaMais qu'est-ce que c'est que ce titre !?! Comprenez : le tome 9 de la série du Journal Intime de Georgia Nicolson.
Bonne nouvelle : Georgia est amoureuse, mais le crousti-fondant Masimo est parti en vacances au pays-de-la-mozzarella-et-tomates-à-la. De son côté, la miss est coincée dans une niaise excursion campinguesque sous la houlette de déments certifiés - et Dave la Marrade creuse le sillon sous sa tente. Rosissement de popotin droit devant. Complications amoureuses à venir.
Si, comme moi, vous n'êtes pas du tout coutumière de la jolie prose de Georgia Nicolson, vous risquez d'avoir la caboche en frisette d'implosion !
Drôle, déconcertant, une véritable invention du langage (chapeau la traductrice), le ton est donné. La série de Louise Rennison vaut indéniablement le coup d'oeil pour sa touche d'humour saupoudrée d'un délicieux parfum d'esprit et d'invention, la langue est savoureuse, pas facile du tout de la décoder au départ, mais je compte tout reprendre à zéro ! (J'avais déjà lu le premier livre il y a des lustres !)
Amateurs d'humour, d'adolescence en crise et d'Angleterre (pas forcément les trois mélangés), cette série pourrait vous plaire.

Gallimard, coll. Scripto, 2009 - 254 pages - 9,50€
traduit de l'anglais par Catherine Gibert 

Un tome 10 va sortir en Angleterre le 25 juin : Are These My Basoomas I See Before Me?

Un film existe, adapté par le réalisateur de Bride & Prejudice ou Joue la comme Beckham, il est sorti en Angleterre (2007) mais jamais en France !!! :)) Pour se consoler, on peut acheter le dvd (en vost) ! ;o) georgia_movie

12 mars 2009

Sur les trois heures après dîner - Michel Quint

sur_les_troisEtudiante en terminale, Rachel a choisi le théâtre, sa grande passion, et les cours de Thomas Bertin, tout jeune professeur qui fait son entrée sur les planches, « pas si grand, la trentaine à peine passée, des allures d'aventurier revenu de toutes les élégances, tout le cheveu blond en tempête, ce type était un immense sourire. » (...) « Ça m'a fait vlan au creux de la poitrine, du chaud aux joues, un picotis partout partout et une bête envie de pleurer... »
Rachel tombe amoureuse, même si Thomas reste inacessible, un rêve éveillé et douloureux. C'est son professeur, il vit avec Babette, qui est également son assistante pendant les cours. Elle est belle, n'est pas dupe du charme qui s'opère entre l'élève et l'enseignant. Thomas exerce un attrait, il joue un jeu de séduction dangereuse, il pointe le doigt sur Rachel, cerne chez elle des talents de grande tragédienne. Il va la pousser, lui donner du terreau, arroser la plante et devenir soleil pour faire éclore la plante.
Et puis, tout s'arrête. Thomas est victime d'une attaque cérébrale. Les deux femmes amoureuses se font face, comme des tigresses autour d'une proie. Brusquement, les rôles s'inversent. Il faut accompagner le malade, lui redonner confiance, le conduire vers la guérison, et dans le même temps il faut supporter un duel de sourds, panser ses blessures infligées par la jalousie.

La passion amoureuse de Rachel est décrite en des termes exaltés, qui éclatent comme des bulles, là on reconnaît le talent de Michel Quint dont la langue est belle, ronde, chaloupée et volupteuse. C'est une histoire qui ressemble fort à une éducation sentimentale, en plus du drame cornélien. Il n'y a pas que la relation triangulaire entre Rachel, Thomas et Babette. Car Rachel a également un amoureux transi, Kader, qui souffre, qui est jaloux et qui est prêt à tout pour ravir le coeur de la donzelle qui l'ignore. Les passions adolescentes sont maladroites, mais touchantes. Chacun sent l'urgence d'aimer l'autre, même s'il faut passer par du n'importe quoi, de l'exagération et des larmes.

Dans ce court roman de 100 pages, on apprend à se casser les dents, à grandir et à choisir, c'est en somme un roman d'apprentissage où « on a peur et envie de grandir, de l'irrémédiable, où on ne sait pas qui on est mais qu'on veut devenir quelqu'un de bien, de digne, et qu'on se fabrique des faux modèles, et qu'on aime qui on doit pas, qui on peut pas, et qu'on entre, éblouis et terrifiés, dans le bref parcours de la vie ». Et toute l'intrigue se dessine dans les grandes lignes de Cyrano ou d'Hedda Gabbler, ce qui parfois me rappelle un autre roman de Michel Quint, Et mon mal est délicieux, où l'auteur démontre également l'importance du théâtre dans ses livres.
De toute façon, il faut tout lire de Michel Quint ! Il est remarquable.

Gallimard, coll. Scripto, 2008 - 106 pages - 7€
Belem éditions, 2004

24 juin 2008

15 Ans Welcome to England - Sue Limb

Fans de Jess Jordan, votre héroïne n'a pas subitement rajeuni en un coup de stylo à plume. Ce livre est en fait un prequel (un épisode dont l'action est antérieure à la trilogie existante mais écrit après). Ici, Jess n'est pas (encore) amoureuse de son meilleur ami Fred et doit accueillir son correspondant français, Edouard. Pensant qu'il colle à son image idyllique du latin lover, yeux noirs et lèvres boudeuses, elle lui adresse une photo retouchée et reçoit en retour un cliché très engageant ! Le jour de la rencontre, cependant, Jess tombe des nues et fait face à un bonhomme haut comme trois pommes, hyper coincé et qui ne parle pas un mot d'anglais. Les quinze jours à venir vont être une torture absolue...

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Que d'humour dans ce livre ! Cela commence avec la découverte du correspondant, Edouard ne décroche pas un mot et s'installe dans la voiture en laissant flotter une odeur nauséabonde. Pour ne pas le vexer, Jess et sa mère utilisent un code et le surnomment "la reine". Quel ennui... ce garçon aurait-il un problème d'hygiène ? Mais en vrai, c'est Jess qui a marché dans une crotte et ne le découvre qu'une fois arrivée à la maison, et ce sans la présence d'Edouard qui doit désormais penser que sa correspondante n'est pas très "clean" non plus ! Notre trio sympathique continue de s'installer dans les situations embarrassantes, lorsque le français se rend dans la salle de bains et se bat avec la chasse d'eau...

Un fossé se creuse sous les pieds de Jess. Elle apprend d'une tierce personne que son cher Edouard est tombé fou amoureux d'elle en voyant sa photo ! Chose abominable et inconcevable, la jeune fille décide alors de supplier Fred de "faire comme si" et annonce à tous qu'ils sortent ensemble. Et puis, très vite, ce mensonge l'encombre car Jess juge absolument craquant le correspondant de sa camarade Jodie et voudrait bien avoir son premier "french kiss" avec lui ! Pour détendre les relations franco-anglaises, la bande organise un week-end camping.

J'aime beaucoup les livres de Sue Limb et ce, même en accusant 30 ans ! C'est frais, pétillant, plein d'esprit. Jess Jordan est une héroïne unique, une vraie copine qui nous fait partager les joies (et déconvenues) des échanges linguistiques. Je pensais qu'avec ce prequel cela allait être totalement décalé, je m'étais habituée aux amourettes entre Jess et Fred. Finalement je suis agréablement surprise, j'ai beaucoup rigolé. Et puis je trouve que Fred est un garçon qui gagne à être connu, je ne vous dis que ça !!!

A noter, ce livre peut se lire indépendamment des autres.

Gallimard jeunesse, (juin) 2008 pour la traduction française - coll. Scripto - 293 pages - 11,50€

traduit de l'anglais par Laetitia Devaux - titre vo : Girl, 15 Flirting for England.

Du même auteur :

 

11 avril 2008

Spirit Lake - Sylvie Brien

spirit_lakeMai 1915. Un adolescent grelotte au fin fond d'une infirmerie, délirant entre la vie et la mort. Trois mois plus tôt, ce garçon, Peter, débarquait avec son frère Iwan et leur grand-mère sur le territoire canadien. Ce sont des réfugiés austro-hongrois, d'origine ukrainienne, qui ont choisi l'exil au Canada, mais seront dès leur arrivée arrêtés et emprisonnés dans des camps de détention, au large des plaines du nord, à Spirit Lake. C'est un no-man's land de glace, où cohabitent des baraques de bois et la vie à la dure dans un cadre désertique, cerclé de barbelés. Peter n'a que quatorze ans et va devoir subir la privation, le froid, la faim, l'humiliation et l'épuisement. Il est enrôlé pour devenir un interprète pour un militaire soupçonné de pratiquer du marché noir, cette mise en confidence mettra soudainement les jours de Peter en grave danger. Son frère Iwan est tombé amoureux d'une jolie pianiste, Tatjina. Il a décidé de se sauver mais devient à son tour le pion du jeu machiavélique du redoutable Wotton. Les conditions de vie à Spirit Lake n'avaient pas besoin de souffrir davantage de vicissitudes de la part d'êtres retors, Peter s'en rend compte. Le garçon va tomber malade, être envoyé à l'infirmerie où, dans sa somnolence, il voit le fantôme de sa grand-mère à son chevet, persuadé alors que ses propres jours sont comptés !

Spirit Lake ouvre un chapitre nébuleux de l'histoire canadienne sur les camps de détention des réfugiés de la Triple-Alliance, entrés clandestinement sur le territoire du Canada. Ces hommes, ces femmes et ces enfants, de simples civils, ont été considérés comme ennemis de l'Empire britannique et ont été emprisonnés dans des camps, dont Spirit Lake fut l'un des plus rudes (par sa situation géographique et par ses règles drastiques). Ce roman suit un jeune garçon de quatorze ans, qui s'attire les foudres d'un capitaine de l'armée canadienne, entêté et buté.  Car Peter n'a pas sa place à Spirit Lake, un site davantage destiné aux hommes les plus endurants, il faudra pourtant qu'il s'accroche. Heureusement, dans cette misère, l'adolescent va découvrir la force des liens affectifs sur lesquels il pourra s'appuyer pour se sortir des situations les plus difficiles.

C'est un roman singulièrement admirable, une superbe leçon de vie, qui donne matière à s'apitoyer, trembler et s'émouvoir. L'histoire est d'ailleurs construite de façon binaire, jonglant entre le présent et le passé pour ménager un suspense permanent. Aujourd'hui il ne reste rien de ces camps de détention, alors peut-être ce roman pourra cultiver la mémoire des disparus et des opprimés de cette époque compliquée. De plus, Spirit Lake fait appel au fantastique, l'endroit étant un lac sacré cher aux Amérindiens, et ce genre n'est pas usité ici à des fins inutiles !

Sylvie Brien est également l'auteur de la série des Enquêtes de Vipérine Maltais

Spirit Lake, de Sylvie Brien

Gallimard jeunesse, coll. Scripto, 2008 - 237 pages - 9.50 €

4 avril 2008

Incantation - Alice Hoffman

incantationNous sommes dans un petit village d'Espagne, au XVIème siècle. L'histoire commence par un bûcher élevé sur la Plaza où sont lâchées des tonnes de livres appartenant à des Juifs. Un vieil homme portant un manteau avec un cercle rouge assiste à la scène, impuissant. Deux autres jeunes filles sont également spectatrices de ce sacrilège, deux meilleures amies, Estrella et Catalina. Unies depuis toujours, presque semblables avec leurs longs cheveux noirs, elles se donnent du Corbeau et Corneille pour souder leur amitié. Mais les temps changent, un vent mauvais souffle et les demoiselles, qui ont seize ans, commencent à ressentir leurs premiers émois amoureux.

Et c'est ce détail qui aura son importance, car la jalousie va ronger le coeur de Catalina qui, pour se venger de l'inclination d'Estrella pour son cousin, va la dénoncer aux grands prêtres, sur crédit d'un lourd secret que semble cacher sa famille. L'heure du déchirement, de la trahison et de l'effondrement va sonner. 

Si nos vies sont des rivières, pourquoi s'étonner que les changements qui les affectent ne nous soient perceptibles qu'une fois rendus en pleine mer ? Il arrive un jour où, balayant du regard ce qui nous entoure, nous constatons que plus rien n'est pareil, pas même notre visage. (...) J'ai traversé les mers pour me rendre dans une contrée où je n'aurais jamais imaginé me rendre un jour. Je suis devenue quelqu'un dont je n'avais pas idée. Un secret. Un rêve. C'est ce que je suis, corps et âme. Brûlez-moi. Noyez-moi. Mentez-moi. Je demeurerai celle que je suis.

Ce court roman pour la jeunesse est un exemple remarquable de la persécution contre un peuple. L'histoire traite ici de l'Inquisition qui sévit dans l'Espagne du XVIème siècle. Le propos est rapporté par Estrella de Madrigal, une adolescente qui avait grandi sans se poser de questions, subissant l'indifférence de son grand-père et le silence méprisant de sa grand-mère, adorant sa mère qui possède une grande beauté et le don de guérir par les plantes. Les récents événements qui frappent leur petit contrée d'Encaleflora vont lui ouvrir les portails de son rêve. Estrella va apprendre qu'elle est une marrane, une juive convertie au christianisme, ce qui est bien pire que le simple fait d'être de la juderia. Le roman est pudique, sobre, assez poignant face à l'escalade de violence et d'injustice, mais il est aussi le portrait admirable d'une jeune fille courageuse, qui choisira de témoigner pour protéger la Vie. Sois toi-même et ton âme sera sauvée. Un devoir de mémoire, à découvrir.

Incantation, d'Alice Hoffman. Traduit de l'anglais par Catherine Gibert.

Gallimard jeunesse, Coll. Scripto. 160 pages. 8€

2006 pour le texte, 2008 pour la traduction.

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