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Chez Clarabel
16 avril 2007

La plus belle - Béatrice Bantman

C'est l'histoire de Louise Kramer, fille de rescapés d'Auschwitz, qui a grandi avec cette sinistre litanie "Mme Kramer la_plus_belledisait souvent qu'elle était revenue de là-bas parce qu'elle était la plus belle du camp". Alors, aux yeux et dans la tête de Louise, la beauté prend une importance cruciale, qui semble lui être refusée. Elevée dans la rigueur et la menace "du travail et rien d'autre", Louise perd vite sa fraîcheur, sa joie de vie et ses sursauts de bonheur. Chez eux, on est triste, on s'ennuie, on hurle et on donne des coups de ceinture si la petite ramène des mauvaises notes, si l'adolescente se maquille, si la jeune fille rentre tard et fréquente des garçons...
Avoir survécu à tout ça pour voir ça aujourd'hui, c'est le cri d'horreur de ses parents. Et Louise ne s'y oppose pas et accomplit leurs quatre volontés. Pour fuir ce quotidien morne, elle rêve, elle couche avec des types sans amour, elle a le coeur brisé par un Pascal qui la quitte pour une autre. Elle se tait. C'est une existence terne, misérable affectivement, qui ne comble pas Louise, "mal née, trop tôt, trop près des camps, au mauvais endroit, la mauvaise année, dans la mauvaise famille, vivante au pays des morts, rieuse et étourdie au pays des sanglots tus. Elle se débat comme une aveugle, une sourde, une folle contre les murs de barbelés que les Allemands ont dressés à jamais dans le coeur de ses parents."
Et alors que l'histoire semble s'enliser dans l'accablement, le cours reprend son intérêt pour se conclure sur un très bel hommage d'une fille pour sa mère, qu'elle comprend enfin, qu'elle accepte et qu'elle aime vraiment. On échappe au mélo pour montrer avec pudeur toute la complexité des survivants à refaire leur vie et cohabiter avec leur descendance. Ce livre montre très bien le profond fossé qui les sépare et qui peut briser une petite fille. Le tout est raconté entre humour et désarroi, mais quelle leçon d'ironie pour finir !   Denoël, 150 pages

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14 avril 2007

Rue des Sept Filles - Claudine le Tourneur d'Ison

C'est un peu dommage cette silhouette féminine sur la couverture, car cela donne une idée fausse au roman de rue_des_sept_fillesClaudine le Tourneur d'Ison. De mon point de vue, je trouve que cela déclasse ce livre en une vague promesse de "grande histoire d'amour", dont une certaine littérature se fait largement écho. Ici, nous en sommes bien loin !
L'amour est certainement présent, c'est un terreau utile pour les romans, mais la façon de l'étaler n'est jamais la même. Pour la "Rue des sept filles", il faut s'attendre à un récit écrasant et débordant de passion, mais...

Au commencement, la narratrice est alitée, elle va mourir, son corps la lâche et ses yeux ne voient plus. Dans cette position, livrée à elle-même dans cette chambre d'hôpital, elle se remémore Le Caire en 1930. Elle avait 18 ans et suivait ses parents pour une mission diplomatique. A l'époque, déjà désoeuvrée et plongée dans un vague à l'âme profond, elle se languit d'un homme qu'elle vient de quitter, c'était son premier amant, son secret, et elle est partie. En Egypte, elle est avant toute chose dégoûtée et hermétique à l'atmosphère du pays. Elle boude les soirées mondaines, adopte une attitude hautaine envers le personnel de la maison, et puis elle se réveille.
Traversant les ruelles labyrinthiques, elle découvre un jour un quartier mal famé qui empeste la pourriture et l'odeur de stupre, puis se trouve au pied d'une maison en ruines où des femmes disposent de leurs corps ... C'est la Rue des Sept Filles. Là, la jeune française va venir et revenir, même en cachette. Elle est tremblante de désir, noyée par la peur, mais elle court rejoindre ce garçon qui lui fait perdre pied.
Son histoire cache une blessure, et le tableau familial aussi dissimule quelques secrets. Tout va se savoir, mais à la toute fin du roman. Et c'est anéanti et bouleversé qu'on termine notre lecture. Qui aurait pu douter un instant ? Car derrière ce doux étalage des sens, des impressions, du goût et des émotions, se clapit un désastre, un chamboulement. Dans cet hôtel en ruines, ce théâtre de la souffrance et de la débauche, l'insouciante jeune fille va être écorchée, touchée, blessée. Punie.
Ce roman est captivant, il restitue l'ambiance incandescente du Caire de l'époque, raconte la misère et la magnificence, évoque la volupté et la quête de l'absolu. C'est le portrait d'une femme qui a perdu son âme dans le désert, qui a aimé passionnément, au péril de sa peau, et qui livre au soir de sa vie "cette étrange histoire au bord du coeur". Sombre, douloureux mais terriblement sensuel et intimiste, un roman bien fascinant.

Albin Michel, 185 pages

13 avril 2007

Des filles qui dansent - Stéphane Hoffmann

des_filles_qui_dansentC'est d'abord le parcours d'un jeune garçon qui souhaite échapper "à sa condition de plouc" en quittant le foyer familial pour étudier à Nantes où son désarroi l'enfonce de plus en plus dans un hébétement proche de l'être rustre et sauvage qu'il incarne. Il reste seul dans son coin, nage des heures, se taille un corps d'apollon, mais en façade il demeure le "pécore" de service, dénigré par ces jeunes branchés de la classe bourgeoise.
Et puis, l'été il débarque à La Baule pour travailler comme barman dans un club privé. Il y rencontre les mères de ceux qui le méprisaient dans l'année, des femmes désoeuvrées qui perdent leur journée sur un transat avec un verre à la main, des épouses lasses et délaissées qui s'offrent du bon temps avec un jeunot de passage... C'est ainsi, la valse des genres et des conditions. Mais quand Jérôme pense trouver l'Amour véritable, il se fait renvoyer en pleine figure son rang modeste. Briéron de naissance, petit joueur pour l'Eternité. Chacun sa place, lui tanne la famille Chalaffre.
Ainsi court le roman doux-amer de Stéphane Hoffman, sur une chronique sentimentale qui nous emmène à La Baule dans le flou des années 80. L'écriture est sèche, désabusée mais persifleuse. C'est un vrai plaisir à lire, ce roman s'apprécie dès les premiers rayons de soleil et doit se prescrire pour vos vacances, à lire sur un transat ! Et d'un oeil malicieux, le sourire collé aux lèvres, vous tournerez la tête vers ces filles qui dansent et ces garçons qui n'en perdent pas une miette...  Albin Michel, 230 pages.

Autant vous dire, aussi, que c'est Katherine Pancol qui en parle le mieux :

Sinon, j'ai lu UN livre ! D'habitude, quand j'écris, je ne lis jamais. Ou des bouts de… des bouts de poèmes, des bouts de romans que j'ai lus cent fois, et même des bouts de prospectus de dentifrice ou de chaîne Hi-fi….
Je suis concentrée genre barre de fer, sur mon ouvrage et personne ne peut m'approcher. Sinon je dégaine et assomme !
Impossible de me distraire, impossible de lire ou alors lors d'un long, long voyage en train.
Or ne voilà ty pas que l'autre soir, j'attrape un livre au hasard sur la pile qui vacille près de mon lit.
Une belle couverture, un beau titre "Des filles qui dansent" (éditions Albin Michel) et je me lance… Je me dis je vais lire une demi-heure juste avant de m'endormir.
Il devait être 23h35 et je me félicitais de me coucher si tôt.
RATÉ !
Quatre heures plus tard, je lisais toujours, enchantée par la langue de Stéphane Hoffmann, son humour, son écriture simple, belle, drôle, élégante, sa description d'un milieu de méchants et doux Français dans la région de La Baule.

C'est l'histoire de…
Je déteste raconter l'histoire d'un roman parce qu'un bon roman, ce n'est pas UNE histoire mais UN style.
Je préfère donner des envies de lire.
Alors, je vous offre, pour vous appâter les premières phrases :

"Je suis né maigre et je n'ai pas pleuré. Si j'avais eu des dents, je les aurais serrées. Si j'avais su ce qui m'attendait.
Ce qui m'attendait ? Rien, justement. Ni personne. Mon père ? Un ouvrier. Comme mon frère, quoi qu'il en dise. Ma mère travaille à la Poste. Et ma sœur roule en mobylette".

À ce stade, vous vous demandez si vous n'allez pas vous lever pour aller chercher votre porte-monnaie…
Alors, je continue, avec le frère du narrateur…

"Et Jacky prend son air.
Un jour, on le croise avec une fille. Le dimanche d'après, il vient avec. Pas mal, dans le genre décoratif. La voix un peu forte, un vrai carillon. À table, quand elle demande le sel, tout le monde sursaute, les vitres tremblent, le chien aboie dans le jardin, les lapins s'agitent dans les clapiers. Jacky nous l'a amenée comme, au printemps, il nous a montré sa R8. Sans plus. Pour avoir la paix. Ah ! mais pardon, c'est qu'on en parle dès le dessert :
- Alors, c'est pour quand la noce ?
Tête de mon frère. La Marie Caroline se dandine, glousse qu'elle n'a pas encore eu sa demande.
- Bah ! T'en fais pas, ma jolie, dit mon père en se levant pour chercher le kirsch. Chez nous, on est des hommes d'honneur, on laisse jamais les belles jeunes filles dans l'embarras. Pas vrai, maman ?
Ma mère regarde Jacky d'un air attendri. Si elle pense à quelque chose, c'est à la robe qu'elle mettra le jour du mariage. Et si mon frère pense à quelque chose, c'est qu'il vient de se faire baiser bien profond."

Il y a donc le père, la mère, le frère et le narrateur… d'un côté.
Et la haute bourgeoisie locale de l'autre.
Au milieu : Roméo et Juliette qui essaient de ne pas se noyer.
Stéphane Hoffmann réussit le tour de force de nous raconter l'éternel histoire d'un garçon qui rencontre une fille en y mettant de l'humour, du style, des émotions et de l'air iodé !
La lutte des classes sur le sable bien élevé d'une plage bretonne.
De temps en temps, c'est Pagnol, puis Dallas, puis Pagnol again, un petit tour chez Giono, un autre du côté de Salinger et de l'Attrape-cœurs… Ça se veut léger parce que l'auteur est bien élevé et planque ses messages sous de beaux coquillages, mais ça vous prend aux tripes.
Bref, vous commencez tranquille à onze heures 35, à quatre heures et demie du matin, vous ne dormez pas et vous ne dormirez plus !

Encore un petit morceau de gâteau pour le dessert :

"Pendant le déjeuner, elle n'a pas cessé de parler. Comme je ne savais pas quoi dire, je lui ai juste demandé ce qu'elle voulait faire de sa vie. Comme ça. Pour voir. Ça m'intéresse toujours : l'ambition de nous organiser une vie à nous, je ne vois que ça pour nous différencier des animaux, nous les hommes. Une vache ne veut pas sortir de sa condition, un tigre non plus. Un homme, oui. Du moins un homme comme je l'entends : faire mieux, faire plus, faire autre chose. Essayer, au moins. Mon père se hait de n'avoir pas essayé. Mon frère a essayé avant de se faire rattraper par sa bonne femme. Ma mère n'essaie rien, peut-être parce qu'elle est belle et qu'elle ne voit pas ce qu'elle pourrait faire de mieux que sa beauté. Moi, j'ai réussi le plus dur : partir de chez moi".

Ce n'est pas un résumé de la condition humaine, ces lignes ?

8 avril 2007

Spirales ~ Tatiana de Rosnay

"Spirales", dernier né de l'auteur Tatiana de Rosnay, est une assurance à l'angoisse, au suspense et à l'escalade de l'horreur.
Le roman commence par la fin: l'héroïne Hélène est seule dans sa cuisine avec un cadavre sur le carrelage. Comment en est-elle arrivée là? ce n'est pas imaginable.. Il faut tout raconter depuis le commencement.
Et ça commence par une simple rencontre, un jour d'été caniculaire. Hélène croise le chemin d'un homme qui lui propose de le suivre... Troublée, elle cédera à la tentation. Elle, Sainte Hélène, cinquante ans, mariée depuis trente ans, deux enfants, des petit-enfants, dévouée à la Paroisse, à la bibliothèque, femme et épouse modèle, rien à dire sur elle. Sauf ce jour-là, elle cède à cet appel de la chair, elle cède au plaisir mais hélas, l'homme succombe à une crise cardiaque. Paniquée, Hélène s'enfuit, persuadée de ne laisser aucune trace -si ce n'est son sac à main avec son agenda, son porte-feuille et tous ses papiers. Convoquée au poste de police, Hélène avouera s'être fait voler et ne pas connaître cet homme mort. Hélène entre dans la quatrième dimension...
Car c'est en succombant au charme d'un étranger qu'Hélène pénètre, sans s'en doute, dans une spirale de l'angoisse et de l'horreur. Quelqu'un a tout vu et ce quelqu'un va la faire chanter. Paralysée à l'idée de tout révéler à son mari et à ses proches, Hélène va s'enfermer dans un mensonge qui la conduit à de plus en plus catastrophiques aventures. Pauvre d'elle! Hélène Harbelin, la respectable, serviable et distinguée Hélène Harbelin... "Cinquante ans et une vie passée à se dévouer aux autres."
Dans son malheur, Hélène va se découvrir une autre personnalité. Liée à son image parfaite, elle s'aperçoit combien elle est seule, combien personne ne prend soin d'elle ou ne se soucie de ce qu'elle pense. Cette tragédie fait d'elle aussi une victime : Hélène est victime d'elle-même, de ce carcan imposé depuis des années avec son consentement.
L'histoire nous apprend davantage: l'escalade de l'impensable et de l'inimaginable happe le lecteur sous forme de courts chapitres qui se succèdent à un rythme décadent. L'ambiance est étouffante. L'angoisse latente. La spirale embarque l'héroïne et son lecteur dans ce train d'enfer...
Entrez dans cette quatrième dimension. La plume de l'auteur est alerte, vive et met un point d'honneur à nous tenir en haleine. Jusqu'à la chute finale... (toujours aussi déroûrante). Bravo, et merci l'auteur.

avril 2004

2 avril 2007

Je t'aime beaucoup ~ Gabrielle Ciam

Ce livre peut se prendre comme un plaidoyer contre l'homme et son incapacité à comprendre la femme, aussi bien sa compagne, sa maîtresse, son grand amour, ou tout le reste... Car entre la narratrice et cet homme beaucoup plus âgé, présentateur de la télévision, il n'y a aucun doute sur la maturité de l'un et l'autre. La femme est gagnante ! Même à dix-sept ans, lors de sa première rencontre avec lui, la jeune fille va décider elle-même du tournant de son existence, suivre les pas de cet homme qu'elle sait/devine indispensable pour les années à venir. Trois ans seront accordés à ce couple inégal, dans lequel l'un aime éperdument l'autre et accoure dès qu'il siffle, alors que celui-ci la bafoue dans des hôtels minables, la voit entre-deux, au-delà de sa vie maritale...

Non, ce n'est pas une banale histoire d'adultère, ni de romance à la Lolita. Car dans "Je t'aime beaucoup", la narratrice fait un travail d'introspection. Vingt-cinq ans ont passé quand elle revoit cet ancien amant, par hasard, elle l'aborde, prend un verre, se souvient du passé... Un ange passe, "quelque chose bouge en elle, un long ressac qui vient de loin, de profond" et réveille des souvenirs éteints. Entre l'émerveillement de la première fois, les désirs assouvis instantanément, la solitude, la colère, la méprise ou la jalousie... la narratrice aura plus d'une fois de la difficulté d'apposer le nom sur ... quoi ? cette histoire, liaison ou aventure ?..

C'est beau et simple. Gabrielle Ciam écrit sans tralalas, elle parle des histoires d'amour qui ont vécu, bouleversé les êtres mais "où va l'amour quand on n'aime plus?". Le roman tente d'y apporter une réponse, du moins une clairvoyance. Mais ces anciens amants se trouveront-ils en face ? Quand l'un dit : "Je t'aime beaucoup", et l'autre répond : "Tu sais, le beaucoup est de trop pour une femme de plus de quarante ans!"... on sourit, eh oui ! C'est le grand drame actuel : les hommes et les femmes ne se comprennent pas !

lu en avril 2005

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31 mars 2007

L'Ancre des rêves - Gaelle Nohant

Il y a d'abord ce petit extrait de "Possession" d'A.S. Byatt qui indique : "Dans notre partie de la Bretagne - la Cornouaille, l'Armorique - persiste la vieille croyance celte celon laquelle la mort est simplement un pas - un passage - entre deux stades de l'existence humaine." Puis il suffit d'ouvrir la porte et inutile de préciser que le lecteur se sent aussitôt happé dans l'univers que va créer la jeune Gaelle Nohant ...

ancre_des_revesSon roman est une invitation précieuse et irréelle dans un monde peuplé d'enfants, de cauchemars, de fantômes, de morts. Cela se passe chez les Guérindel, Enogat et Ewan ont quatre fils qui grandissent avec l'interdiction formelle de s'approcher de la mer. Dans ce pays de pêcheurs, il n'est pas facile de faire accepter cette "différence". Les enfants ne disent mot, ils consentent.
Ce sont des bons garnements, mais ils ont leurs mystères. Chaque nuit, ils se réveillent en hurlant, pris au piège de leurs rêves, qui sont autant de cauchemars contre lesquels leur mère Enogat ne peut combattre.
Mais les enfants n'expriment pas ce qui les terrorise à ce point. Pourquoi Benoît suit cette femme avec son enfant dans les bras, s'approcher de la mer, bercer sa petite, et mettre des cailloux dans ses poches ? Et pourquoi Lunaire se voit-il embarqué sur un navire, accueilli par un beau diable aux cheveux roux, au rire mauvais, lui pointant du doigt une chose effroyable planquée dans la cale ? Même Guinoux s'effondre, en classe de dessin, à la vue d'un tableau représentant des chevaux, avec du rouge, beaucoup trop de rouge...
Les garçons Guérindel sont murés dans leurs nuits peuplées de ces cauchemars qui leur signifient quelque chose, certainement. Mais ils se taisent, même entre eux ils ne parlent pas, ils se regardent comme des chiens fous, un peu sauvages, et poursuivent leur bonhomme de chemin.
C'est Lunaire qui va conduire le lecteur dans un tunnel où les lumières de la vérité éclairent bien au loin la sortie. La traversée est rude, esquintante, sujette à des sueurs froides, mais guidée par la rencontre d'êtres exceptionnels, comme cette nonagénaire, Ardélia, ou le bienheureux Ebenezer (en hommage à Dickens...).
Il fait bon se caler dans un fauteuil au coin de la cheminée, dans un salon qui sent bon le gâteau, où l'on peut boire un verre de cidre et dévorer des pommes de terre écrasées au beurre avec un goût de noisette... Puis écouter les confidences de cette femme remarquable, un peu énervée au début, puis brûlante d'émotions et de blessures intimes.
C'est peut-être en fouillant le passé qu'on pourra sortir les enfants Guérindel de leurs cauchemars épouvantables. Qui sait ?

Alors, "L'ancre des rêves" serait-il un roman d'un autre temps ? un roman bercé de légendes, de mythes, de croyances celtes et de subconscient lié au sommeil ? ... Oui, un peu tout ça. C'est avant tout une ambiance, un monde merveilleux inventé par l'auteur, avec tout le raffinement et l'érudition qu'on lui connaît (cf. son Café Littéraire).
Cette lecture est une pause dans le quotidien grouillant d'agitations, c'est une plongée vers les abîmes, une nature impénétrable, et qui agit sur le lecteur tel un pouvoir d'envoûtement, tout comme les enfants qui glissent dans leur sommeil, lequel exerce "une attirance vampirique".
Oui, les images fantastiques sont présentes, elles apportent des pistes de lecture, ouvrent les vannes pour savourer un débit différent de ce qu'on imaginait... Estourbissant, captivant, saisissant (et même insaisissable !), accrochez-vous à cette "Ancre des rêves" ! Car de plus, c'est beau. Tout simplement. Les étoiles, la mer, les fées, les esprits enchanteurs, la branche du noyer qui cogne contre la fenêtre... vous hésitez encore ?
Un dernier hommage : "Ardélia avait été la fée mystérieuse qui vous enseigne les points faibles du loup, les ruses tactiques pour traverser la forêt et en ressortir plus fort".
Gaelle Nohant est une contemplative, une rêveuse. Et le lecteur est tout acquis à sa cause !

(La superbe illustration du livre est signée de Letizia Goffi.)

Robert Laffont - 380 pages  (Mars 2007)  - A découvrir sur le site de l'éditeur le 1er chapitre .

30 mars 2007

Sans sucres ajoutés - Cookie Allez

sans_sucres_ajoutesOn ne remerciera jamais assez Dame Agatha Christie pour avoir donné jour aux petits villages tranquilles, du moins en apparence, où les personnalités les plus fourbes et retorses pullulent en cachette ! Prenez le cas de Bayerville, petite commune de Normandie, où l'adjoint au maire, un dénommé Harold Osmond, gère ses intérêts avec une attention scrupuleuse, soucieux de ne pas en perdre une miette (gérer son petit royaume) et mieux accéder en toute logique au poste supérieur, être Maire de Bayerville bien entendu !
Parmi ses loyaux sujets, on retrouve l'attaché en communication, Cédric, jeune homme parfois trop zélé, "petit communiant qui a la langue si bien pendue pour accuser les autres".
Car hélas, dans cette petite ville paisible, des drames émergent : on retrouve les corps de personnes - assassinées ? On mène une enquête discrète et diligente, on nomme sans dénoncer, on guide les inspecteurs, pointe du doigt le coupable idéal, Pierre Porcher, dont l'humilité et la vie toute lisse sont autant d'éléments qui le rendent suspect !
Or, Porcher mène "une vie Sans Sucres Ajoutés mais qui a le goût de la vraie ferveur et du désintéressement. Avec juste ce qu'il faut de folie". Il invente un produit miracle pour nettoyer les rues du chewing-gum qui fait tâche, il aspire à la réunification des deux régions normandes. Qu'on le veuille ou non, quelque chose dans cette trajectoire dérange.
A Bayerville, les âmes tranquilles n'ont finalement guère de repos. Ambition, délation, bassesse et turpitudes sont le lot quotidien d'une poignée d'abeilles qui butinent avec l'énergie du désespoir !
Prends garde, Lecteur de ce livre, Cookie Allez va te mener par le bout du nez dans cette farce où la satire est traitée avec une désinvolture toute renversante ! Et ça, Madame... c'est incroyablement admirable de moucher son monde sans avoir l'air d'y toucher ! Chapeau. (Lecteurs sérieux s'abstenir !)
  Buchet Chastel - 183 pages.

29 mars 2007

Goodbye Mister President - Danièle Georget

goodbye_mister_presidentNovembre 1962. Fort Worth, Texas.
Un couple s'installe dans une chambre d'hôtel dans une chaleur intenable et moite. Dehors, l'orage menace. Mais il y a aussi des étincelles entre l'homme et la femme, des animosités couvées, prêtes à éclore.
La nuit s'annonce longue, difficile, pleine d'échanges décomposés en 3 parties : grincements, rugissements, chuchotements.
L'homme s'appelle John F. Kennedy. La femme est Jackie Bouvier Kennedy. C'est le Président des Etats-Unis venu à la conquête du Texas récalcitrant, à l'aube de sa nouvelle campagne électorale.

Dans ce roman de Danièle Georget, on ne parle pas que de politique, juste on l'évoque (la guerre froide, l'échec à Cuba, le Vietnam, etc.). C'est important pour tracer les contours du 35ème Président des USA, qui plus est, une figure mythique assassinée le 22 novembre 63 à Dallas.
Le lecteur sait très bien qu'il s'agit là de la dernière nuit pour JFK, que c'est assez poignant de s'imaginer le lendemain quand les balles vont fuser pour exploser sa cervelle. A plusieurs reprises, l'auteur fait un arrêt sur l'image du tailleur rose Chanel que Jackie va porter dans la décapotable aux côtés de son mari. Un signe prémonitoire ?
Non il ne faut point trop s'imaginer un roman biographique et politico-historique, on en est très loin en fin de compte ! Car "Goodbye Mister President" est une fiction qui place en décor la chambre d'hôtel où l'auteur forge un dialogue de bêtes féroces, étouffées par des vieilles rancunes, par la jalousie, ou la frustation.
John est agacé, il tente d'ébranler la superbe de sa femme, qu'il estime mal-aimée par ses compatriotes, incomprise par le "peuple américain", cantonnée dans son rôle de diva bourgeoise acclamée par la presse européenne et les intellectuels ...
Mais John s'aveugle, car il sait l'importance de son épouse pour apaiser les situations. Voilà pourquoi il tient à ce qu'elle l'accompagne dans cette campagne pour briguer un deuxième mandat.
Jackie est impassible, tantôt meurtrie et estomaquée, pourtant elle ne laisse rien deviner. Les tromperies du Président, le clan Kennedy, les magouilles, la politique en général, tout ça l'écoeure et la dépasse. Elle veut divorcer ! Une autre blessure secrète la ronge, mais il faudra du temps pour qu'elle se dévoile.

C'est ainsi que se trace le plan du roman de Danièle Georget : un couple est en tête-à-tête forcé, il s'affronte, remet sur le tapis des vilaines histoires, discute, hurle et s'essouffle... Le calme avant la tempête ? C'est à prévoir.
Alors, pour qui aime le couple légendaire du Président Kennedy et de son épouse Jackie, il est très intéressant de se plonger dans cette lecture, même si l'interprétation de faits réels dans cette fiction peut être susceptible de plaire, de décevoir ou de laisser perplexe. Cela reste agréable à lire, tour à tour dans la confrontation du chic de Jackie face à l'impétuosité de John "Jack" Kennedy.   PLON - 230 pages  (Janvier 2007)

" Quelle nuit insensée ! Pourquoi le destin a-t-il donné rendez-vous ce soir ? Faut-il à certains moments de sa vie forcément regarder en arrière, forcément le pire ? On ne peut pas se contenter d'avancer ? Pourquoi se retourner ? "

JFK___jacquelinekennedy

27 mars 2007

Je m'attache très facilement - Hervé Le Tellier

je_m_attache_tr_s_facilementPourquoi j'ai voulu lire ce livre ? C'est en lisant cette critique parue dans ELLE de Sandra Basch : "Il a la cinquantaine, quelques cheveux en moins, un téléphone portable, une carte Bleue et il s'attache très facilement. Elle a 30 ans, elle est très belle et n'a pas l'air du tout prête à s'attacher à lui. Il ne la connaît que depuis quelques semaines mais il est profondément épris. Au point de voler la rejoindre au fin fond de l'Ecosse alors qu'elle en attend un autre. Et voilà, notre chevalier du XXIe siècle qui s'embarque pour une Berezina sentimentale programmée. Le livre d'Hervé Le Tellier est un joli roman d'amour manqué qui dit, avec un humour tendrement féroce, que ce ne sont ni les avions en retard ni les itinéraires trop compliqués qui font les rendez-vous ratés."

Pourquoi je suis finalement restée sur ma faim ? La figure un peu pathétique de Notre Héros ne m'a guère inspiré de sympathie, dommage. Je l'ai trouvé affligeant et encombrant. S'imposer de la sorte, non moi non plus je n'aurais pas apprécié ! Qu'il ne s'étonne pas... Pourtant ce côté Caliméro qui tente de sauver les apparences a un côté cocasse qui, misérablement, inspire les ricanements. C'est pas bien, je le sais !... mais bon.

"Allons, songe-t-il, si je me montre léger, insouciant, souriant, je la convaincrai d'accepter mes baisers, ma tendresse et, tout doucement, le désir venant, de faire l'amour. J'y puiserai bien plus d'énergie que dans toutes les introspections et tous les questionnements.

Cette légèreté est une nécessité. Car si notre héros voulait bien se l'avouer, c'est de l'instant même où elle a perçu chez lui la naissance d'un sentiment qu'elle a pris ses distances, comme effrayée. Notre héroïne ne veut pas d'ennuis. Il lui semble soudain qu'il lui faut jouer l'indifférent, qu'elle s'abandonnera plus aisément à un homme qui ne l'aime pas qu'à un homme qui l'aime.

Certes, ce détachement n'est pas un trait de caractère qu'il apprécie chez elle, mais si c'est grâce à lui qu'ils font l'amour, doit-il s'en plaindre ? Oui, crie quelque chose en lui, oui, je dois m'en plaindre. Si elle ne recherche que mon désir, si elle ne cherche pas à être aimée, c'est qu'elle ne m'aime pas. "

Ce roman est très léger, dans tous les sens du terme, il n'y a que 100 pages par exemple, en tout petit format ! :) J'avais aussi trouvé le titre très beau, Je m'attache très facilement est en fait emprunté à Romain Gary !  Je reconnais, j'avais d'autres attentes, mais bon... tant pis. Le temps passé à le lire fut très agréable !  Mille et Une Nuits - 103 pages.

(Un gros merciii à Cuné .. elle comprendra !)

26 mars 2007

Affaire Sophie Jabès (2ème partie)

J'avais déjà abordé cette Affaire Sophie Jabès en décembre ( à cette adresse ). Je reviens apporter une dernière pièce à mon dossier, ayant reçu son 3ème roman qui boucle la "trilogie de contes cruels" : Clitomotrice.

clitomotricePrésentation de l'éditeur
"Clémentine avait les yeux ronds. Une bouche en cœur et un très beau clitoris. En pointe et très long. "
Un organe bien pourvu : l'idée semble séduisante Et s'il mesurait 1,98m ? Et si vous deviez l'enrouler autour de votre taille ? Qu'en penseriez-vous ? Encombrant ? Peut-être... Mais pour Clémentine il n'est pas question qu'un chirurgien enlève ce petit bout de son corps, son canari, sa fleur de courgette farcie, son abricot des îles !
Pourquoi se séparer de ce que les hommes ont tant de mal à trouver chez les autres femmes ? Elle comprend que ce clitoris exceptionnel peut devenir la clé de son succès... Cette singularité anatomique nous entraîne joyeusement dans un récit décomplexé et loufoque.

Mon avis est toujours bercé dans le scepticisme et l'agacement. Incontestablement je trouve qu'elle écrit très bien, qu'elle use de la poésie et traite du sexe sans jamais tomber dans le graveleux. C'est plutôt étonnant qu'il est important de le souligner (elle utilise rarement un langage cru pour parler de sexualité ; au contraire, c'est une sensualité sans limite qu'elle décrit - Evene). Mais l'histoire est en elle-même dégoûtante, non franchement, comment y adhérer ? comment se faire ses propres images dans la tête ? Aussitôt, mon film virait un peu à l'horreur... désolée. Je n'ai pas perdu de temps à lire ce roman, très court heureusement, et qui ne se prend pas au sérieux. Je me suis étonnée à sourire face à quelques scènes désopilantes (la jeune femme décide de ne plus complexer d'avoir un organe démesuré et décide de l'exploiter en faisant commerce de cette originalité, car Clémentine rêve de parcourir le tour du monde). La 1ère fois donne droit à un Grand Moment avec des Tralalas qui vous assomment un jeune prétendant ! 

Donc, ouf ! l'humour est de la partie. La cocasserie a sorti le grand jeu et vient extirper l'histoire de toute obscénité déplacée. Signalons cependant un passage vaguement incestueux complètement gratuit. Car on a beau dire, on a beau tenté de lui donner une chance, c'est tout de même bien difficile d'apprécier ces histoires tordues et étranges. On nous ment en décrivant le roman comme « une ronde endiablée et poétique », écrite « sans complexe, avec humour et beaucoup de fantaisie » (purjus.net), tout ce pseudo-symbolisme déployé ne suffit pas à rattraper une niaiserie ! Ce mot de la fin boucle un dossier épineux. Je n'aime pas les romans mais je suis séduite par l'écriture de l'auteur. N'est-ce pas chez Flo qu'on traitait dernièrement du sujet : Tout le talent d'écrire ne consiste après tout que dans le choix des mots. (Flaubert) ? Et ce dossier vient justement d'en porter la preuve !

Les romans sont parus chez JC Lattès et en format poche chez J'ai Lu.

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