Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité

Chez Clarabel

26 octobre 2006

Les Guerres du Miroir, Alice en exil (T.1) - Frank Beddor

 

alyssAu cours du 7ème anniversaire de la princesse Alyss, un soulèvement conduit par Redd, la soeur de la reine Geneviève, amène au massacre du couple royal et force la fillette à fuir en traversant le miroir. Elle débarque dans l'Angleterre du 19ème siècle dans un orphelinat misérable où la famille Liddell vient l'adopter et l'emmener à Oxford. Là l'enfant grandira en se détachant de son passé, persuadée d'avoir été abandonnée, trahie et incomprise, surtout depuis la récente parution d'un livre sordide inspiré de ses confidences au Révérend Dodgson.

A près de vingt ans, Alyss a décidé de se marier avec le Prince Leopold d'Angleterre... mais c'est sans savoir le profond gouffre dans lequel est plongé son royaume, où un groupe de résistants, les Alyssiens, tentent de combattre l'Imagination Noire de la reine Redd, espérant le retour de leur princesse, un jour prochain. C'est le Chapelier Madigan qui est chargé de retrouver Alyss pour la ramener chez elle et sauver le Pays des Merveilles.

Ce 1er tome de la trilogie des Guerres du Miroir est une brillante idée et une aventure passionnante, qui s'inspire de la fameuse Alice du livre de Carrol, mais qui l'exploite de manière plus sombre. C'est effectivement une histoire de guerre dans cette saga de Frank Beddor avec soif de vengeance, réglements de compte et armée de résistance. On est honnêtement très, très loin de Lewis Carrol, et ce n'est pas un manque de respect pour l'oeuvre originale.

A chacun d'ouvrir son esprit, de rencontrer cette autre Alyss, princesse perdue de son Pays des Merveilles, en compagnie de personnages récurrents, comme le Chapelier Madigan, le précepteur Bibwit Harte, le général Doppelgänger, la Tour Blanche et le farouche Dodge Anders. En décor, on croise la Chenille Bleue, les Figures, un Gouinouk, des Jabberwocky, le Chat assassin à la botte de Redd et des soldats-cartes. "Coupez-leur la tête" ! est le cri démoniaque de la redoutable Redd. C'est par ces détails qu'on croise le "spectre" de l'original, mais sans quoi, on oublie très vite et on est complètement captivé par cet épisode, "Alice en exil".

Destiné à un public adolescent, ce livre peut ravir un public plus large, sachant qu'il prendra entre les mains un récit plus obscur, plus sanguinolent, plus romanesque aussi. L'histoire entre Alyss et Dodge Anders ne manque pas d'étincelles... Ne vous fiez pas à l'illusion guerrière, cette trilogie est également une reconstruction de soi et un hymne à l'imagination, le personnage d'Alyss est fin, délicat, très sensible. Son aventure promet monts et merveilles ! 

Bayard Jeunesse - 352 pages - Traduit par Sidonie van den Dries * 15,90 €

Publicité
Publicité
25 octobre 2006

Nip / Tuk Saison 2

Le début de cette saison 2 frise la catastrophe, honnêtement j'ai trouvé les trois premiers épisodes complètement nuls, à plonger encore une fois et trop facilement dans des scènes gratuites de sexe et de névrose. Bof ! J'attends mieux des Drs McNamara et Troy qui ont enfin fêté leurs 40 ans. Pour cela, grosse remise en question pour ces messieurs, à propos du temps qui passe et de leur pouvoir de séduction qui se fane lentement...

Sean et Julia avaient réussi à raccorder leur couple, pourtant en rencontrant la coach de vie Ava Moore la vie des McNamara va s'effondrer et plonger toute la famille dans la panique. Un drame est à l'horizon. De son côté, Christian veut absolument être le père du petit Wilbur, le fils de Gina. Mais la jeune femme est déséquilibrée et ruine toutes les chances du chirurgien. Christian va progressivement se racheter une conduite, devenir un homme plus raisonnable et à l'écoute de ses émotions. Avec Sean, il va être confontré aux victimes d'un violeur en série, surnommé le Découpeur.

La saison 2 se termine d'ailleurs sur l'angoisse, les larmes et l'horreur ! Ouf, la suite des épisodes a relevé le piètre niveau du début. Les scénaristes n'ont pas chômé et ont décidé de rendre à Julia McNamara la vie de plus en plus compliquée, de libérer la frustration de Sean et de sensibiliser le séducteur impénitent qu'est Christian. La saison gagne honnêtement en séquences dramatiques, plus les incontournables scènes "choc" des opérations de chirurgie esthétique (pas évidents à encaisser, mais soulagées par une bande musicale toujours impeccable).

Nip / Tuck est une série étonnante, plus riche qu'on ne le pense, bien au-delà de ses clichés érotiques et glamour. D'ailleurs, cette saison a accueilli quelques "special guest stars", comme Vanessa Redgrave (qui interprète la mère de Julia), Famke Janssen, Alec Baldwin et Rebecca Gayheart... A suivre avec attention !

vu en octobre 2006

25 octobre 2006

Mercredi, jour des enfants

pakita_fee_roussePakita est une fée rousse à lunettes, originaire de Normandie, ancienne institutrice et éternelle passionnée de théâtre. Un jour, la Reine des Fées décide de la convoquer pour lui confier des missions en compagnie de ses amis lutins. Tous partent dans un fantastique voyage au pays des contes, pour comprendre pourquoi les habitants du Pays du milieu de la mer sont devenus si méchants avec les étrangers. En chemin, Pakita et ses lutins vont rencontrer d'autres aventures, un soupçon de danger, des éclats de rire, des chansons et beaucoup de plaisir. Pour toute baguette magique, Pakita a effectivement ses chansons joyeuses et rythmées. Et une formule magique : flic, floc, et zut et pouic !  Ça pétille et ça bouge ! Ce livre est incroyable, il respire la bonne humeur, il apprend de belles leçons de courage et de tolérance. Il n'est pas livré avec le cd, c'est dommage, et d'ailleurs ce livre publié en 2002 n'a jamais donné de suite. Ma fille est une fan des albums de Pakita, qui existent en plusieurs volumes (quelques infos sur le Cd 1 ). Elle a naturellement succombé au livre de La Fée Rousse à Lunettes, qui n'est pas une adaptation du disque, cela va beaucoup plus loin. Je conseille de découvrir tout l'univers de Pakita... Un beau voyage au pays de la féerie et de l'amitié, où règnent gentillesse, respect et entrain. Cela me ramène au temps magique du Mystérieux Voyage de Marie Rose ... (nostalgiques, cliquez ici ! )   :-)

IMGP2487

(photo volontairement floue...)

  • Pakita La Fée Rousse à Lunettes est en spectacle à partir du 11 novembre 2006 au théâtre de la  Gaité Montparnasse à Paris.

Rageot Editeur

24 octobre 2006

Le roman d'Oxford - Javier Marias

 

le_roman_d_oxfordLe narrateur a quitté Madrid pour venir enseigner à l'université d'Oxford pendant deux ans. Quatre mois après son arrivée, il tombe sous le charme de Clare Bayes, une femme mariée, mère d'un garçon envoyé dans un pensionnat pour ses études. L'espagnol est dépassé par la vie à Oxford, par son ambiance, ses us et coutumes, comme les fameux "high tables" où tous les universitaires se rassemblent autour d'une table pour un repas pantagruélique, tous vêtus de leur toge, engoncés et guindés, cherchant dans l'alcool le dégrisement nécessaire pour chasser l'engourdissement et l'ennui.

La vie à Oxford apporte aussi son lot d'enthousiasme, l'homme se découvre une passion pour les vieux livres et fouillent toutes les librairies poussiéreuses pour dénicher les ouvrages de Machen et Gawsworth. C'est ainsi qu'il rencontre un étrange individu, dénommé Alan Marriott, qui l'encourage à s'inscrire dans un club fermé de la "Machen Company". Mis à l'écart par sa maîtresse, le narrateur va courir les rues d'Oxford où il scrute les mines patibulaires des clochards avec une fascination malsaine et déplacée, y voyant quelques reflets prémonitoires, ou déjà bien réels. L'homme traverse une crise, nommée "perturbation", qu'il tente de dominer, grâce notamment à Cromer-Blake, son guide et protecteur dans la ville d'Oxford. "Je me rendis compte que mon séjour à Oxford serait certainement, à son terme, l'histoire d'une perturbation; et que tout ce qui y commencerait ou y surviendrait serait touché ou coloré par cette perturbation globale et ainsi, condamné à n'être rien dans l'ensemble de ma vie, qui elle n'est pas perturbée : à se dissiper et tomber dans l'oubli comme ce que racontent les romans ou comme presque tous les rêves. C'est pour cette raison que je fais aujourd'hui cet effort de mémoire et cet effort d'écriture, car je sais qu'autrement je finirais par tout effacer."

C'est ainsi que j'ai complètement douté de ce livre : s'agit-il d'un roman ou d'un témoignage romancé à partir d'une expérience réelle ? Car en 1983, l'écrivain Javier Marias est parti enseigner à Oxford et "Le roman d'Oxford" sera publié quelques années plus tard. Dans le portrait de Marias, on découvre des points communs avec le contenu de ce livre, notamment sur Gawsworth et sur le royaume de Redonda, ce qui me pousse davantage à opter pour la deuxième option pour appréhender ce livre. "Le roman d'Oxford" est effectivement un roman virtuose et ironique, écrit avec élégance, rigueur et montrant une grande érudition. Toutefois je me suis sentie plus d'une fois mise de côté et perplexe entre ses lignes, en gros j'ai trouvé ce livre usant. Il emprunte beaucoup de pistes, il brouille le fil conducteur et immanquablement le lecteur se perd. Mais d'un autre côté, j'ai trouvé qu'il était brillant dans sa peinture de la ville d'Oxford et du microcosme universitaire. Voilà pourquoi ce livre est habile, narquois mais galant. Cela fait beaucoup à penser pour un seul livre, il faudrait sans doute le lire en plusieurs fois...

Folio

23 octobre 2006

La folle du logis - Rosa Montero

la_folle_du_logisCe livre de Rosa Montero est en vrac un essai sur la littérature, sur l'écriture, sur l'imagination, sur la folie et sur la passion amoureuse. Tout va de paire, aucun des éléments cités n'est dissociable, et Rosa Montero l'explique, le démontre et cite avec passion de beaux exemples piochés dans Italo Calvin, Goethe, Kipling, Rimbaud, Philip K. Dick, Truman Capote, Martin Amis, Stevenson, Marguerite Yourcenar ou les Mille et Une Nuits. Honnêtement, ce livre est, à mes yeux, un enchantement du début à la fin et séduira tous les lecteurs et les inconditionnels du monde de la littérature et des coulisses des écrivains, des mystères de leur mécanique, du leitmotiv des uns et des autres qui les pousse à aligner d'aussi beaux mots pour créer l'étincelle. Moi, je raffole ! J'en ai souligné des passages que je trouvais pertinents, ou des points qui interpellaient la sensibilité de la lectrice que je suis.

En somme, dans "La folle du logis" (qui est, comme chacun le sait, l'appelation de Sainte Thérèse d'Avila pour évoquer l'imagination), Rosa Montero n'hésite pas à montrer l'écrivain comme un personnage vaniteux ou maudit, éperdu de reconnaissance, buté dans son jugement de valeurs, persuadé d'être l'éternel incompris, essouflé de courir après toujours plus de flatterie, jamais repu des critiques élogieuses, ou même suspicieux envers les compliments, avare de confidences, ou trop bavard sur son intimité, etc. etc. Le portrait de l'Ecrivain n'est jamais défini tant les exemples sont nombreux à fausser quelques vilaines idées reçues, notamment concernant le chapitre des écrivains femmes / écrivains féministes ? La sempiternelle question, qui exaspère Rosa Montero. Et celle-ci n'en mène pas large, quand elle se dévoile, elle déjoue les pronostics et livre quelques billes. Pourtant ce croustillant épisode avec M., l'acteur européen qui a remporté un succès à Hollywood dans les années 70, n'a pas cessé de revenir à la charge, indiquant ainsi que l'imagination, cette araignée qui sommeille sous le plafond, est une idée folle et capricieuse, qui s'amuse avec les mots, l'intime et la crédulité du lecteur ! C'est une fine escroquerie, chapeau Madame !

Métailié

  • La fiction est à la fois une mascarade et un chemin de libération. D'une part, elle masque notre moi le plus intime sous prétexte d'histoires imaginaires, c'est-à-dire qu'elle déguise notre vérité la plus profonde sous les oripeaux multicolores du mensonge romanesque. Mais, d'autre part, permettre à la folle du logis de s'exprimer en toute liberté n'est pas chose facile... (...)  Le bruit de notre propre vie est toujours gênant, c'est pourquoi il nous faut prendre de la distance.
  • Le métier d'écrivain est très paradoxal : on écrit d'abord pour soi-même, pour le lecteur qu'on porte en soi ou encore parce qu'on ne peut pas faire autrement, parce que la vie nous est insupportable sans l'aide de l'imagination ; mais en même temps on a absolument besoin d'être lu et pas seulement par un seul lecteur si fin et si intelligent soit-il, quelle que soit la confiance qu'on puisse avoir en son jugement. Il nous en faut plus, beaucoup plus, infiniment plus à vrai dire, une foule considérable, car notre fringale de lecteurs naît d'une avidité profonde et insatiable, d'une exigence sans limites qui frise la folie et m'a toujours semblé extrêmement bizarre.
  • Je ne connais pas un romancier qui ne soit affligé du vice insatiable de la lecture. Nous sommes, par définition, des bêtes de lecture. Nous rongeons inlassablement les mots contenus dans les livres comme les vrillettes passent leur vie à dévorer du bois.  (...) Car enfin, comment peut-on vivre sans lecture ? Cesser d'écrire, c'est peut-être la folie, le chaos, la souffrance mais cesser de lire, c'est la mort instantanée. Un monde privé de livres est un monde sans atmosphère, comme la planète Mars. Un univers impossible, inhabitable.
  • Lire, c'est vivre une autre vie.
Publicité
Publicité
23 octobre 2006

Echappée de lecture

" L'écrivain écrit sans cesse. Ce torrent de mots qui bouillonne constamment dans son cerveau est la particularité du romancier. J'ai rédigé beaucoup de paragraphes, d'interminables pages et un nombre incalculable d'articles tout en promenant mes chiens, par exemple : dans ma tête, je déplace les virgules, change un verbe pour un autre, peaufine un adjectif. Il m'arrive parfois de rédiger mentalement la phrase parfaite et, si je ne la note pas à temps, je ne la retrouve malheureusement plus. J'ai souvent ronchonné en essayant désespéremment de récupérer ces mots exacts qui avaient illluminé un instant l'intérieur de mon crâne avant de disparaître à jamais dans l'obscurité. Les mots sont pareils à ces poissons des grandes profondeurs, un simple scintillement d'écailles au milieu des eaux noires. S'ils se décrochent de l'hameçon, on a peu de chance de les repêcher. Les mots sont rusés, rebelle et fuyants. Ils n'aiment pas être domestiqués. Dompter un mot (en faire un cliché) c'est le tuer. "

La folle du logis - Rosa Montero

23 octobre 2006

La Tsarine - Constance Delaunay

la_tsarine" Ecrire, cela m'est venu tout d'un coup, à cause de ce que Clio, ma fille, m'a dit récemment : "Je me souviens que dans mon enfance, tu étais malade, physiquement malade, avec des migraines, des vomissements, chaque fois que tu devais aller voir ta mère. Pourtant tu ne la voyais pas souvent." A-t-elle raison cette enfant d'accuser sa propre mère et également la mère de celle-ci d'être dans le même panier de crabes ? La mère, dite La Tsarine, était un monstre, qui disait des horreurs à tout le monde, qui était égoïste, coquette, hypocrite et se moquait des autres, de leur opinion et du qu'en-dira-t-on. "Olga", la narratrice, s'étonne, s'insurge, s'époumone contre sa fille de penser des choses pareilles, pourtant n'a-t-elle pas raison, dans le fond ? Si l'on se penche sur la question, on s'aperçoit que la Tsarine méritait ce qualificatif. Cette diva, native du siècle dernier, était une figure maternelle de la pire espèce, mais il est cependant impossible de la détester complètement.

Dans ce portrait, donc, la narratrice tente d'expliquer son rapport avec sa mère, c'est difficile, certes, mais constructif. Souvent, elle en veut à Clio qui la pousse dans le dos pour écrire toutes ces vilaines choses, pour fouiller ses souvenirs, se forcer à réfléchir et décortiquer. Une très bonne thérapie, ce livre. La narratrice a beau se débattre, elle parvient à quelques bonnes conclusions qui l'éclaire également sur ses relations avec sa propre fille. Et de toute façon, on n'échappe pas à son destin, ni à son héritage, encore moins à la filiation. Et "Olga" s'aperçoit que la Tsarine est présente en elle, dans les traits et dans la personnalité, c'est inhérent. "Il faut accepter que les choses se répètent. Les conflits, les malentendus confirment le passage du témoin, d'une génération à l'autre : rien ne naît jamais de rien." Et la boucle sera bouclée, à grand-peine, en admettant qu'il y a à la fois de l'humour, du sourire, de l'acrimonie et un peu de froideur. Le constat est plat, mais assez désarmant. Il renvoie une autre image, celle qu'on entretient aussi avec sa mère et son enfant. Portrait séduisant, accablant et qui implique un certain désarroi de la part de celle qui l'écrit mais, malgré tout, c'est positif et efficace.

  • " Ma mère, un monstre ? Peut-être, mais tant d'autres choses aussi : une actrice consommée, une femme de devoir, une veuve séduisante, une bourgeoise conventionnelle, une juive antisémite, une femme-enfant, une marâtre qui s'ignore, une éducatrice atypique, une jeune femme capricieuse, imprévisible, avec la folie en tête. J'en ai de la chance d'avoir une mère comme elle, cela n'est pas donné à tout le monde. "

Gallimard

22 octobre 2006

La petite musique du Dimanche

... les mots sont, les mots font, les mots disent
les mots coulent, les mots roulent sur un fil
moi, je laisse ces microbes, ces missiles
aux bavards, aux poètes si possible ...

22 octobre 2006

Le père éternel - Anne Goscinny

le_pere_eternelSophie et Max se sont rencontrés dans un cimetière à Nice. Sophie n'avait pas dix ans et enterrait son père. Max est le gardien du lieu, il est intrigué par cette enfant avec son bouquet de mimosa, qui n'a pas conscience de la mort. Max a aussi une plaie béante depuis la déportation de sa petite amie juive Hanna, âgée de 17 ans, avec toute sa famille qui logeait dans le même immeuble que ses parents. Aujourd'hui à soixante ans, Max a encore l'espoir qu'elle revienne, du moins il y pense tout le temps. Chaque année, Sophie se rend sur la tombe de son père, au début comme le devoir fidèle d'une petite fille, qui attend que son père se réveille, puis comme une adolescente, en crise, mal dans sa peau, qui ne comprend plus sa mère, laquelle se remarie. Et enfin comme une jeune femme, plutôt brillante étudiante, mais toujours vierge à vingt-cinq ans. Sophie raconte tous ses ennuis, son souci de créer une image paternelle, de chercher chez ses fiancés la rigueur qu'elle attendait d'un père. C'est dur pour elle de se construire, de combler un silence, finalement plus fort et douloureux que l'absence. Insidieusement, Max et elle se comprennent car ils ressentent les mêmes peines, les mêmes manques. Tous deux ont besoin du rendez-vous annuel autour d'une tombe, d'une lettre déposée sous une pierre et de quelques mimosas. Faire son deuil, couvrir le vide immense et trouver des réponses à des questions qui n'en ont pas...

Sophie et Max, on les aime d'office. D'abord en toute innocence, leur histoire est une belle rencontre, l'espoir que cette première fois en appelle d'autres, pousse l'un et l'autre vers de meilleurs jours... Puis le roman gagne en épaisseur, surtout concernant les confidences de Sophie. Ses raisonnements suivent le cours d'une fillette qui grandit, traverse l'adolescence, se confronte à sa mère et sa grand-mère, tente de tomber amoureuse, d'être remarquée par les garçons. Max, de son côté, revit sempiternellement le départ de son amour, se revoit aux portes du Lutetia pour l'accueillir, avoir de ses nouvelles. Il est aujourd'hui fidèle à un souvenir, partage son quotidien avec Thérèse (de Lisieux) et son amie fleuriste prénommée Marilyn. Personnellement, je ne pensais pas m'attacher autant à ce roman et ses personnages. J'ai beaucoup apprécié son envolée, son analyse plus poussée (tout en restant intimiste) de la vie de Sophie, de Max et des autres. La construction du roman donne également de l'élan, nourrit l'intrigue, porte le lecteur à en vouloir plus, connaître le mystère des lettres, par exemple. "Le père éternel" est déjà un titre solennel, à la fois mystique, passionné et criant d'amour. Commencé sans effusion, le roman d'Anne Goscinny gagne en ampleur, sa chaleur se diffuse et emporte le lecteur pour 200 pages de tendresse. Bonne pioche !

Grasset

21 octobre 2006

Le fils du Dragon - Laurent Maréchaux

fils_du_dragonAu 19ème siècle, Victor Combault est le digne héritier d'une tradition familiale séculaire : il prendra la mer, il deviendra marin et fera de sa vie une quête perpétuelle vers le bonheur. "Je voyage pour vérifier mes rêves", adage de Gérard de Nerval, est l'un des préceptes de ce héros-loup des mers, qui part de la ville de Nantes à l'âge de 15 ans. Il est surnommé le Dragon depuis l'enfance, sobriquet donné par son père, après avoir vomi sur son visage quand celui-ci le portait dans les airs pour admirer son nouveau-né. Victor est intrépide et goûte les traversées mouvementées et apocalyptiques. Il part dans les Caraïbes où il rencontre Monsieur Georges, un dandy polonais appelé Comte de Korzeniowski (futur Joseph Conrad) et avec qui il croisera à Marseille le chemin du poète fou, Arthur Rimbaud. Victor va connaître sa part d'ombre, "ces recoins secrets où cohabitent pulsions, authenticité, fascination du beau et du glauque, soif de la vie et proximité de la mort". En apprenant la fin proche de son père, Victor rentre chez lui. Il se marie vite fait à Louise, une fille de son pays, avec laquelle il ne trouve pas le bonheur escompté. Alors il fuit à nouveau et va se réfugier dans un coin paradisiaque en Orient, à Semarang, où il trouve l'amour dans les bras de Mey Lan. A Nantes, Louise a donné naissance à un fils, Rodolphe, qui ne connaîtra jamais son père. Alors qu'il est âgé de dix ans, le garçon apprend la mort de cet inconnu et décide, cinq ans après, de partir sur les traces du disparu.

"Le fils du dragon" est un roman haletant, palpitant, héritier de la scène des romans d'aventures, propres à Conrad, personnage qu'on croise d'ailleurs dans le roman ! L'ombre poétique de Rimbaud flotte, depuis Une saison en enfer à l'homme brisé et malade dans un hôpital de Marseille, très amer et n'écrivant plus de poésie, cet être désespéré qui a "passé l'âge de jouer au cerceau". Outre ces anecdotes croustillantes, le roman fait aussi l'apologie des aventures des mers sur les voiliers, les trois-mâts et autres flibustiers impavides et flamboyants. Ce monde obscur, plongé entre la vie et la mort, sans cesse à repousser les limites, à braver l'anéantissement. C'est en somme une histoire d'hommes perdus, de bordels et d'opium, une histoire de quêtes : d'un homme vers les plaisirs fous, d'un fils vers un père mystérieux, d'un Dragon vers des contrées sans contraintes. C'est tout bonnement exaltant et excitant, ça se lit d'un coup et ça vous récupère votre âme d'enfant et d'aventurier (ou aventurière). C'est le pied !

Le Dilettante

Publicité
Publicité
Chez Clarabel
Publicité
Newsletter
2023 Reading Challenge
Clarabel has read 8 books toward her goal of 200 books.
hide
Sauveur & fils
Quatre sœurs : Geneviève
Audrey Retrouvée
Le sourire étrange de l'homme poisson
Calpurnia et Travis
L'homme idéal... ou presque
Trop beau pour être vrai
Tout sauf le grand amour
Amours et autres enchantements
Ps I Love You


Clarabel's favorite books »
Publicité