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Chez Clarabel

1 octobre 2008

Les Âmes Vagabondes - Stephenie Meyer

 

Dans une société du futur, la planète Terre a été envahie par une entité difficile à représenter, imaginez une espèce de mille-pattes qui vient prendre possession de votre corps et devient votre Âme. La population humaine a été anéantie, remplacée par des mutants qui réclament paix et sérénité au sein de notre civilisation, jugée incapable (trop de vicissitudes, trop de guerre, etc). Votre apparence et votre mode de vie font illusion, calqués sur le modèle humain, or cela ne trompe personne, notamment les rebelles qui s'opposent à cette invasion perfide et criminelle.

Melanie Stryder, 20 ans, était un humain sauvage jusqu'à sa capture par les Traqueurs. Entre les mains d'un Soigneur, son corps devient l'hôte d'une âme exceptionnelle, qui a déjà voyagé dans plusieurs mondes et vécu moults vies. Elle se nomme Vagabonde. Son insertion est douloureuse, violente ; l'afflux des souvenirs bouleverse cette entité peu habituée aux émotions humaines. C'est tout nouveau pour elle, pas loin de la déstabiliser, et pourtant elle refuse de paraître faible en laissant son hôte la dominer.

Melanie n'est pas une jeune femme facile à endormir, son esprit est encore présent, sa personnalité vibrante. Elle se rebiffe et tente d'ériger des murs pour ne pas rendre facile l'accès à sa mémoire. C'est l'affrontement de deux battantes, l'une et l'autre perdent du terrain et Vagabonde reçoit en plein coeur l'image d'un homme, d'une beauté à couper le souffle. C'est Jared, le grand amour de Melanie.

L'âme est chavirée par ce souvenir, par le flot de sensations qui monte en elle, dans le corps de Melanie. Cette fusion met en péril la mission de Vagabonde - chargée de fouiller les pensées de son hôte pour les rapporter à son Traqueur. Totalement ébranlée dans ses certitudes, mais émue et poussée par la curiosité, Vagabonde accepte de suivre les conseils de Melanie qui veut la guider dans le désert, à la recherche de Jared et de Jamie, son jeune frère.

**********

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J'avais plusieurs craintes avant d'ouvrir ce livre, 1°) c'est un nouveau roman de Stephenie Meyer - 2°) allait-elle être capable de se renouveller après le succès de sa série Twilight - 3°) elle s'attaque au genre de la science-fiction qui n'est pas ma tasse de thé... Finalement, aucune appréhension à avoir car c'est une réussite sur toute la ligne. Stephenie Meyer prouve qu'elle est une remarquable romancière, qui sait proposer un autre univers, même s'il est toujours ancré dans la thématique de l'amour, la fascination, la sensualité etc.

Un carton plein, assurément. Après une lente et complexe introduction (50 à 80 pages), l'histoire se met en branle, racontée à la première personne, un atout majeur, car cela apporte une introspection plus palpable et attendrissante. L'étrange paradoxe, aussi, est de ressentir ce récit par deux personnes coincées dans le même corps. Si la narratrice principale reste Vagabonde, le personnage qui incarne l'hôte - Melanie - n'est pas ténu. Sa présence est encore forte et prégnante, assez pugnace.

Bref, j'ai adoré ! On oublie très vite qu'on lit un bouquin de science-fiction, on dépasse les théories selon lesquelles l'humanité a flanché, à force de concourir dans la médiocrité et les petitesses (l'homme apparaît vil, tricheur, fourbe et tortionnaire !). On se rend compte qu'on tient entre les mains une histoire d'amour véritable, d'un romantisme à toutes épreuves !

Une relation triangulaire se profile, mais avec beaucoup d'intensité et de complications. On s'en doute. C'est une configuration unique, conflictuelle (deux femmes, coincées dans un même corps, s'opposent pour atteindre le coeur d'un homme) et ce dernier est lui-même déchiré, partagé par ce qu'il ressent. Rien n'est simple !

J'ai beaucoup apprécié les personnages, qui ont été bien étudiés et décrits. La communauté des rebelles, réfugiée dans des cavernes souterraines, a su recréer un cycle de la vie primitif, indispensable à leur survie. Je n'ai pas eu le sentiment d'un espace clos et étouffant, au contraire j'ai trouvé que cela accentuait l'atmosphère d'angoisse et le sursis qui plane au-dessus de leurs têtes. Vagabonde est le pion central, mais tous les caractères jouent un rôle crucial et qui s'imbriquent les uns avec les autres. Non, je ne vous parlerai pas de Jared, l'élu de ces dames, le beau ténébreux par puissance... Mais c'est appréciable de se mettre sous la dent une palette de personnages bien croqués !

En règle générale, cette lecture force à se remettre en question, tout le temps. Elle nous renvoie à nos choix et nos prises de positions, à nos sacrifices et nos abnégations. Stephenie Meyer mérite de prendre du galon, parce que ce roman est remarquable. L'intrigue est singulièrement excitante, totalement imprévisible et captivante, l'action dense, palpitante et dramatique, du genre à vous couper le sifflet. Est-il nécessaire de préciser combien j'ai été envoûtée ? !

Editions JC Lattès, octobre 2008 - 617 pages - 20,50€
traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Dominique Defert
titre v.o : The Host

Le site : http://www.stepheniemeyer.com/thehost.html (en anglais)

Virginie (des Chroniques de Chrestomanci) l'a lu en anglais

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30 septembre 2008

La Promenade des Russes - Véronique Olmi

Sonietchka, treize ans, vit seule avec sa grand-mère Macha, rue Rossini à Nice. Cette dernière, née en 1901, se prétend être la seule survivante (encore en vie) de la Révolution Bolchévique et ainsi tout connaître du mystère Anastasia, la princesse disparue. Elle écrit de longues lettres au directeur d'Historia, les récite à voix haute à sa petite-fille, il faut qu'elle comprenne tout, qu'elle la soutienne et l'escorte pour se rendre à la Poste. Elles s'y rendent donc, à un train d'escargot, la grand-mère fière comme Artaban, la petite tétanisée et ennuyée de cette rengaine.

Ce qu'elle aimerait, c'est aller à la plage, profiter du soleil, se baigner, rêvasser sur un banc et non plus s'enfermer dans cet appartement sombre, encombré, qui sent la laque Elnet et la poudre de riz. Tout est dépassé, figé comme une image, Sonia a envie de tout chiffonner pour l'envoyer à la poubelle. Elle veut de la vie, de l'amour, un signe de tendresse. Sa mère est partie on-ne-sait-où, son père fait sa vie de son côté, seule reste sa grand-mère, trop protectrice. C'est la croix et la bannière pour mettre un pied hors du foyer. Un jour, elle ment et se rend en cachette à un rendez-vous fixé par Olga, sa mère.  C'est le point de départ d'une existence qui va foutre le camp.

L'histoire est racontée par l'adolescente de treize ans, ce qui donne beaucoup de fraîcheur, de légèreté, d'humour et de naïveté au récit. Cela masque le souci premier que présente l'intégration des étrangers dans un pays inconnu, pour Sonia c'est un problème voilé. Elle ne se sent pas russe, à l'instar de sa mère qui a choisi de fuir tout ce qui s'en approchait, elle ne se sent pas française non plus. Elle aurait aimé être une Camille Dubois, plus passe-partout, mais elle est Sonietchka, détentrice d'un flambeau que lui brandit sa Babouchka (et qui lui pèse franchement).

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La promenade des Russes n'est pas un roman historique, mais plutôt le parcours initiatique d'une demoiselle mal dans sa peau. Cela pourrait ressembler à une biographie romancée de l'enfance de Véronique Olmi, rien n'empêche d'y croire. Mais l'important n'est pas de savoir ce qui est vrai ou faux, inspiré ou fantasmé. On embarque facilement dans le coeur de ce récit, teinté de poésie, de blues, de drames familiaux, de grandeurs et décadences du royaume russe... On s'attache énormément à cette petite Sonia, une adolescente pas comme les autres, et qui le soir rêve dans son lit de se rendre à Manderley, à force de lire et relire Daphné du Maurier, dans le dos de sa grand-mère (vraiment une femme qu'on admire et qu'on ne comprend pas non plus). Elle est sèche, sévère, excessive, peut-être un peu toquée aussi.

On cernera mieux son histoire en ayant tout lu le roman,  pourquoi toutes les femmes de cette famille sont si vulnérables et comment le passage du relais, entre les générations, peut s'assurer sans peine ni heurts. Pour cela, le livre possède un charme secret qu'on ne soupçonne pas forcément à la première lecture, c'est simplement en laissant passer le temps qu'on se surprend à conserver une profonde tendresse et affection pour cette histoire (et pour les personnages !). Vraiment troublant, ce roman. Il est tourné vers la nostalgie, les non-dits, les secrets de famille, mais il n'est jamais morose pour autant. C'est un beau roman, pas facile à décortiquer mais on lui conserve, au chaud, un vrai sentiment de reconnaissance.

La promenade des Russes

Grasset, septembre 2008 - 248 pages - 16,90€

Véronique Olmi chez Auteurs TV (merci lily!)

29 septembre 2008

La réconciliation - Anne Constance Vigier

Sous cette couverture qui fleure bon le printemps, se trouve une histoire moins légère, centrée sur une femme, qui approche de la quarantaine, divorcée et mère de jumeaux, Alice et Antoine, âgés de quinze ans. Ces derniers s'envolent pour l'île de Gorée, deux semaines durant, et l'abandonnent à son triste sort : son père vient loger sous son toit. Parce qu'il doit suivre plusieurs examens médicaux, parce que l'hôpital se trouve juste en face de son appartement, parce que ça enlèverait une épine du pied de la mère, parce que c'est comme ça... La narratrice est effondrée, paralysée. C'est toute son enfance qui lui revient en pleine figure.

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Son père a été une véritable ordure, il n'y a pas d'autres mots pour le décrire. Il était violent, autoritaire, exécrable, irascible et méprisant. Il a saccagé ses souvenirs d'enfance, a ruiné sa vie de femme jusqu'au jour où elle a choisi son émancipation. Mais aujourd'hui c'est lui qui a besoin d'elle, il est malade, diminué, obligeant. Prendra-t-elle sa revanche ? Or, c'est autre chose qu'il se passe. De façon incongrue, cette cohabitation vient lui renvoyer son vrai visage d'épouse bafouée, de mère dépassée et de femme lasse d'un travail qui stagne (son livre, en cours de traduction). La narratrice est déprimée. Accueillir son père, c'est comme faire une thérapie avec des effets secondaires déstabilisants.

Et le lecteur ingurgite ce vague à l'âme avec un stoïcisme remarquable. On pourrait s'attendre à un certain marasme, à quelques règlements de compte, à des éclats et autres qualificatifs d'oiseaux. Que nenni. Nous récoltons de la tempérance, des doutes, une certaine asthénie et des dialogues de sourds. C'est une histoire rentrée, dans le sens où les deux protagonistes se contiennent, ne se touchent jamais, se parlent à peine et sans jamais se faire face. Il y a un fossé entre eux dans lequel tombe le lecteur, heureusement il n'y a pas de mal ! C'est juste qu'on s'attendait à autre chose de ce roman - une réelle confrontation.

Finalement l'auteur décide d'employer la situation conflictuelle, qu'implique la relation entre le père et la narratrice, pour brusquer cette femme dans son moi profond. Ce retour du père qui a besoin d'elle l'oblige à fouiller en elle, à décrypter et soigner ses petits bobos. Il faut la voir s'accrocher à ses enfants, qui eux recherchent à se détacher. Gentiment, mais sûrement. Sans y penser, ce roman finalement traite de sujets personnels, de l'enfance et de la maternité. C'est plus complet qu'on imaginait... J'ai bien aimé (mais je n'ai pas l'impression d'avoir su parfaitement le communiquer, dommage).

 

 

 

 

La réconciliation

Editions Joelle Losfeld, août 2008 - 138 pages - 13,90€

Du même auteur : Entre mes mains

Un repas entre un père et sa fille, entre huîtres et malentendus.
Anne-Constance Vigier lit un extrait de son dernier roman «La Réconciliation» :

http://www.libelabo.fr/2008/09/18/%c2%abla-reconciliation%c2%bb/

28 septembre 2008

petite princesse, ne te réveille pas garde l'ivresse et tes yeux d'enfants *

La jeunesse aussi s'offre une rentrée avec des nouveautés à la pelle. Nous allons tenter de faire des petits tours (de manège?) chez les uns et les autres, de pousser notre caddy dans leurs rayons, de peser avant de faire son choix ; programme du jour :  Gallimard jeunesse. Il y a pas mal de livres qui s'inscrivent dans une série (Les Pyjamasques, L'inspecteur Lapou), plus un album tout blanc avec en couverture la bouille ravissante d'une petite rouquine (Polly).

C'est une histoire gentille, toute simple : l'anniversaire de Polly, par Florence Sterpin. On y voit une fillette qui voyage avec ses amis (un fantôme, un chat et un chien) dans une roulotte volante. Petite halte dans la campagne, chacun vaque à ses occupations mais Polly s'ennuie car elle aimerait jouer avec ses amis. Alors elle invente une excuse, aujourd'hui c'est son anniversaire et ils seront bien obligés de s'intéresser à elle. Manque de bol ! Une fête, ça se prépare et n'offre pas trop le temps de folâtrer. Tel est pris qui croyait prendre, pense-t-on.

Lecture sympathique, avec des dessins assez originaux (du feutre pour souligner les contours, je faisais ça quand j'étais petite !) (ceci n'est pas non plus un jugement péjoratif, j'étais une petite fille douée aussi !). Polly est craquante, l'amitié est à l'honneur, bref cet album pourra être lu aux plus jeunes (dès 3-4 ans).

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Mon coup de coeur, maintenant : Les enquêtes de l'inspecteur Lapou. Je ne connaissais pas tellement, et en fait j'avais bloqué sur Bénédicte Guettier, LA créatrice de l'âne Trotro (les mamans avec des enfants qui regardent les Zouzous sur France 5 doivent comprendre !!!). Et moi, franchement, ça ne m'inspirait pas du tout. Lors du dernier swap jeunesse, Audrey souhaitait découvrir un album de cette auteur et c'est ainsi que j'ai mis la main sur la série de l'inspecteur Lapou.

Gros coup de coeur, pour moi ! Ce sont des petites enquêtes sans prétention, menées par le très débonnaire inspecteur Lapou. Il est affublé d'un imper bleu, il a tendance à trop manger et à ne pas faire de sport. Il se traîne, il discute, fait marcher ses petites cellules grises. Il est souvent pataud, nigaud et maladroit. Pas du tout le Super Héros auquel on s'attend ! Et ça, c'est génial.

Cela casse les classiques attendus, les schémas tout trouvés. Il y a beaucoup d'humour, de flegme, de dérision. Pas sûr que les enfants peuvent tout saisir du second degré, mais ce n'est pas bien grave car les mamans, elles, se délectent !

Deux nouveaux titres, pour la collection : Le Poivron Fou  ET  Le Concombre Démasqué.

Le cadeau bonus : une recette facile et rapide est proposée en fin d'album (ici, le poivron mariné et le concombre à la crème).

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Pour conclure, le retour des Pyjamasques avec deux titres indissociables (selon moi).

J'avais déjà dépisté deux albums et j'avais beaucoup aimé cette première rencontre. Il s'agit de trois copains qui portent des combinaisons moulantes et vivent des aventures palpitantes durant la nuit : ils s'appellent Yoyo (le super costaud), Gluglu (qui colle) et Bibou (qui vole).

Avec ces deux nouveautés, il faut impérativement lire Les Pyjamasques et Utupë, l'esprit de la forêt en premier, car Le secret des Pyjamasques est la suite !

Utupë, un esprit de la forêt, vient de s'échapper du musée et veut retourner chez lui (la forêt aux arbres millénaires, de l'autre côté de la Terre). Sa rencontre avec les Pyjamasques tombe à point car il compte sur eux pour l'aider. Leur arrivée dans la jungle est une fête, tous se sentent comme des poissons dans l'eau. Mais il faut rentrer à la maison, et avant cela, passer l'épreuve de l'animal-totem qui est venu du bout du monde leur apporter leur costume. Ce qu'ils vont apprendre est un message d'une grande importance, qui devrait les accompagner pour leurs prochaines aventures.

C'est toujours très coloré, très vivant, palpitant, drôle (la maréchaussée est de service ! les agents Pin et Pon sont deux idiots qui vont s'improviser acrobates !), et humain, sensible avec un message sur les esprits qui naissent avec vous et ne vous quittent jamais durant votre enfance, jusqu'au passage vers l'âge adulte.
C'est une lecture qui plaira davantage aux enfants qu'à leurs parents (mais n'oublions pas que les livres sont faits pour eux, avant tout !). J'ai juste un petit reproche à faire - c'est de ne pas avoir retrouvé la petite Lilifée, comme prévu.   

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Encore de l'Âne Trotro ???  ICI ! 
Sans se moquer, cette série est un MUST pour vos bambins !

* paroles de Petite Princesse / La Grande Sophie

Gallimard jeunesse, septembre 2008
* L'anniversaire de Polly, Florence Sterpin : 13,50€
* Le poivron fou / Le Cocombre démasqué, Bénédicte Guettier : 7€
* Les Pyjamasques et Utupë / Le secret des Pyjamasques, Romuald : 6€

^ Bon anniversaire à sa marraine la fée ! ^

27 septembre 2008

De Niro's Game - Rawi Hage

 

Deux amis d'enfance, à Beyrouth sous les bombes, dans les années 80, avec pour toile de fond : la guerre. Bassam et Georges cherchent tout deux à fuir leur quotidien - le premier veut partir à Rome, il a besoin d'argent et avec la complicité de son camarade, pique la recette du casino où il travaille. Georges, lui, est sensible aux discours de la milice chrétienne.
Je suis loin de partager l'engouement général. Après avoir consulté une grande partie des blogs ayant reçu De Niro's Game par Violaine, du site chez-les-filles, j'ai pu relever un flot d'enthousiasme à son sujet. Pour ma part, je n'ai vraiment rien ressenti ! Je n'ai pas détesté non plus, je reconnais une grande richesse dans l'écriture et le style, une langue poétique mêlée à un climat d'urgence. On vit l'impatience du narrateur, son besoin de tout croquer et de ne pas traîner, sa rage de fuir mais on succombe aussi à cette ambiance - si glauque, si morbide. C'est la guerre, derrière les passages fleuris et désinvoltes, la démence éclate - dix mille bombes, dix mille baisers, dix mille claques, dix mille tombes.
Que ce fut pénible pour moi de tenter d'aimer ce livre ! J'ai essayé, mais l'étincelle est restée morte. Je n'ai pas su entrer dans l'histoire, même les protagonistes n'ont pas réussi à me séduire. J'ai bien aimé les portraits des femmes, des héroïnes sous forme d'étoiles filantes (forcées de s'éteindre, donc). Mais le charme reste fugace, seul persiste un profond sentiment de malaise, très inconfortable, et qui colle aux doigts.
Grosse déception, donc, envers ce roman qui ne récolte que des louanges !
Une autre fois, peut-être...

De Niro's Game

Denoël & D'ailleurs, septembre 2008 - 267 pages -20€
traduit de l'anglais (Canada) par Sophie Voillot

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De Niro's Game

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26 septembre 2008

Le choix des âmes - Olivier Larizza

Comment raconter la petite histoire de ce livre ?
En fait, il faut remonter le temps. Olivier Larizza est l'auteur du roman "Mon père sera de retour pour les vendanges" (Anne Carrière, 2001) que j'ai lu en février 2004 (oui, ça date!). J'avais beaucoup apprécié sa plume et son histoire. C'était déjà à propos de la première guerre mondiale, des Poilus coupés du monde, dans l'enfer des tranchées, déprimés et dégoûtés par le carnage dont ils seront les témoins. Ce petit roman se plaçait du point de vue d'un garçon de 10 ans qui attend le retour de son papa et va lire en cachette de sa mère les lettres qui lui révèlent l'atrocité du conflit.

C'était une approche séduisante et rafraîchissante. Mais Olivier Larizza n'a pas voulu en rester là, il revient sur le sujet de la guerre et des Poilus avec ce nouveau roman : "Le choix des âmes". On n'aura jamais tout dit, tout écrit sur cette prétendue "der des ders". Et c'est bon de ne pas oublier non plus.

Le roman s'ouvre sur cette phrase : "J'ai trente-deux ans et je vais mourir." Elle est prononcée par un soldat qui vit un vrai calvaire. Horloger de son état, installé à Nantes, il a été mobilisé et conduit au Vieil-Armand, une montagne d'Alsace surnommée HWK. Pas peu fier d'avoir tenté d'esquiver l'offensive - l'homme a perdu un doigt lors d'un entraînement  - il s'imaginait exempté pour rentrer chez lui, auprès de Natacha, sa jolie femme venue de Martinique. Mais l'Etat Major n'a eu aucune pitié.

Ce que notre malheureux confie à son carnet est un rapport sur les heures de combat, les pluies d'obus et la menace du gaz, la solitude, l'ennui, le désolement, la maladie et les rats qui galopent à leurs côtés. Vision très sombre et amère d'une guerre qui ne découvrait pas son vrai visage dans les journaux ! Pour le moral des troupes, on mentait, on cachait, on édulcorait. Sur le terrain, les hommes deviennent prêts à tout pour fuir ce gourbi (désertion, auto-mutilation, suicide). Tout plutôt que retourner au combat !

A force de voir ses camarades tombés comme des mouches autour de lui, notre narrateur a fini par craquer et secrètement choisi la date butoire de septembre. Il lui faut trouver une solution, lors de sa trop brève permission - durant laquelle il goûte très peu au retour d'une vie normale - mais il ne souhaite plus retourner sur le mortel HWK.

Confession sinistre, mélancolique, douloureuse d'un soldat perdu dans une lutte à laquelle il n'entend rien.
Ce récit révèle aussi la formidable solidarité entre les gars, l'amitié et les temps forts, quelques miettes de bonheur grapillées un peu honteusement. Mais l'instinct de survie trône.
Motivé par l'écriture de ce journal, tel un exutoire, le narrateur se découvre le goût de partager et raconter son histoire, en même temps que la fibre paternelle naît en lui.

Le Choix des âmes, qui paraît quelques semaines avant le 90e anniversaire de l’armistice de la Première Guerre mondiale, jette la lumière sur ce site hallucinant, classé monument national au même titre que Verdun et pourtant peu connu, où plus de 60 000 soldats français ou allemands ont trouvé la mort. C’est que son souvenir a toujours gardé quelque chose de tabou, tant la guerre y a éclaté dans sa logique la plus absurde. Source : Anne Carrière

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Un extrait, très convaincant sur la morosité ambiante, la rage teintée de désespoir de cet homme, résolu et lucide :

"Je ne sais pas si je dois persister à raconter cette guerre, à me perdre dans ses méandres, à nommer l'innommable. Parfois je me convaincs de ne coucher sur le papier que les moments agréables, les instants de joie, les rires et les nostalgies heureuses, les regards emplis d'émotions telles des ombres en duel... J'écris pour me soulager mais également, et surtout, pour qu'on me lise, plus tard. Je veux être lu, compris, aimé. Je veux qu'on se souvienne de moi et de ce que je pouvais faire de mon coeur, de mes neufs doigts : de la dentelle. De celle que je tresse avec la dixième phalange, qui m'est la plus chère : ma plume.

Ca fait bien longtemps, néanmoins, que je ne crois plus à la postérité. La postérité a été inventée pour les gens comme moi, comme nous, petits hommes bleus. Elle a été créée pour les esprits trop vifs ou trop rebelles ou trop gourmands d'une existence empêchée : dans le but de leur faire admettre qu'ils ne perdent rien à rater leur présent, à gâcher leur vie réelle, puisqu'une autre la prolongera, qui aurait la beauté de l'éternité. Ces salades, je ne les gobe plus ! Que ce soit en religion, sciences guerrières ou même littérature, je ne crois plus du tout à la postérité, je m'en fous ! D'abord, aucun corps ne peut profiter de sa prolongation spirituelle. Ensuite la postérité dépend de la survie de l'humanité et de sa bienveillance, or les deux me semblent salement compromises. La postérité est une imposture."

Le choix des âmes

Anne Carrière, septembre 2008 - 256 pages - 18€

Merci l'auteur !

 

25 septembre 2008

Les armées - Evelio Rosero

Ismael, un vieil homme, professeur à la retraite, passe son temps dans le verger à reluquer sa voisine, Geraldina. Elle est belle, sensuelle, prend des bains de soleil complètement nue, tandis que son mari, le Brésilien, joue de la musique. Leur fils et Gracielita, la petite cuisinière, courent dans le jardin en poussant de grands éclats de rire. C'est une image idyllique et surréaliste, un peu figée dans le temps. Car tout va être soufflé.

Nous sommes à San José, un village paisible situé à l'orée d'une forêt colombienne. La guerre n'est pas loin, narcotrafic et armée, guérilla et paramilitaires. On déplore des disparitions, des enlèvements. Toute la jeunesse a fui, il ne reste plus que les anciens, les irréductibles. On se retrouve chez l'un ou l'autre, pour des cérémonies teintées de jérémiades, de sermons et grisées par les victuailles et l'alcool. On attend, on prie. Ismael, lui, a mal au genou et se rend chez son vieil ami, le guérisseur Claudino.

Et puis, un matin de bonne heure, un nouvel éclat frappe la communauté de San José, secouée, retournée et hébétée. Tandis que Ismael cherche son épouse Otilia, partie à sa propre recherche, le village se transforme en corridor de violences. De nouveaux kidnappings vont avoir lieu, des rançons faramineuses demandées, Ismael perd la tête, faute à  la vieillesse, la tristesse, le désespoir.

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Il faut absolument lire ce roman ! Il est étonnant. L'auteur a évité les solutions faciles pour raconter son histoire, usant d'une plume langoureuse pour décrire ce qui semble être un petit paradis terrestre. On suit un homme usé, qui va perdre la mémoire et la raison à force d'être confronté au chaos. Ce n'est qu'entre les lignes qu'on perçoit les tragédies, avec les disparitions et les rapts qui touchent toutes les familles de ce village tranquille. On aimerait être bercé par l'illusion de sensualité, mais tout ceci n'est que le calme avant la tempête. On plonge dans un désordre monstre sans flairer le coup. Il plane toutefois dans l'air un sentiment de statu-quo, de désorganisation, d'impuissance, mais on s'accroche comme ces villageois à ce lopin de terre, à l'espérance d'un retour imminent de ceux qui manquent.

Le contraste est énorme, le récit décrit une situation catastrophique mais évite les écueils. Le style sensuel laissera place à un rythme syncopé. Le sursis est immense, et on suit l'évolution par le regard d'un vieillard, ce qui casse toute impression d'héroïsme et de vaillance. Ismael n'en peut plus, il est au bout du rouleau. Lui qui aimait regarder les femmes devient spectateur d'un carnage sans solution, et ça le brise. Ce récit bref de 155 pages est cru, virulent mais le cache admirablement derrière l'apparente sérénité. C'est bluffant.

Les Armées

Métailié, août 2008 - 155 pages - 17€
traduit de l'espagnol (Colombie) par François Gaudry
titre vo : Los Ejercitos

D'autres avis : PapillonEssel

Ce livre a reçu le premier Prix Tusquets à Guadalajara en 2006, dont le jury était présidé par Alberto Manguel.

  • Les premières lignes

 

C'était comme ça : chez le Brésilien les perroquets riaient tout le temps, je les entendais du mur de mon verger, grimpé sur l'échelle où je cueillais des oranges que je jetais dans un grand panier de palme. De temps à autre je sentais dans mon dos les trois chats qui m'observaient, perchés dans les amandiers. Que me disaient-ils ? Rien, je ne les compre­nais pas. Un peu plus loin, ma femme donnait à manger aux poissons du bassin, nous vieillissions ainsi, elle et moi, les poissons et les chats, mais ma femme et les poissons, que me disaient-ils ? Rien, je ne les comprenais pas.
Le soleil commençait à briller.
La femme du Brésilien, la svelte Geraldina, cherchait la chaleur sur sa terrasse, complètement nue, allongée à plat ventre sur un couvre-lit rouge à fleurs. Près d'elle, à l'ombre rafraîchissante d'un kapokier, les mains énormes du Brési­lien effleuraient sagement sa guitare et sa voix se mêlait, placide et insistante, au doux gloussement des perroquets. Ainsi s'écoulaient les heures sur cette terrasse, au soleil et en musique.
Dans la cuisine, la belle petite cuisinière - on l'appelait la Gracielita - faisait la vaisselle, juchée sur un escabeau jaune. Je la voyais par la fenêtre sans vitre de la cuisine donnant sur le jardin. A son insu elle roulait des hanches en lavant les plats; sous sa courte robe d'un blanc éclatant, chaque partie de son corps se dandinait au rythme frénétique et consciencieux de la besogne : assiettes et tasses étincelaient entre ses mains brunes, de temps en temps surgissait un couteau à dents, brillant et joyeux, mais comme ensanglanté.

 

24 septembre 2008

Le miroir des ombres - Brigitte Aubert

Nous sommes en 1891, Louis Denfert est reporter au Petit Eclaireur. Envoyé par son chef à Dijon, il doit enquêter sur l'affaire criminelle qui fait scandale : le corps d'une gouvernante anglaise, Mathilda Courray, 32 ans, vient d'être découvert, découpé en petits morceaux, dans le train de nuit Paris-Marseille. A peine arrivé sur les lieux, Louis est victime d'une agression et doit la vie sauve à un certain Emile Germain, ancien baroudeur revenu d'Asie. Dans la bataille, notre journaliste a perdu son carnet de notes. Plutôt étrange ! Un calepin contre un portefeuille ? Denfert n'a pas fini d'en voir de toutes les couleurs, il s'embarque pour Leeds pour mieux cerner la personnalité de la femme décédée, et dans le même temps il apprend la disparition d'un inventeur franco-anglais survenu un an auparavant, dans le même train. Ce type aurait eu des accointances avec Mathilda Courray, en plus d'avoir appartenu à une loge maçonnique.

D'autres révélations inattendues vont poindre au cours de ces 370 pages rythmnées, rafraîchissantes et exécutées avec virtuosité. L'enquête est entraînante, digne d'un roman-feuilleton (très à la mode, au 19ème siècle !). L'impression d'une fidèle reproduction est flagrante, tant dans le décor que dans les personnages. Et déceler le vrai du faux devient un véritable challenge, Jack the Ripper ou Mr Hyde, et puis cet homme qui rôde dans l'ombre, dont le sourire animal fiche la frousse... Beaucoup de verve dans la plume, cette nouvelle série dépeint un siècle élégant et inquiétant, fait intervenir la scène littéraire et artistique de l'époque (Schwob, Rostand, Conan Doyle, Degas) et introduit même le cinéma ! C'est enlevé, vif, éclatant. Une liqueur tonifiante, un peu lourde aussi, tant l'auteur a vrai de vrai bûché son sujet (trop de cumul des détails, par exemple, cela casse le rythme et donne le sentiment d'un catalogue !).

Page de présentation de l'éditeur, avec 1er chapitre à télécharger

10-18, septembre 2008 - coll. Grands Détectives - 370 pages / 8,60€

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23 septembre 2008

Jane Austen et moi - Emma Campbell Webster

Conditions requises : 1°) aimer Jane Austen  -  2°) avoir énormément d'humour !
Votre mission : trouver le mari idéal.
Vos armes : un bel esprit, un physique acceptable, de la jugeotte.
Vos failles : une famille croqueuse de dots.
Sur ce, chaussez vos plus belles bottines en nankin, gantez vos mains et sortez chapeaux et parures de coquette... Netherfield vient d'ouvrir ses portes, la chasse est ouverte !

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Première impression : on s'y croirait ! Ceci semble être, de prime abord, une relecture de Pride & Prejudice saupoudrée de bonne humeur et de facétie. Vous êtes Elizabeth Bennet, vous rencontrez Darcy et vous le détestez d'office, vexée comme un pou d'avoir été jugée 'passable'. De son côté, votre soeur Jane s'est amourachée du tenant de Netherfield et, par faute de la rouerie de votre mère, se trouve coincée chez lui, sous la couette, avec une grippe carabinée. Cela dépasse votre entendement et vous vous rendez sur le champ chez votre voisin pour lui tenir compagnie.
La mission peut commencer.
Et pour moi, elle débute très mal. Pour ne pas dire, lamentablement ! Je suis renvoyée à mes fourneaux, paf, c'est fini. J'ai échoué. Oui, d'entrée de jeu ! Je ne dévoile pas comment, ni pourquoi. Mais j'ai beaucoup rigolé de cette déveine.
Allez, je rejoue aussitôt et opte pour l'autre option - qui ne repose que sur un pur hasard, ceci dit en passant. Vous choisissez ci ou ça, et vous vous rendez page x . J'ai toujours adoré ce genre de jeu littéraire. Enfant, j'étais friande de ces livres dont vous êtes le héros. Quelques années plus tard, j'aime toujours autant !
C'est franchement très drôle. Vous menez votre petite barque, si vous êtes un tantinet maligne, vous louvoyez avec aisance pour mieux atteindre votre but. Toujours pour ma pomme, je n'ai fait que collectionner les mauvaises décisions (je suis définitivement une courge en broderie, en danse et je suis une piètre musicienne !). Définitivement, pas bonne à marier.
Mais je persévère... pour ne pas dire que je triche ! :))
Et ma petite aventure se poursuit drôlement, et avec bonheur. Je croise un appétissant Mr Lefroy, me fourvoie à lui donner ma main, mon manque de fortune m'obligera à la reprendre. Grrr. Je poursuis, je cours, je feuillette comme une folle... Darcy, ô Darcy, où es-tu ?
Vous êtes Elizabeth Bennet, ne l'oubliez pas !
De passage dans le Kent, vous retrouvez son exquise compagnie... toujours planquée derrière son Bouclier d'Orgueil (que vous rêvez de percer!). La soirée chez Lady Catherine est un must ! Les dialogues sont vifs, de vrais balles de ping-pong. Pour un peu, vous imaginez avoir ensorcellé le bellâtre. Or, les jours suivants, vous apprenez que Darcy a brisé le coeur de votre soeur chérie et lui en voulez fermement. Sa déclaration pataude tombe à l'eau... Allez-vous accepter ou refuser ? Le sort de votre mission en dépend.
(Et là je rigole dans ma barbe, forte d'un tour de passe-passe qui ferait rougir tout prestidigitateur !)

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Ce livre a un potentiel en matière de dérision, c'est hallucinant ! Ce serait mentir que prétendre ne pas aimer ! Je n'ai fait que jouer de mésaventures et de malchances du début à la fin, d'ailleurs je finis par épouser Wickham - ce qui n'était pas du tout dans mes intentions !
Le truc, avec ce livre pétillant, c'est de ne pas faire sa capricieuse et de ne jamais chercher à modifier les grandes lignes de l'intrigue. Si vous vous tenez au scénario de base, vous atteindrez forcément votre but (Darcy ! Darcy ! Darcy !). Or, si l'envie de titiller l'histoire déjà connue vous saute à la gorge, vous serez également la victime d'une histoire à l'ampleur romanesque incontrôlable ! Imaginez croiser Knightley, le colonel Brandon ou même le capitaine Wentworth dans cette campagne anglaise que vous parcourez avec votre charme irrésistible - c'est bien simple : ils veulent tous vous épouser !
Elizabeth perd la tête, ne sait plus à qui donner son coeur. Après une énième tentative, j'épouse Knightley ! Emma Woodehouse, c'est moi. Et Darcy est à rayer de ma carte aux prétentions, définitivement pas de mon acabit - je rêve !

Je retiens de ce livre une lecture éclatante. Et ce qui est bien, c'est qu'on peut le lire et le relire sous toutes les formes, jamais on n'obtient la même histoire - ce qui augure d'autres longues heures de plaisir en perspective.
A noter : cette édition française est agrémentée des illustrations de Pénélope Bagieu.

Editions Danger Public, septembre 2008 - 380 pages - 22€
traduit de l'anglais par Sylvie Doizelet
titre v.o : Lost in Austen : Create your own Jane Austen adventure

L'avis de Francesca

22 septembre 2008

L'excuse - Julie Wolkenstein

Je tâtonne pour parler de ce livre, parce qu'il est remarquable et trouver les bons mots pour le décrire n'est pas chose facile ! Pour le résumer en quelques mots, dirons-nous, ceci n'est pas qu'un roman, c'est une enquête littéraire, un jeu de pistes. On suit l'héroïne - Lise Beaufort - dans sa collecte de sources (ou ressources) cachées lorsqu'elle prend possession de son héritage : une maison sur l'île de Martha's Vineyard, léguée par son cousin Nick, après le décès de la tante Françoise. Elle va y découvrir trois boîtes remplies de photos, de cassettes et d'un manuscrit intitulé Déjà-Vu.

Ce récit, écrit par Nick, entend démontrer que la vie de Lise a été copiée sur celle d'Isabel Archel, l'héroïne du roman de Henry James - Portrait of a Lady. Une relecture s'impose, décortiquant point par point ce fait avéré par Nick. De son côté, Lise pinaille. Elle lit cette longue dissertation en prenant des pauses, le temps de fumer, de boire du champagne et de flirter avec le skipper. Elle songe, soupèse et complète les passages brumeux. Car ils sont nombreux - Nick a beau prétendre avoir joué le rôle du cousin Ralph, secrètement amoureux d'Isabel Archer, il n'est pas autant l'observateur avisé et confiant !

A sa façon, Lise veut lui rappeller qu'il se trompe. Elle rembobine le film de sa jeunesse - exilée française, orpheline et riche d'un joli pécule, érudite, prétentieuse et effrontée, elle n'a jamais cessé de tracer son bonhomme de chemin par la force de son indépendance, son audace et son amour pour un certain Gilles (Gilbert Osmond ?). Au diable les coincidences - la maladie de Nick / Ralph Touchett ; la rencontre avec Marie / Madame Merle ; l'adoption d'Alabama / Pansy et l'inclination de Charles / Lord Warburton. Et j'en passe !

L'exposé de Nick est prodigieux, éloquent et tient parfaitement la route. La contre-attaque de Lise est à la hauteur de la verve de cette femme sensationnelle. Nos deux protagonistes sont quasiment ex-aequo. Et pourtant, l'histoire va connaître un singulier rebondissement : prise de doutes, Lise va vérifier si sa vie a vraiment été écrite par un autre, et si elle n'a fait que subir cette histoire, malgré elle.

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L'Excuse est un incroyable roman à tiroirs ; c'est un brillant exercice de style, un commentaire de texte instruit, le portrait d'une femme par le truchement d'une figure fictive, une chasse au trésor littéraire, une chronique sociale au charme Fitzgeraldien. C'est limpide, cultivé, mélancolique, construit comme un vrai labyrinthe, on aime s'y perdre, tracer son chemin, suivre des sentiers battus et battre la mesure avec ravissement. On sort étourdi, mais ravi.

Julie Wolkenstein, professeur de littérature comparée, auteur de l'essai "La Scène Européenne, Henry James et le romanesque en question" * met en application des années de passion au service de la littérature grâce à ce roman captivant et exceptionnel.

Je vous le recommande fortement !

Question subsidiaire : Faut-il avoir lu James dans sa vie pour plonger dans ce livre ? Je vous le conseille, chers amis lecteurs, mais ce n'est pas obligé que cette lecture remonte à la veille non plus. ;o)

L'Excuse

P.O.L, août 2008 - 345 pages - 20€

* éditions Honoré Champion, 2000.

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