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Chez Clarabel

12 janvier 2009

Juste pour le plaisir - Mercedes Deambrosis

Ce n'est pas facile de trouver les mots pour ce roman, mais une chose est sûre : il est bon, très bon !

Au début, au risque de s'y perdre, on s'accroche, on suit à travers les époques et les lieux différents plusieurs personnages en de courts chapitres qui se suivent sans relâche, à vous donner le tournis. Il y a par exemple un commissaire avec quelques années en plus, qui n'oublie pas une affaire douloureuse survenue pendant la guerre, avec le meurtre de trois jeunes filles qui étaient des voisines à Montreuil. Le dossier a été trop vite rangé dans les placards, cela continue de le hanter. Eté 1942, la famille Meïer est arrêtée pendant la rafle du Vel d'Hiv, sur simple dénonciation - pense la mère, un peu dégoûtée de confier les clefs de son appartement au mari de sa bonne, Germaine, qui ne donne plus de nouvelles. Il y a aussi un homme brun, une anguille ou un caméléon, on le voit se faufiler sur tous les sites en ruine et en guerre, il n'a pas de patrie, il n'a aucune moralité, ce type appelé Zacharie file des frissons dans le dos. Fin des années 80, en Allemagne, dans une tour abandonnée de tous, est retenu un prisonnier hors du commun, un criminel de guerre jugé à Nuremberg - un certain Rudolf Hess.

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J'ai déjà lu deux livres de Mercedes Deambrosis, qui est d'origine espagnole mais écrit en français. L'un était un roman léger, acide et amer, sur deux copines qui se retrouvaient après bien des années, elles s'arrêtent prendre un verre et papotent allègrement, et la conversation vire doucement à l'aigreur, attention aux révélations finales qui font bing bang boum. (cf. Un après-midi avec Rock Hudson). L'autre était un recueil de nouvelles dans lequel l'auteur n'hésitait pas à régler quelques comptes avec son pays à l'histoire douloureuse, meurtrie par une guerre civile, et soldée par une tuerie inutile et bête. Comme souvent dans toutes les guerres. (cf. La promenade des délices).

Ce que j'ai souvent constaté chez Mercedes Deambrosis, c'est de pouvoir calfeutrer les dénonciations sous un vernis de douceurs et de paroles gentilles, le genre de politesses glissées dans un sourire, et pourtant elles ne font pas dans la dentelle. Avec ce roman, Juste pour le plaisir, on assiste à un livre « qui a le rythme d'un thriller », un vrai roman noir, où la palette des personnages réunit des gens laids, fourbes, arrivistes, ou opprimés, violentés, bafoués, (« petites gens, salauds, trouillards, naïfs, crapules, femmes violentes, femmes écrasées »). Des bourreaux et des victimes. Des menteurs et des héros. Les périodes les plus troubles révèlent les âmes les plus sombres.

C'est comme un puzzle immense qu'on bricole en plus de 400 pages, et cela tournicote pendant longtemps. Cela a trait à la guerre, à l'occupation et à la collaboration, et par-dessus tout, aux actes des hommes, du commun des mortels sous la couche duquel peut dormir un dangereux tortionnaire. C'est stressant, curieux, d'une absolue et irrésistible cruauté. C'est très bon. 

Buchet Chastel, 2009 - 461 pages - 21€

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11 janvier 2009

Le soir autour des maisons - Murielle Levraud

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L'histoire s'ouvre sur un paquet de café, de bon matin, la figure enfarinée, et l'attitude outrée. Il y a le couple Solange - Paulet, elle est toute discrétion, il a un balai coincé dans le postérieur. Elle ne vit que pour lui, s'efface mais s'étiole. Heureusement son amitié pour Brune-Olive la tire de son quotidien terriblement ordinaire. Elles sont régulièrement aperçues toutes deux bras dessus bras dessous dans la forêt, elles pouffent comme deux gamines, Solange est heureuse. Son amie est une femme forte, au tempérament bien trempé. Elle est mariée à Roland, un ancien taulard, désormais passionné de pêche.

La petite vie à La Garde, tranquille bourgade, est un cocon pour ses habitants, on y croise aussi le couple Diane et Josefa, autres figures emblématiques. L'une est un peu siphonnée, suite au passage de la remorque et de la comète et des deux "m". Elle a été prise sous l'aile de sa voisine d'en face, au grand dam de l'époux qui piaffe, car le temps passant, la voisine refuse que l'épouse regagne son foyer, sous prétexte qu'elle est toujours fragile...

Cela grince joliment dans ce roman, quand arrive le drame. Brune-Olive apprend une douloureuse nouvelle, elle a peu de temps pour agir et écrit deux cartons de lettres à envoyer pour faire semblant, pour après, comme si la vie allait continuer de couler paisible. 

C'est un très joli roman, pas long, qui est tendre et attendrissant. Jamais il ne se prend au sérieux, il met en scène des personnages colorés et attachants, le tout sur une note pleine de verve.

Vous obtenez ainsi une histoire délicieusement déjantée, mais pas loufoque. Cela ressemble davantage à une comédie vaudevillesque, pas trop lourde et bien digeste. On se régale, c'est parfait pour la détente et puis ça change des ambiances moroses. De la douceur, de la légèreté, c'est bien aussi.

Julliard, 2009 - 148 pages - 17€

 

L'éditeur le dit très bien : On ne s'ennuie jamais avec Murielle Levraud. Dans cette comédie farfelue, elle multiplie pour notre plus grand plaisir les situations invraisemblables, les quiproquos surréalistes et les coups de théâtre réjouissants. De son écriture enjouée qui regorge d'ingénieuses trouvailles, Murielle Levraud compose un univers naïf (au sens pictural du terme), ludique, enfantin et léger (même lorsqu'il s'agit d'y dépeindre des sujets graves) qui n'appartient qu'à elle.

Pour moi, cela ressemble à du Barbara Constantine.

Du même auteur, son premier roman est disponible en poche (pocket, 2007) : N'allez pas croire qu'ailleurs l'herbe soit plus verte... : Elle est plus loin et puis c'est tout

Précommandez : Le Soir Autour des Maisons

10 janvier 2009

Seul dans le noir - Paul Auster

seul_dans_le_noirD'abord je tiens à saluer la très belle couverture du roman, des lettres noires sur fond rouge, une impression hivernale, quelques flocons et la solitude, au bout, avec la frêle silhouette d'arbres nus... Déjà je me sens dans l'ambiance, cordialement invitée et je m'installe.

August Brill, ancien critique littéraire à la retraite, est cloué dans un fauteuil roulant après un accident. Il vit chez sa fille Miriam, depuis la mort de son épouse, et passe ses journées à regarder des tonnes de films avec Katya, sa petite-fille qui a le coeur brisé. Son ex-fiancé est mort, il s'est fait tuer en partant à la guerre. Miriam est aussi inconsolable, cinq ans après son divorce. Parmi elles, August assume ainsi son rôle de tampon, il est présent, il écoute, il essuie les petites larmes, puis à son tour, seul dans sa chambre, dans le noir, il s'apitoie sur son triste sort. Sa biographie est laissée à l'abandon, il ne veut plus raconter sa vie et préfère créer des histoires dans sa tête. Apparaît alors Owen Brick, un magicien new-yorkais qui a bientôt 30 ans. Il est marié à Flora, ils s'aiment, se disputent, et ils veulent un bébé. Un matin Owen se réveille et découvre qu'il est dans une autre Amérique, un pays en pleine guerre civile, mais qui n'a jamais été frappé par le 11 septembre. Owen retrouve un ancien amour de jeunesse, mais apprend également qu'il a une mission pour sortir l'Amérique de l'enfer, il va retrouver Flora et sa petite vie ordinaire, en échange il devra tuer son créateur.

Et cela continue de fourmiller de partout, des petites histoires et des anecdotes, des clins d'oeil aussi. C'est de la vraie fiction, ou une leçon par excellence pour mettre les pendules à l'heure : voilà comment on embarque un lecteur, voilà comment la folle du logis entre en action, et voilà comment on mène celui qui suit par le bout du nez. Paul Auster est un maître, il ne pose pas, il raconte et cela fait toute la différence. C'est moins enlevé et plus mélancolique que jamais, influencé par la guerre et les récits de pertes, de drames et de conséquences irrémédiables. En revanche c'est aussi un texte éclairé, sensible, intelligent.

On a souvent l'impression de sauter du coq à l'âne, d'avoir plusieurs histoires dans un seul roman, au risque de paraître entortillé. A mon goût c'est une sensation de vagabondage plaisante. Rien n'est linéaire, cela casse la routine. C'est sans cesse surprenant, parfois désappointant. La façon de couper court au chapitre d'Owen Brill, par exemple, est brutale car elle survient lorsque cela devient capital. Là, j'avoue que c'est un peu dommage... mais pas le temps de s'émouvoir, on rebondit déjà sur une autre aventure, un nouveau chapitre, on fait la connaissance d'autres personnalités auxquelles on s'intéresse à nouveau. Bref, c'est à ces petits détails qu'on reconnaît un grand souffle romanesque, non ?

Très bon roman, qui vous embarque et qui sait raconter une vraie histoire. A conseiller fortement.   

Actes Sud, 2009 - 324 pages - 19,50€
traduit de l'anglais (USA) par Christine Le Boeuf
 

9 janvier 2009

L'homme sans lumière - Richard Andrieux

418S7fqKBPL__SS500_C'est l'histoire d'un homme triste et usé - il s'appelle Gilbert. Il vit seul, sa compagne vient de le quitter, après 7 ans d'une liaison sans saveur ni odeur. Aujourd'hui Gilbert a choisi d'écrire pour décharger le poids de son fardeau, soulager sa rancoeur, libérer son trop-plein de désespoir. Il s'adresse à un inconnu, croisé dans la rue, aperçu dans un café, suivi au cimetière, observé à la loupe. Gilbert sait pratiquement tout de cet individu, son train-train quotidien, son passé, celui du père collabo, sa solitude et son veuvage. Pas de doute, c'est un compagnon d'infortune. Gilbert peut lui écrire, tout lui dire, cet homme va comprendre. Ils ont des points communs, et seules deux années les séparent. Ils sont vieux avant l'heure, accablés et dégoûtés.

C'est l'histoire d'un petit homme qui a toujours eu peur, qui n'a jamais su briller. C'est un roman composé de lettres envoyées dans le vide, sans accusé de réception. Ce sont des balles perdues, dégainées comme pour clamer tout ce qui fait horreur, pour « cracher sur ce monde qui est aussi laid que lui ». C'est une vision sombre, pleine d'amertume et rongée par le désespoir, d'un homme cassé, brisé et sans illusion. Jusqu'au bout, on attend qui répondra à ses lettres. Existe-t-il, cet alter ego, cet inconnu compatissant ? Lui, Gilbert, n'a jamais cessé de « vomir sur ces gens qui se disent généreux, sur ces princes du paraître, sur ceux qui se couchent tous les soirs en tremblant sous des draps en soie maculés de la peur de tout perdre ». On ne se brise pas les côtes à trop rire, ce texte n'est pas follement réjouissant. Gilbert nous saisit vite par la gorge pour nous plonger dans son univers. Impudique, mais touchant. Presque insoutenable. Richard Andrieux n'a pas la prétention d'être le bouffon de service, on l'a bien compris.

Editions Héloïse d'Ormesson, 2009 - 128 pages - 16€
Son roman « José » sera disponible en poche, chez Pocket, début février 2009.

« Il y a des gens comme ça qui vous donnent l'impression que leur vie est une évidence heureuse. Comme si pour eux le seul fait de vivre, de respirer, suffisait pour que chaque instant ait un sens. On dirait qu'ils n'ont besoin de rien pour se sentir bien. Comment font-ils ?
La vie n'est faite que pour les gens heureux. »

8 janvier 2009

Des vents contraires - Olivier Adam

vents_contrairesUn homme seul avec ses deux enfants choisit de reprendre tout à zéro en s'installant près de la mer, à Saint Malo. Qu'est-il arrivé dans sa vie pour que Paul soit cassé, le dos en compote, les nerfs à vif, le coeur au bord des lèvres ?

C'est l'histoire d'une femme, Sarah, qui a disparu. Cela fait un an maintenant. Personne n'en parle, c'est le sujet tabou. A-t-elle tout quitté pour un autre ? Pourquoi abandonner les enfants ? Voulait-elle souffler, s'éloigner pour mieux revenir ? Car Paul n'attend qu'une chose, qu'elle rentre. Que la vie d'avant reprenne. Que son fils Clément retrouve le sourire. Que sa petite Manon cesse de pleurnicher à la moindre contrariété. Ils sont trop jeunes, ils posent des questions qui n'espèrent aucune réponse. Car comment expliquer ce qui ne s'explique pas ? Sarah est partie.

Le roman pèse lourd, sur cette présence fantôme, sur le trio qui se serre les coudes, sur la vie en général qui n'offre pas d'alternative. Paul a pensé s'offrir une seconde chance, et du répit en bonus. Il a trouvé refuge auprès de son frère et de son épouse, il donne des leçons pour l'auto-école. Il est un peu comme un Superman, il attire les âmes déboussolées et veut les aider comme il peut. Mais il fait trop, pour tout le monde. Et ainsi, il ne fait pas toujours bien. Avec ses enfants, il est le bon papa gâteau. Il console, supporte, écoute, cajole. Il ne gronde pas. Il se veut comme un mur infranchissable, solide et inébranlable. Or, un matin, il risque d'apprendre comme Buzz l'éclair qu'il n'est qu'un jouet. Juste vulnérable.

Ce n'est vraiment pas la joie. L'un des personnages dans le roman dit à Paul, qui est un écrivain en panne sèche, que ses romans sont « geignards, mais c'est pas mal ». Cette petite phrase m'a fait sourire. Je suis une grande fidèle d'Olivier Adam, mais hélas je commence à avoir de plus en plus de mal à le lire. C'est tellement déprimant, même si c'est toujours bien écrit, tiré vers le haut, de façon remarquable. Malgré tout, et malgré moi, cela fait l'effet d'une enclume qui vous tombe dans le ventre, et vous cloue au sol.

Ce roman est douloureux, il a des accents mélancoliques, qui flirtent entre le désespoir et l'impuissance. L'histoire est triste, très triste. Pleine de détresse, avec des personnages sur la corde raide. Tout est à fleur de peau, les pères sont cabossés, les femmes sont quasi inexistantes. Et l'amour, dans tout ça ? Il s'inscrit partout, dans chaque geste de Paul pour ses enfants. Mais cela ne permet pas d'aérer le climat pesant. Heureusement il y a la mer, autre bouffée d'oxygène, elle s'étend sous nos yeux, elle brille, elle nous éblouit. Cela n'efface pas l'angoisse, les nuits sans sommeil, l'alcool noyé dans le sang, la mère disparue. C'est un sauve-qui-peut. La fin du roman nous tend une autre bouée de sauvetage, et étrangement c'est lorsque les questions trouvent enfin leurs réponses qu'on comprend que ça ne résoud rien. Que la tristesse est toujours là, elle ne s'atténue pas.

(Avis chagrin pour un roman compatissant... je me sens toute grise à l'intérieur ! Brrr.)   

Editions de l'Olivier, 2009 - 255 pages - 20€

 

 

 

 

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7 janvier 2009

A contretemps - Jean Philippe Blondel

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Hugo, dix-huit ans et le bac en poche, choisit Paris pour suivre des études de lettres. Il trouve un toit chez un homme qui vit seul, Jean Debat. Un monsieur discret, souvent absent, et taciturne, qui vilipende la littérature, le romanesque et tutti quanti. Hugo est déboussolé, lui qui ne vit que pour sa passion de la lecture, il trouve son logeur secret. Limite inquiétant par son déni farouche. Cela n'empêchera pas Hugo de faire doucement son trou dans sa nouvelle vie, il trouve un petit boulot, rencontre une chérie, se lie d'amitié avec Michèle, une super libraire. Il rentre chez lui pour dormir, entre Jean et lui c'est le coup de vent.

Un dimanche matin, tout change. Son logeur sort de ses gonds en apercevant Marine, la petite amie du garçon. Il est temps d'avoir une discussion franche, entre quatre yeux. Mais cela dépasse la simple intrusion du sexe féminin dans cet appartement coupé du reste du monde, en fait Hugo va découvrir le passé de Jean.

Ce roman est clairement destiné « à tous ceux pour qui la littérature est cette étrange life-supporting machine, comme disent les Anglais, ce refuge qui permet de rester en vie  ». C'est un Jean-Philippe Blondel grand lecteur qu'on cerne dans ce roman, un amoureux des livres, qui comprend et partage ce que représente la plongée dans un univers de fiction. Savez-vous par exemple qu'un grand lecteur peut souffrir de porosité ? Et je ne parle pas de la frustration sexuelle qui expliquerait pourquoi on adhère à une histoire qu'on nous raconte... C'est ainsi truffé de petites répliques tantôt drôles ou étonnantes, tantôt déconcertantes et ronflantes. C'est à voir.

J'ai curieusement été moins sensible au spleen de l'écrivain raté, celui qui a cru et s'est cassé les dents. Cela devient un peu trop long et étouffant, les piques acerbes étant proprement dégainées pour souligner l'hostilité de celui qui a été oublié. Toutefois on touche davantage à l'ego frustré, et je ne suis pas compatissante. On peut ensuite s'intéresser à la relation complice entre l'étudiant et l'homme bougon. Oui, complice... car ces deux-là vont finir par s'apprécier, et s'apprécient déjà sans se douter. Ils s'agacent, parce qu'ils se reconnaissent l'un dans l'autre. C'est plutôt mignon.

En fait, j'ai clairement deux gros penchants dans ce livre : Michèle, une libraire exceptionnelle, unique, incomparable, et l'importance de la lecture dans la vie. Comme l'écrit le narrateur, c'est « ma dose ». On se comprend... 

Robert Laffont, 2009 - 240 pages - 19€

 

 

Acheter : A Contretemps, de Jean-Philippe Blondel

6 janvier 2009

Le courage du papillon - Norma Fox Mazer

9782226189523C'est un joli roman, comme sa couverture aux allures printanières, qui cache bien son jeu. C'est l'histoire d'une famille avec cinq filles aux prénoms qui sortent de l'ordinaire - Beauty, Mim, Faithful, Fancy et Autumn. Unies comme les doigts de la main. Elles se soutiennent, se chamaillent, sont pratiquement inséparables, s'élèvent entre elles (les parents sont transparents, pour ne pas dire incompétents).

Elles ne le savent pas, elles passent tous les jours à côté, mais un individu les observe. Il les frôle, il les écoute, il suit leur vie. Seul le lecteur est dans la confidence. Et cette connivence est bien évidemment déplacée, dérangeante, crispante. La menace plane, s'infiltre dans chaque chapitre qu'une volée de papillons orne. C'est charmant, et pourtant... L'histoire prend le temps de raconter qui elles sont et comment cela se produit. Quoi, « cela »  ? L'événement. La coupure. Le passage à l'acte.

C'est terrifiant. Mais pas seulement. Il y a dans la façon de présenter les filles Herbert une grande tendresse et une certaine originalité. C'est une famille aux bras cassés, une fatrie avec des faux airs de la tribu March (on y retrouve par exemple le « prêt » de l'une des filles pour une vieille tante qui vit seule dans sa grande maison, en échange elle participera aux frais de dentiste etc.). Mais il ne faudrait pas trop vite croire qu'on baigne dans du Louisa May Alcott, on en est loin. Les demoiselles ont la langue bien pendue, elles s'apostrophent, s'insultent, elles s'aiment beaucoup aussi. C'est un cocon, couvé par un souffle moderne et impertinent. Un peu à la façon des Quatre Soeurs, de Malika Ferdjoukh. Mais ça suffit les comparaisons. En fait, on y trouve en commun ce sens de la famille, de troupe serrée et solidaire, sans mièvrerie.

Pour le reste, on plonge un peu dans l'enfer, dans l'attente et dans la peur. Comme dit simplement la petite Fancy, c'est une histoire « drôle, triste et effrayante ». Ni plus ni moins. J'aime beaucoup ce qu'en dit la présentation de l'éditeur, « l'auteur raconte sur le fil, presque à bout de souffle », « une écriture dense et maîtrisée », « une respiration singulière », « un roman de grâce et d'intelligence ». Tout est dit. Poussez la porte de la curiosité pour y jeter un oeil, ce livre parle de ce qui nous lie et relie en nous bousculant gentiment. Et ça fait son effet !

Très bonne lecture.

Albin Michel, coll. Wiz - 302 pages - 13€
traduit de l'anglais (USA) par Jean Esch

5 janvier 2009

La Couleur de la peur - Malorie Blackman

Si, comme moi, vous souhaitez la surprise, n'attendez pas qu'on vous raconte ce livre, et foncez en toute innocence, vous tomberez des nues !

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Mais si vous êtes d'une nature plus prudente, et aspirez à dépasser cette sombre couverture, bien énigmatique, vous pouvez choisir l'option 2 : je vous résume ce qu'il s'y cache. Accrochez-vous.

Le roman commence dans un train, lors d'une banale sortie scolaire, avec un groupe d'adolescents. Mais très vite, tout bascule, le train déraille et se retrouve suspendu au-dessus d'un précipice. Le jeune Kyle semble être le seul passager indemme. Et alors qu'il parcourt le wagon dévasté, tentant de porter secours à ses camarades inconscients, le récit bascule dans le surnaturel : Kyle se trouve projeté dans l'esprit de ses camarades, au coeur de leurs plus grandes peurs, de leurs pires cauchemars.

Quel impressionnant roman ! C'est un livre qui cherche à procurer des frissons, et c'est réussi, tout en distillant une angoisse permanente, qui jongle sans cesse entre la réalité et les cauchemars. Ces derniers nous mangent à différentes sauces, il y en a 13 au total, on y plonge corps et âme, on les vit et on les quitte brutalement. Argh, c'est frustrant. Puis on retrouve Kyle, adolescent de seize ans, au coeur de son propre cauchemar... après tout, vous vous imaginez dans un train suspendu dans le vide, frisant la folie à force de cogner contre les corps de vos camarades, lesquels sont peut-être morts, au mieux inconscients. Et il y a ce sang, cette odeur de métal, ce grincement de ferraille et cette voix qui lui chuchote dans l'oreille. Mais qu'est-ce que tout cela signifie ?

C'est véritablement une lecture singulière, captivante et menée à train d'enfer (désolée du jeu de mots!), très bien écrite aussi. Cela fouille dans vos sensations, vos peurs, vos pires cauchemars. On y adhère totalement. On tremble, on retient un cri, on tourne les pages avec fébrilité... pensant, très fort, mais que nous réserve-t-on encore. Personnellement j'ai été scotchée, même si au début je n'y comprenais rien, je ne voulais pas en démordre. J'étais déjà happée. Je connaissais Malorie Blackman de nom, et surtout par rapport à sa série qui s'ouvre avec Entre chiens et loups, mais ce roman qu'est La couleur de la peur me la fait découvrir. Je n'hésite plus, je suis accro !

Milan, coll. Macadam - 314 pages - 10,50€
traduit de l'anglais par Amélie Sarn
   

--) d'autres avis : Tvless, Mes Imaginaires,

La chronique de Sophie Pilaire, sur ricochet

4 janvier 2009

L'Eglise des pas perdus - Rosamund Haden

51P4ny_hKiL__SS500_Catherine et Maria sont deux amies que rien ne sépare, malgré les apparences. Elles ont huit ans, l'une est la fille de la cuisinière, elle est noire ; l'autre est la fille du fermier, blanche et intrépide. Nous sommes en Afrique du Sud, sur les terres de l'apartheid. Katie a tout appris à Maria - l'anglais, lire, nager - et a juré de rester amies pour la vie. Les parents en décideront autrement, Catherine suit sa mère et part en Angleterre. Vingt longues années vont passer, et la jeune fille rentre au pays. Or, ses terres appartiennent maintenant au couple Fyncham. Et lorsque Catherine rencontre Tom la première fois, elle en a l'estomac noué. Il est beau, il est mystérieux, il est seul... elle se sent prête à tomber amoureuse, mais avant il faut comprendre. Quel triste sort a connu son père ? Où se trouve Isobel Fyncham ? Que cache Tom derrière ses virées nocturnes et les coups de fil qui crépitent ? Maria a-t-elle des réponses ? Et qui est ce garçon curieux qui rôde près de l'église lorsque la nuit est tombée ?

Ce roman est en fait un voyage, qui vous emmène loin, en Afrique du sud. L'apartheid n'est ici qu'effleuré, car on assiste davantage à une grande histoire d'amitié, d'amour, de passion et de drame. Il y a du charme et du mystère en puissance, beaucoup de sensualité, un paysage d'une beauté à couper le souffle... on s'y croirait. A Hebron, on piétine l'herbe folle dans les koppies, plonge sans frémir depuis un rocher pour se baigner dans l'eau fraîche de l'étang. On boit du whisky, flâne sur la véranda, admire le coucher de soleil et on s'égare sous une pluie d'orage. On vole, on roule fenêtres ouvertes, on danse, on nage, on aime, on se quitte, on tue aussi. C'est intense, il y a du secret derrière la volupté, des larmes derrière les élans du coeur. J'ai vraiment beaucoup aimé.

La musique d'Edmundo Ros envahit l'espace, la magie aussi se faufile par les visions de Maria, et l'ambiance dans l'église ensorcelle parce qu'elle suscite l'étrangeté. Bref, c'est une très belle découverte. Un roman admirable, qui pourrait se prêter à une adaptation cinématographique... j'imagine très bien Tom Fyncham sous les traits de Hugh Jackman (*). Cela peut vous dire combien les images sont très présentes, au coeur du roman ! Et le sentiment de chaleur, entrelacée à la torpeur, vous file des frissons sur tout le corps. Mais pas seulement. Lisez, vous comprendrez. 

(*) C'est pas ma faute... mais celle d'Ori !!!

Livre de poche, 2008 - 280 pages - 6,95€
traduit de l'anglais (Afrique du sud) par Judith Roze

--) Alice vient également de le lire...

et les avis de Brize, Praline, Delphine, Lo, Joëlle, Amanda

Une petite phrase, pour toutes les amoureuses de livres (qui se reconnaîtront) : « Elle est nulle en ménage, vous savez. Elle lit toute la journée. Elle a lu presque tous les livres de la bibliothèque. »

Acheter : L'Eglise des pas perdus

4 janvier 2009

La petite chanson du dimanche (ça faisait longtemps!)

On me dit que l'insouciance
Est un sacré défaut
Moi j'me sens toujours en vacances
Et j'sens le vent sur ma peau

On me dit qu'j'suis jamais d'attaque
Trop molle pour faire quelque chose
Mais moi j'carbure pas au Prozac
Et l'vent me donne les joues roses

{Refrain:}
Un jour j'prendrai le large
J'habiterai avec les poissons
Les baleines et les coquillages
Pas de vague, pas d'hameçon

Quand on m'dit qu'la mode est nouvelle
Le monde est semé d'embûches
Moi je cape mes vieilles bretelles et
J'prends mes ballons de baudruche
On m'dit alors qu'y a des épines
Qui vont t'les faire éclater
Ben moi j'm'appellerai Mélusine
Et j'te les regonflerai

{Refrain}

Quand on m'parle de politique,
J'fais même pas semblant d'comprendre,
J'bois un coup et pour moi j'explique
Que la Terre n'est pas à vendre
Moi dans ma bulle, y a pas d'misère
Y a pas de gens que j'aime pas
Y a pas d'goudron dans mon air
Puisque y a personne d'autre que moi

{Refrain}

En fait on m'dit que j'suis naïve
Que j'devrais faire attention
Mais quand l'âme est à la dérive
Elle s'éloigne des cons

{Refrain}

Pas ces salopes de sirènes
Comme ça, pas d'comparaison
Pas de vomi, pas de gangrène
De l'eau claire et pour de bon
De l'eau claire, pour de bon
De l'eau claire, pour de bon
De l'eau claire et pour de bon.
Paroles Mania

Les baleines / Marie Cherrier

Non seulement j'aime beaucoup cette chanson, parce qu'elle me colle à la peau, mais j'aime aussi la pochette du disque :

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En cliquant dessus, vous pouvez l'écouter en toute légalité.
Il s'agit de son premier album, ni vue ni connue, datant de 2005... et c'est une artiste qui monte : http://www.mariecherrier.com/

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